C’est un camouflet pour l’Agence
nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et
du travail (Anses). Le tribunal administratif de Nice, dans un jugement
rendu public mercredi 4 décembre, vient d’interdire deux insecticides
(Closer et Transform) à base de sulfoxaflor, apparenté aux
néonicotinoïdes.
L’Anses
avait autorisé leur commercialisation en septembre 2017, provoquant la
protestation des apiculteurs français qui dénoncent des produits
« tueurs d’abeilles ». Le tribunal confirme ainsi, sur le fond, un
premier jugement rendu en référé en novembre 2017 suspendant
l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de ces produits développés
par Dow AgroSciences, filiale du géant américain de l’agrochimie Corteva
(issu de la fusion entre Dow Chemical et DuPont).
Un recours avait été déposé par les
associations Générations futures – qui mène la fronde contre les
pesticides en France – et Agir pour l’environnement, ainsi que par
l’Union nationale de l’apiculture française.
Pour
motiver sa décision, le tribunal a conclu à l’absence de certitude
quant à l’innocuité de l’insecticide. Il estime que l’AMM accordée par
l’Anses à Dow AgroSciences ne garantit pas que les doses utilisées sans
contrôle au moment de leur épandage ne présentent pas de danger pour les
abeilles. Le jugement rappelle que « les études scientifiques menées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments [EFSA],
la Commission européenne, ainsi que des organisations non
gouvernementales ont identifié des risques importants de toxicité pour
les insectes pollinisateurs ». Dans deux rapports publiés en
mars 2015 et février 2019, l’EFSA avait pointé des risques élevés pour
les abeilles et les bourdons lors de l’utilisation de sulfoxaflor.
« L’Anses a méconnu le principe de précaution »
Le
Closer et le Transform sont utilisés contre les pucerons pour les
grandes cultures, les fruits et les légumes. Le fabricant recommande
d’épandre ces insecticides à raison d’une seule dose par an, au plus
tard cinq jours avant la floraison. Outre les dangers que font courir
aux pollinisateurs les insecticides, le tribunal a estimé qu’il était
impossible de vérifier si cette recommandation était appliquée.
L’absence d’application du Closer et du Transform pendant la floraison (présentée par Dow AgroSciences et l’Anses comme une « mesure d’atténuation du risque ») n’est pas jugée « suffisante » par le tribunal, dès lors qu’elle n’est assortie d’« aucune obligation pour les utilisateurs du produit ». Ainsi, le juge estime qu’en autorisant la mise sur le marché des deux pesticides « l’Anses a méconnu le principe de précaution ».
« Nous espérons que cette décision incitera
le gouvernement et les agences évaluatrices à réfléchir à deux fois
avant de délivrer des autorisations de mises sur le marché de produits
dont les utilisations pourraient s’avérer désastreuses pour la
biodiversité ou pour la santé humaine », réagit François Veillerette, le directeur de Générations futures.
Pour l’association, le jugement souligne les « errements » de l’Anses qui, « malgré la loi biodiversité de 2016 prévoyant l’interdiction des pesticides à base de néonicotinoïdes [à partir de septembre 2018], a continué à autoriser la mise sur le marché de pesticides à base de nouveaux néonicotinoïdes ». L’Anses, comme le fabricant Dow AgroSciences, peuvent faire appel de la décision.
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