« Il est clair et net que cette classe de
médicaments est efficace puisqu’il y a eu de nombreuses études réalisées
tant sur les patients épisodiques [les gens qui ont jusqu’à 14 jours de
migraine par mois] que chroniques [ceux qui sont plus sévèrement
atteints], a dit la neurologue Élizabeth Leroux. Toutes les études ont
été positives, sans équivoque. »
Ces
nouveaux médicaments, qui ont été développés après 25 ans de recherches
pour mieux comprendre les causes des migraines, ciblent un peptide
qu’on appelle CGRP (pour « calcitonin gene-related peptide »), une
substance chimique qui se retrouve naturellement dans notre organisme,
mais qui joue un rôle important dans la migraine.
Plusieurs
compagnies ont maintenant mis au point des anticorps pour bloquer cette
substance, et ce faisant diminuer la fréquence et la sévérité des
crises migraineuses.
« C’est
un peu comme si votre cerveau décidait de s’autosaupoudrer de poivre de
Cayenne sur les méninges et sur les artères, et ça, ça fait mal, a
illustré la docteure Leroux. Il y a une espèce d’orage électrique et
chimique, et le CGRP fait partie du poivre de Cayenne, donc il fait
partie de ces peptides inflammatoires qui vont aller déclencher toute
une cascade d’inflammation qui va causer la douleur et les autres
symptômes associés à la migraine. »
Les
anti-CGRP étaient disponibles aux États-Unis depuis environ deux ans
quand ils ont finalement été approuvés par Santé Canada au début du mois
d’octobre. Des centaines de milliers de personnes à travers le monde
ont maintenant profité de ce traitement.
Le
patient s’autoinjecte chaque mois cet anticorps à l’aide d’un stylo
ressemblant à un Epipen. Chaque injection coûte près de 600 $, mais les
compagnies pharmaceutiques et les assureurs privés épongent souvent une
bonne partie, voire la totalité, des frais.
« La
moitié des gens vont répondre de 50 %. Donc si vous partez à douze
migraines par mois, vous descendez à six. Vous partez à vingt migraines,
vous descendez à dix, a expliqué la docteure Leroux. Mais de 20 à 30 %
des patients, dépendant de leur sévérité, vont répondre à 75 %. Donc ce
n’est pas du jamais vu, mais c’est quasiment du jamais vu dans notre
univers du traitement de la migraine. Si vous partez à vingt, vous
tombez à quatre ou cinq. Ça améliore vraiment la qualité de vie pour ce
qu’on appelle les “répondeurs”, c’est-à-dire les gens qui répondent aux
anticorps anti-CGRP. »
Les
traitements pourront être espacés, sinon complètement arrêtés, chez les
patients qui y répondent le mieux. Les spécialistes tentent par
ailleurs de mettre au point un traitement pour bloquer la cascade du
CGRP en pleine crise, et non seulement en prévention.
Trois révolutions
« Il
y a eu trois révolutions dans le monde des migraines, a dit la docteure
Leroux. Il y en a eu une quand les triptans sont arrivés ; ce sont des
traitements qui jouent sur la sérotonine pour casser des crises. Après
ça il y a eu le botox en 2011, et ça a tout changé notre perception de
la migraine chronique ; c’est un traitement qui est bien toléré et qui
fonctionne bien. Et là on a les anticorps qui sont une révolution. »
L’impact de la migraine est sous-estimé parce que
c’est une maladie invisible, ajoute-t-elle. L’Organisation mondiale de
la santé reconnaît pourtant que c’est une maladie très invalidante,
surtout qu’elle touche des enfants et des adolescents, ou encore de
jeunes adultes qui sont au pic de leur productivité.
Deux jours à
être incapacité ou deux jours ralenti ou deux jours à vomir ou même
parfois deux jours à la salle d’urgence, a expliqué la docteure Leroux.
Chaque jour regagné est un jour significatif pour ces gens-là, donc
s’ils regagnent six jours ou dix jours, l’impact sur la qualité de vie
est énorme. »
L’arrivée
sur le marché des anti-CGRP représente donc un nouvel espoir pour les
patients à qui on pouvait seulement proposer des thérapies dont
l’efficacité n’était pas garantie et qui pouvaient en plus s’accompagner
d’effets secondaires parfois pénibles.