Outre la pertinence des mesures
choisies, la question de leur mise en œuvre et de la mobilisation des
acteurs peut se poser pour expliquer ce probable échec. Plusieurs
autorités ministérielles ont donc mandaté, en mai 2010, le Conseil
général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux
(CGAAER) et le Conseil général de l'environnement et du développement
durable (CGEDD) pour conduire une étude permettant de mieux comprendre les obstacles rencontrés par les exploitants agricoles
dans leurs objectifs de réduction de pollution. Avec une approche plus
sociologique que technique ou économique, cette étude a consisté à
interroger plus de 200 personnes réparties sur six bassins versants
différents, de taille et de localisation très variées.
Selon les premières explications de
cette étude, rendue publique le 10 janvier 2012, il ressort que les
acteurs, en particulier agricoles, ne connaissent pas forcément très
bien la DCE. En effet, le rapport note que les agriculteurs "s'approprient
plutôt mal les objectifs de la DCE, identifient mal les enjeux propres à
leur territoire en la matière ou parfois refusent de les prendre en
compte, et ne s'engagent guère". De plus, ces exploitants sont
souvent soumis à des injonctions contradictoires de la part de la
filière agroalimentaire et de marchés mondiaux qui les contraignent à
maintenir un haut niveau de productivité, et, d'autre part, de
l'administration publique qui applique des mesures incitatives
disparates et incohérentes. La grande majorité des agriculteurs "se sentent pris en tenaille entre la réglementation européenne et leurs propres intérêts économiques".
Cette question économique focalise également l'attention des
organisations professionnelles agricoles et des chambres d'agriculture à
qui les collectivités territoriales reprochent d'hésiter, voire de
freiner, la mise en place d'actions pertinentes.
L'étude avance également comme explication la faiblesse du "jeu collectif". "A
tout moment, les accords ou désaccords font l'objet de relations
bilatérales ou triangulaires, mais très rarement de concertation de
l'ensemble des parties prenantes ; les acteurs agricoles sont rarement
présents dès l'engagement de la réflexion", détaille le CGEDD, ajoutant que "de ce fait, la contestation des expertises, des méthodes, des résultats est courante". Enfin,
un reproche est également adressé à l'Etat, censé porter les objectifs
de la directive, mais qui a tendance à ne plus réellement accompagner
les différents acteurs dans leurs missions. "L'Etat ne
parvient pas à coordonner et à intégrer ses diverses politiques
publiques en vue d'un véritable aménagement durable des territoires : la
convergence est faible entre la prévention des risques de pollution, la
gestion des eaux, l'urbanisme et le soutien à la production agricole", note ainsi l'étude.
Pour améliorer l'état des masses d'eau
françaises et peut-être atteindre l'objectif de 2015, les auteurs de
l'étude précisent que toute démarche localisée devra être issue d'une
concertation entre toutes les parties. Le rôle de chacun devant être
clairement défini afin d'éviter tout désaccord ou contestation. La
profession agricole devra également s'inscrire complètement dans les
actions de développement durable. Le but est "de prendre en compte
les évolutions techniques de tous ordres, les conditions d'équilibre
économique et les interrelations sociales des divers partenaires, dans
le respect de seuils de qualité écologique, notamment de l'eau", appuie l'enquête.
Les conclusions de l'étude révèlent
également que le changement des pratiques agronomiques devrait avoir
lieu dans des conditions qui assurent un équilibre financier aux
exploitations individuelles. Cela devrait nécessiter l'adaptation ou la
création de mesures économiques pour rémunérer le service
environnemental attendu. L'Etat aura, enfin, l'obligation de clarifier
ses principaux rôles à l'échelle locale, des grands bassins et
nationale. Pour en savoir plus :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire