Depuis six ans, les discussions entre les Etats membres et la Commission
européenne patinent pour durcir les tests d'homologation des
pesticides, proposés par l'Efsa, pour protéger les abeilles.
L'association Pollinis dénonce l'opacité des négociations.
En septembre 2018, l'association Pollinis a contesté devant la médiatrice européenne
le refus de la Commission européenne lui demandant d'accéder aux
comptes rendus des délibérations des Etats membres pour mettre en œuvre
les nouveaux tests d'évaluation des risques des pesticides sur les
abeilles. Cette révision des tests d'homologation des pesticides a été proposée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) en juillet 2013. Les nouvelles lignes directrices de l'Efsa
prennent en considération les risques associés à l'exposition chronique
(exposition à de faibles doses sur le long terme) aux pesticides et les
risques potentiels pour les larves. Le document de l'Efsa prévoit aussi
des tests sur les impacts des substances sur les bourdons et les
abeilles solitaires (sauvages), et non plus seulement sur les abeilles
domestiques.
"Un intense lobbying des fabricants des pesticides"
Face au déclin massif des pollinisateurs en Europe, Pollinis dénonce "le blocage"
de l'adoption du document de l'Efsa par le Comité permanent des
plantes, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour
animaux (Scopaff). Ce comité est composé de représentants de chaque Etat
membre de l'UE et est présidé par un représentant de la Commission
européenne. Ce comité bruxellois ne parvient pas à obtenir une majorité
qualifiée pour valider le texte de l'Efsa et le mettre en œuvre dans
l'UE. "Depuis six ans, l'adoption des nouveaux « tests abeilles » a été mise plus de 20 fois à l'ordre du jour du Scopaff, qui
l'a systématiquement bloquée et qui demande maintenant à la Commission
européenne de lui fournir de nouvelles lignes directrices plus conformes
aux exigences de l'agrochimie", a indiqué, à Actu-Environnement,
Julie Pecheur, directrice du plaidoyer chez Pollinis. L'Association
européenne de protection des cultures (ECPA), qui représente l'industrie
agrochimique en Europe, "s'oppose fermement à l'adoption de ce document".
La plupart des pesticides présents sur le marché de l'UE aujourd'hui
ne passeraient pas les tests de toxicité chronique prévus par les lignes
directrices de l'Efsa, selon une étude d'impact publiée en 2018 par les
industriels. "S'ils étaient adoptés, 79 % des herbicides, 75 % des
fongicides et 92 % des insecticides ne passeraient pas le premier niveau
des tests en laboratoire, notamment ceux concernant la toxicité
chronique, ce qui impliquerait de mener des tests additionnels", a ajouté Mme Pecheur. Ce qui pourrait compromettre les autorisations de mise sur le marché des produits. Pollinis fustige "un intense lobbying" des
fabricants de pesticides qui demandent le maintien du système actuel
d'évaluation des risques. Soit la réalisation des tests de toxicité
aiguë seulement pour les abeilles domestiques. "Le système d'homologation des pesticides qui est en place ne permet pas de tester la toxicité réelle des pesticides de dernière génération", a souligné Mme Pecheur, en pointant l'impact des pesticides systémiques et des fongicides "SDHI".
La médiatrice européenne donne raison à Pollinis
"L'opacité qui entoure ce comité empêche les citoyens de
connaître les raisons de ce blocage et les Etats membres qui en sont à
l'origine", a déploré Mme Pecheur.
Mardi 14 mai, la médiatrice européenne Emily O'Reilly a approuvé la requête de Pollinis. Dans un communiqué, elle constate "un
cas de mauvaise administration au sein de la Commission européenne qui a
refusé de donner l'accès à des documents au public concernant les
positions prises par les autorités nationales au sujet du risque des
pesticides sur les abeilles". "En 2013, l'Efsa a donné des lignes
directrices sur l'impact des pesticides sur les abeilles. Toutefois,
certaines autorités nationales empêchent la Commission de les mettre en
œuvre. C'est leur décision, mais lorsqu'elles agissent ainsi, les
citoyens européens ont le droit de connaître la position prise par leur
propre gouvernement, tout comme celle prise en tant qu'Etat membre. La biodiversité est un sujet particulièrement important", a ajouté Mme O'Reilly.
