vendredi 21 novembre 2025

Guerre en Ukraine : l'Europe et la trahison américaine

Ce n'est pas un plan de paix, mais les préparatifs d'une offensive russe décisive que propose Trump à l'Ukraine. L'Europe restera-t-elle sans rien faire devant ce qui ressemble à un nouveau Munich, s'interroge Dominique Moïsi (géopolitologue, conseiller spécial de l’Institut Montaigne.)? « Donald Trump est-il un agent au service de Moscou ? ». C'était la question que je posais dans ma chronique en date du 21 février dernier, dans les colonnes des Echos. Cette interrogation est d'une troublante actualité au lendemain des révélations sur le très probable« Plan de Paix en vingt-huit points » sur l'Ukraine, distillé par la presse. Il est difficile de voir en ce projet autre chose qu'un Plan Poutine. Son contenu, et plus encore presque, son calendrier, semblent correspondre, pour l'essentiel, aux intentions et aux intérêts du Maitre du Kremlin. Zelensky, au lendemain des révélations sur un scandale de corruption qui touche son entourage proche, n'a jamais paru plus vulnérable. Et la Russie multiplie les frappes sanglantes contre des objectifs civils ukrainiens. Une trahison préparée de longue date Le message est clair. « Vous n'allez pas sacrifier vos vies pour un régime corrompu ». « Vous avez perdu, capitulez, si vous ne voulez pas faire face à un hiver dans les ténèbres et le froid ». C'est ce moment privilégié vu de Moscou, que Trump choisit pour « trahir » ouvertement l'Ukraine. En février dernier, j'évoquais dans ma chronique, l'année 1756 et le concept de renversement d'alliance. L'Amérique s'aligne clairement sur l'agresseur, la Russie, au détriment de l'agressé, l'Ukraine, tout comme la France avait choisi hier l'Autriche au détriment de la Prusse. Cette trahison de Kiev par Washington semble avoir été préparée de longue date. Elle s'est avancée masquée, à l'abri depropos délibérément ambigus (« Poutine me mène en bateau… je suis très déçu par lui »). Mais à la lecture du Plan Trump, qui n'est pour l'essentiel que la réitération du Plan Poutine, le doute n'est pas permis. Si Trump n'est pas un agent de Moscou au sens propre du terme, pourquoi se comporte-t-il comme s'il était le joker du Kremlin ? Est-il « tenu » par une Russie héritière de l'histoire et des méthodes de l'URSS qui a sur lui des secrets (de nature probablement plus financière que sexuelle) : une sorte de dossier Epstein bis ? Ce que Washington s'apprêterait à proposer (à imposer ?) à Kiev n'est rien moins qu'une capitulation. L'acceptation des conquêtes territoriales réalisées par la Russie en près de quatre années de guerre, et même un peu plus, avec par exemple, il suffit de regarder les cartes, une frontière russe qui se rapprocherait dangereusement d'Odessa. Et la réduction de moitié de l'armée ukrainienne, ainsi que l'interdiction faite aux alliés de Kiev de livrer de nouvelles armes à l'Ukraine. Et tout cela contre « une garantie de sécurité » offerte par l'Amérique. Ce n'est pas un Plan de Paix, ce sont les préparatifs d'une nouvelle offensive, plus complète et plus décisive. Tout se passe, pour faire référence à l'Othello de Shakespeare, comme si Iago (Trump) offrait sa garantie de protection à Desdémone (Zelensky). L'Histoire se répète 1938-2026 : l'Histoire ne balbutie pas. Elle se répète. Avec la même inexorable conclusion : la guerre qui vient. Munich hier, Kiev aujourd'hui. Le déshonneur aujourd'hui, la guerre demain. La « Ministre des Affaires étrangères de l'Europe », l'ancienne Première ministre d'Estonie, Kaja Kallas sait trouver les mots justes pour dénoncer cette « trahison ». Mais elle n'en « impose pas » face à Trump et Poutine. La féminité et la grâce en plus, le faux irénisme en moins, elle est plus proche de Daladier et de Chamberlain que de Churchill. Sommes-nous à ce point aveugles pour ne pas voir que, comme en 1938, ce qui se profile à l'horizon c'est la guerre en Europe dans son ensemble ? Il existe pourtant une différence majeure entre 1938 et 2025. En 1938, l'Amérique était la spectatrice de la trahison de l'Europe. En 2025, est-ce l'Europe qui sera la spectatrice de la trahison de l'Amérique ? Ou bien un miracle peut-il se produire ? L'Europe saura-t-elle tirer les leçons de l'Histoire, galvanisée comme elle devrait l'être, par le courage et la résilience du peuple ukrainien ? Révulsée aussi par le comportement de l'Amérique, saura-t-elle dépasser ses divisions internes ? Et transcender ses problématiques anachroniques en substituant son aide et sa garantie à celle de l'Amérique ? Bref se comporter en adulte ? La réponse devrait être simple, tant le défi est évident. Une fois ayant transformé l'Ukraine en Biélorussie, la Russie n'en restera pas là. Sommes-nous à ce point aveugles pour ne pas voir que, comme en 1938, ce qui se profile à l'horizon c'est la guerre en Europe dans son ensemble ? Une guerre qui a déjà commencé, avec la stratégie de tension permanente mise en oeuvre par la Russie de Poutine. Nous avons la capacité de dire « Non » à ce très probable diktat américano-russe. En avons-nous la volonté ? Dominique Moïsi est géopolitologue.

Guerre en Ukraine : l'Europe et la trahison américaine

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