A l'occasion de son 30ème anniversaire célébré à l'Unesco le 13 mars,
Nicolas Hulot a fait l'éloge du Groupe intergouvernemental d'experts sur
l'évolution du climat, instrument de la paix mondiale et lumière face à
l'obscurantisme climato-sceptique.
Sous les élégantes arches de béton de la salle plénière de l'Unesco à
Paris, devant une salle comble de délégués venus de 195 pays, le Groupe
intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec) fête ses
trente ans cette semaine, à l'occasion de sa 47ème session
plénière qui se déroule jusqu'au 16 mars. Depuis sa création en 1988
sous l'égide des Nations unies, ses cinq rapports d'évaluation, publiés
entre 1990 et 2014, constituent la référence en matière de science du
climat. Très attendue, la publication du sixième rapport d'évaluation est prévue en 2021-2022.
Face aux attaques des climato-sceptiques, le Giec reçoit le soutien
indéfectible de la communauté internationale, au point de se voir
attribuer le Prix Nobel de la Paix en 2007. Le ministre français de la
Transition écologique Nicolas Hulot l'a souligné hier soir dans son
éloge à ce ''lanceur d'alerte'' : ''Ce n'est pas un rôle
facile quand on vient charger l'humanité d'une couche d'inquiétude
supplémentaire. Vous avez été malmenés de ce fait, le Giec a souffert de
tentatives de déstabilisation. Face à ces attaques des
climato-sceptiques, vous avez répondu avec fermeté. A l'heure des fake news, nous vous devons une protection (…). Le bien commun que vous produisez va bien au-delà du réchauffement''.
Une vigie du climat
Au fil des années, les rapports d'évaluation du Giec se sont étoffés
et enrichis, selon un processus complexe et unique d'expertise
collective qui a fait ses preuves. Le premier rapport, paru en 1990, a
permis de détecter un effet de serre additionnel sans équivoque. Le
second, en 1996, a discerné l'influence humaine sur le climat. Le
troisième, en 2001, a prouvé que la plus grande part du réchauffement
provenait des activités humaines des 50 dernières années. Les prévisions
de hausse des températures par rapport à l'époque pré-industrielle ont
connu une certaine continuité, expose John Mitchell du Met Office du
Hadley Centre (Grande-Bretagne).
Et les projections sont de plus en plus fines, le nombre
d'institutions scientifiques dans le monde capables de fournir des
modèles étant passé de quatre à 21, face à des évolutions incertaines et
des rétroactions du climat qui échappent en partie à la prévision. Le
système climatique est ''plus sensible que prévu aux impacts humains'',
pointe le climatologue suédois Johan Rockström, qui a invité le Giec à
se pencher sur le changement de dimension du risque, sur ''des évolutions irréversibles''. Pour le spécialiste de la simulation numérique du climat Hervé Le Treut, ''on
est au début d'un processus, le siècle est encore long, comment le
système va évoluer dans 30 ans, 40 ans, ce n'est pas facile à
appréhender. Le Giec sert à organiser la vigilance face à ce qui peut
devenir dangereux, à donner un sens à ce qui se passe''.
Avec plus de 3.000 candidatures pour le rapport 2014 et quelque
53.517 commentaires sur la préparation de son premier volume, le Giec
mobilise la communauté scientifique mondiale. ''Ce succès a permis de renouveler les experts'', note Jean Jouzel, climatologue et glaciologue : ''Plus
de jeunes, plus de femmes et plus de représentants des pays émergents,
l'Afrique restant malheureusement sous-représentée. 831 rédacteurs
principaux ont été sélectionnés pour la 5ème édition''.
Un travail gigantesque
Il s'agit d'un travail gigantesque, assuré sur une base volontaire
par les scientifiques contributeurs issus de centaines de laboratoires
de recherche, et coordonné par l'organe exécutif du Giec, composé de 36
membres. Le budget annuel du Giec s'élève à six millions d'euros et la France y contribue généreusement, à hauteur d'un million d'euros par an jusqu'en 2022.
Avec peu de moyens, le Giec fait face à une attente croissante de la part du monde politique et de l'opinion publique. ''Le
climat n'est pas une option, il conditionne tout ce qui a de
l'importance pour nous. Or, nous ne sommes pas dans la trajectoire'',
a souligné hier Nicolas Hulot, pointant ainsi la dimension non
seulement scientifique, mais sociétale de la question du climat, ''ce tueur en série'' qui fait désormais partie des ingrédients géopolitiques du monde, ''enjeu de stabilité, enjeu de paix''.
Vers des rapports tous les cinq ans
Inscrit dans les décisions prises dans le cadre de la COP 21, le
rapport spécial du Giec sur le réchauffement planétaire de 1,5°C est
très attendu pour novembre 2018 en vue du Dialogue de facilitation
préconisé par l'Accord de Paris. ''Il s'agit d'un document très important qui va permettre de savoir où nous en sommes et comment orienter les sociétés vers l'objectif de stabiliser la hausse des températures à 1,5°C'',
a expliqué Laurence Tubiana, qui a contribué à l'élaboration de cet
accord universel sur le climat. A la demande de la communauté
internationale, le Giec prépare deux autres rapports spéciaux, sur les
terres émergées, et sur l'océan et la cryosphère dans le contexte du
changement climatique.
Le Giec n'a pas fini d'être sollicité. L'Accord de Paris instaure la mise en place d'un bilan global (global stocktake),
établi tous les cinq ans, afin de valider sur des bases scientifiques
les trajectoires climatiques de l'ensemble des pays engagés. ''La communauté scientifique doit s'impliquer dans l'Accord de Paris'', a insisté Laurence Tubiana. A ses côtés, Laurent Fabius, qui a piloté la COP 21, estime qu' "il aurait été impossible de parvenir au succès de l'Accord de Paris sans le Giec'' et en appelle à une harmonisation plus nette de ses travaux avec l'agenda politique.
Les scientifiques devront-ils produire une évaluation tous les cinq ans ? Pour la paléo-climatologue Valérie Masson-Delmotte,
qui co-préside à la fois le groupe de travail n°1 du sixième cycle
d'évaluation (2016-2023) et le rapport spécial sur le réchauffement
planétaire de 1,5°C, le Giec est déjà en flux tendu : ''Garder la
possibilité de faire des rapports spéciaux sur des sujets d'intérêt tout
en produisant des rapports sur un socle à cinq ans, c'est vraiment très
court. Il faut au moins un an pour poser le cadrage, définir le
sommaire. Le rapport sur les 1,5°C compte 85 auteurs qui doivent
répondre à quelque 25.000 commentaires. La matière scientifique, c'est
comme de la glaise.''
Une humanité en proie à l'explosion démographique et qui - tels ces vers de farine qui s'empoisonnent à distance dans le sac qui les enferme bien avant que la nourriture commence à leur manquer - se mettrait à se haïr elle-même parce qu'une prescience secrète l'avertit qu'elle devient trop nombreuse pour que chacun de ses membres puisse librement jouir de ces biens essentiels que sont l'espace libre, l'eau pure, l'air non pollué.
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