dimanche 7 novembre 2021

Prosulfocarbe : pourquoi la filière bio dénonce l’utilisation de cet herbicide

 Très volatil, ce produit de traitement sur céréales, épandu en automne, contamine les cultures bio. La filière bio vient de demander aux préfets l’interdiction de l’herbicide dans douze départements.

« Ma récolte de sarrasin, sur 8 hectares, l’an dernier, a dû être détruite. » Josué Diesny, éleveur laitier bio à Nocé, dans le Perche ornais, a évalué le préjudice de sa ferme, le Gaec du Pis Vert, à 6 500 €. La faute au prosulfocarbe utilisé chaque automne, dans la foulée des semis de blé, par des agriculteurs conventionnels. Cet herbicide très volatil se retrouve dans les champs bio, contaminant les récoltes de pommes, de poires, la roquette, le cresson ou le blé noir (sarrasin).

En début d’année, la coopérative Biocer a dû expédier au méthaniseur environ 60 des 90 tonnes de sarrasins bio collectées. Dont la récolte du Gaec du Pis Vert. Des lots étaient devenus impropres à la consommation après que des analyses ont révélé la présence de résidus de prosulfocarbe dépassant jusqu’à cent fois la limite maximale autorisée (vingt-cinq fois en moyenne). La coopérative de l’Eure, qui collecte 25 000 tonnes de céréales bio en Normandie et dans les Hauts-de-France, chiffre la perte à 80 000 €.

Les cultivateurs installés en Normandie, Beauce et Picardie, qui ont livré leur récolte, n’ont pas été rémunérés. Ils n’ont pas été remboursés par leur assurance, faute de pouvoir identifier les responsables de la pollution. Résultat ? « Cet automne, la moitié de la récolte de sarrasin a été avancée pour éviter les épandages de prosulfocarbe, explique Guillaume Roche, responsable développement filière chez Biocer. Mais nous avons des craintes pour le sarrasin qui n’a pas encore été récolté, alors que les semis de blé viennent de démarrer. Les deux lots seront séparés. »


« Pas de risque sanitaire »


La coopérative Centre bio a connu la même mésaventure. Cette filiale d’Axéréal a été contrainte de détruire 51 tonnes de sarrasins bio contaminés au prosulfocarbe. La perte a été chiffrée à 53 000 €. Les vergers, y compris conventionnels, sont aussi touchés. La Fédération nationale des producteurs de fruits à cidre (FNPFC) a retrouvé l’herbicide sur les pommes dans toutes les régions de production. Le prosulfocarbe se volatiliserait jusqu’à 3 km au-delà de sa pulvérisation.

Le 14 octobre, avant le redémarrage des épandages automnaux, la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab), les Groupements d’agriculteurs biologiques (Gab), Forébio (coopératives bio) et l’association environnementaliste Générations futures ont réclamé à douze préfets de l’Ouest (Mayenne, Sarthe, Loire-Atlantique, Orne, Côtes-d’Armor, Maine-et-Loire, Vendée et Ille-et-Vilaine) et du Centre de la France « l’interdiction immédiate (et temporaire) de tous les produits à base de prosulfocarbe » ou, du moins, « la mise en œuvre de mesures drastiques de restriction d’utilisation, dont l’efficacité devra être démontrée » .

Ils avaient déjà demandé, en juin, la suspension de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du produit commercial. En vain. « Les niveaux de contamination n’entraînent pas de risque sanitaire pour les consommateurs » , précise Charlotte Grastilleur, directrice générale déléguée au pôle produits réglementés de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses). L’Anses a encadré l’usage de l’herbicide (buse anti-dérive, traitement à plus de 500 m d’une culture voisine, restrictions horaires pour un usage en hygrométrie élevée). Mais le prosulfocarbe, deuxième herbicide le plus consommé après le glyphosate, resterait volatil après l’épandage. Une fois déposé sur la culture.

Interrogé, le ministère de l’Agriculture dit « lancer un groupe de travail pour approfondir les questions soulevées par le projet GeRiCo (gestion du risque de contamination) piloté par la Fnab, entre 2019 et 2021 » et ce « afin de proposer des solutions répondant aux besoins des agriculteurs bio pour ces cas les plus complexes » . La substance active, autorisée jusqu’au 31 octobre 2022, est en cours de réévaluation au niveau européen.

Aucun commentaire:

FRUITS ET LÉGUMES: LA PRÉSENCE DE "POLLUANTS ÉTERNELS" AUGMENTE DE 220% EN EUROPE

  https://www.bfmtv.com/economie/consommation/fruits-et-legumes-la-presence-de-polluants-eternels-augmente-de-220-en-europe_AD-202402270162....