lundi 20 janvier 2014

Génotoxicité des polluants : la survie des espèces est menacée

Dans le cadre de ses travaux dans le domaine de la surveillance environnementale, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) s'est intéressé aux substances chimiques pouvant avoir un impact sur la reproduction des poissons. Outre les perturbateurs endocriniens, qui comme leur nom l'indique perturbent le système hormonal et par conséquent la reproduction, d'autres molécules chimiques ont des modes d'actions différents.
C'est le cas des polluants génotoxiques qui altèrent la structure ou les fonctions de l'ADN des cellules. S'ils s'en prennent aux cellules somatiques, cela se traduit par l'apparition de cancers. Mais s'ils touchent les cellules en charge de la reproduction (cellules germinales), c'est tout le mécanisme de reproduction qui en pâtit, menaçant la survie de l'espèce. Or, un tiers des contaminants présents dans l'environnement présenterait un caractère génotoxique : hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), médicaments (notamment les anticancéreux), pesticides…
L'Ineris a donc voulu en savoir un peu plus sur les mécanismes d'action de ces molécules. "L'avantage de la génotoxicité est qu'elle présente un potentiel prédictif. Elle a d'ailleurs été intégrée aux bio-indicateurs de la directive européenne sur la stratégie marine transposée par la France fin 2012", explique Wilfried Sanchez.
 L'auteur de l'étude a notamment étudié l'épinoche, un poisson de 5 cm environ présent dans de nombreux cours d'eau de l'hémisphère nord et bien connu comme modèle biologique. En l'exposant à un agent génotoxique de référence, le méthanesulfonate de méthyl (MMS), l'équipe de recherche a étudié dans un premier temps la réponse au niveau cellulaire (ex vivo). L'exposition des cellules germinales au MMS s'est traduite par une fragmentation de l'ADN avec une relation dose/effet évidente. Le croisement de ces cellules germinales exposées a donné lieu à des embryons présentant des anomalies de développement et une probabilité de survie limitée. Là aussi, l'intensité des effets est proportionnelle à la concentration en MMS.
Le même protocole a été appliqué à l'organisme entier, le poisson (étude in vivo) et non plus aux cellules seules. Les résultats observés ex vivo ont été confirmés. Ces travaux ont également démontré que les anomalies susceptibles d'affecter la survie des embryons sont essentiellement transmises par le mâle.
Des résultats moins probants dans le milieu naturel
Les travaux de laboratoire ne peuvent être entièrement représentatifs de la réalité de terrain, étant donné la complexité des écosystèmes aquatiques existants. Ils nécessitent de changer de conditions expérimentales, en menant des études dans le cadre d'écosystèmes artificiels à plus grande échelle (mésocosmes), voire en conditions réelles (in situ).
L'Ineris a commencé à décliner son protocole in situ en prélevant des poissons dans différents milieux. Cette étude préliminaire menée sur quatre cours d'eau indique une tendance sans toutefois faire le lien entre endommagement de l'ADN et survie de la descendance. "Ce travail, qui vient renforcer les preuves obtenues chez d'autres espèces, nécessite d'être confirmé sur le terrain pour valider sa pertinence écologique", explique l'Ineris. L'institut a déjà prévu de poursuivre les travaux en utilisant non plus le MMS mais des polluants environnementaux génotoxiques. De même, l'utilisation de mésocosmes permettrait d'allier réalisme écologique et maîtrise de l'exposition.

Nitrates : vers une nouvelle condamnation de la France

Dans ses conclusions présentées le 16 janvier 2014, l'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Juliane Kokott, demande une nouvelle condamnation de la France pour mauvaise transposition de la directive "nitrates".
La Commission européenne avait assigné la France en février 2012, estimant qu'elle n'avait pas garanti la mise en œuvre correcte et complète de toutes les exigences de la directive dans les zones vulnérables polluées par les nitrates ou susceptibles de l'être.
Paris a été condamné le 13 juin dernier en raison d'une désignation incomplète des zones vulnérables. Ce deuxième contentieux porte, quant à lui, sur la qualité même des mesures prises à travers les textes réglementaires français de 2001 et 2011 relatifs aux programmes d'actions à mettre en œuvre dans les zones vulnérables.
Des interdictions d'épandage insuffisantes
Quels sont les manquements constatés par l'avocat général ? Ils concernent tout d'abord les périodes d'épandage. La France a manqué à ses obligations, estime-t-il, en n'interdisant pas l'épandage de certains fertilisants ou en ne prévoyant que des restrictions minimes sur certaines périodes.
Ce sont ensuite les capacités de stockage des effluents d'élevage qui sont critiquées pour être calculées sur la base d'interdictions d'épandage de trop courte durée. L'autorisation de stockage du fumier compact pailleux jusqu'à une durée de dix mois, sans prévoir une protection entre le sol et les effluents ou une couverture de ceux-ci, est également dénoncée.
La garantie du respect de la limitation à 170 kg d'azote pas hectare et par an n'est pas acquise, estime en outre Mme Kokott, les coefficients de volatilisation retenus par la réglementation française étant trop élevés pour déterminer les quantités d'azote produites par les bovins mais aussi par les volailles, les ovins, les caprins, les équins et les lapins.
De plus, la France aurait dû interdire l'épandage des effluents d'élevage sur des pentes supérieures à 15% à proximité des eaux superficielles et sur des sols en jachère dont la pente est supérieure à 8%. Tout comme l'épandage de certains fertilisants sur des sols gelés ou enneigés. Enfin, la réglementation française ne comporterait pas de dispositions suffisamment précises sur la fertilisation équilibrée.

Une condamnation très probable
La France, qui n'a pas réagi officiellement à la lecture de ces conclusions, pourra réfuter que les programmes d'actions ont été révisés depuis les textes examinés par la CJUE dans le cadre de ce contentieux. Il est vrai que deux arrêtés, publiés le 31 octobre 2013, modifient, pour le premier, l'arrêté de 2011 relatif au programme d'actions national et prévoit, pour le second, les mesures à prendre dans le cadre des programmes d'actions régionaux.
Mais la Cour va apprécier le manquement de la France en fonction de sa situation au terme du délai fixé dans l'avis motivé de la Commission, soit au 28 décembre 2011. "Les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour", rappelle l'avocat général.
D'autre part, il n'est pas certain que les nouveaux textes répondent à toutes les insuffisances des premiers. Dans un avis rendu en juillet dernier, l'Autorité environnementale du CGEDD estimait que le programme national risquait d'être inefficace faute de contrôle. Quant aux programmes régionaux, ils ne seront pas finalisés avant le printemps prochain.
"Ces conclusions de l'avocat général interviennent alors que le gouvernement de François Hollande vient d'assouplir la réglementation relative aux élevages industriels de porcs, en relevant le seuil d'autorisation de 450 à 2.000 places, une décision qui, à l'évidence, ne convaincra guère les juges européens de la volonté de la France de lutter efficacement contre la pollution des eaux par les nitrates", réagit l'association Eau et Rivières de Bretagne.
Reste à attendre la décision de la Cour qui devrait être rendue au printemps. Mais on voit mal comment la France pourrait passer entre les gouttes…

Les fleuristes, victimes ignorées des pesticides : « Si l’on m’avait mise en garde, ma fille serait encore là »

  Dès 2017, des tests menés par  60 millions de consommateurs  sur des roses commercialisées par dix grandes enseignes en France révélaient ...