mardi 2 décembre 2014

L'Anses relaye deux études sur l'exposition des enfants aux pesticides

Deux études relayées par l'Anses reviennent sur l'exposition environnementale et alimentaire de jeunes enfants aux résidus de pesticides. Elles confirment la dérive des pesticides pulvérisés et l'implication des aliments dans l'exposition.
 Quelle est l'exposition environnementale et alimentaire des jeunes enfants aux résidus de pesticides ? Ce sujet a été à l'origine de crispations cet été lors de la préparation de la loi d'Avenir pour l'agriculture : Ségolène Royal avait alors annoncé "une interdiction des épandages de produits phytosanitaires « à moins de 200 mètres des écoles »".
Au final, la loi n'a retenu que la mise en place de mesures de protection près des lieux sensibles (écoles, hôpitaux, etc.) : "des haies, des équipements pour le traitement ou des dates et horaires de traitement permettant d'éviter la présence de personnes vulnérables".
Dans son dernier bulletin de veille scientifique, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) vient alimenter le débat à travers la présentation de deux études : l'une se penche sur l'exposition d'écoles d'Afrique du Sud situées à proximité de vignobles et la seconde tente d'évaluer la contribution de certains aliments à l'exposition de jeunes enfants.
Si l'Agence souligne dans son analyse "la difficulté de documenter les sources d'exposition aux pesticides" du fait de leur "présence ubiquiste (…) dans l'environnement et au nombre élevé de molécules mises sur le marché", elle relève toutefois les apports documentaires de ces deux études.
Le suivi des concentrations résiduelles de pesticides dans l'air, les poussières et la pelouse d'écoles à proximité de vignobles (30 et 100 m) en Afrique du Sud (à l'ouest de la ville du Cap) montre en effet que six des onze pesticides détectés dans les échantillons figurent dans le planning de pulvérisation des exploitations.
Mise en évidence de dérive de pesticides
Selon cette étude, les résultats "en lien avec les données météorologiques (direction du vent, données pluviométriques) ont confirmé la dérive des pesticides utilisés dans les vignobles vers les deux écoles".
L'Anses regrette toutefois que tous les pesticides utilisés dans les fermes aux alentours ainsi que dans les écoles en question n'aient été étudiés. "Compte tenu du phénomène de dérive sur des distances pouvant atteindre 750 m, il aurait été pertinent de connaître l'environnement des écoles sur un rayon équivalent", pointe-t-elle également.
La seconde étude a mesuré la concentration de résidus de pesticides dans les urines de 135 enfants, âgés de deux à cinq ans, après la consommation de jus de fruits frais, céréales, légumes et pain aux Etats-Unis (Caroline du Nord et Ohio).
Elle montre ainsi que 99% des enfants ont été exposés aux insecticides TCP, 64% à l'acide 3-phénoxybenzoïque (3-BPA) et 92% à l'herbicide, l'acide dichloro 2,4 phénoxyacétique.
Selon les auteurs, les enfants consommant des pommes et des jus de fruits à une fréquence d'au moins trois fois par semaine présentent une concentration moyenne de TCP plus élevée.
De la même manière, lorsque ces derniers mangent du poulet ou de la dinde à une fréquence supérieure ou égale à trois fois par semaine, leur niveau urinaire de 3-BPA s'avérait plus important.
"La documentation du poids ou du volume des aliments consommés aurait pu permettre une meilleure caractérisation des sources d'exposition", note l'Anses. Pour l'Agence, les auteurs auraient également pu prendre en compte des critères complémentaires comme les concentrations en pesticides dans les légumes, une analyse de l'eau du robinet, la consommation de produits bio, etc.
Selon l'Anses, une voie d'exposition qui pourrait ne pas être négligeable serait également l'ingestion de terre contenant des pesticides : les enfants absorberaient en effet en moyenne 31 mg/jour (et jusqu'à 137 mg/jour) de terre et de poussières.
En France, quelques études se sont intéressées à cette question : l'étude épidémiologique Timoun en Guadeloupe s'efforce de caractériser les éventuels impacts du chlordécone sur le développement de l'enfant et la grossesse. Des scientifiques ont ainsi montré que cette exposition peut conduire à un risque augmenté de prématurité.
Dans le cadre du volet alimentation du projet de recherche Popeye, l'exposition aux pesticides des couples mères-enfants de la cohorte nationale Elfe doit également être étudiée ainsi que les impacts possibles d'une exposition pendant la grossesse.
De manière plus large, l'Institut de veille sanitaire avait alerté en avril 2013 sur les niveaux d'exposition de la population française (adulte) aux organophosphorés et aux pyréthrinoïdes.
Lors de la table ronde santé-environnement de la Conférence environnementale, plusieurs associations ont appuyé sur la nécessité de réduire l'usage des pesticides, la feuille de route qui en découlera en janvier montrera si le Gouvernement a entendu leur appel.