La médiatrice confirme que les documents en question contiennent des informations environnementales, "telles que définies dans le Règlement d'Aarhus, et représentent ainsi un intérêt public supérieur". Mme O'Reilly recommande à la Commission d'accorder l'accès aux 16 documents demandés sur les positions des Etats. Ces documents "ont été envoyés par email entre mai et septembre 2018", précise Pollinis.
Reste à savoir si la Commission va suivre les recommandations de la
médiatrice car il ne s'agit pas d'un texte contraignant. La Commission
dispose d'un délai de trois mois pour donner son avis, soit avant le 10
août 2019. "En cas de refus de la Commission, la médiatrice peut, mais c'est très rare, demander un rapport spécial au Parlement européen", a indiqué Benedicte Reitzel-Nielsen, directrice des campagnes et coordinatrice chez Pollinis.
L'Efsa révisera finalement ses lignes directrices
Après plusieurs réunions du comité (Scopaff), en octobre et décembre
2018, puis en janvier 2019, la Commission a proposé un nouveau
"compromis" qui serait favorable aux exigences du secteur agrochimique,
selon Pollinis."La proposition actuelle de la Commission constitue
une menace pour les pollinisateurs en Europe puisque, si elle est
approuvée par le Scopaff, elle reportera à un futur dangereusement
lointain l'adoption de tests clés pour protéger les pollinisateurs", craint l'association. "Ces préoccupations sont partagées par le Parlement européen".
A la demande de la Commission en mars 2019, l'Efsa révise actuellement ses lignes directrices publiées en 2013. "Plusieurs Etats membres ont demandé que certaines sections du document soient mises à jour. En outre, de nouveaux éléments de preuve ont été rendus disponibles depuis la publication du document d'orientation initial",
a expliqué l'Efsa, dans un communiqué paru le 8 mai. La Commission a
demandé que la révision du document soit axée sur les preuves relatives à
la mortalité des abeilles, "en tenant compte d'une gestion apicole réaliste et de la mortalité historique naturelle".
La révision portera également sur les voies d'exposition, notamment via
la pulvérisation, le traitement des semences ou l'application de
granulés. Sont aussi concernées : "la liste des cultures attractives
pour les abeilles et la méthodologie en matière de tests de niveau
supérieur (higher tier testing)", ajoute l'Efsa. Son nouveau document devrait être finalisé en 2021.
Fin 2018, la Commission européenne a interdit dans l'UE l'utilisation complète de trois substances néonicotinoïdes tueuses d'abeilles
(clothianidine, imidaclopride, thiamétoxame), à l'exception des usages
en serres permanentes. Ces substances ont été bannies en se basant sur
les lignes directrices de l'Efsa de 2013.
Une humanité en proie à l'explosion démographique et qui - tels ces vers de farine qui s'empoisonnent à distance dans le sac qui les enferme bien avant que la nourriture commence à leur manquer - se mettrait à se haïr elle-même parce qu'une prescience secrète l'avertit qu'elle devient trop nombreuse pour que chacun de ses membres puisse librement jouir de ces biens essentiels que sont l'espace libre, l'eau pure, l'air non pollué.
jeudi 16 mai 2019
jeudi 9 mai 2019
Biodiversité : Que retenir du rapport de l’IPBES 2019 sur l’état de la biodiversité ?
Le lundi 6 mai 2019, l’IPBES (groupe d'experts de l'ONU) publiait son
rapport sur l’état de la biodiversité. Le groupe d’experts sortait en
effet de sa septième séance plénière dans le cadre de la plateforme
intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et
les services écosystémiques. Le rapport publié est le résultat de trois
(3) années de travaux menés par 150 scientifiques et plus de 300 experts
sous l’égide de l’ONU. Dans les grandes lignes, ce rapport révèle que
l’agriculture, la pêche et le changement climatique sont en train de
provoquer l’extinction d’un million d’espèces laquelle s’accélère
provoquant des effets graves sur les populations humaines du monde
entier.
