mardi 23 juin 2015

Biodiversité : 130.000 espèces connues ont déjà disparu

Une équipe pluridisciplinaire de chercheurs français vient de prouver que 7% de la biodiversité terrestre a déjà disparu. Ces chercheurs de l'Institut de systématique, évolution et biodiversité, du Centre des sciences de la conservation et de l'université d'Hawaï ont publié leurs travaux dans les Proceedings of the National Academy of Science (PNAS).

Pour arriver à ce résultat, les chercheurs se sont intéressés aux mollusques terrestres (escargots et limaces). Pour 200 espèces tirées au sort, les chercheurs ont demandé à 35 experts d'évaluer si elles étaient éteintes, encore vivantes ou s'ils ne pouvaient pas se prononcer. En parallèle, toutes les informations existantes depuis deux siècles sur ces 200 espèces ont été rassemblées. "Les résultats des deux approches sont remarquablement concordants. Extrapolés aux autres compartiments de la biodiversité, ces résultats permettent donc d'estimer que nous aurions déjà perdu, non pas 1,3% mais 7% de la biodiversité terrestre de la planète", expliquent les chercheurs dans un communiqué.

En réalisant cette expérience, les chercheurs ont souhaité s'affranchir d'un biais persistant dans l'évaluation du niveau d'extinction des espèces. La statistique de "1,3%" à l'origine de la théorie de la sixième extinction est basée sur la liste rouge de l'UICN pour les oiseaux et mammifères. Les chercheurs disposent de données robustes pour ces vertébrés supérieurs mais ces espèces concentrent aussi l'essentiel des efforts de conservation. Ainsi, ce "1,3%" reflète, certes, la crise de la biodiversité (ce chiffre est en effet 100 à 200 fois supérieur au "bruit de fond" de l'extinction naturelle) ; mais il reflète aussi le succès des actions de conservation. Il est donc sous-estimé. De ce fait, les chercheurs ont choisi de s'intéresser aux mollusques terrestres, des invertébrés très peu utilisés pour quantifier plus précisément la crise de la biodiversité.

lundi 8 juin 2015

Nous avons à notre disposition le big data de la biodiversité marine

De 2009 à 2013, l'expédition Tara Océans a prélevé des milliers d'échantillons de l'écosystème planctonique. Le secrétaire de l'expédition Romain Troublé revient pour Actu-environnement sur les premiers résultats scientifiques qui en découlent et les nombreuses recherches qu'ils laissent entrevoir.

