mardi 18 février 2020

Des pesticides suspectés d’être des perturbateurs endocriniens ou cancérogènes dans l’air

Selon un rapport publié par l’association Générations futures, la majorité des pesticides retrouvés dans l’air sont particulièrement dangereux pour la santé.
Les pesticides ne contaminent pas seulement les fruits et légumes que mangent les Français ou l’eau (et le vin) qu’ils boivent, ils polluent aussi l’air qu’ils respirent. Et parmi les herbicides, fongicides et autres insecticides présents dans l’atmosphère, une majorité de ces substances particulièrement dangereuses pour la santé sont suspectés d’être des perturbateurs endocriniens (PE) ou cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR). Tel est le constat alarmant dressé par l’association Générations futures dans un rapport publié mardi 18 février.
Pour parvenir à ces conclusions, l’ONG a analysé les données contenues dans la base PhytAtmo. Publiée le 18 décembre 2019 par Atmo France, qui fédère des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (Aasqa), PhytAtmo compile les résultats de quinze ans de mesures de pesticides dans l’air réalisées par l’ensemble de ces associations, des Hauts-de-France à la Corse.
Générations futures a cherché à classifier ces résidus de produits phytopharmaceutiques identifiés dans l’air en fonction de leur dangerosité. A partir de la base de données Phytatmo, l’association a évalué la proportion de pesticides considérés comme PE suspectés ou CMR, ces deux catégories de polluants ayant des effets toxiques sans seuil, c’est-à-dire même à très faible dose. Les résidus de pesticides retrouvés dans l’air sont généralement mesurés à de faibles concentrations, de l’ordre du nanogramme par mètre cube.
PhytAtmo comprend plusieurs limites : les Aasqa ne recherchent pas toutes les mêmes molécules, ni avec la même assiduité, ni avec les mêmes méthodes de détection. Aussi, pour éviter les biais et composer avec l’hétérogénéité des informations, l’ONG a pratiqué deux analyses complémentaires. La première prend en compte les données les plus récentes (l’année 2017) mais disponibles dans un nombre de régions limitées (Corse, Hauts-de-France, Grand-Est, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Centre-Val de Loire). La seconde concerne l’ensemble du territoire (à l’exception notable de la région Bourgogne-Franche-Comté, qui ne fournit pas de données), mais certaines mesures peuvent être relativement anciennes.

Près de la moitié sont interdits en Europe

Selon les bilans effectués en 2017 par les Aasqa, 52 substances actives différentes (pour un total de 1 633 molécules identifiées et quantifiées) ont été retrouvées au moins une fois dans l’air des huit régions où ces mesures ont été effectuées. Les trois quarts environ (76,92 %) sont des PE (61,53 %) et/ou des CMR (28,84 %), d’après les calculs de Générations futures. Et près d’un tiers (28,84 %) sont des pesticides interdits en Europe.
Les proportions mises en évidence au niveau national dans la seconde analyse sont à peu près équivalentes. Cent quatre substances actives différentes (pour un total de 4 622 molécules) ont été retrouvées dans douze régions différentes. Les trois quarts (75,96 %) sont des PE (66,34 %) et/ou des CMR (33,65 %). Et cette fois, près de la moitié (45,19 %) sont des pesticides interdits au sein de l’Union européenne (UE).
Parmi les pesticides les plus récurrents dans l’air, on retrouve le chlorpyriphos, utilisé massivement en pulvérisation sur les cultures pour éliminer les pucerons ou les chenilles. L’UE vient seulement d’en bannir l’usage, depuis le 31 janvier, malgré une accumulation d’études scientifiques démontrant ses effets toxiques sur le développement du cerveau des enfants. Egalement omniprésent, le lindane, insecticide classé cancérogène pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer, est, lui, interdit en agriculture depuis… 1998. Des substances comme le lindane sont persistantes dans l’environnement : elles imprègnent les sols durablement et peuvent être remises en suspension dans l’air, notamment en période de sécheresse.
En termes de concentration, le record revient au folpel, détecté à un niveau supérieur à 2 000 ng/m3 dans la région Grand-Est en 2004. Utilisé contre le mildiou, « le fongicide de la vigne » est classé CMR probable par l’Organisation mondiale de la santé. Lors de son dernier bilan annuel, l’organisme de surveillance de la qualité de l’air en Nouvelle-Aquitaine a constaté que son usage était en augmentation en 2018 et en a même retrouvé des traces à Bordeaux. Preuve, selon l’observatoire, d’un « transfert des molécules par l’air depuis les surfaces agricoles vers les zones urbaines ».

