Les textes sur les zones de non-traitement autour des habitations sont
critiqués de toutes parts. L'association des maires anti-pesticides et
des ONG les attaquent en justice. Les organisations agricoles s'y
opposent mais pour des raisons opposées.
Le collectif des maires anti-pesticides a annoncé, le 21 janvier, le
dépôt d'un recours devant le Conseil d'État contre les textes
réglementant les distances d'épandage des produits phytosanitaires,
publiés le 29 décembre dernier. Il demande également leur suspension au
juge des référés compte tenu de l'urgence de la situation.
Ce dispositif réglementaire, constitué d'un décret et d'un arrêté,
fixe les distances minimales d'épandage des pesticides vis-à-vis des
habitations à 5 mètres pour les cultures basses, 10 mètres pour les
cultures hautes et 20 mètres en cas d'utilisation de produits
cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR). Les deux premières de
ces distances peuvent être réduites à 3 et 5 mètres dans le cadre de
chartes locales et à condition d'utiliser du matériel anti-dérive.
« Aucune protection réelle n'existe »
« Ce décret a prétendument comme objectif d'assurer la protection
des riverains. Mais en réalité, les chartes, dont il est fait état,
n'apportent aucune protection et l'arrêté est tellement laxiste
qu'aucune protection réelle n'existe », estime le collectif,
constitué en décembre, en vue de réunir les maires ayant pris des
arrêtés anti-pesticides. En outre, ces textes sous-entendent que
l'autorité compétente, en la personne de l'État, a agi. Ce qui pourrait
permettre de « supprimer la compétence de droit commun des maires en tant qu'autorité de police », dénonce l'association présidée par Daniel Cueff, maire de Langouët (Îlle-et-Vilaine).
C'est l'arrêté pris par cet élu breton en mai 2019, et qui
interdisait l'utilisation des pesticides à moins de 150 mètres des
habitations et des locaux professionnels, qui a permis de médiatiser ce
combat (33949). Depuis, près d'une centaine de maires ont suivi son exemple même si le texte pris par le maire de Langouët a, depuis, été annulé par la justice administrative.
Le collectif s'appuie sur l'ordonnance du tribunal administratif de
Cergy-Pontoise, rendue le 8 novembre dernier. À la différence de
nombreux autres tribunaux, ce dernier a rejeté la demande
du préfet de suspendre les arrêtés anti-pesticides pris par des maires
de son département, en l'espèce ceux de Sceaux et
Gennevilliers (Hauts-de-Seine). « Il est (…) indispensable que les
maires puissent continuer à intervenir pour réglementer, voire
interdire, l'utilisation des pesticides, au moins des plus toxiques et
du glyphosate », explique Florence Presson, adjointe au maire de Sceaux.
L'association estime que les textes se sont appuyés sur une fausse
interprétation de l'avis de l'Agence nationale de sécurité
sanitaire (Anses) du 14 juin 2019
qui a été rendu sur la base d'études anciennes et limitées. Et ce,
alors que l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa)
recommande la réalisation de nouvelles études, dont les résultats ne
devraient pas être disponibles avant 2021. Pour l'association, les
textes attaqués méconnaissent le principe d'égalité en raison de la
différence qu'ils établissent entre communes rurales et urbaines.
« La mobilisation citoyenne non prise en compte »
Le recours des maires anti-pesticides n'est toutefois pas isolé.
Des ONG les ont précédés ou vont les suivre dans cette voie. Ainsi, Agir
pour l'environnement a annoncé, dès le 30 décembre, sa volonté de
contester ces textes devant la justice. « L'arrêté fixant les périmètres de "protection"
des riverains est au pesticide ce que la frontière française a été au
nuage de Tchernobyl : une limite politique qui ne protégera absolument
pas les riverains », estime l'association. Celle-ci dénonce également « l'absence de prise en compte de la mobilisation citoyenne
» au terme de la consultation publique qui a recueilli plus de
53 000 contributions. Une critique confortée par une expertise de la Commission nationale du débat public, publiée le 19 décembre, qui a souligné, de manière plus large, les défaillances de ce processus de consultation.
« Le compte n'y est pas et notre association, sollicitée également
par des associations de consommateurs et de médecins, va déposer très
prochainement un recours en justice contre ces textes », a également
annoncé l'association Générations futures en fin d'année. L'ONG avait
obtenu, avec l'association Eau et Rivières de Bretagne, l'annulation partielle
par le Conseil d'État de l'arrêté précédent qui encadrait jusque-là
l'épandage. Ce qui a contraint le Gouvernement à adopter ce nouveau
dispositif dans un délai contraint.
D'autres ONG se sont jointes aux critiques dirigées contre ces
textes, sans toujours emprunter la voie judiciaire. Ainsi, France Nature
Environnement (FNE) dénonce un État qui « ronfle ». « À la place des 150 mètres, le Gouvernement promeut les "chartes d'engagement" entre agriculteurs et riverains », dénonce la fédération d'associations. « La
grande majorité des chartes finit par un simple rappel de la
réglementation déjà applicable. Elles excluent souvent riverains et
associations de protection de la nature. Pour couronner le tout, ce
document n'a aucune valeur juridique », explique l'ONG.
« Un mensonge d'État »
Le nouveau dispositif n'a pas davantage satisfait les organisations
agricoles, mais pour des raisons très différentes. La FNSEA a réclamé,
en début d'année, un moratoire sur la mise en œuvre de ces textes, afin
de « poursuivre le travail sur les chartes de voisinage » et « clarifier certaines zones d'ombre de l'arrêté
». Faute de réaction du Gouvernement, et comme mesure de rétorsion, le
syndicat agricole a menacé, le 14 mars, de ne plus épandre les boues
d'épuration des collectivités locales sur les terres agricoles.
Plus radicale, la Coordination rurale réclame un « retrait pur et simple du décret » et s'oppose à tout moratoire. « Les
zones de non-traitement (ZNT) sont aujourd'hui un mensonge d'État qui
fait fi des réalités économiques et scientifiques et qui ne mesure pas
les conséquences pour l'alimentation, l'environnement, l'agriculture et
notre société », dénonce le syndicat.
Mais cette réglementation ne trouve pas grâce non plus auprès de la
Confédération paysanne. Celle-ci dénonce l'inutilité des textes avec une
argumentation opposée à celle de ses homologues. « La meilleure
manière de protéger la santé des paysans et de la population en général
est de permettre au monde agricole de s'affranchir des pesticides », estime le syndicat paysan.
Une humanité en proie à l'explosion démographique et qui - tels ces vers de farine qui s'empoisonnent à distance dans le sac qui les enferme bien avant que la nourriture commence à leur manquer - se mettrait à se haïr elle-même parce qu'une prescience secrète l'avertit qu'elle devient trop nombreuse pour que chacun de ses membres puisse librement jouir de ces biens essentiels que sont l'espace libre, l'eau pure, l'air non pollué.
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