Actu-environnement : Deux ans après le retour de l'expédition Tara Océans, cinq études publiées dans la revue Science présentent les premières analyses des 35.000 échantillons de plancton collectés dans tous les océans du monde. Quelles sont les premières découvertes ?
Romain Troublé : Trois des cinq études publiées nous apprennent beaucoup sur la diversité du monde planctonique. Ces virus, bactéries, protistes et autres micro-animaux (krill, larves) sont beaucoup plus fivers que ce que nous imaginions. Alors que jusqu'à maintenant 39 virus marins avaient été identifiés, l'expédition a permis d'en découvrir plus de 5.000 ! Une expédition américaine avait fait un premier état des lieux des bactéries marines mais nous en avons découvert mille fois plus.
Pour l'instant 60 stations de prélèvement sur les 210 de l'expédition Tara Oceans ont été analysées. Les chercheurs constatent que dans chaque nouvel échantillon que l'on analyse, on ne retrouve pas ou peu de nouvelles espèces. Les données de l'Arctique en révèleront sans doute d'autres, mais on voit désormais la quasi-totalité du contenu de la boîte noire qu'est l'océan entre 0 et 500m de profondeur. Il faut maintenant travailler sur les données pour savoir précisément qui fait quoi, comment, et avec qui.
AE : Pour chaque échantillon d'eau prélevé, vous avez mesuré les conditions physico-chimiques du milieu. Quelle corrélation observez-vous entre la biodiversité et ces paramètres ?
RT : Deux des cinq études publiées ont mis en exergue l'influence des paramètres environnementaux. La température est de loin celui qui impacte le plus l'écosystème. A partir des bactéries présentes dans un échantillon, on peut en déduire la température du milieu dans lequel elles ont été prélevées. C'est très corrélé. La température semble affecter à la fois la diversité bactérienne et également les collaborations entre les espèces. Or dans cet écosystème planctonique, 80% des espèces interagissent entre elles : prédation, parasitisme, collaboration, symbiose...
Les changements climatiques et les variations de température qui vont en découler dans l'océan vont donc impacter la structure et les fonctions de l'écosystème planctonique. Or, le plancton produit l'oxygène que l'on respire. Il est la base de la chaîne alimentaire et constitue un puits de carbone, dans quel sens ? La question reste entière !
AE : Trois ans pour analyser autant d'échantillons c'est court. Comment faites-vous ?
RT : 
L'analyse est assez rapide et efficace car les protocoles d'échantillonnage, d'étiquetage et les procédures d'analyse ont été précisément préparés en amont de l'expédition.
 Les équipes scientifiques ont ensuite opté pour le séquençage génomique massif afin d'identifier les espèces présentes : on appelle cela la métagénomique. Les échantillons sont placés dans un séquenceur qui décode de petites parties d'ADN. Une fois ces petits bouts d'ADN reconstitués en séquences par des ordinateurs, ces informations sont comparées avec des bases de données connues. En ce qui nous concerne, un tiers ne correspond à rien. Par contre, on reconnaît certains marqueurs qui permettent d'en déduire si on est en présence d'un virus, d'une bactérie ou d'un protiste, etc.
La génomique est selon moi "le microscope" du troisième millénaire. On ne voit plus les formes mais l'ADN du vivant. Pour partie, ces analyses ont été soutenues à travers le projet Oceanomics grâce au financement des Investissements d'Avenir. Au Génoscope du CEA, près de 90 ingénieurs-chercheurs ont travaillé pendant deux ans au séquençage des échantillons de Tara Oceans. Résultat, le monde scientifique dispose aujourd'hui de la plus grande base de données de l'humanité sur un écosystème "complet". C'est le big data de la biodiversité marine !
AE : Cette base de données est utilisable par tous les scientifiques ?
RT : Tous les résultats sont enregistrés dans deux bases de données publiques dont celle de l'European Bioinformatics Institute à Cambridge au Royaume-Uni qui stocke toutes les données génomiques européennes. Les données physico-chimiques et environnementales sont publiées sur la base de données Pangaea en Allemagne. Ces deux bases sont reliées entre elles. Les données ont été formatées pour être compréhensibles et utilisables par le plus grand nombre de disciplines scientifiques. C'est remarquable ! Je précise qu'à partir des données de Tara Océans, il n'est pas possible de breveter une protéine ou une molécule. Les bases de données permettent de savoir quelles espèces sont présentes, quels gênes s'expriment, pour quelles fonctions… Mais pour développer des biotechnologies il faut cultiver les organismes intéressants. Il faudra donc retourner les chercher en mer, les pêcher vivants et savoir comment les cultiver. Au regard du niveau d'interactions des espèces entre elles, ce ne sera sans doute pas chose facile mais tout à fait possible.
AE : A quelles recherches peuvent servir ces données ?
RT : 
Ces données vont pouvoir alimenter les modèles climatiques pour essayer de prédire l'impact des évolutions des températures sur les écosystèmes océaniques, sur la chaîne alimentaire, sur la pompe à carbone, la présence de nitrate dans l'eau, le niveau d'oxygène produit, et bien d'autres choses qu'on ne soupçonne pas aujourd'hui. Faute de connaissances, les modèles du GIEC par exemple ne prennent pas en compte la réponse de ces écosystèmes marins au changement climatique. Pourtant, la vie marine joue un véritable rôle sur l'atmosphère.
Ces données vont pouvoir alimenter pendant plusieurs décennies tous les grands domaines de la recherche : médecine, écologie scientifique (connaissances de l'écosystème marin), écologie (comment évolue l'écosystème face aux changements globaux) mais également la recherche sur l'évolution des espèces.
Par la génomique les scientifiques peuvent remonter le temps et voir l'évolution des gènes et ainsi parfaire les arbres de l'évolution. Sachant que les scientifiques utilisent encore les données de Darwin alors qu'il est revenu il y a plus de 150 ans, vous imaginez le temps que prendra l'utilisation de ces données !