« Un droit à empoisonner »

« L’air est une voie d’exposition réelle des populations à des pesticides PE et/ou CMR, commente François Veillerette, le directeur de Générations futures. Ceci est particulièrement préoccupant pour les riverains des zones cultivées, les plus exposés. » Aussi l’ONG demande aux pouvoirs publics d’« accélérer le retrait des substances CMR et PE reconnues ou suspectées » et d’engager à terme « la sortie des pesticides ». D’ici là, elle s’apprête avec d’autres organisations à déposer, le 25 février, un nouveau recours devant le Conseil d’Etat contre l’arrêté du gouvernement fixant à trois mètres, cinq mètres, dix mètres, voire très exceptionnellement vingt mètres les distances minimales entre les zones d’épandage de pesticides et les habitations. Des distances jugées très insuffisantes par les associations de défense de l’environnement et les maires à l’origine de multiples arrêtés antipesticides.
Le 14 février, le juge des référés du Conseil d’Etat vient de rejeter le recours en urgence du collectif des maires antipesticides, mais il statuera sur le fond dans les prochains mois. Pour l’avocate du collectif, Corinne Lepage, le rapport de Générations futures est « accablant ». L’ancienne ministre de l’environnement dénonce « un droit à empoisonner ».
A la différence des particules fines ou du dioxyde d’azote émis par les véhicules diesel, les pesticides ne font pas l’objet d’une surveillance réglementaire dans l’air. Il existe seulement des limites à ne pas dépasser dans l’eau et l’alimentation.


dimanche 16 février 2020

Néonicotinoïdes : un risque pour les abeilles malgré leur interdiction

Des chercheurs du CNRS, de l’Inra et de l’Institut de l’abeille démontrent que trois insecticides, provoquant la mort des abeilles, sont présents dans des champs de colza en France alors que l'Union Européenne a interdit leur utilisation sur ces parcelles depuis 2013. Ces résultats confortent la décision de l'Europe votée en 2018 d’interdire totalement ces molécules sur toutes les cultures en extérieur.
On les appelle les tueurs d’abeilles : une étude révèle la présence de trois néonicotinoïdes sur des champs de colza en France alors qu’un moratoire de Union Européenne interdit leur utilisation depuis 2013 sur toutes les cultures mellifères, c’est à dire celles produisant du nectar et du pollen. Ces insecticides -la clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame-, ont pour effet d’attaquer le système nerveux central des pollinisateurs et provoquer leur paralysie mortelle.
De 2014 à 2018, des chercheurs du CNRS, de l’INRA et l’Institut de l’abeille (ITSAP) ont étudié le nectar de 291 parcelles de colza d’hiver et analysé 536 échantillons. «Les trois néonicotinoïdes étaient présents mais c’est surtout l’imidaclopride qui a été détecté chaque année» souligne Vincent Bretagnolle, chercheur au CNRS. «Au total, 43 % des prélèvements analysés contenaient cette molécule, ce qui représente 48% des parcelles».
Aucune tendance à la baisse au cours des années n’a été observée mais une importante variation interannuelle l’a été. Ainsi en 2016, plus de 90 % des parcelles étaient positives, contre seulement 5 % en 2015.

