samedi 14 janvier 2012

Secteur agricole : une modification de la politique de l'eau s'impose

Exigé par la Directive cadre sur l'eau (DCE) du 23 octobre 2000, le bon état des masses d'eau visé pour 2015 ne sera pas atteint. Ce constat est largement partagé par l'ensemble des acteurs, notamment sur la question des nitrates et des produits phytosanitaires utilisés le plus souvent dans la production agricole. Pourtant, la mise en œuvre de la DCE a conduit à élaborer, dans chaque grand bassin hydrographique, un schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) ainsi qu'un programme de mesures. Ce dernier qui définit un grand nombre d'actions concrètes pour accompagner le secteur agricole, devait normalement permettre de parvenir à la réalisation de l'objectif imposé à tous les Etats européens.
Outre la pertinence des mesures choisies, la question de leur mise en œuvre et de la mobilisation des acteurs peut se poser pour expliquer ce probable échec. Plusieurs autorités ministérielles ont donc mandaté, en mai 2010, le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) pour conduire une étude permettant de mieux comprendre les obstacles rencontrés par les exploitants agricoles dans leurs objectifs de réduction de pollution. Avec une approche plus sociologique que technique ou économique, cette étude a consisté à interroger plus de 200 personnes réparties sur six bassins versants différents, de taille et de localisation très variées.
Selon les premières explications de cette étude, rendue publique le 10 janvier 2012, il ressort que les acteurs, en particulier agricoles, ne connaissent pas forcément très bien la DCE. En effet, le rapport note que les agriculteurs "s'approprient plutôt mal les objectifs de la DCE, identifient mal les enjeux propres à leur territoire en la matière ou parfois refusent de les prendre en compte, et ne s'engagent guère". De plus, ces exploitants sont souvent soumis à des injonctions contradictoires de la part de la filière agroalimentaire et de marchés mondiaux qui les contraignent à maintenir un haut niveau de productivité, et, d'autre part, de l'administration publique qui applique des mesures incitatives disparates et incohérentes. La grande majorité des agriculteurs "se sentent pris en tenaille entre la réglementation européenne et leurs propres intérêts économiques". Cette question économique focalise également l'attention des organisations professionnelles agricoles et des chambres d'agriculture à qui les collectivités territoriales reprochent d'hésiter, voire de freiner, la mise en place d'actions pertinentes.
L'étude avance également comme explication la faiblesse du "jeu collectif". "A tout moment, les accords ou désaccords font l'objet de relations bilatérales ou triangulaires, mais très rarement de concertation de l'ensemble des parties prenantes ; les acteurs agricoles sont rarement présents dès l'engagement de la réflexion", détaille le CGEDD, ajoutant que "de ce fait, la contestation des expertises, des méthodes, des résultats est courante". Enfin, un reproche est également adressé à l'Etat, censé porter les objectifs de la directive, mais qui a tendance à ne plus réellement accompagner les différents acteurs dans leurs missions. "L'Etat ne parvient pas à coordonner et à intégrer ses diverses politiques publiques en vue d'un véritable aménagement durable des territoires : la convergence est faible entre la prévention des risques de pollution, la gestion des eaux, l'urbanisme et le soutien à la production agricole", note ainsi l'étude.
Pour améliorer l'état des masses d'eau françaises et peut-être atteindre l'objectif de 2015, les auteurs de l'étude précisent que toute démarche localisée devra être issue d'une concertation entre toutes les parties. Le rôle de chacun devant être clairement défini afin d'éviter tout désaccord ou contestation. La profession agricole devra également s'inscrire complètement dans les actions de développement durable. Le but est "de prendre en compte les évolutions techniques de tous ordres, les conditions d'équilibre économique et les interrelations sociales des divers partenaires, dans le respect de seuils de qualité écologique, notamment de l'eau", appuie l'enquête.
Les conclusions de l'étude révèlent également que le changement des pratiques agronomiques devrait avoir lieu dans des conditions qui assurent un équilibre financier aux exploitations individuelles. Cela devrait nécessiter l'adaptation ou la création de mesures économiques pour rémunérer le service environnemental attendu. L'Etat aura, enfin, l'obligation de clarifier ses principaux rôles à l'échelle locale, des grands bassins et nationale.
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