Inquiétés par l'augmentation des maladies chroniques, 1.200 médecins ont
signé un appel demandant des réformes, notamment en matière d'usages
des pesticides, de mise sur le marché et d'évaluation sanitaire des
perturbateurs endocriniens.
Ce jeudi 30 janvier, a été présenté l'appel "Pesticides : l'alerte des médecins
de France métropolitaine et des Antilles" signé par quelque 1.200
médecins à l'initiative des associations médicales Alerte des médecins
limousins sur les pesticides (AMLP), Association Médicale Sauvegarde
Environnement Santé (AMSES) et EnVie Santé.
"Médecins de terrain, nous avons constaté l'augmentation
des maladies chroniques chez nos patients (cancers, troubles de la
fertilité, mais aussi maladies neurologiques, diabète, allergies…)", déplorent les signataires, précisant "[avoir]
aussi constaté que les preuves de la responsabilité de substances
chimiques très largement répandues dans notre environnement
s'accumulaient".
Revoir les autorisations et les usages de pesticides
Concrètement, les médecins signataires formulent cinq demandes. En
premier lieu, ils appellent à la reconnaissance de nouveaux tableaux de maladies professionnelles agricoles dont l'apparition est liée à l'exposition aux pesticides.
La protection des populations constitue la deuxième attente. Les médecins réclament en particulier la fin des dérogations
à l'interdiction européenne des épandages aériens, la réduction des
risques vis-à-vis des populations vivant à proximité des cultures à
forte utilisation de pesticides (signalisation sur les zones
d'épandages, distance de sécurité avec les habitations) et des
agriculteurs (séparation nette entre les activités de conseil et de
vente des produits), l'interdiction de l'usage des pesticides dans les zones non agricoles,
un étiquetage des produits destinés à l'alimentation permettant de
visualiser les substances chimiques utilisées pour leur fabrication et
la disparition, à très brève échéance, des résidus de pesticides
perturbateurs endocriniens dans les produits alimentaires.
Le troisième volet de leurs demandes concerne les mises sur le marché des pesticides.
Ils attendent que les tests réglementaires nécessaires à l'autorisation
de mise sur le marché (AMM) soient confiés à des laboratoires
indépendants désignés par l'Agence nationale de sécurité sanitaire
(Anses) et que l'AMM soit délivrée conjointement par les ministères de
la Santé, de l'Ecologie et de l'Agriculture.
Au niveau européen, les signataires demandent que les perturbateurs
endocriniens soient assimilés à des substances sans seuil afin que les
perturbateurs endocriniens avérés et fortement suspectés fassent l'objet
d'une substitution obligatoire et que les perturbateurs endocriniens
faiblement suspectés fassent l'objet d'une vigilance ou de restrictions.
Ils souhaitent aussi que la caractérisation des perturbateurs
endocriniens se base sur des tests toxicologiques recherchant des effets
à faibles doses et par effet cocktail, comme préconisé par un rapport de 2012 rédigé à la demande de la Commission européenne.
Enfin, ils souhaitent une augmentation des surfaces en agriculture
biologique pour que l'ensemble de la population puisse choisir une
alimentation sans pesticides.
Augmentation significative des risques
Certes, les pesticides ne sont pas seuls en cause dans la progression
des maladies chroniques, expliquent les signataires, mais ils
souhaitent néanmoins que "des politiques agricoles, économiques et de santé publique soient enfin efficacement mises en œuvre".
Pour justifier leurs demandes, ils mettent en avant une série
d'éléments établissant un lien entre l'utilisation de pesticides et
certaines pathologies.
C'est le cas de l'expertise de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) "pesticides et santé" publié en juin 2013 qui conclut qu'"il
semble exister une association positive entre exposition
professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l'adulte".
La maladie de Parkinson, le cancer de la prostate et les cancers
hématopoïétiques sont explicitement cités par l'Inserm. Toujours selon
cette étude, il semblerait que l'exposition professionnelle des femmes
enceintes aux pesticides entraîne "une augmentation significative"
du risque de fausses-couches et de malformations congénitales. Quant à
l'exposition "domestique" ou "de voisinage", elle entraînerait une
augmentation significative du risque de leucémie et de tumeurs
cérébrales.
Absence d'évaluation
En cause ? L'absence d'évaluation des produits mis sur le marché,
suggère l'appel qui s'appuie sur le constat formulé par l'expertise "cancers et environnement" publiée en octobre 2008 par l'Inserm : "près
d'un millier de molécules ont été mises sur le marché en France ; les
risques liés à ces molécules ne peuvent être évalués faute de données
toxicologiques et épidémiologiques suffisantes".
Plusieurs des rares études réalisées sur l'ensemble de la population
et sur les riverains concluent que des expositions environnementales
sont susceptibles de provoquer des cancers et des maladies de Parkinson.
C'est le cas d'une étude relative au Chlordecone publiée en 2011 par l'Institut national de veille sanitaire (Invs), d'une étude relative à certains fongicides
publiée en 2009 et de l'expertise "pesticides et santé" qui pointent
une diminution du poids de naissance, des atteintes
neurodéveloppementales et une hausse des risques de malformations
congénitales et de leucémie chez les enfants des femmes vivant au
voisinage d'une zone agricole ou liée aux usages domestiques de
pesticides.
Imprégnation de la population
"Or personne ne conteste l'imprégnation générale de la population", estiment les médecins, rappelant que 90% de la population française est contaminée par les organophosphorés, selon des travaux réalisés par l'Invs. Quant à la cohorte Pélagie, elle a montré qu'en Bretagne "seul 1,6% des échantillons d'urine de femmes enceintes ne contient pas de trace des pesticides recherchés".
Le fait que l'imprégnation soit à faible dose ne rassure pas les
médecins qui avancent que de nombreux pesticides sont des perturbateurs
endocriniens. Or, "leurs effets ne dépendent pas de la dose,
mais de la période d'exposition, ils ne sont pas linéaires, ils
s'ajoutent à ceux d'autres substances (effet cocktail) et ils sont
susceptibles d'être transgénérationnels". Une menace face à laquelle
il est difficile de se prémunir, l'Union européenne n'ayant toujours
pas validé de méthode permettant de déterminer si un pesticide est un
perturbateur endocrinien ou non, comme l'a souligné le rapport
sénatorial "Pesticides, vers le risque zéro" d'octobre 2012.
Une humanité en proie à l'explosion démographique et qui - tels ces vers de farine qui s'empoisonnent à distance dans le sac qui les enferme bien avant que la nourriture commence à leur manquer - se mettrait à se haïr elle-même parce qu'une prescience secrète l'avertit qu'elle devient trop nombreuse pour que chacun de ses membres puisse librement jouir de ces biens essentiels que sont l'espace libre, l'eau pure, l'air non pollué.
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