C’est dans un contexte climatique inquiétant, marqué par la
sécheresse historique de l’été dernier, que les acteurs de l’eau
se sont réunis les 25 et 26 janvier, à Rennes, pour la 24e édition
du Carrefour des gestions locales de l’eau (CGLE). Retour sur
quelques interventions clé.
2022 sera sûrement un tournant. L’ensemble du territoire
national est désormais touché par la sécheresse, et pas
seulement le Sud. Selon Christophe Bechu, ministre de la
Transition écologique, « 700 communes ont connu des
difficultés d’approvisionnement en eau potable » cet été. Un
« Plan eau », qui devait être annoncé au Carrefour des gestions
locales de l’eau (CGLE), est attendu dans les prochaines
semaines pour répondre à ce défi.
Tous les territoires sont impactés
Plusieurs collectivités ont détaillé comment leur territoire a été
impacté comme jamais par la sécheresse. C’est le cas par
exemple de Chartres métropole, situé dans un territoire
d’irrigation importante avec des problèmes de qualité d’eau
(pesticides, nitrates). Les prévisions pour 2023 ne sont pas
bonnes. « La nappe de la Craie est très basse sans recharge à
ce jour », s’inquiète François Bordeau, directeur du cycle de
l’eau.
Ce n’est pas mieux dans la Manche, où les parapluies de
Cherbourg semblent être rangés au placard. « Les niveaux de la
nappe à ce jour n’ont jamais été aussi bas pour la saison. Cette
crise hydrique est exceptionnelle et l’été 2023 s’annonce
difficile », s’inquiète Bernard Auric, directeur du syndicat
départemental SDeau50.
Devant cette situation, Rennes métropole, ainsi que Eau du
bassin Rennais (EBR) qui distribue l’eau potable, ont fait appel
à un doctorant pour modéliser et prédire les disponibilités en
eau de leur principale ressource, le barrage de la Chèze (8 à 15
millions de m3).
Prédictions inquiétantes
« Avec la hausse de la température et de l’évapotranspiration (+
10 %), associée à la baisse des précipitations, le barrage a du
mal à se remplir. Le changement climatique est perceptible »,
introduit Ronan Abhervé, doctorant. Pour simuler l’évolution de
la ressource dans le temps, il s’est appuyé sur les données du
Giec. Dans le cas du scénario RCP8.5, dit « Business as
usual », c’est-à-dire si on ne change rien, le modèle prévoit que
6 à 9 années sur 20 seront des années de sécheresse, entre
2020 et 2040, avec des répétitions de 2 à 3 années possibles
de sécheresse de suite. Le phénomène s’accélère encore audelà
de cette date. Les projections sur le barrage montrent une
diminution des volumes d’eau disponibles à partir de 2020. Le
barrage pourrait être vide à partir de 2032 ! « C’est une forme
de sidération. Ces résultats sont très inquiétants. Le barrage se
recharge de moins en moins », constate Ludovic Brossard, viceprésident
d’EBR.
Défi pour l’assainissement collectif
Côté assainissement, les étiages de plus en plus sévères
impliquent une sensibilité accrue à la dilution. « C’est un point
important quand on construit une nouvelle station d’épuration.
Les données sur lesquelles nous travaillons doivent être
complétement revues au vu de cette étude. Le calcul de la
dilution sera parfois impossible, car il n’y aura plus d’eau dans
les rivières. Ce sont des questions qu’on ne se posait pas
jusqu’à présent. Il va falloir être créatif ! », affirme Boris
Gueguen, directeur de la régie d’assainissement de Rennes
métropole. Jusqu’où faudra-t-il innover ? L’assainissement
collectif dans sa forme actuelle est-il durable ? C’est l’une des
questions qui a émergé de la salle.
Une approche globale indispensable
EBR va sortir son prochain schéma directeur sur l’eau en
février. « Il faut déterminer de quel pourcentage il faut réduire
notre consommation d’eau », expose Stéphane Louaisil,
responsable du pôle production, énergie, qualité de l’eau à
EBR. La poursuite des économies d’eau est importante, mais il
faudra également agir sur le prix de l’eau et la reconquête de la
qualité de l’eau. Car le problème de la quantité est aussi lié à
celui de la qualité de l’eau. Ainsi, le barrage a pu à nouveau être
alimenté par une rivière, qui a retrouvé une qualité suffisante
suite à une diminution des pesticides. Le changement
climatique nécessite une approche globale. « La sobriété
implique des choix de société. Nous militons par exemple pour
que des appareils hydro-économes soient systématiquement
installés dans tous les logements neufs. Il y a un gros travail
politique à faire », estime Ludovic Brossard.
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