Dans cet article, nous reviendrons sur les principaux résultats chiffrés et les principales orientations proposées par l’IPBES.
Concernant les principaux résultats chiffrés :
- L’on note que la disparition de la biodiversité est 1000 fois supérieure au taux naturel d’extinction des animaux. Ce qui conduit les experts à dire que nous traversons la sixième extinction de masse des espèces et exclusivement liée aux activités humaines (la dernière en date étant celle des dinosaures, il y a 65 millions d’années).
- Globalement, un quart des 100.000 espèces évaluées est déjà menacé d’extinction, sous pression de l’agriculture, de la pêche, de la chasse, ou encore du changement climatique. Une accélération rapide imminente du taux d’extinction des espèces, animales et végétales est attendue par les scientifiques. Soit un million supplémentaire sera menacé dont la plupart durant les prochaines décennies. Pour l’heure, 75 % des espèces du milieu terrestre et 40 % du milieu marin sont sévèrement altérées par les activités humaines.
- Depuis 1900, l’abondance moyenne des espèces locales dans la plupart des grands habitats terrestres a diminué d’au moins 20 % avec évidemment de fortes disparités régionales. On estime que 10 % des espèces d’insectes sont menacées, mais leur biomasse totale chute beaucoup plus rapidement. Au moins 680 espèces de vertébrés ont disparu depuis le 16e siècle.
- Le nombre d’espèces exotiques envahissantes a augmenté d’environ 70 % depuis 1970 en moyenne à cause de la multiplication des échanges commerciaux et du réchauffement climatique.
- Plus d’un tiers de la surface terrestre du monde et près de 75 % des ressources en eau douce sont maintenant destinées à l’agriculture ou à l’élevage. 12 % des terres émergées non couvertes par les glaces sont utilisées dans le monde pour la production agricole et 25 % pour les pâturages.
- La valeur de la production agricole a augmenté d’environ 300 % depuis 1970, mais la dégradation des sols a réduit de 23 % la productivité de l’ensemble de la surface terrestre mondiale. De plus, 75 % des plantes cultivées sont confrontées au risque de disparition des pollinisateurs.
- En agriculture, environ 10 % de toutes les races de mammifères domestiquées avaient disparu en 2016 en raison de la standardisation des élevages et de l’abandon de variétés moins productives.
- 100 millions d’hectares de forêts tropicales ont été perdus entre 1980 et 2000 en raison de l’augmentation de l’élevage du bétail en Amérique latine (environ 42 millions d’hectares) et des plantations en Asie du Sud-Est (environ 7,5 millions d’hectares, dont 80 % destinés à l’huile de palme). Environ 25 % des émissions de gaz à effet de serre sont causées par ce défrichement.
- 68 % des capitaux étrangers qui vont aux secteurs du soja et de la viande bovine amazonienne transitent par des paradis fiscaux.
- Plus de 500 000 espèces terrestres ont désormais un habitat insuffisant pour leur survie à long terme. Par ailleurs, 60 milliards de tonnes de ressources renouvelables et non renouvelables sont maintenant extraites chaque année dans le monde. Une quantité qui a presque doublé depuis 1980.
- 50 % de l’expansion agricole a eu lieu au détriment des forêts, dont la superficie n’est plus que de 68 % de celle qu’elle était à l’époque préindustrielle.
- 110 millions d’hectares de forêts ont été plantés en plus de 1990 à 2015, soit presque deux fois la superficie de la France.
- 55 % des océans sont exploités par la pêche industrielle et on estime qu’un tiers des stocks de poissons marins sont surexploités, 60 % le sont au maximum du niveau durable et seulement 7 % à un niveau très durable.
- Plus d’un tiers des prises de poissons dans le monde sont illicites ou non déclarées (2011) et 70 % des bateaux impliqués dans cette fraude sont financés à travers des paradis fiscaux.
- La diminution de 10% par décennie des herbiers marins depuis 1970. De leur côté, les récifs coralliens ont reculé de moitié depuis 1900 et les mangroves de 75 %.