Réchauffement : le seuil limite des 2 °C est trop élevé

Deux degrés Celsius. Emblème de la lutte contre le changement climatique en cours, ce seuil limite s’est imposé ces dernières années, chez les responsables politiques et le grand public, comme le réchauffement à ne pas excéder, par rapport à la période préindustrielle, pour éviter toute interférence dangereuse avec le climat. Depuis la conférence de Copenhague de 2009 (COP15), les 2 °C sont devenus la base des négociations climatiques en cours. Le niveau de sécurité garanti par ce seuil est pourtant largement sujet à caution. C’est le sens d’un rapport technique de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) discrètement apporté, mardi 2 juin, en appui des négociations qui se tiennent du 1er au 11 juin à Bonn (Allemagne), dans la perspective de la conférence de Paris (COP21) en décembre.
Long de plus de 180 pages, le rapport est le fruit d’un dialogue entretenu depuis 2013 entre les négociateurs de la COP et plusieurs dizaines de scientifiques, notamment membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Entre autres sujets abordés, le texte précise que « des risques élevés sont projetés, même pour un réchauffement supérieur à 1,5 °C ». Les auteurs indiquent que les Etats « auraient intérêt à redéfinir l’objectif à long terme [des 2 °C] comme une “ligne de défense” ou une “zone-tampon”, plutôt que comme une “garantie de sécurité” jusqu’à laquelle tout serait sûr ». Cette nouvelle façon d’envisager les choses « devrait favoriser des trajectoires d’émissions qui limiteraient le réchauffement à une gamme de températures situées sous le seuil des 2 °C ». 
Ne pas excéder 1,5 °C
Dans un monde plus chaud de 2 °C par rapport à la période préindustrielle (c’est-à-dire plus chaud de 1,15 °C par rapport au niveau actuel), le rapport de la CCNUCC estime que « la rapidité du changement climatique deviendrait trop importante pour certaines espèces », que « l’élévation à long terme du niveau de la mer pourrait excéder un mètre » ou encore que « les risques combinés du réchauffement et de l’acidification des océans deviendraient élevés ». Quant à la production agricole mondiale, elle encourrait de « hauts risques » avec, toutefois, « un potentiel d’adaptation ». Dans la plage de réchauffement comprise entre 1,5 °C et 2 °C, la survenue d’« effets non linéaires » – c’est-à-dire non proportionnels à une hausse de température de 0,5 °C – n’est pas exclue.
La différence des efforts à entreprendre entre un objectif de 2 °C et de 1,5 °C n’a rien de marginal : selon le GIEC, dans le premier cas, il faut réduire les émissions de 40 % à 70 % d’ici à 2050, dans le second de 80 % à 90 %.
« Ce rapport ne change rien aux négociations en cours », tempère-t-on à la CCNUCC, où l’on ajoute cependant que « les 2 °C ne doivent pas être vus comme un objectif, mais plutôt comme une ligne de défense dont il faut vouloir être éloigné le plus possible ». Repris à l’oral par les porte-parole de la convention, le terme « ligne de défense » semble devoir devenir l’élément de langage réconciliant le maintien de l’objectif des 2 °C avec les doutes sérieux qui apparaissent sur la pertinence d’un tel seuil. Dans une brève note d’analyse du rapport, publiée par la société Climate Analytics, les climatologues Bill Hare et Carl-Friedrich Schleussner (Potsdam Institute for Climate Impact Research) ne s’embarrassent pas de circonlocutions et estiment simplement que la teneur du rapport de la CCNUCC « montre que la limite des 2 °C est trop haute ».
Ils rejoignent en cela les critiques de nombreux chercheurs en sciences du climat qui n’ont pas attendu ce rapport pour s’exprimer. En 2011, le climatologue américain James Hansen (NASA) – le premier à avoir alerté l’opinion en 1988 sur le réchauffement climatique – avait déclaré que la trajectoire vers 2 °C de réchauffement était « la promesse d’un désastre ». Dans un récent entretien au Monde, Helen Clarke, administratrice du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), estime qu’il faut « viser un objectif plus ambitieux qui permette de rester sous les 2 °C annoncés ». Les petits Etats insulaires, directement menacés par le réchauffement, plaident eux aussi pour un objectif de 1,5 °C plutôt que 2 °C.
En outre, la limite des 2 °C n’est pas issue d’un travail scientifique d’évaluation des risques en bonne et due forme. Elle est le fruit, précise-t-on à la CCNUCC, « d’une décision politique fondée sur des conseils scientifiques ».
Un chiffre sorti des limbes
D’où vient ce chiffre ? Son origine se perd dans les limbes du dossier. Dans un ouvrage de référence sur l’histoire des négociations climatiques (Gouverner le climat ?, Presses de Sciences Po, 750 p., 23 euros), Stefan Aykut (université Paris-Est, Centre Marc-Bloch de Berlin) et Amy Dahan (CNRS-EHESS) en ont retracé l’histoire.
Selon les deux auteurs, le chiffre apparaît en 1996 dans une décision du Conseil européen, peu après que le deuxième rapport du GIEC rendu public la même année eut estimé que le réchauffement réalisé en 2100 serait de l’ordre de 2 °C, dans le cas d’un scénario d’émissions intermédiaire (ni très sobre en carbone ni très gourmand en combustibles fossiles). Ce chiffre a « capté l’attention politique », racontent Stefan Aykut et Amy Dahan, et a été vite « considéré comme un objectif politique raisonnable ».
Inscrit depuis dans la politique climatique de l’Union européenne, l’objectif des 2 °C est donc issu du pragmatisme des responsables politiques, bien plus que d’une évaluation scientifique des risques. En juillet 2009, il est mentionné dans la déclaration du G8 de L’Aquila (Italie), avant d’être repris quelque mois plus tard dans l’accord de Copenhague et d’être ainsi gravé dans le marbre des négociations climatiques. Depuis, il est comme « réifié », estiment Stefan Aykut et Amy Dahan.
Le choix des 2 °C, qui semblait raisonnable aux responsables politiques avec la connaissance disponible au milieu des années 1990, semble donc avoir considérablement vieilli. Le rapport technique de la CCNUCC en est le dernier signe, mais le cinquième rapport du GIEC, publié en 2014, le fragilisait déjà grandement. « Un élément à prendre en compte pour estimer le caractère dangereux d’une interférence humaine avec le climat est, par exemple, la prise en compte de phénomènes irréversibles au-delà d’un certain seuil, comme l’effondrement de la calotte de glace du Groenland, susceptible de faire grimper, à long terme, de sept mètres le niveau de la mer, explique le climatologue Stefan Rahmstorf (Potsdam Institute for Climate Impact Research). En 2007, le GIEC situait ce seuil entre 1,9 °C et 4,6 °C : cela semblait cohérent avec cette limite des 2 °C. Mais, dans son cinquième et dernier rapport, le GIEC a révisé son estimation, la fourchette basse se situant désormais à 1 °C. »

