jeudi 15 mars 2018

Le Giec plus que jamais sommé d'éclairer les politiques sur l'évolution du climat

A l'occasion de son 30ème anniversaire célébré à l'Unesco le 13 mars, Nicolas Hulot a fait l'éloge du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, instrument de la paix mondiale et lumière face à l'obscurantisme climato-sceptique.
Sous les élégantes arches de béton de la salle plénière de l'Unesco à Paris, devant une salle comble de délégués venus de 195 pays, le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec) fête ses trente ans cette semaine, à l'occasion de sa 47ème session plénière qui se déroule jusqu'au 16 mars. Depuis sa création en 1988 sous l'égide des Nations unies, ses cinq rapports d'évaluation, publiés entre 1990 et 2014, constituent la référence en matière de science du climat. Très attendue, la publication du sixième rapport d'évaluation est prévue en 2021-2022.
Face aux attaques des climato-sceptiques, le Giec reçoit le soutien indéfectible de la communauté internationale, au point de se voir attribuer le Prix Nobel de la Paix en 2007. Le ministre français de la Transition écologique Nicolas Hulot l'a souligné hier soir dans son éloge à ce ''lanceur d'alerte'' : ''Ce n'est pas un rôle facile quand on vient charger l'humanité d'une couche d'inquiétude supplémentaire. Vous avez été malmenés de ce fait, le Giec a souffert de tentatives de déstabilisation. Face à ces attaques des climato-sceptiques, vous avez répondu avec fermeté. A l'heure des fake news, nous vous devons une protection (…). Le bien commun que vous produisez va bien au-delà du réchauffement''.
Une vigie du climat
Au fil des années, les rapports d'évaluation du Giec se sont étoffés et enrichis, selon un processus complexe et unique d'expertise collective qui a fait ses preuves. Le premier rapport, paru en 1990, a permis de détecter un effet de serre additionnel sans équivoque. Le second, en 1996, a discerné l'influence humaine sur le climat. Le troisième, en 2001, a prouvé que la plus grande part du réchauffement provenait des activités humaines des 50 dernières années. Les prévisions de hausse des températures par rapport à l'époque pré-industrielle ont connu une certaine continuité, expose John Mitchell du Met Office du Hadley Centre (Grande-Bretagne).
Et les projections sont de plus en plus fines, le nombre d'institutions scientifiques dans le monde capables de fournir des modèles étant passé de quatre à 21, face à des évolutions incertaines et des rétroactions du climat qui échappent en partie à la prévision. Le système climatique est ''plus sensible que prévu aux impacts humains'', pointe le climatologue suédois Johan Rockström, qui a invité le Giec à se pencher sur le changement de dimension du risque, sur ''des évolutions irréversibles''. Pour le spécialiste de la simulation numérique du climat Hervé Le Treut, ''on est au début d'un processus, le siècle est encore long, comment le système va évoluer dans 30 ans, 40 ans, ce n'est pas facile à appréhender. Le Giec sert à organiser la vigilance face à ce qui peut devenir dangereux, à donner un sens à ce qui se passe''.
Avec plus de 3.000 candidatures pour le rapport 2014 et quelque 53.517 commentaires sur la préparation de son premier volume, le Giec mobilise la communauté scientifique mondiale. ''Ce succès a permis de renouveler les experts'', note Jean Jouzel, climatologue et glaciologue : ''Plus de jeunes, plus de femmes et plus de représentants des pays émergents, l'Afrique restant malheureusement sous-représentée. 831 rédacteurs principaux ont été sélectionnés pour la 5ème édition''.
Un travail gigantesque
Il s'agit d'un travail gigantesque, assuré sur une base volontaire par les scientifiques contributeurs issus de centaines de laboratoires de recherche, et coordonné par l'organe exécutif du Giec, composé de 36 membres. Le budget annuel du Giec s'élève à six millions d'euros et la France y contribue généreusement, à hauteur d'un million d'euros par an jusqu'en 2022.
Avec peu de moyens, le Giec fait face à une attente croissante de la part du monde politique et de l'opinion publique. ''Le climat n'est pas une option, il conditionne tout ce qui a de l'importance pour nous. Or, nous ne sommes pas dans la trajectoire'', a souligné hier Nicolas Hulot, pointant ainsi la dimension non seulement scientifique, mais sociétale de la question du climat, ''ce tueur en série'' qui fait désormais partie des ingrédients géopolitiques du monde, ''enjeu de stabilité, enjeu de paix''.
Vers des rapports tous les cinq ans
Inscrit dans les décisions prises dans le cadre de la COP 21, le rapport spécial du Giec sur le réchauffement planétaire de 1,5°C est très attendu pour novembre 2018 en vue du Dialogue de facilitation préconisé par l'Accord de Paris. ''Il s'agit d'un document très important qui va permettre de savoir où nous en sommes et comment orienter les sociétés vers l'objectif de stabiliser la hausse des températures à 1,5°C'', a expliqué Laurence Tubiana, qui a contribué à l'élaboration de cet accord universel sur le climat. A la demande de la communauté internationale, le Giec prépare deux autres rapports spéciaux, sur les terres émergées, et sur l'océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique.
Le Giec n'a pas fini d'être sollicité. L'Accord de Paris instaure la mise en place d'un bilan global (global stocktake), établi tous les cinq ans, afin de valider sur des bases scientifiques les trajectoires climatiques de l'ensemble des pays engagés. ''La communauté scientifique doit s'impliquer dans l'Accord de Paris'', a insisté Laurence Tubiana. A ses côtés, Laurent Fabius, qui a piloté la COP 21, estime qu' "il aurait été impossible de parvenir au succès de l'Accord de Paris sans le Giec'' et en appelle à une harmonisation plus nette de ses travaux avec l'agenda politique.
Les scientifiques devront-ils produire une évaluation tous les cinq ans ? Pour la paléo-climatologue Valérie Masson-Delmotte, qui co-préside à la fois le groupe de travail n°1 du sixième cycle d'évaluation (2016-2023) et le rapport spécial sur le réchauffement planétaire de 1,5°C, le Giec est déjà en flux tendu : ''Garder la possibilité de faire des rapports spéciaux sur des sujets d'intérêt tout en produisant des rapports sur un socle à cinq ans, c'est vraiment très court. Il faut au moins un an pour poser le cadrage, définir le sommaire. Le rapport sur les 1,5°C compte 85 auteurs qui doivent répondre à quelque 25.000 commentaires. La matière scientifique, c'est comme de la glaise.''

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