- Plus d’un tiers de tous les mammifères marins et plus de 40 % des oiseaux marins sont menacés.
- Plus de 40 % des espèces d’amphibiens sont menacées d’extinction, ils ont pourtant un rôle essentiel dans la régulation des insectes comme les moustiques. De fait, les zones humides disparaissent actuellement trois fois plus vite que les forêts.
- 80 % des eaux usées mondiales rejetées dans l’environnement ne sont pas traitées.
Concernant les principales orientations proposées :
- L’IPBES recommande de mettre en place une planification intégrative en faveur de la biodiversité, de diminuer nos sources de pollution et de réduire notre consommation.
- Les experts soulignent la nécessité de changer nos modes de production et de développer des chaînes alimentaires moins nocives pour la nature.
- Il est également recommandé aux États de prendre davantage en considération la gouvernance de l’environnement et de s’éloigner du dogme de la croissance.
- Le président de l’IPBES, Robert Watson, appelle à une prise de conscience générale et à un remaniement radical de la société afin d’assurer un avenir à peu près soutenable.
Dans cet article, nous reviendrons sur les principaux résultats chiffrés et les principales orientations proposées par l’IPBES.
Concernant les principaux résultats chiffrés :
- L’on note que la disparition de la biodiversité est 1000 fois supérieure au taux naturel d’extinction des animaux. Ce qui conduit les experts à dire que nous traversons la sixième extinction de masse des espèces et exclusivement liée aux activités humaines (la dernière en date étant celle des dinosaures, il y a 65 millions d’années).
- Globalement, un quart des 100.000 espèces évaluées est déjà menacé d’extinction, sous pression de l’agriculture, de la pêche, de la chasse, ou encore du changement climatique. Une accélération rapide imminente du taux d’extinction des espèces, animales et végétales est attendue par les scientifiques. Soit un million supplémentaire sera menacé dont la plupart durant les prochaines décennies. Pour l’heure, 75 % des espèces du milieu terrestre et 40 % du milieu marin sont sévèrement altérées par les activités humaines.
- Depuis 1900, l’abondance moyenne des espèces locales dans la plupart des grands habitats terrestres a diminué d’au moins 20 % avec évidemment de fortes disparités régionales. On estime que 10 % des espèces d’insectes sont menacées, mais leur biomasse totale chute beaucoup plus rapidement. Au moins 680 espèces de vertébrés ont disparu depuis le 16e siècle.
- Le nombre d’espèces exotiques envahissantes a augmenté d’environ 70 % depuis 1970 en moyenne à cause de la multiplication des échanges commerciaux et du réchauffement climatique.
- Plus d’un tiers de la surface terrestre du monde et près de 75 % des ressources en eau douce sont maintenant destinées à l’agriculture ou à l’élevage. 12 % des terres émergées non couvertes par les glaces sont utilisées dans le monde pour la production agricole et 25 % pour les pâturages.
- La valeur de la production agricole a augmenté d’environ 300 % depuis 1970, mais la dégradation des sols a réduit de 23 % la productivité de l’ensemble de la surface terrestre mondiale. De plus, 75 % des plantes cultivées sont confrontées au risque de disparition des pollinisateurs.
- En agriculture, environ 10 % de toutes les races de mammifères domestiquées avaient disparu en 2016 en raison de la standardisation des élevages et de l’abandon de variétés moins productives.
- 100 millions d’hectares de forêts tropicales ont été perdus entre 1980 et 2000 en raison de l’augmentation de l’élevage du bétail en Amérique latine (environ 42 millions d’hectares) et des plantations en Asie du Sud-Est (environ 7,5 millions d’hectares, dont 80 % destinés à l’huile de palme). Environ 25 % des émissions de gaz à effet de serre sont causées par ce défrichement.
- 68 % des capitaux étrangers qui vont aux secteurs du soja et de la viande bovine amazonienne transitent par des paradis fiscaux.
- Plus de 500 000 espèces terrestres ont désormais un habitat insuffisant pour leur survie à long terme. Par ailleurs, 60 milliards de tonnes de ressources renouvelables et non renouvelables sont maintenant extraites chaque année dans le monde. Une quantité qui a presque doublé depuis 1980.
