La plateforme Pour une autre PAC, très active lors de la précédente
réforme de la politique agricole commune, se remobilise. Alors que la
Commission européenne a présenté les grandes orientations de la
prochaine réforme, elle entend peser sur les débats.
Actu-Environnement : La Commission européenne vient de présenter une communication définissant ses grandes orientations pour la prochaine politique agricole commune (PAC). Qu'en pensez-vous ?
Aurélie Catallo : Il s'agit d'une communication, il n'y a pas
de propositions législatives pour l'instant. Tout peut encore évoluer
d'ici l'été, cela dépendra de ce que les deux co-législateurs, le
Conseil et le Parlement européens, décideront. La proposition de tendre
vers plus de subsidiarité, qui a largement été commentée, est loin de
faire l'unanimité par exemple. Sur ce point, tout dépendra de l'ambition
qui sera donnée au niveau européen. On sait que, généralement, les
Etats membres utilisent la subsidiarité pour vider les politiques de
leur substance. Mais la Commission européenne peut aussi fixer de vrais
objectifs ambitieux et obligatoires.
AE : Que défend la plateforme Pour une autre PAC pour cette réforme ?
AC : La prochaine PAC doit porter un véritable changement de
paradigme. Il faut passer d'une politique favorable à une poignée
d'acteurs de l'agro-alimentaire à une politique qui est au service des
citoyens et de tous les agriculteurs. La PAC doit assurer la sécurité
alimentaire, la protection des ressources naturelles, la lutte contre le
changement climatique, le développement rural et l'emploi, tout en
étant solidaire avec les pays du Sud. Cette politique ne doit pas se
contenter d'aborder les aspects sanitaires, elle doit porter une
véritable politique commune pour l'agriculture et l'alimentation.
Etonnamment, la communication de la Commission européenne s'intitule
"L'avenir de l'alimentation et de l'agriculture", alors qu'il n'y a
quasiment rien sur l'alimentation ! Il faut définir pour quoi et pour
qui l'agriculture européenne produit. Selon nous, il s'agit d'assurer la
souveraineté alimentaire de l'Europe, en produisant une alimentation de
qualité, accessible à tous. La prochaine PAC doit permettre ce
changement de paradigme et organiser la transition, car on ne pourra pas
changer de modèle agricole du jour au lendemain.
AE : Y a-t-il des aspects intéressants dans les premières orientations données par la Commission ?
AC : Les évolutions qui sont proposées nous paraissent être
des béquilles pour pallier les problèmes actuels. Par exemple, proposer
de mettre de l'argent public pour financer des systèmes d'assurance
privés, alors que, selon nous, il faut prévenir ces risques, donner les
outils aux agriculteurs pour trouver les solutions et devenir
résilients. La Commission propose également des pistes pour mettre un
terme à l'inégale répartition des aides de la PAC. Cela va dans le bon
sens. Elle mentionne l'idée d'un plafonnement des aides par actif, c'est
une idée que nous défendons. Mais entre la version de la communication
qui a été officiellement publiée et une précédente version qui avait
fuité en octobre, cette proposition a été modifiée : la Commission
proposait initialement une fourchette de plafonnement qui a disparu. Il
faut savoir que la Commission européenne avait déjà mis cette
proposition sur la table lors de la précédente réforme, mais elle avait
disparu. Il y a des chances pour que cela se reproduise…
AE : La PAC actuelle ambitionnait déjà d'être plus verte et plus équitable. Quel bilan en tirez-vous aujourd'hui ?
AC : La PAC 2014-2020 a manqué sa cible. Elle était
effectivement annoncée comme une PAC plus verte et plus juste, mais en
réalité, elle n'a pas permis de changer de cap et, sur le terrain, elle
n'a pas entraîné de changements de pratiques. Les critères d'attribution
des aides favorisent encore les grandes exploitations peu diversifiées.
Il y a un déséquilibre persistant entre le premier et le deuxième
pilier alors que, selon nous, le deuxième pilier peut permettre de
répondre à de nombreux enjeux. Cette PAC a finalement permis de
parachever la dérégulation de l'agriculture, d'aller vers un marché
libéral, avec la suppression des quotas… En France, la réforme s'est
traduite par beaucoup de complexités pour les agriculteurs et les
services qui la gèrent. Cela a créé une insécurité budgétaire qui
ébranle la confiance que les agriculteurs ont dans la PAC. On l'a vu
encore récemment avec les aides de la bio. Finalement, malgré les
milliards d'aides versés aux agriculteurs, la PAC ne leur permet
toujours pas de tirer des revenus de leur activité…
AE : Comment expliquez-vous cette défaillance ?