Microplastiques : les poissons d'eau douce aussi sont contaminés

Pour la première fois, des chercheurs de l'Ineris apportent la preuve de la pollution des milieux aquatiques terrestres par des microplastiques. Reste à évaluer les effets biologiques de cette contamination.
 Si la contamination des océans par les microplastiques est désormais bien connue grâce notamment à des expéditions scientifiques dans le Pacifique et plus récemment en mer Ligure, ce n'est pas le cas pour les milieux d'eau douce. Les premières études ont mis en évidence la présence de microplastiques dans les eaux de surface et dans les sédiments de certains écosystèmes lentiques comme le lac de Garde en Italie, le lac de Genève en Suisse ou même le lac Hovsgol en Mongolie. De même, la contamination de sédiments a été observée dans des écosystèmes lotiques comme le fleuve Saint Laurent au Canada. En France, l'Institut national de l'environnement et des risques (Ineris) a commencé à s'intéresser à la question. Grâce à une étude exploratoire menée sur deux ans, les chercheurs ont constaté une contamination des poissons similaire à celle observée en milieu marin.
10% des goujons sont contaminés
Les équipes de l'Ineris ont développé pour cette étude une méthodologie spécifique pour mieux détecter les microplastiques, permettant la séparation et le marquage du contaminant lors de l'analyse du contenu de l'estomac des individus. Sur les 812 goujons prélevés sur 33 sites, 10% contenaient dans leur intestin des fibres ou microbilles en plastique. D'autres études ayant mis en évidence la présence de microplastiques dans le milieu (eau et/ou sédiment) n'avaient pas retrouvé ces contaminants dans les poissons. L'espèce "sentinelle" étudiée par l'Ineris se nourrit en fouissant dans les sédiments et les graviers ce qui l'expose aux microplastiques présents dans le milieu.
Des impacts sanitaires inconnus
Même si aucune étude n'a recherché directement la présence de microplastiques dans les rivières françaises, le travail de l'Ineris démontre la contamination des milieux aquatiques par les microplastiques et, via la chaîne alimentaire, l'exposition des poissons à cette pollution. Par contre, il ne dit rien sur les effets biologiques de cette contamination. Des bioessais d'écotoxicité réalisés en laboratoire ont souligné récemment l'impact des microplastiques sur la croissance de certaines algues et sur la mortalité et la reproduction de micro-crustacés.
L'étude de l'Ineris a été réalisée sur des prélèvements effectués dans le cadre d'une recherche de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) sur l'intersexualité des poissons. Les chercheurs de l'Ineris n'ont pas résisté à l'idée de comparer la présence de microplastiques avec le changement de sexe, même si l'étude n'avait pas été construite dans ce but. Résultat, aucun lien n'a pu être établi.
Reste que ces microplastiques peuvent être des sources d'exposition à des substances qui perturbent les cycles hormonaux. Les phtalates et autre bisphenol utilisés pour la fabrication de plastique sont en effet des perturbateurs endocriniens suspectés. Les microplastiques peuvent également être porteurs de substances chimiques.
Un microplastique, c'est quoi ?
L'Ineris soulève aussi la question de la source de ces microplastiques. Définis comme étant des débris de moins de 5 mm, ces éléments proviennent des activités humaines. Ils peuvent être présents directement sous cette taille dès leur émission ou progressivement réduits à l'état de particules par l'érosion. Surtout retrouvés sous forme de fibres dans les poissons, les microplastiques proviennent des cosmétiques (billes d'exfoliants par exemple), des eaux usées qui charrient les fibres synthétiques issues des vêtements lavés en machine…

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