- 50 % de l’expansion agricole a eu lieu au détriment des forêts, dont la superficie n’est plus que de 68 % de celle qu’elle était à l’époque préindustrielle.
- 110 millions d’hectares de forêts ont été plantés en plus de 1990 à 2015, soit presque deux fois la superficie de la France.
- 55 % des océans sont exploités par la pêche industrielle et on estime qu’un tiers des stocks de poissons marins sont surexploités, 60 % le sont au maximum du niveau durable et seulement 7 % à un niveau très durable.
- Plus d’un tiers des prises de poissons dans le monde sont illicites ou non déclarées (2011) et 70 % des bateaux impliqués dans cette fraude sont financés à travers des paradis fiscaux.
- La diminution de 10% par décennie des herbiers marins depuis 1970. De leur côté, les récifs coralliens ont reculé de moitié depuis 1900 et les mangroves de 75 %.
- Plus d’un tiers de tous les mammifères marins et plus de 40 % des oiseaux marins sont menacés.
- Plus de 40 % des espèces d’amphibiens sont menacées d’extinction, ils ont pourtant un rôle essentiel dans la régulation des insectes comme les moustiques. De fait, les zones humides disparaissent actuellement trois fois plus vite que les forêts.
- 80 % des eaux usées mondiales rejetées dans l’environnement ne sont pas traitées.
Concernant les principales orientations proposées :
- L’IPBES recommande de mettre en place une planification intégrative en faveur de la biodiversité, de diminuer nos sources de pollution et de réduire notre consommation.
- Les experts soulignent la nécessité de changer nos modes de production et de développer des chaînes alimentaires moins nocives pour la nature.
- Il est également recommandé aux États de prendre davantage en considération la gouvernance de l’environnement et de s’éloigner du dogme de la croissance.
- Le président de l’IPBES, Robert Watson, appelle à une prise de conscience générale et à un remaniement radical de la société afin d’assurer un avenir à peu près soutenable.
mardi 7 mai 2019
IMPACT DES PESTICIDES SUR LES INSECTES POLLINISATEURS - LA FRANCE ET L'UE DOIVENT REFORMER SON SYSTÈME D'EVALUATION
N
|
IMPACT DES PESTICIDES SUR LES INSECTES
POLLINISATEURS LA FRANCE DOIT RÉFORMER
DE TOUTE URGENCE
SON SYSTÈME D'ÉVALUATION
Résumé: Les insectes disparaissent en Europe à un rythme alarmant. L'une des principales causes de ce déclin est l'utilisation intensive de pesticides toxiques
dont l'impact réel sur les pollinisateurs a été- et demeure- mal évalué scientifiquement.
Au niveau européen, les procédures d'évaluation sont
non seulement obsolètes,
mais aussi non conformes aux règlements
en vigueur. Qe nouvelles lignes directrices, établies par l'autorité sanitaire européenne (EFSA], sont bloquées depuis
2013 par le SCoPAFF, le comité représentant
les ministères de l'agriculture des différents États membres européens.
Mais la France,
comme l'a fait la Belgique, peut et doit se doter
d'un véritable système
d'évaluation en adoptant
immédiatement ces lignes directrices et en prenant en compte les données scientifiques les plus récentes.
UN SYSTÈME D'ÉVALUATION DU RISQUE OBSOLÈTE
L'homologation des pesticides se fait à deux niveaux: l'Union
européenne autorise les substances actives,
tandis que chaque
Etat membre autorise les formules commercialisées sur son territoire [le produit fini contenant une ou plusieurs
substances
actives mélangées à d'autres [adjuvants, phytoprotecteurs,
synergistes, coformulants...J. La mise sur le marché des
pesticides en France dépend donc des méthodes
d'évaluation du risque en vigueur
au niveau européen.