AC : Pour avoir un revenu, les agriculteurs doivent pouvoir
bien vendre et bien acheter. Cela passe par des coûts de production plus
bas. Aujourd'hui, ils doivent acheter les semences, les pesticides, les
engrais, les conseils techniques qui permettent de les utiliser, le
soja pour alimenter le bétail… Tant qu'ils ne seront pas autonomes dans
leurs fermes, les agriculteurs feront face à des coûts de production
très élevés, déconnectés des prix de marché. Il y a également un
problème de répartition sur l'ensemble de la chaîne de valeur, cette
question a été largement abordée lors des Etats généraux de
l'alimentation.
AE : Justement, les premières solutions issues des Etats généraux vous semblent-elles aller dans le bon sens ?
AC : Le discours qu'a prononcé Emmanuel Macron à Rungis allait
dans le bon sens. Mais l'orientation qui semble être donnée depuis tend
à s'appuyer surtout sur la construction de plans de filières. Avec ce
système, on sort du politique, du champ de la PAC, pour aller vers
l'autorégulation. Ce ne sont plus les autorités politiques qui gèrent,
régulent… Cette approche tend à une responsabilisation des acteurs
privés et un désengagement de la sphère publique.
Une humanité en proie à l'explosion démographique et qui - tels ces vers de farine qui s'empoisonnent à distance dans le sac qui les enferme bien avant que la nourriture commence à leur manquer - se mettrait à se haïr elle-même parce qu'une prescience secrète l'avertit qu'elle devient trop nombreuse pour que chacun de ses membres puisse librement jouir de ces biens essentiels que sont l'espace libre, l'eau pure, l'air non pollué.
mardi 5 décembre 2017
L'Inra remet son rapport sur le glyphosate au gouvernement
L'Inra a remis au gouvernement son rapport sur la sortie du glyphosate
pour l'agriculture d'ici à trois ans. Pas de solution miracle, mais un
ensemble de mesures cohérentes, face auxquelles l'obstacle majeur est
l'organisation même de l'agriculture.
Comment se passer, en trois ans, de plus de 9.100 tonnes de glyphosate, épandus chaque année par l'agriculture française ? Les premières pistes sont présentées par l'Inra dans son rapport sur les "usages et les alternatives au glyphosate dans l'agriculture française", remis le 2 décembre 2017. L'Institut national de la recherche agronomique avait été saisi le 2 novembre dernier par quatre ministres (agriculture, transition écologique, santé, recherche et innovation) pour préparer, d'ici à la fin de l'année 2017, un plan de sortie du glyphosate. Sans aborder, toutefois, les aspects toxicologiques et écotoxicologiques de la molécule, qui vient tout juste d'être ré-homologuée pour cinq ans en Europe.
Vu les délais, l'étude a été basée sur "l'expertise individuelle d'un nombre restreint d'experts de l'Inra", note le rapport. Les données proviennent notamment des 3.000 fermes du réseau Dephy créées dans le cadre d'Ecophyto. Ce qui représente près de 1.000 systèmes de grandes cultures, 1.000 vignes et 130 vergers, tous en agriculture conventionnelle. En entrant dans ce dispositif, ces candidats au changement ont dû faire un état des lieux des techniques utilisées au cours des trois années précédentes (2009-2010-2011 pour les plus anciennes).
Pas de glyphosate dans 43% des fermes Dephy
"57% des systèmes de culture Dephy utilisaient du glyphosate au moins ponctuellement dans la rotation au moment de leur entrée dans le réseau. Donc 43% des agriculteurs Dephy en conventionnel n'en utilisaient jamais", précise le rapport. Ce qui répond déjà à la question de la faisabilité d'une agriculture sans glyphosate.
Mais comment ? Les experts de l'Inra ont synthétisé les grands axes des pratiques sans glyphosate. Sans surprise, il s'agit du désherbage mécanique, du labour (enfouissement de la végétation), de la culture sous mulch vivant, et plus globalement d'une "somme de stratégies d'évitement partiel", sans oublier l'utilisation d'autres herbicides. Ce qui nécessite, pour les agriculteurs conventionnels, "des changements profonds". La robotisation, l'agriculture de précision, le développement de couverts végétaux et d'outils de désherbage mécaniques en font partie.
Les freins ne sont pas techniques, mais portent plutôt sur "l'impact économique et le temps de travail". Faute de temps suffisant pour travailler avec des économistes sur ce sujet, l'Inra ne peut pas chiffrer le surcoût lié à l'arrêt de l'utilisation du glyphosate.