mercredi 3 juin 2015

Première évaluation précise de la mortalité des colonies d’abeilles en Europe

La Commission européenne a publié, le 5 mai dernier, les résultats d’un programme de surveillance épidémiologique des colonies d’abeilles mené en 2012 et 2013 dans 17 États membres (EPILOBEE). Chaque pays a mis en place un protocole de collecte de données, harmonisé par le laboratoire européen de référence pour la santé des abeilles, dépendant de l’Agence de sécurité sanitaire française (Anses).
Le protocole consistait en une série de trois visites des colonies, à l’hiver 2012, au printemps et à l’automne 2013. En tout, plus de trente mille colonies ont fait l’objet d’une surveillance. Le taux de mortalité hivernale, compris entre 3,5 % et 33,6 %, est bien plus élevé dans le nord de l’Europe (28,8 % au Royaume-Uni, 28,7 % en Suède, 33,6 % en Belgique, etc.) que sur le pourtour méditerranéen (9,5 % en Espagne, 5,3 % en Italie, 6,6 % en Grèce, etc.). Un taux de mortalité hivernale (voir carte ci-dessous) inférieur à 10 % est généralement admis comme acceptable. S’il est intermédiaire en France (14,1 %), le taux de mortalité durant la saison apicole est le plus élevé d’Europe (13,6 % alors qu’il ne dépasse pas 10 % dans aucun autre pays).