En 2009, suite au nombre grandissant d'études scientifiques sur
l'impact néfaste des pesticides sur la santé humaine et l'environnement, l'Union européenne [UE]
a adopté un règlement ambitieux
[11 07/2009]
permettant de mieux encadrer leur mise sur le marché. Ce règlement a entraîné en 2013 la révision des critères d'approbation des pesticides
1 , avec l'exigence que les firmes réalisent
des études supplémentaires afin d'évaluer l'impact réel des pesticides sur les insectes pollinisateurs. Mais les lignes directrices 2 et les protocoles de tests3 n'ont jamais été mis à jour.
L'actuelle procédure d'évaluation du risque est donc obsolète et inadéquate :
1. elle ne permet pas d'évaluer les risques posés par les nouvelles générations de pesticides,
notamment les pesticides systémiques qui dominent aujourd'hui le marché;
2. les études requises ne concernent que l'abeille domestique, Apis mellifera,
et ignorent
l'impact des
pesticides
sur
les
quelques
1 960 espèces
d'abeilles sauvages qui assurent la pollinisation des
plantes à fleurs de notre continent;
3. la méthode suivie se fonde sur une proposition de lïCCPR [Commission Internationale pour les relations plantes-pollinisateurs], un groupe miné par les conflits
d 'intérêts.
-7 L'absence d'une évaluation adéquate
met en péril les populations d'insectes pollinisateurs en France
et dans les autres pays européens.
1 Les données
requises pour l'homologation des substances actives sont précisées dans le règlement lUE) n°283/2013,
et pour les produits phytopharmaceutiques dans le règlement lUE) n°284/2013.
2 SANCO Guidance Document on Terrestrial Ecotoxicology- SANC0/1 0329/2002.
3 EPPO/OEPP [201 0) developed
by EPPO [European
and Mediterranean Plant Protection Organization) and revised in September
2010 with
ICPBR !InternationalCommission for Plant-Bee Relationship) recommendationsl.
UNE SOLUTION BLOQUÉE AU NIVEAU EUROPÉEN
Pour corriger
ces défaillances et fournir
une évaluation du risque
en
accord
avec le nouveau cadre réglementaire, la
Commission européenne a demandé à l'EFSA d 'établir de nouvelles
lignes
directrices permettant l'évaluation réelle
des risques que les produits
phytopharmaceutiques font peser
sur les abeilles
domestiques et sauvages.
L'EFSA a publié une version de ce« Guidance Document»
(GD] en 2013, mise à jour en 2014. Ce document
fournit des lignes directrices4 appropriées et complètes pour l'évaluation de l'impact des pesticides
sur les abeilles
(Apis mellifera, Bombus spp. et abeilles solitaires], et
fondées sur des études expérimentales et sur l'ensemble de
la littérature scientifique disponible- une première en Europe.
L'EFSA GD reste
à ce jour la méthodologie la mieux adaptée pour évaluer
les
risques
posés
par
les nouvelles générations de pesticides, et la plus complète en termes de critères
toxicologiques et de routes d'exposition.
Il s'agit d'une étape décisive
vers une évaluation complète du risque qui prendrait
en compte l'ensemble des insectes
pollinisateurs, et non plus seulement les abeilles.
Mais pour être adopté
au niveau européen, ce document doit
être approuvé par le Comité
permanent des végétaux, des animaux, des denrées
alimentaires et des aliments pour animaux (SCoPAFFI. Or, une majorité
des États membres,
réunis
au sein de ce comité, refusent de l'adopter. De son côté, l'industrie
agrochimique, qui a participé à la rédaction des critères
d'évaluation
de
ses propres produits, veut imposer son modèle d'évaluation du risque et effectue un intense lobbying auprès des membres du SCoPAFF.
EN FRANCE: UNE QUESTION DE VOLONTÉ POLITIQUE
En l'absence
de
progrès significatif concernant l'adoption européenne des lignes
directrices
de
l'EFSA, les États membres peuvent
agir au niveau national. La
Belgique, par exemple a adopté en 2017 ces
lignes
directrices
et les
a mises
à jour avec les
derniers
protocoles
de
l'OCDE validés
internationalement.
-7 La France, comme tous les États membres,
peut et doit suivre
cet exemple.
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