Un panachage de mesures
"La recherche et la recherche appliquée ont depuis plus de 20 ans réalisé des travaux pour minimiser les usages, voire se passer du recours aux produits phytopharmaceutiques", note le rapport. Et tous convergent vers "l'importance des mesures prophylactiques limitant la pression des adventices", souligne l'Inra. De fait, les principaux blocages pour se passer de cette molécule-phare de l'agrochimie sont structurels : des exploitations de grande taille, avec peu de personnel, la spécialisation des territoires qui "sélectionne une flore adventice difficile", et la demande de produits standardisés.
Pour accompagner la sortie du glyphosate, les experts de l'Inra proposent un panachage d'aides à l'investissement, la mobilisation des mesures agro-environnementales et climatiques (Maec), la mobilisation de dynamiques collectives, le conseil et la formation, l'utilisation de la réglementation (et notamment les certificats d'économies de produits phytosanitaires, les CEPP) et la reconnaissance via la création d'un label pour les filières sans glyphosate.
Reste à l'Etat à prendre en compte ces résultats. Prochaine étape : la présentation d'une "feuille de route ambitieuse" lors de la clôture des Etats généraux de l'alimentation, prévue début 2018.
Comment se passer, en trois ans, de plus de 9.100 tonnes de glyphosate, épandus chaque année par l'agriculture française ? Les premières pistes sont présentées par l'Inra dans son rapport sur les "usages et les alternatives au glyphosate dans l'agriculture française", remis le 2 décembre 2017. L'Institut national de la recherche agronomique avait été saisi le 2 novembre dernier par quatre ministres (agriculture, transition écologique, santé, recherche et innovation) pour préparer, d'ici à la fin de l'année 2017, un plan de sortie du glyphosate. Sans aborder, toutefois, les aspects toxicologiques et écotoxicologiques de la molécule, qui vient tout juste d'être ré-homologuée pour cinq ans en Europe.
Vu les délais, l'étude a été basée sur "l'expertise individuelle d'un nombre restreint d'experts de l'Inra", note le rapport. Les données proviennent notamment des 3.000 fermes du réseau Dephy créées dans le cadre d'Ecophyto. Ce qui représente près de 1.000 systèmes de grandes cultures, 1.000 vignes et 130 vergers, tous en agriculture conventionnelle. En entrant dans ce dispositif, ces candidats au changement ont dû faire un état des lieux des techniques utilisées au cours des trois années précédentes (2009-2010-2011 pour les plus anciennes).
Pas de glyphosate dans 43% des fermes Dephy
"57% des systèmes de culture Dephy utilisaient du glyphosate au moins ponctuellement dans la rotation au moment de leur entrée dans le réseau. Donc 43% des agriculteurs Dephy en conventionnel n'en utilisaient jamais", précise le rapport. Ce qui répond déjà à la question de la faisabilité d'une agriculture sans glyphosate.
Mais comment ? Les experts de l'Inra ont synthétisé les grands axes des pratiques sans glyphosate. Sans surprise, il s'agit du désherbage mécanique, du labour (enfouissement de la végétation), de la culture sous mulch vivant, et plus globalement d'une "somme de stratégies d'évitement partiel", sans oublier l'utilisation d'autres herbicides. Ce qui nécessite, pour les agriculteurs conventionnels, "des changements profonds". La robotisation, l'agriculture de précision, le développement de couverts végétaux et d'outils de désherbage mécaniques en font partie.
Les freins ne sont pas techniques, mais portent plutôt sur "l'impact économique et le temps de travail". Faute de temps suffisant pour travailler avec des économistes sur ce sujet, l'Inra ne peut pas chiffrer le surcoût lié à l'arrêt de l'utilisation du glyphosate.
Un panachage de mesures
"La recherche et la recherche appliquée ont depuis plus de 20 ans réalisé des travaux pour minimiser les usages, voire se passer du recours aux produits phytopharmaceutiques", note le rapport. Et tous convergent vers "l'importance des mesures prophylactiques limitant la pression des adventices", souligne l'Inra. De fait, les principaux blocages pour se passer de cette molécule-phare de l'agrochimie sont structurels : des exploitations de grande taille, avec peu de personnel, la spécialisation des territoires qui "sélectionne une flore adventice difficile", et la demande de produits standardisés.
Pour accompagner la sortie du glyphosate, les experts de l'Inra proposent un panachage d'aides à l'investissement, la mobilisation des mesures agro-environnementales et climatiques (Maec), la mobilisation de dynamiques collectives, le conseil et la formation, l'utilisation de la réglementation (et notamment les certificats d'économies de produits phytosanitaires, les CEPP) et la reconnaissance via la création d'un label pour les filières sans glyphosate.
Reste à l'Etat à prendre en compte ces résultats. Prochaine étape : la présentation d'une "feuille de route ambitieuse" lors de la clôture des Etats généraux de l'alimentation, prévue début 2018.
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