mercredi 20 octobre 2021

Les espèces envahissantes coûtent cher à la France

 Moustique tigre, frelon asiatique, ambroisie... La France est un des pays les plus touchés par les « espèces envahissantes exotiques ». Et celles-ci ont un coût : entre 1 et 10 milliards d’euros en vingt-cinq ans selon une étude. Principaux secteurs affectés : la santé et l’agriculture.

Si l’on vous dit « espèce exotique envahissante » (EEE), pensez-vous à la vorace écrevisse de Louisiane ou au frelon asiatique, un prédateur d’abeilles qui vient de débarquer à Marseille ? Avec au moins 544 EEE présentes sur son territoire, la France est l’un des pays européens les plus hospitaliers, en métropole plus encore qu’en outre-mer. Plantes, vertébrés, invertébrés, champignons, microorganismes… tous les groupes s’y plaisent, dans tous les milieux. L’ennui, c’est que la présence des EEE, rendue possible par le tourisme et la croissance ininterrompue des échanges commerciaux, est un fléau pour la biodiversité : elles sont responsables de plus de la moitié des extinctions d’espèces dans le monde.

On le sait moins : elles frappent aussi — lourdement — au portefeuille. Depuis cinq ans, un réseau d’écologues et d’économistes décortique les études publiées en douze langues sur les coûts des EEE pour les compiler dans InvaCost, la base de données la plus riche au monde sur ce sujet. L’équipe fondatrice vient de publier un article sur les invasions biologiques en France dans la revue NeoBiota, ainsi qu’une judicieuse « synthèse pour les décideurs ».

Le coût en million d’euros, en France, des espèces exotiques invasives. Rapport Les coûts économiques des invasions biologiques en France.

Bilan : si l’on ne prend en compte que les données les plus fiables sur les quatre-vingt-dix-huit espèces les mieux documentées (soit 18 % du total), le coût des EEE atteint 1,1 milliard d’euros entre 1993 et 2018 [1]. En englobant toutes les études, y compris celles qui se fondent sur des extrapolations, la facture est alors multipliée par dix (10,2 milliards d’euros) !

Le top des envahisseurs : les plantes et les insectes

La majorité des EEE « auditées » en France ont été introduites par trois voies : la contamination (exemple : la crépidule en Manche arrivée en compagnie des huîtres), les évasions (exemple : l’ibis sacré) et les transports accidentels (exemple : le frelon asiatique) [2]. Le cas des visons d’Amérique est bien connu : importés en Europe pour l’élevage, ils ont été massivement abandonnés lorsque la mode de la fourrure a passé. Ils ont alors concurrencé le vison européen, décimé les campagnols amphibies et les sternes de Dougall, et diffusé leurs pathogènes — parmi lesquels des coronavirus.

Sur le podium des envahisseurs se trouvent les plantes et les insectes. L’ambroisie à feuilles d’armoise représente à elle seule 43 % des coûts totaux, suivie par le moustique Aedes aegypti (26 %) et le moustique tigre (10 %). Ces trois-là concentrent presque 80 % des coûts estimés au niveau national.

La capacité de ces deux espèces d’insectes à causer des maladies graves telles que la dengue, le zika ou le chikungunya pèse en premier lieu sur le secteur de la santé (coût : 288 millions d’euros). Même chose pour l’ambroisie : les pollens produits par les différentes espèces, et plus particulièrement l’ambroisie à feuille d’armoise, sont très allergéniques. Une part croissante de la population d’Auvergne-Rhône-Alpes, région la plus touchée en France, y est vulnérable (de 5 % en 1980 à environ 13 % en 2014). Autre nuisance : en envahissant les champs, les ambroisies causent aussi des pertes de rendement en agriculture, deuxième grand secteur qui pâtit de ces infestations (coût : 229 millions d’euros).

Près de 80 % des coûts économiques liés aux EEE concernent les dommages et les pertes, et seulement 20 % la lutte. Depuis 2015, un règlement européen [3] contraint la France à mettre en œuvre des plans pour gérer et prévenir ces espèces. Pourtant, ni le public ni les décideurs, surtout, n’ont conscience des enjeux, déplore la synthèse rédigée précisément à l’intention de ces décideurs.

D’autant que la facture réelle est bien plus salée puisque le coût de 82 % des EEE n’est pas pris en compte par manque de données. Pire : elle ne va pas s’alléger à l’avenir car le rythme des invasions biologiques ne mollit pas. De la noctuelle de la tomate au serpent brun arboricole en passant par la fourmi de feu, une kyrielle de ravageurs déjà partis à l’assaut du monde n’attend qu’une bonne occasion pour faire souche en France.

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