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IMPACT DES PESTICIDES SUR LES INSECTES
POLLINISATEURS LA FRANCE DOIT RÉFORMER
DE TOUTE URGENCE
SON SYSTÈME D'ÉVALUATION
Résumé: Les insectes disparaissent en Europe à un rythme alarmant. L'une des principales causes de ce déclin est l'utilisation intensive de pesticides toxiques
dont l'impact réel sur les pollinisateurs a été- et demeure- mal évalué scientifiquement.
Au niveau européen, les procédures d'évaluation sont
non seulement obsolètes,
mais aussi non conformes aux règlements
en vigueur. Qe nouvelles lignes directrices, établies par l'autorité sanitaire européenne (EFSA], sont bloquées depuis
2013 par le SCoPAFF, le comité représentant
les ministères de l'agriculture des différents États membres européens.
Mais la France,
comme l'a fait la Belgique, peut et doit se doter
d'un véritable système
d'évaluation en adoptant
immédiatement ces lignes directrices et en prenant en compte les données scientifiques les plus récentes.
UN SYSTÈME D'ÉVALUATION DU RISQUE OBSOLÈTE
L'homologation des pesticides se fait à deux niveaux: l'Union
européenne autorise les substances actives,
tandis que chaque
Etat membre autorise les formules commercialisées sur son territoire [le produit fini contenant une ou plusieurs
substances
actives mélangées à d'autres [adjuvants, phytoprotecteurs,
synergistes, coformulants...J. La mise sur le marché des
pesticides en France dépend donc des méthodes
d'évaluation du risque en vigueur
au niveau européen.
En 2009, suite au nombre grandissant d'études scientifiques sur
l'impact néfaste des pesticides sur la santé humaine et l'environnement, l'Union européenne [UE]
a adopté un règlement ambitieux
[11 07/2009]
permettant de mieux encadrer leur mise sur le marché. Ce règlement a entraîné en 2013 la révision des critères d'approbation des pesticides
1 , avec l'exigence que les firmes réalisent
des études supplémentaires afin d'évaluer l'impact réel des pesticides sur les insectes pollinisateurs. Mais les lignes directrices 2 et les protocoles de tests3 n'ont jamais été mis à jour.
L'actuelle procédure d'évaluation du risque est donc obsolète et inadéquate :
1. elle ne permet pas d'évaluer les risques posés par les nouvelles générations de pesticides,
notamment les pesticides systémiques qui dominent aujourd'hui le marché;
2. les études requises ne concernent que l'abeille domestique, Apis mellifera,
et ignorent
l'impact des
pesticides
sur
les
quelques
1 960 espèces
d'abeilles sauvages qui assurent la pollinisation des
plantes à fleurs de notre continent;
3. la méthode suivie se fonde sur une proposition de lïCCPR [Commission Internationale pour les relations plantes-pollinisateurs], un groupe miné par les conflits
d 'intérêts.
-7 L'absence d'une évaluation adéquate
met en péril les populations d'insectes pollinisateurs en France
et dans les autres pays européens.
1 Les données
requises pour l'homologation des substances actives sont précisées dans le règlement lUE) n°283/2013,
et pour les produits phytopharmaceutiques dans le règlement lUE) n°284/2013.
2 SANCO Guidance Document on Terrestrial Ecotoxicology- SANC0/1 0329/2002.
3 EPPO/OEPP [201 0) developed
by EPPO [European
and Mediterranean Plant Protection Organization) and revised in September
2010 with
ICPBR !InternationalCommission for Plant-Bee Relationship) recommendationsl.
UNE SOLUTION BLOQUÉE AU NIVEAU EUROPÉEN
Pour corriger
ces défaillances et fournir
une évaluation du risque
en
accord
avec le nouveau cadre réglementaire, la
Commission européenne a demandé à l'EFSA d 'établir de nouvelles
lignes
directrices permettant l'évaluation réelle
des risques que les produits
phytopharmaceutiques font peser
sur les abeilles
domestiques et sauvages.
L'EFSA a publié une version de ce« Guidance Document»
(GD] en 2013, mise à jour en 2014. Ce document
fournit des lignes directrices4 appropriées et complètes pour l'évaluation de l'impact des pesticides
sur les abeilles
(Apis mellifera, Bombus spp. et abeilles solitaires], et
fondées sur des études expérimentales et sur l'ensemble de
la littérature scientifique disponible- une première en Europe.
L'EFSA GD reste
à ce jour la méthodologie la mieux adaptée pour évaluer
les
risques
posés
par
les nouvelles générations de pesticides, et la plus complète en termes de critères
toxicologiques et de routes d'exposition.
Il s'agit d'une étape décisive
vers une évaluation complète du risque qui prendrait
en compte l'ensemble des insectes
pollinisateurs, et non plus seulement les abeilles.
Mais pour être adopté
au niveau européen, ce document doit
être approuvé par le Comité
permanent des végétaux, des animaux, des denrées
alimentaires et des aliments pour animaux (SCoPAFFI. Or, une majorité
des États membres,
réunis
au sein de ce comité, refusent de l'adopter. De son côté, l'industrie
agrochimique, qui a participé à la rédaction des critères
d'évaluation
de
ses propres produits, veut imposer son modèle d'évaluation du risque et effectue un intense lobbying auprès des membres du SCoPAFF.
EN FRANCE: UNE QUESTION DE VOLONTÉ POLITIQUE
En l'absence
de
progrès significatif concernant l'adoption européenne des lignes
directrices
de
l'EFSA, les États membres peuvent
agir au niveau national. La
Belgique, par exemple a adopté en 2017 ces
lignes
directrices
et les
a mises
à jour avec les
derniers
protocoles
de
l'OCDE validés
internationalement.
-7 La France, comme tous les États membres,
peut et doit suivre
cet exemple.
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