Les COP, ça n'existe pas que pour le climat. Les parties à la convention
sur la diversité biologique sont réunies jusqu'au 29 novembre en
Égypte. L'enjeu de cette réunion internationale ? Préparer un plan
stratégique post-2020 pour la biodiversité.
"Investir dans la biodiversité pour la planète et ses peuples". Tel est le thème de la 14e conférence
des parties (COP14) à la convention sur la diversité biologique (CDB)
qui se tient du 17 au 29 novembre à Charm el-Cheikh en Egypte. L'enjeu
principal de cette conférence internationale est la préparation de la
COP15, qui doit se tenir à Pékin en novembre 2020 et durant laquelle
doit être adopté un nouveau plan stratégique mondial pour la
biodiversité.
Cette conférence se tient alors que tous les signaux sont au rouge vif. La plupart des 20 objectifs d'Aichi
qui fixaient le cadre de l'action internationale en faveur de la
biodiversité pour les années 2001-2020 ne seront pas tenus. Parmi
ceux-ci figuraient la division par deux du taux de perte des habitats
naturels, la création d'aires protégées sur 17 % des surfaces terrestres
et 10 % des zones maritimes, ainsi que la restauration d'au moins 15 %
des espaces dégradés.
Non seulement ces objectifs ne seront pas atteints mais la dégradation s'aggrave. Les rapports de l'IPBES, publiés en mars 2018, qu'il s'agisse du rapport thématique sur les sols ou des rapports régionaux, confirment un dangereux déclin de la biodiversité. Deux ans plus tôt, le Giec de la biodiversité avait tiré le signal d'alarme concernant les pollinisateurs.
Le dernier rapport Planète vivante du Fonds mondial pour la nature
(WWF), publié fin octobre, est tout aussi inquiétant. Il montre que les
populations de vertébrés ont chuté de 60 % entre 1970 et 2014 et que les espèces déclinent à un rythme jamais connu par l'histoire.
"Maladies bien connues"
Face à ce sombre tableau, les représentants des 196 Etats parties à
la convention planchent sur les moyens d'intégrer la protection de la
biodiversité dans cinq secteurs économiques : l'énergie, les activités
minières, les infrastructures, la fabrication et la transformation, et
la santé. D'autres questions stratégiques sont en discussion, rappelle
le ministère de la Transition écologique : biodiversité et changements
climatiques, aires terrestres et marines protégées, prévention des
risques biotechnologiques et partage des avantages (APA) liés aux
ressources génétiques.
"La CDB
fait (…) face à un casse-tête : comment parvenir à renouveler la
manière dont se passent les discussions internationales pour parvenir à
déclencher plus d'effets transformateurs sur le terrain ?", expliquent Aleksandar Rankovic et Yann Laurans de l'Iddri dans un billet consacré à ces négociations.
"Les « maladies » dont souffrent la biodiversité sont bien connues, rappellent les chercheurs dans une tribune publiée dans le magazine Alternatives économiques : surexploitation des ressources, pollutions, changement d'occupation des sols, invasions d'espèces et changement climatique. Leurs
causes renvoient en grande partie à nos modèles de production et de
consommation : surpêche, intensification agricole, extension des
surfaces cultivées, croissance urbaine non maîtrisée, etc.".
La mobilisation à tous les niveaux, "des citoyens aux entreprises, en passant par les ONG", se révèle impérieuse, alertent les chercheurs. Mais il faut aussi que "les Etats s'impliquent et soient représentés [dans les négociations internationales] au plus haut niveau". Les discussions de Charm el-Cheikh doivent "permettre
de clarifier comment chaque État s'engage pour cesser la dégradation de
sa propre biodiversité terrestre, de celle qu'il « importe » par la
mondialisation des échanges et de celle qu'il provoque dans les océans", ajoutent-ils.
"Profond sentiment de déception"
Or, la mobilisation de la société civile ne semble pas au
rendez-vous, comme le prouve la très faible couverture médiatique de la
COP. Tout comme le volontarisme des Etats n'atteint pas le niveau
nécessaire. "Ici en Égypte, nous ressentons un profond sentiment de
déception, car nous n'avons pas encore constaté de vision ou
d'orientation qui soit cohérente", déplorait le 21 novembre Marc Lambertini, directeur général du WWF International. Aussi, l'ONG appelle les Etats à "rehausser
leur ambition dès cette COP14 à travers l'adoption d'une feuille de
route solide, soutenue au plus haut niveau politique, qui puisse aboutir
en 2020 à un accord ambitieux, avec pour objectif de mettre fin à
l'érosion de la nature d'ici 2030".
"La stabilité de notre économie et de notre société dépend de la nature et des services qu'elle nous fournit gratuitement (…), rappelle l'ONG. Si
l'on devait payer pour de l'air frais, de l'eau potable, pour
l'alimentation, le montant serait estimé à 125.000 milliards de dollars
par an, soit plus que le PIB mondial".
"Compte tenu de l'état des discussions et du nombre de questions
qui restent ouvertes, la route séparant Charm el-Cheikh de Pékin sera
longue ; mais le temps, lui, est bien court", résument Aleksandar Rankovic et Yann Laurans. "Rappelons que, pour le climat, six ans ont séparé l'impasse de la COP15 de Copenhague et la COP21 de Paris, ajoutent les chercheurs.
Il [est] donc primordial d'identifier les points précis à inclure dans
la décision de Pékin, et les points de progrès qui seront discutés par
la suite, pour faire vivre la mécanique du cadre post-2020".
Rendez-vous le 29 novembre pour voir si les décisions actées par les Etats sont à la hauteur de l'urgence.
Une humanité en proie à l'explosion démographique et qui - tels ces vers de farine qui s'empoisonnent à distance dans le sac qui les enferme bien avant que la nourriture commence à leur manquer - se mettrait à se haïr elle-même parce qu'une prescience secrète l'avertit qu'elle devient trop nombreuse pour que chacun de ses membres puisse librement jouir de ces biens essentiels que sont l'espace libre, l'eau pure, l'air non pollué.
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