L’eau diffuserait les molécules

L’hypothèse la plus probable serait que l’eau diffuserait ces insecticides dans l’environnement. L’étude a démontré que ces résidus augmentaient lorsqu’il avait plu les jours précédents les prélèvements. «Nous pensons que l’eau, par ruissellement, contamine les sols. Pour fabriquer son nectar, la plante absorbe l’eau du sol grâce à ses racines qui est ensuite transportée par la sève pour produire le nectar, un mélange de sucre et d’eau» poursuit Vincent Bretagnolle.
Une variation des niveaux de néonicotinoïdes en fonction de la composition de la terre vient conforter cette supposition. Les travaux montrent que les sols rouges (argilo-calcaire) sont les plus susceptibles de retenir ces molécules. Or l’argile a une bonne capacité de rétention en eau.
La proximité avec d’autres cultures traitées ne semble pas être un facteur explicatif. Ni même l’utilisation de ces insecticides sur les parcelles avant l’implantation des colzas étudiés. Ainsi, l’imidaclopride a été retrouvé dans des champs qui n’avaient jusque-là jamais reçu ces néonicotinoïdes, y compris dans certains cas cultivés en agriculture biologique. «Cette molécule n’est pas pulvérisée mais enrobée dans la graine de blé avant le semis. Nous savons que 80 à 90% de l’enrobage reste dans le sol et n’est pas capté par la plante» précise Vincent Bretagnolle. «Un autre facteur de diffusion pourrait aussi être la poussière». Si 92 % des échantillons positifs ne contenaient qu’entre 0,1 et 1 ng/mL d’imidaclopride, les concentrations maximales dépassaient dans quelques cas celles rapportées dans les parcelles traitées, allant jusqu’à 70 ng/mL.
En s’appuyant sur ces données, l’évaluation de la mortalité sur les abeilles a été réalisée à partir de modèles et paramètres conçus par l’EFSA, l’European Food Safety Authority. «Ce sont des simulations assez prudentes» analyse Vincent Bretagnolle. Résultat, le risque est loin d’être négligeable puisqu’en 2014 et 2016, environ 50 % des abeilles domestiques étaient susceptibles de mourir de l’imidaclopride dans 12 % des parcelles étudiées. Ces mêmes années, entre 10 et 20 % des parcelles présentaient un niveau de contamination associé à un risque de mortalité équivalent pour les bourdons et abeilles solitaires.

Une persistance de plusieurs années

Ces résultats apportent un soutien à la décision de l’Union Européenne en 2018 d’interdire ces néonicotinoïdes sur toutes les cultures extérieures. La France est allée plus loin en interdisant deux molécules supplémentaires : l’acétamipride et le thiaclopride. «Lorsque l’industrie agrochimique a commercialisé ces insecticides dans les années 90, elle s’est montrée très rassurante en déclarant qu’ils avaient une persistance dans le sol et les plantes de quelques semaines seulement», affirme Vincent Bretagnolle. «Nous démontrons qu’ils sont encore présents plusieurs années après leur usage.»
Malgré ces mesures, des dérogations peuvent être accordées. Et partout dans le monde, ces néonicotinoïdes sont très largement employés, que ce soit sur le maïs, les céréales ou encore sur une culture que l’on soupçonne moins comme le thé.  «Alors qu’ils sont censés être très sélectifs et agir seulement sur les invertébrés, des chercheurs commencent à démontrer qu’ils agissent aussi sur les oiseaux et les mammifères. Et donc potentiellement sur l’homme…» alerte  Vincent Bretagnolle. L’étude va se poursuivre avec un observatoire, appelé Néonet, en France et en Suisse, sur les cultures mellifères de plein champ.

FRUITS ET LÉGUMES: LA PRÉSENCE DE "POLLUANTS ÉTERNELS" AUGMENTE DE 220% EN EUROPE

  https://www.bfmtv.com/economie/consommation/fruits-et-legumes-la-presence-de-polluants-eternels-augmente-de-220-en-europe_AD-202402270162....