Greenpeace publie un rapport commandé à Wise-Paris sur les enjeux du
prolongement au-delà de 40 ans des réacteurs français. Avec des coûts
évalués entre 400 millions et 4,4 milliards d'euros par réacteur,
l'enjeu de la rentabilité est posé.
Ce mardi 25 février, le cabinet d'étude spécialisé sur le nucléaire Wise-Paris a présenté un rapport
commandé par Greenpeace et analysant les enjeux liés au vieillissement
des réacteurs nucléaires français au-delà de 40 ans d'exploitation. "Le
rapport envisage différents scénarios prospectifs de renforcement de
ces réacteurs en fonction du degré d'exigence et de sûreté applicable et
en analyse les coûts liés", explique Greenpeace.
Compte tenu des conclusions du rapport, Greenpeace formules deux
recommandations qui devraient constituer, selon l'association, la base
pour la future loi de transition énergétique.
Tout d'abord, la loi devrait fixer à 40 ans l'âge limite des réacteurs
français. Ensuite, pour assurer le renouvellement du parc national de
production électrique, il conviendrait de fixer un objectif de 45%
d'énergies renouvelables pour 2030.
Effet falaise
Preuve que la question du coût d'un prolongement au delà de 40 ans ne
cesse d'être réévalué à la hausse. En 2008, EDF l'évaluait à 400
millions d'euros par réacteur et en janvier 2011, l'entreprise le
réévaluait à 900 millions d'euros par réacteur, a indiqué Sophia Majnoni
D'Intignano, responsable des campagnes de Greenpeace. En cause,
notamment, le renforcement progressif des impératifs de sûreté et
l'absence de règles claires validées par l'Autorité de sûreté nucléaire
(ASN), cette dernière devant se prononcer sur ce dossier d'ici à 2018.
Pierre-Franck Chevet, le président de l'ASN, n'a d'ailleurs de cesse de
répéter que la possibilité de faire fonctionner les réacteurs au-delà de
40 ans "n'est pas acquise". D'autant que les évaluations complémentaires de sûreté post-Fukushima et l'élaboration du noyau dur ne sont pas encore achevées.
Or, l'anniversaire des 40 ans approche pour un grand nombre de réacteur. "Il existe un effet falaise",
explique Yves Marignac, directeur de Wise-Paris, qui rappelle que 80%
des réacteurs français ont été mis en service entre 1977 et 1987. Les
travaux de prolongement de la durée de vie des réacteurs concerneront
donc une grande partie du parc sur une période très courte. Une
situation inédite et qui soulève des questions de savoir-faire et de
capacité. Et de rappeler les propos du président de l'ASN devant l'Assemblée : "pour l'instant [chez EDF], ils sont débordés par les travaux [de maintenance] qu'ils ont eux-mêmes décidés".
Incertitudes et transparence
Par ailleurs, trois éléments rendent le sujet très délicat. Tout
d'abord, le parc français étant constitué de six "paliers" standardisés,
un risque générique n'est pas à écarter.
Si l'ASN relève sensiblement le niveau de sûreté d'un réacteur
lorsqu'elle déclinera les règles générales du passage au-delà de 40 ans,
tous les réacteurs du palier concerné seraient alors impactés. Ensuite "il n'y a pas de définition claire des 40 ans",
explique Yves Marignac, précisant qu'un flou existe entre l'âge
règlementaire et l'âge technique, c'est-à-dire en fonction de l'usure
constatée. Ainsi, la visite décennale des 30 ans s'effectue actuellement
après 34 ans de fonctionnement. Vingt-sept réacteurs ont dépassé 30 ans
de fonctionnement, mais seuls cinq ont obtenu une autorisation de poursuite d'exploitation
et onze n'ont pas commencé leur réexamen décennal, pointe le rapport.
Enfin, il y a deux limites irréductibles au renforcement de la sûreté
des réacteurs : certains gros composants irremplaçables, telles que les
cuves, ont été prévus pour une durée de vie de 40 ans et le
dimensionnement initial des installations, établi par rapport à un
risque donné, impose des limites au renforcement de la sûreté.
Dans ce contexte, la transparence et l'accès à l'information sont essentiels pour Wise-Paris qui appelle à "une révision"
du processus actuel. Yves Marignac estime notamment que les
modifications à apporter aux installations s'apparentent à des
"modifications notables" apportées à l'installation concernée. Dans de
telles circonstances, il convient de réviser le décret d'autorisation de
création (DAC) initial et, pour cela, réaliser une nouvelle enquête
publique. De plus, le code de l'environnement prévoit que la Commission
nationale du débat public (CNDP) soit saisie de tout projet de "nouveau site de production nucléaire correspondant à un investissement d'un coût supérieur à 300 millions d'euros".
De 400 millions à 4,4 milliards
Dans ce contexte, Wise-Paris a évalué les coûts des travaux de
prolongement à partir de cinq facteurs discriminants : le référentiel de
sûreté retenu, la gestion de la conformité, les orientations
techniques, le processus de décision et les délais de réalisation. A
partir de ces critères, trois scénarios ont été établis.
Un scénario de sûreté dégradée (S1) "correspond à une interprétation minimale des différentes exigences", un scénario de sûreté préservée (S2) vise à "limiter
aussi efficacement que possible les effets reconnus du vieillissement,
et [à] introduire aussi raisonnablement que possible de nouvelles
dispositions issues des analyses post-Fukushima" et un scénario de sûreté renforcée (S3) "repose logiquement sur une recherche d'exigences aussi élevées que possible du point de vue de la sûreté".
Selon le scénario S1, le coût moyen par réacteur serait de 400 millions
d'euros, avec une marge de plus ou moins 150 millions. Le scénario S2
coûterait quelque 1,4 milliard par réacteur, avec une marge de plus ou
moins 600 millions. Enfin, le scénario S3 voit le budget s'envoler à 4,4
milliards d'euros, avec une marge de plus ou moins 1,85 milliard.
Les fortes marges d'incertitudes s'expliquent, notamment, par
l'absence d'informations sur le coût des travaux réalisés par EDF et par
le fait que certains des travaux envisagés n'ont jamais été réalisés.
Par ailleurs, certains coûts n'ont pas été inclus dans les calculs, a
averti Yves Marignac. C'est en particulier le cas du manque à gagner lié
à la perte de production lors des arrêts de tranches nécessaires à la
réalisation des travaux. Malgré tout, "ce coût risque (…)
d'être très supérieur au coût annoncé par EDF pour son plan de « grand
carénage », qui correspond à moins de 1 milliard d'euros par réacteur", conclut Wise-Paris. Le rapport alerte par ailleurs sur le fait que "quelques
postes clés pour le renforcement de la sûreté, liés pour l'essentiel à
la bunkérisation d'éléments vitaux pour la sûreté des réacteurs [notamment les piscines de combustibles et la salle des commandes, ndlr], concentrent dans toutes les fourchettes près de la moitié du coût total".
Le rapport pointe surtout, "le risque que fait peser sur les exigences de sûreté la rentabilité d'éventuelles prolongations" et place au premier plan "la nécessité de clarifier, avant toute décision, les enjeux économiques de ces opérations".
Une humanité en proie à l'explosion démographique et qui - tels ces vers de farine qui s'empoisonnent à distance dans le sac qui les enferme bien avant que la nourriture commence à leur manquer - se mettrait à se haïr elle-même parce qu'une prescience secrète l'avertit qu'elle devient trop nombreuse pour que chacun de ses membres puisse librement jouir de ces biens essentiels que sont l'espace libre, l'eau pure, l'air non pollué.
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