Les progrès de la modélisation et l’accroissement de la masse des données d’observation permettent au Working Group 1 (WG 1) de fournir une description des variables climatiques plus précise que dans les précédents rapports d’évaluation du Giec. Via un atlas en ligne, on peut directement accéder à ces informations par grande région du monde.
Le constat est sans appel : le réchauffement global est plus fort sur terre que sur mer. Il accentue la variabilité des températures et des précipitations. Il intensifie les évènements extrêmes. On le constate déjà dans un monde à + 1,1°C. Les modèles nous annoncent que ces impacts se durciront tant que le réchauffement moyen n’aura pas été endigué. Certains, comme la hausse du niveau des mers, se poursuivront longtemps après l’arrêt de la hausse des températures.
Le réchauffement n’est pas uniforme
Un climat océanique se caractérise par des fluctuations d’ampleur modérée des températures. Les océans sont en effet de puissants régulateurs thermiques.
La carte du réchauffement mondial corrobore leur influence modératrice. Le mercure du thermomètre y monte plus lentement que sur les continents où le seuil d’un réchauffement de 1,5°C a déjà été atteint. Le réchauffement s’accentue également à mesure qu’on s’approche des pôles. Ces contrastes géographiques vont s’accentuer tant que le stock de gaz à effet de serre dans l’atmosphère n’aura pas été stabilisé.
Dans les scénarios les plus émetteurs du WG 1, on atteint ainsi des hausses supérieurs à 8°C sur le seul XXIe siècle dans les zones sibériennes et du nord canadien (cf. figure 1 en haut d’article). L’une des conséquences immédiates en serait une forte accélération de la fonte estivale du permafrost, ces immenses étendues où le sol ne dégèle jamais. Ce dégel menace de libérer d’importantes quantités de carbone piégées dans le sous-sol, qui pourraient s’échapper sous forme de CO2 ou de méthane et à leur tour contribuer au réchauffement.
Les modélisations du WG 1 nous indiquent que la température moyenne réagit rapidement aux variations du stock atmosphérique de CO2. Une stabilisation de ce stock entraînerait ainsi un arrêt de la hausse du mercure en quelques années. En revanche, il faudrait plusieurs décennies pour que la fonte du permafrost soit interrompue.
De même, si la concentration de CO2 dans l’atmosphère baissait à la suite d’émissions nettes durablement négatives, les températures moyennes reculeraient après seulement quelques années, mais il faudrait attendre plusieurs décennies avant que cela impacte le permafrost. Dans le cas du niveau de la mer, il faudrait attendre beaucoup plus longtemps.
L’inexorable montée des océans
Le niveau de la mer est la variable climatique qui sera affectée le plus longtemps par le réchauffement, car l’océan stocke la plus grande partie du supplément d’énergie qui est réfléchie par les gaz à effet de serre. Une fois engagé, le processus s’étale sur plusieurs siècles, voire des millénaires. Il résulte de la conjugaison de deux facteurs :
- La dilatation thermale qui résulte de l’accroissement de température des eaux de surface. Dans les premiers rapports du Giec, seule cette composante était prise en compte par les modélisations ;
- La fonte des glaces continentales (glaciers de montagne, Groenland, Antarctique Ouest), à laquelle le WG 1 attribue un peu plus de la moitié de la hausse du niveau de la mer observée entre 2006 et 2018 (3,7 mm par an).
Dans tous les cas de figures, le WG 1 anticipe que la remontée des mers va durablement s’amplifier. En retenant les critères habituels de probabilité, on tombe sur des hausses de l’ordre de 0,3 m à 1 m à la fin du siècle, et de 0,5 m à 1,7 m au milieu du siècle prochain (relativement à l’année 2000). Mais on ne peut exclure une fonte plus rapide des glaces continentales, notamment en Antarctique, conduisant à des hausses de l’ordre de 2 mètres à la fin du siècle et de 5 mètres au milieu du siècle prochain
La perturbation du cycle de l’eau
Un climat plus chaud est aussi un climat dans lequel le cycle global de l’eau s’intensifie, car la chaleur accroît l’évaporation depuis les océans et les continents. Cela engendre une augmentation du volume global des précipitations, observée depuis 1950, qui s’est accélérée à partir des années 1980. Cette hausse se répartit très inégalement entre régions, ce qui tend à accentuer les contrastes entre zones arides et zones humides.
Tous les scénarios du WG 1 anticipent une accentuation des perturbations du cycle de l’eau, avec des impacts nettement plus marqués dans les scénarios fortement émissifs. Ceci va conduire à accentuer les contrastes géographiques (cf. illustration 2 - graphique 1) :
- Dans les hautes latitudes, sur la majorité du continent asiatique et dans une grande partie de l’Afrique orientale, les précipitations vont augmenter ;
- Dans les zones subtropicales (Ouest et centre américain, Ouest Australien, Sud de l’Afrique, Bassin Méditerranéen), les stress hydriques vont se durcir.
La variabilité temporelle des précipitations est également accentuée par le réchauffement global, ce qui est propice à l’apparition d’évènements extrêmes.
Le réchauffement accroît l’intensité des évènements extrêmes
On garde longtemps le souvenir d’une canicule, d’une grande sécheresse ou de violentes tempêtes qui peuvent gravement perturber la vie des sociétés. Pas celui des années les plus chaudes ou les plus froides qui nous ont précédées. C’est pourquoi il est important de rattacher avec rigueur la dynamique du réchauffement global aux évènements extrêmes.
De nombreuses avancées méthodologiques permettent désormais de mieux cerner ce qui peut être « attribué » au réchauffement lorsque surviennent de tels évènements.
Les modèles climatiques indiquent en premier lieu que l’intensité de ces évènements est renforcée par le réchauffement. Cela vaut non seulement pour les températures maximales, ce qui est intuitif, mais également pour les précipitations extrêmes (cf. illustration 2 - graphique 2), les sécheresses et les vents (y compris les cyclones de l’Atlantique Nord).
La violence de certains évènements peut également résulter de la combinaison de variables climatiques dont les effets se renforcent : la combinaison d’un déficit anormal de précipitations, d’une vague de chaleur et de vents violents favorise l’apparition de méga-incendies ; les épisodes de submersion sont d’autant plus violents qu’à la montée du niveau de la mer s’ajoutent des vents qui accroissent la force des vagues (et des grandes marées dont l’intensité n’est pas liée au climat).
La liaison entre le réchauffement et la fréquence des événements extrêmes est moins solidement établie. Elle semble surtout fonctionner pour les pics de température et les précipitations extrêmes dans les régions septentrionales.
Décrit par le WG 1, ce monde qui se réchauffe est un monde de contrastes croissants, perturbé par des évènements extrêmes frappant de plus en plus fort. Les pionniers des sciences du climat, à l’origine des premiers rapports du Giec, alertaient déjà sur ces risques. A l’époque, ceux-ci pouvaient encore sembler lointains, et donc incertains.
Le sixième rapport les étudie avec bien plus de précision. Mais surtout, il nous décrit un monde dans lequel nous sommes déjà entrés. Cela renforce terriblement la matérialité des risques encourus, tant que le réchauffement global n’est pas interrompu. Cela sera-t-il suffisant pour catalyser l’action ? Réponse d’ici quelques mois à la prochaine COP de Glasgow, où les différentes parties à l’Accord de Paris devront indiquer jusqu’où elles sont prêtes à s’engager pour hâter la marche vers la neutralité climatique.
Atlas du Giec : https://interactive-atlas.ipcc.ch/
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