mercredi 12 février 2014

Les pesticides, responsables de la baisse continue de la production de miel française

Le syndicat apicole Unaf pointe l'impact des pesticides néonicotinoïdes et réclame l'extension de leur interdiction à toutes les cultures et à deux autres substances "dangereuses" pour les abeilles : l'acétamipride et le thiaclopride.

L'Union nationale de l'apiculture française (Unaf), syndicat représentant 22.000 apiculteurs, a alerté le 11 février de la baisse de la production nationale de miel en 2013 "inférieure à 15.000 tonnes", en réitérant l'impact des pesticides sur les populations d'abeilles.
Un an après le lancement du plan ministériel pour une apiculture durable, il s'agit de "la récolte la plus faible jamais connue en France", a déploré Henri Clément, porte-parole de l'Unaf devant la presse. En 2012, elle avoisinait "les 16.000 tonnes". Soit la moitié de la production de miel de 1995, date de début d'utilisation de certains pesticides, dont les trois néonicotinoïdes (la clothianidine, l'imidaclopride et le thiaméthoxam) suspendus en 2013 par Bruxelles, a souligné le syndicat apicole.
Toxicité de l'acétamipride et du thiaclopride
L'Unaf estime que les pesticides utilisés, notamment sur le colza et le tournesol, sont "la principale cause" des pertes des colonies d'abeilles "intoxiquées". Auxquels s'ajoutent les conditions météorologiques "défavorables" de 2013 (froid, pluie) : "la miellée de printemps a été marginale et ridicule. Il n'y a pas eu de récoltes de romarin à cause de la météo", a précisé Henri Clément. Alors que les récoltes françaises ne cessent de chuter, les importations de miel sont, elles, en "forte hausse" : plus de 28.000 tonnes ont été importées en 2013 d'Asie du Sud Est, d'Argentine et d'Europe de l'Est, a indiqué M. Clément.
La mortalité des colonies (en hiver, printemps et été) "avoisine les 30% en France contre 5% avant 1995, liée aux pesticides et leur impact sur les troubles des abeilles", a de nouveau prévenu Sophie Duget, vice-présidente de l'Unaf.
Le syndicat apicole pointe la toxicité de deux autres insecticides néonicotinoïdes restés autorisés dans l'UE pour lutter notamment contre les pucerons. Il s'agit de l'acétamipride, matière active du Suprême 20 SG produit par Certis Europe utilisée pour traiter les fruitiers, et du thiaclopride, matière active du Protéus produit par Bayer utilisée sur les céréales (blé, avoine, colza, pomme de terre). L'Unaf a engagé une action en justice contre l'autorisation du Protéus pulvérisé sur colza (à base de thiaclopride et de deltamétrine). La substance est également autorisée sur de nombreuses productions fruitières et récemment, en traitement de semences du maïs (Sonido produit par Bayer), a rappelé le syndicat apicole.
Sur la base de travaux du CNRS, l'Unaf demande "le retrait par la France  de ces insecticides du marché" au nom du principe de précaution. Présent lors de la conférence de presse, Jean-Marc Bonmantin, chercheur au CNRS à Orléans (Centre de biophysique moléculaire) a dévoilé les résultats de travaux montrant que "la toxicité chronique de l'acétamipride et du thiaclopride est similaire aux trois néonicotinoïdes supendus" par Bruxelles pour deux ans, depuis décembre 2013.
M. Bonmatin a notamment analysé des échantillons de pollens prélevés à l'entrée des ruches pendant la période de floraison des pêchers de Jacques Freney, un apiculteur de la région Rhône-Alpes. "Depuis deux ans, j'essuie des mortalités hivernales égales à 30%. Mais en outre, je constate que, sur les colonies qui ont amassé du pollen au printemps sur les arbres fruitiers, 100% végètent, dépérissent et meurent dans les 9 mois qui suivent. C'est bien plus que les taux de mortalité auxquels j'étais habitué avant 2000 où la moyenne des mortalités hivernales sur mes ruches environnait les 7%, même avec la présence du varroa (un parasite, ndlr)", a expliqué M. Freney.
Le chercheur du CNRS a constaté que le pollen contenait 2,3 nanogrammes d'acétamipride par gramme de pollen (ng/g). Ce résultat "peut être rapproché des données concernant la toxicité des néonicotinoïdes, notamment lors d'expositions chroniques à faibles doses", a souligné M. Bonmatin.
"Mention abeilles" délivrée aux insecticides
L'Unaf a appelé l'Union européenne à revoir l'évaluation de la toxicité de l'acétamipride et du thiaclopride sur les abeilles par l'Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments (Efsa). D'autant que le 17 décembre dernier, l'Efsa a recommandé un abaissement des niveaux d'exposition aux résidus d'acétamipride, présents dans les aliments, qui, selon l'agence, peuvent "avoir une incidence sur le développement du système nerveux humain".
Dans une lettre ouverte envoyée le 10 février au ministre de l'Agriculture, le syndicat a demandé l'interdiction totale des néonicotinoïdes étendue à toutes les cultures, notamment les céréales à paille et les betteraves. L'Unaf a également appelé Stéphane Le Foll à renforcer le dispositif d'interdiction des pesticides en période de floraison, "en commençant par retirer la mention abeille octroyée aux produits reconnus comme dangereux pour les abeilles", a indiqué Olivier Belval, président de l'Unaf. Les pesticides Suprême 20SG et Protéus bénéficient de cette mention "abeille". L'Agence de sécurité sanitaire (Anses) a été saisie par le ministère sur la pertinence d'une modification de l'arrêté du 28 novembre 2003 encadrant cette mention. L'Unaf "attend avec impatience l'avis de l'Anses et demande la consultation du Comité apicole avant toute adoption d'un nouvel arrêté".
Menaces du frelon asiatique et des OGM
Concernant le frelon asiatique, ce prédateur nuisible a désormais "envahi les trois quarts de la France et passé nos frontières "notamment la Belgique, a précisé Olivier Belval. L'Unaf a appelé le ministre à reclasser le frelon asiatique en danger sanitaire de catégorie 1 et non plus en catégorie 2, "qui n'implique pas une lutte obligatoire coordonnée par l'administration", a souligné M. Belval. Le syndicat a demandé à Stéphane Le Foll d'autoriser par arrêté l'utilisation "pérenne" du dioxyde de soufre (SO2) ainsi que le "piégeage de printemps des reines fécondées" pour lutter contre le frelon asiatique.
S'agissant des OGM, M. Belval a déploré l'autorisation de la culture du maïs transgénique TC 1507 (société Pioneer) que pourrait prochainement valider la Commission européenne, suite au vote hier des Etats membres. "Ce maïs est jusqu'à 100 fois plus chargé en toxines que le maïs Monsanto MON 810. Il est également capable de résister à l'épandage d'un herbicide. C'est une mauvaise nouvelle pour l'apiculture française", a déclaré M. Belval, en demandant "le renouvellement solide de l'interdiction des cultures OGM en France".
En partenariat avec les organisations apicoles européennes Unaapi (Italie) et Epba (Allemagne), l'Unaf a également annoncé le lancement du label européen "Bee Friendly" pour promouvoir "les produits respectueux de l'abeille".

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