Le changement climatique est un phénomène global, dont les travaux du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) ont démontré avec des éléments scientifiques robustes qu’il est principalement imputable à l’activité humaine. C’est en effet l’émission de gaz à effet de serre, en particulier le CO2, qui est responsable des changements climatiques observés : en 150 ans environ, le GIEC estime que le taux de CO2 dans l’atmosphère a augmenté de 40 %. Les mers et les océans représentent 71 % de la surface du globe. Ils absorbent à ce titre la majeure partie de la chaleur en excès dans le système climatique : plus de 90 % en quarante ans selon le cinquième rapport du GIEC, dont plus de 60 % par l’océan superficiel (jusqu’à 700 mètres de profondeur). Les océans ont donc un effet modérateur sur le climat et ses changements. Pour autant, le changement climatique affecte durablement leur fonctionnement et a une influence grandissante sur les phénomènes météo-marins.
Impact du niveau marin sur les aléas littoraux (submersion marine, érosion littorale)
L’augmentation du niveau marin est certainement l’impact le plus notable du changement climatique sur les océans. Il est une conséquence notamment de l’élévation de la température atmosphérique et de la dilatation thermique des océans, auxquels il faut ajouter le début de fonte des calottes polaires et des glaciers continentaux. La variation du niveau de la mer est mesurée depuis quelque 150 ans par les stations marégraphiques et depuis une vingtaine d’années par altimétrie satellitaire ; les jeux de données obtenus par ces deux méthodes concordent pour la période de chevauchement des observations. La mer est ainsi montée globalement à une vitesse moyenne de l’ordre de 1,7 mm par an depuis le début du XXe siècle. Une forte variabilité régionale est constatée en lien avec l’impact des différents phénomènes contributeurs. La France, que ce soit en métropole ou dans les départements d’outre-mer, se situe dans les moyennes mondiales.
Faute de données suffisantes, il est encore un peu tôt pour établir un lien certain entre l’élévation du niveau des océans et l’aggravation constatée des phénomènes de submersion marine. En effet, différents facteurs sont à prendre en compte, tels que la pression atmosphérique, ou les régimes de vents et de vagues. Le GIEC projette toutefois, avec un degré de confiance élevé, que la montée du niveau des mers et des océans exposera de plus en plus les systèmes côtiers et les zones de faible altitude à des phénomènes comme la submersion. Localement, d’autres facteurs hydrométéorologiques peuvent exacerber ou modérer ces tendances : l’ONERC (Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique) estime ainsi que les effets couplés des vagues et des courants ont actuellement des influences beaucoup plus importantes sur l’évolution du trait de côte que l’élévation du niveau marin.
Changement des régimes de vent et de vagues en régime courant et de tempête
Le changement climatique est susceptible de modifier les conditions de vagues et donc d’impacter la vulnérabilité du littoral. Les régimes d’états de mer et de vent font l’objet de fortes variabilités régionales. Le cinquième rapport du GIEC mentionne, avec un degré de confiance moyen, que la hauteur de houle significative moyenne augmente depuis les années 1950 dans une vaste partie de l’Atlantique Nord, avec des tendances hivernales types pouvant aller jusqu’à 20 cm par décennie. Pour autant, la relation entre ces observations et le changement climatique est difficile à établir, compte tenu des multiples facteurs susceptibles d’impacter la hauteur des vagues, mais également des variabilités inter-annuelles et inter-saisonnières des états de mer. Des travaux, menés en France pour l’Atlantique nord-est à l’aide de modèles prédictifs [1] mettent en évidence une diminution de la hauteur moyenne des vagues pour le golfe de Gascogne et une augmentation de cette hauteur moyenne pour la mer du Nord à l’horizon 2100. Une légère diminution de la fréquence des tempêtes est également prédite. D’autres études ont été menées et se poursuivent en France, en mer Méditerranée et en outre-mer (île de La Réunion), dont les résultats varient selon le scénario retenu, la saison et le régime, courant ou de tempête, étudiés.
Impact sur les événements extrêmes
En se basant sur les observations satellitaires, soit des données récentes, le GIEC constate une nette augmentation de la fréquence et de l’intensité des tempêtes les plus violentes dans l’Atlantique nord (degré de confiance très élevé). La cause de cette augmentation n’est pour autant pas connue et le GIEC accorde d’ailleurs un faible degré de confiance à l’attribution à l’homme de l’évolution de l’activité des cyclones tropicaux, faute d’éléments scientifiques suffisants. Selon les projections, il estime probable qu’au plan mondial et à l’avenir, la fréquence des cyclones tropicaux diminue ou reste la même, parallèlement à une augmentation probable de la vitesse maximale des vents et de l’intensité des précipitations imputables à ces cyclones.
Selon le GIEC, les phénomènes d’élévation extrême du niveau de la mer ont gagné en ampleur depuis 1970. Cette augmentation est probablement due en grande partie à l’élévation du niveau moyen de la mer. En tenant compte justement de cette évolution du niveau moyen de la mer, l’évolution des extrêmes se réduirait cependant à moins de 5 mm par an, selon 94 % des marégraphes. Le GIEC prévoit pour le siècle en cours une augmentation de la fréquence de valeurs extrêmes concernant le niveau de la mer, dont l’intensité varie selon le scénario étudié.
Modification des grands courants marins (circulation thermohaline)
La circulation thermohaline est la circulation permanente à grande échelle de l’eau des océans, engendrée par des écarts de température et de salinité des masses d’eau. Le changement climatique affecte la température des mers et des océans. Le GIEC estime également très probable que la différence de teneur en eau douce des bassins se soit accrue depuis 1950 : l’Atlantique a gagné en salinité, tandis que l’océan Pacifique et l’océan Austral ont perdu en salinité. Le lien entre cette observation et le changement climatique reste cependant à confirmer.
Le GIEC rapporte que, sur la base de dix années d’observations, il n’y a pas d’élément susceptible de dégager une tendance de la circulation méridienne océanique de retournement de l’Atlantique (AMOC [2]), ni sur la base de séries d’observations plus longues des composantes individuelles de l’AMOC. Rien n’indique non plus une tendance pour ce qui est du transfert du courant indonésien (Indonesian Throughflow), du courant circumpolaire antarctique (ACC) ou entre l’océan Atlantique et les mers septentrionales. Cependant, les données recueillies pour la période 1950–2010 indiquent, avec un degré de confiance moyen, un déplacement d’environ 1° vers le sud du courant circumpolaire antarctique.
Les projections du GIEC pour 2100 mettent en évidence un affaiblissement de l’AMOC, dont l’intensité varie selon le scénario étudié : de 11 % (plage d’incertitude 1 à 24 %) pour le scénario le plus optimiste, à 34 % (12 à 54 %) pour le scénario le plus pessimiste. Toutefois, l’AMOC pourrait augmenter au cours de certaines décennies en raison de l’importante variabilité naturelle interne. Le GIEC n’exclut pas un effondrement de l’AMOC après le XXIe siècle, en raison d’un réchauffement important et prolongé.
Le changement climatique, phénomène global qui fait désormais quasi-consensus au sein de la communauté scientifique, a des répercussions régionales concrètes, en particulier sur les océans et les territoires littoraux. Les effets de ce changement devraient s’intensifier au cours de notre siècle et au-delà. Des stratégies d’adaptation doivent être mises en œuvre rapidement, sous l’impulsion notamment des politiques publiques, de même que doivent progresser la connaissance du phénomène et de ses impacts.