Conduits sur deux ans, ces travaux nécessitent d’être prolongés pour s’affranchir notamment des variations annuelles du climat. Les auteurs soulignent en effet que l’hiver 2012-2013 particulièrement froid explique sans doute, en partie, la surmortalité observée dans les pays d’Europe du Nord.
Le protocole ainsi établi apparaît comme prometteur selon les auteurs et pourrait pallier l’absence de dispositif de surveillance des abeilles pointé du doigt par l’Agence européenne de sécurité sanitaire (EFSA) en 2009. Toutefois, alors qu’un moratoire sur l’utilisation de quatre pesticides néocotinoïdes est en vigueur depuis décembre 2013 et que son extension à l’ensemble des produits de cette famille est évoquée, plusieurs scientifiques ont déploré l’absence de la prise en compte de l’effet des pesticides dans le programme EPILOBEE.

Une évaluation complète de la réglementation Natura 2000 dresse un tableau mitigé de l’état de la conservation de la nature en Europe

La Commission européenne a publié, le 20 mai dernier, un rapport sur l’état de conservation de la nature en Europe. Résultat d’une évaluation conjointe des directives « oiseaux » (2009) et « habitats » (1992), constitutives de la réglementation « Natura 2000 », il représente le panorama le plus complet jamais réalisé dans ce domaine.
Même si, de l’aveu du commissaire européen à l’environnement, M. Karmenu Vella, « [ce rapport] brosse un tableau d’ensemble mitigé », il montre une amélioration du statut de certaines espèces et le succès de certaines mesures de conservation. Plus de la moitié des espèces sauvages d’oiseaux (52 %) sont en effet « hors de danger », mais 60 % des autres espèces protégées au titre de la directive « habitats » sont dans un état de conservation défavorable. Celui des habitats eux-mêmes est quant à lui moins satisfaisant et évolue défavorablement.
Le rapport pointe certaines pratiques agricoles comme l’une des menaces les plus importantes sur les écosystèmes terrestres : modification d’itinéraires culturaux, surpâturage, abandon des systèmes pastoraux et utilisation d’engrais et de pesticides. Les modifications des conditions naturelles d’origine anthropique sont également citées (infrastructures notamment).
En conclusion, le rapport rappelle les efforts nécessaires pour atteindre les objectifs de la stratégie européenne pour la biodiversité à 2020, sans toutefois établir de recommandations. Les directives « oiseaux » et « habitats » font en effet en ce moment l’objet d’un réexamen approfondi dans le cadre d’un programme visant à améliorer les performances des politiques européennes (REFIT). Pour alimenter ce bilan, la Commission a également lancé une consultation publique, ouverte jusqu’au 24 juillet 2015.

