mardi 2 juin 2015

Le réchauffement climatique va bouleverser la biodiversité marine

Les océans, dans leur quasi-totalité, vont connaître un bouleversement profond de leur biodiversité si le réchauffement climatique n’est pas maîtrisé rapidement. Disparitions locales, diminutions, mouvements « biogéographiques », cette réorganisation devrait concerner un grand nombre d’espèces, selon les travaux d’une équipe internationale conduite par le CNRS et rassemblant la Sir Alister Hardy Foundation for Ocean Science, l’université de Plymouth (Angleterre) et le Centre scientifique de Monaco, publiés, lundi 1er juin, dans la revue Nature Climate Change.
Dans l’hypothèse d’une augmentation de 2 °C de la température mondiale – l’objectif des négociations climatiques qui culmineront avec la Conférence de Paris à la fin de l’année –, la biodiversité de l’océan superficiel (les 200 premiers mètres) diminuera dans les régions océaniques chaudes, entre les 40° parallèles nord et sud. Cette baisse pourrait avoisiner les 10 %. En revanche, dans les régions tempérées et polaires, son augmentation sera massive. « Il s’agit de disparitions locales mais pas nécessairement d’extinction d’espèces dans les zones chaudes et, surtout, une augmentation très forte de la biodiversité dans les zones extratropicales, jusqu’à 300 % en plus dans les zones polaires », explique Grégory Beaugrand, du laboratoire d’océanologie et de géosciences du CNRS, l’un des auteurs de la publication.
De nombreuses études ont déjà montré les changements de biodiversité marine à l’échelle régionale. Les travaux de l’équipe conduite par le CNRS confirment la presque inéluctabilité de ces bouleversements. La morue risque de disparaître de la mer du Nord, la coquille Saint-Jacques comme le bulot ne se trouveront plus sur les côtes françaises. Dans le même temps, la sole continuera d’augmenter en mer du Nord, tout comme l’anchois et la sardine y feront leur apparition. Mais cette augmentation locale de biodiversité ne compenserait pas l’érosion massive et la disparition des espèces.
Biodiversité mal connue
La composition de la biodiversité marine est mal connue des océanologues qui estiment ne connaître qu’à peine 10 % des quelque 250 000 espèces inventoriées. Elle pourrait avoisiner les deux millions d’espèces, selon M. Beaugrand – à titre de comparaison, les oiseaux compteraient quelque 9 600 espèces et les mammifères environ 6 000.
Pour étudier l’évolution de cette biodiversité, les chercheurs ont utilisé une approche basée sur une nouvelle théorie macroécologique de l’organisation de la vie dans les océans : la théorie METAL, « Macro Ecological Theory on the Arrangement of Life ». Ils ont créé des espèces théoriques présentant des réponses différentes à la variabilité des températures, qui s’assemblent en communautés, permettant d’analyser la colonisation progressive de certaines régions océaniques. « Les résultats démontrent une relation forte entre la biodiversité observée et la biodiversité théorique et ce, pour un grand nombre d’espèces tels que les foraminifères, les crustacés, les poissons (requins océaniques et poissons osseux) et les cétacés », explique le CNRS.
Pour mettre en perspective les évolutions attendues d’ici la fin du siècle, les chercheurs ont reconstruit les biodiversités de deux périodes importantes : le dernier maximum glaciaire, il y a 22 000 ans, et le Pliocène moyen, entre 3,3 et 3 millions d’années. Cette dernière période est considérée comme ayant connu des conditions thermiques assez proches de celles projetées pour la fin du siècle. « La température globale était 2 à 3 °C plus élevée que celle que nous connaissons aujourd’hui, la concentration en CO2 était proche de celle observée actuellement à l’observatoire de Mauna Loa [Hawaï] et le niveau de la mer était plus haut de 25 mètres », détaille Grégory Beaugrand.
Risques majeurs au-delà de 2 °C
Selon leur modèle théorique, les chercheurs estiment que si le réchauffement est maintenu en dessous de 2 °C, les changements biologiques dans l’océan seront sans grandes conséquences, « même si 40 % de la superficie des océans connaîtra un changement important de biodiversité (au-delà de 5 %) ». Mais dans l’hypothèse où l’augmentation des températures globales dépasserait cette barre des 2 °C, « entre 70 et 95 % de la superficie des océans subiraient des modifications substantielles d’ici à la fin du siècle », précise M. Beaugrand. Selon lui, l’évolution des espèces va être trop rapide pour que celles-ci puissent s’adapter. « L’adaptation n’est pas possible à l’échelle interdécennale : ce qui s’est produit en centaines ou en dizaines de milliers d’années ne se fera pas en un siècle ou deux », dit encore le chercheur.
Ces modifications de biodiversité vont aussi s’accompagner de bouleversements dans les services écosystémiques rendus. Le système océanique va se réorganiser, transformant radicalement le paysage planétaire. Les conflits pour la ressource vont se multiplier, alors que les services écosystémiques marins en termes de régulation et d’approvisionnement représentent entre 15 000 et 51 000 milliards d’euros chaque année, soit plus que le produit national brut de tous les pays du monde. « Cela représente un danger énorme pour l’humanité, analyse Grégory Beaugrand. Sans compter les dangers immédiats d’espèces dangereuses, crabes toxiques, poissons dangereux, méduses, organismes planctoniques, qui apparaîtront sous de nouvelles latitudes. »

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