lundi 4 janvier 2021

Un plan en faveur des pollinisateurs pour faire oublier les néonicotinoïdes

 La réautorisation des néonicotinoïdes a laissé des traces. Le Gouvernement prépare un nouveau plan pour les pollinisateurs censé la faire oublier. Mais certaines organisations agricoles s'y opposent.

Le 10 décembre dernier, le Conseil constitutionnel validait la loi qui réautorise les néonicotinoïdes pour les cultures de betteraves sucrières. « Un renoncement écologique », avait réagi le sénateur Joël Labbé, à l'origine de la loi interdisant l'utilisation des pesticides par les collectivités publiques et les particuliers.

Pour reverdir son action, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, compte sur le nouveau plan en faveur des pollinisateurs dont elle a présenté l'état d'avancement aux parties prenantes le 18 décembre. Ce plan s'articule autour de quatre axes. Mais, au-delà des questions d'amélioration des connaissances, de lutte contre les agresseurs de la ruche ou d'accompagnement économique, c'est bien celle de l'épandage des pesticides qui polarise le débat.

Étendre l'interdiction aux fongicides et herbicides

L'exécutif prépare une révision de l'arrêté « abeilles » de 2003 qui interdit le traitement des cultures en floraison par des insecticides. Le projet d'arrêté prévoit d'étendre cette interdiction aux fongicides et aux herbicides. La possibilité de traitement après le coucher du soleil serait permise pour les produits portant la mention « abeilles ». Des dérogations seraient en outre à l'étude pour répondre aux difficultés techniques rencontrées lors de traitements de nuit : surfaces à traiter importantes, situations topographiques particulières, traitement de ravageurs diurnes ou traitement curatif avec des fongicides.

Les professionnels de l'apiculture et les ONG environnementales accueillent avec satisfaction les avancées de ce texte mais soulignent aussi ses limites, et surtout les menaces qui pèsent sur lui. Ainsi, l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf) salue « un arrêté indispensable pour le bien-être des pollinisateurs ». Mais l'organisation professionnelle appelle dans le même temps le Gouvernement à honorer ses engagements et à appliquer strictement les recommandations de l'Agence de sécurité sanitaire (Anses). Dans un avis rendu en février 2019, cette dernière préconisait en effet de durcir les règles applicables aux traitements phytosanitaires afin de protéger les abeilles.

« Distorsions majeures »

Quelles sont les inquiétudes des apiculteurs ? « Depuis plusieurs jours, la FNSEA mobilise tous ses réseaux et soutiens pour s'opposer à ce projet », dénonce l'Unaf. L'association Générations futures demande également à l'exécutif « de ne pas céder aux pressions » et « d'accorder le moins possible de dérogations ». Le syndicat majoritaire est en effet monté au créneau. « Pour des raisons d'affichage, difficilement compréhensibles sur un tel sujet, le Gouvernement avance, sans aucune étude d'impact, sans tenir compte des approches différentes au niveau européen et sans écouter nos alertes argumentées, sur un renforcement du volet réglementaire créant des distorsions majeures », a dénoncé le syndicat agricole dans un communiqué publié le 16 décembre. Des distorsions liées au fait que les agriculteurs français n'auraient plus accès à certains produits phytosanitaires là où leurs voisins européens pourraient continuer à le faire.

« Le plan pollinisateurs de Barbara Pompili ne fera pas date. Il est voué à l'échec puisqu'il semble construit sur le même modèle que les précédents », estime également le Réseau Biodiversité pour les abeilles. « En effet, son contenu se limite à la question des pesticides », dénonce cette association, faux-nez de l'agrochimiste BASF.

Les arguments de la FNSEA semblent avoir porté auprès du ministre de l'Agriculture alors que le projet d'arrêté devait initialement être soumis à la consultation du public dès cette fin d'année. D'autant que cinq députés de la majorité, dont le porte-parole de LReM et spécialiste des questions d'agriculture Jean-Baptiste Moreau, ont adressé un courrier au Premier ministre allant dans le même sens. À l'occasion d'un déplacement à Saclay (Essonne) le 18 décembre, Julien Denormandie a indiqué avoir entendu les inquiétudes et annoncé une concertation qui tiendra compte des réalités de terrain.

« Impact négligeable sur les pollinisateurs sauvages »

Pourtant, pour plusieurs organisations, le projet d'arrêté est loin d'être suffisant. « Cette mesure aidera peut-être un peu les abeilles domestiques, contraintes de butiner les champs de grandes cultures, mais elle n'aura qu'un impact négligeable sur la sauvegarde des insectes pollinisateurs sauvages – abeilles sauvages, bourdons, et autres papillons... – qui sont à ce jour les garants de la pollinisation des espèces sauvages et de notre sécurité alimentaire », dénonce Nicolas Laarman, délégué général de l'association Pollinis.

« Si l'arrêté répond à un bon nombre d'enjeux environnementaux, il ne mène pas à une sortie totale et pérenne des pesticides, qui doit être pensée de manière systémique », estime aussi la Confédération paysanne. Pour Nicolas Laarman, aucune des propositions du plan, aussi intéressantes soient-elles (études scientifiques sur les pollinisateurs sauvages, restauration des haies, de l'habitat et des ressources alimentaires, etc.), « n'enrayera l'extinction dramatique des insectes pollinisateurs sans s'attaquer aux racines du problème : les pesticides ». Or, rappelle le responsable associatif,  « les plans ÉcoPhyto, supposés réduire l'usage des pesticides dans notre pays, ont tous spectaculairement échoué depuis douze ans. »

 Reste à voir dans quel sens va pencher l'arbitrage de Jean Castex alors que, selon le dernier calendrier disponible, le projet de plan sera soumis à la consultation du public début 2021 en vue d'une approbation officielle en mars.

 

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