mardi 2 juin 2015

Le réchauffement climatique va bouleverser la biodiversité marine

Les océans, dans leur quasi-totalité, vont connaître un bouleversement profond de leur biodiversité si le réchauffement climatique n’est pas maîtrisé rapidement. Disparitions locales, diminutions, mouvements « biogéographiques », cette réorganisation devrait concerner un grand nombre d’espèces, selon les travaux d’une équipe internationale conduite par le CNRS et rassemblant la Sir Alister Hardy Foundation for Ocean Science, l’université de Plymouth (Angleterre) et le Centre scientifique de Monaco, publiés, lundi 1er juin, dans la revue Nature Climate Change.
Dans l’hypothèse d’une augmentation de 2 °C de la température mondiale – l’objectif des négociations climatiques qui culmineront avec la Conférence de Paris à la fin de l’année –, la biodiversité de l’océan superficiel (les 200 premiers mètres) diminuera dans les régions océaniques chaudes, entre les 40° parallèles nord et sud. Cette baisse pourrait avoisiner les 10 %. En revanche, dans les régions tempérées et polaires, son augmentation sera massive. « Il s’agit de disparitions locales mais pas nécessairement d’extinction d’espèces dans les zones chaudes et, surtout, une augmentation très forte de la biodiversité dans les zones extratropicales, jusqu’à 300 % en plus dans les zones polaires », explique Grégory Beaugrand, du laboratoire d’océanologie et de géosciences du CNRS, l’un des auteurs de la publication.
De nombreuses études ont déjà montré les changements de biodiversité marine à l’échelle régionale. Les travaux de l’équipe conduite par le CNRS confirment la presque inéluctabilité de ces bouleversements. La morue risque de disparaître de la mer du Nord, la coquille Saint-Jacques comme le bulot ne se trouveront plus sur les côtes françaises. Dans le même temps, la sole continuera d’augmenter en mer du Nord, tout comme l’anchois et la sardine y feront leur apparition. Mais cette augmentation locale de biodiversité ne compenserait pas l’érosion massive et la disparition des espèces.
Biodiversité mal connue
La composition de la biodiversité marine est mal connue des océanologues qui estiment ne connaître qu’à peine 10 % des quelque 250 000 espèces inventoriées. Elle pourrait avoisiner les deux millions d’espèces, selon M. Beaugrand – à titre de comparaison, les oiseaux compteraient quelque 9 600 espèces et les mammifères environ 6 000.
Pour étudier l’évolution de cette biodiversité, les chercheurs ont utilisé une approche basée sur une nouvelle théorie macroécologique de l’organisation de la vie dans les océans : la théorie METAL, « Macro Ecological Theory on the Arrangement of Life ». Ils ont créé des espèces théoriques présentant des réponses différentes à la variabilité des températures, qui s’assemblent en communautés, permettant d’analyser la colonisation progressive de certaines régions océaniques. « Les résultats démontrent une relation forte entre la biodiversité observée et la biodiversité théorique et ce, pour un grand nombre d’espèces tels que les foraminifères, les crustacés, les poissons (requins océaniques et poissons osseux) et les cétacés », explique le CNRS.
Pour mettre en perspective les évolutions attendues d’ici la fin du siècle, les chercheurs ont reconstruit les biodiversités de deux périodes importantes : le dernier maximum glaciaire, il y a 22 000 ans, et le Pliocène moyen, entre 3,3 et 3 millions d’années. Cette dernière période est considérée comme ayant connu des conditions thermiques assez proches de celles projetées pour la fin du siècle. « La température globale était 2 à 3 °C plus élevée que celle que nous connaissons aujourd’hui, la concentration en CO2 était proche de celle observée actuellement à l’observatoire de Mauna Loa [Hawaï] et le niveau de la mer était plus haut de 25 mètres », détaille Grégory Beaugrand.
Risques majeurs au-delà de 2 °C
Selon leur modèle théorique, les chercheurs estiment que si le réchauffement est maintenu en dessous de 2 °C, les changements biologiques dans l’océan seront sans grandes conséquences, « même si 40 % de la superficie des océans connaîtra un changement important de biodiversité (au-delà de 5 %) ». Mais dans l’hypothèse où l’augmentation des températures globales dépasserait cette barre des 2 °C, « entre 70 et 95 % de la superficie des océans subiraient des modifications substantielles d’ici à la fin du siècle », précise M. Beaugrand. Selon lui, l’évolution des espèces va être trop rapide pour que celles-ci puissent s’adapter. « L’adaptation n’est pas possible à l’échelle interdécennale : ce qui s’est produit en centaines ou en dizaines de milliers d’années ne se fera pas en un siècle ou deux », dit encore le chercheur.
Ces modifications de biodiversité vont aussi s’accompagner de bouleversements dans les services écosystémiques rendus. Le système océanique va se réorganiser, transformant radicalement le paysage planétaire. Les conflits pour la ressource vont se multiplier, alors que les services écosystémiques marins en termes de régulation et d’approvisionnement représentent entre 15 000 et 51 000 milliards d’euros chaque année, soit plus que le produit national brut de tous les pays du monde. « Cela représente un danger énorme pour l’humanité, analyse Grégory Beaugrand. Sans compter les dangers immédiats d’espèces dangereuses, crabes toxiques, poissons dangereux, méduses, organismes planctoniques, qui apparaîtront sous de nouvelles latitudes. »

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