De Monsieur JANCOVICI
Restera-t-il assez d'eau pour refroidir les centrales nucléaires dans un pays qui connaîtra de plus en plus de sécheresses ? Cette question m'ayant été posée "un certain nombre de fois", comme aurait dit Fernand Raynaud, voici une étude de la Société Française d'Energie Nucléaire (https://t.ly/iUQ_ ) sur la question.
Commençons par rappeler quelques ordres de grandeur :
- notre pays reçoit chaque année 200 milliards de m3 (Mds m3) d'eau douce renouvelable (https://t.ly/-luO )
- les activités humaines en prélèvent environ 30, mais seulement 4 ne sont pas retournées au milieu. L'agriculture représente 60% de ces 4
- le nucléaire en prélève 13, mais seuls 0,4 ne sont pas retournés au milieu
- le débit du Rhône est d'environ 1000 m3/s (https://t.ly/DLfy )
- pour la Loire c'est environ le tiers.
Là-dessus il faut rajouter en ce qui concerne les centrales :
- celles en bord de mer, et 3 en bord de Rhône, prélèvent l'eau pour refroidir l'installation et rejettent ensuite la totalité de l'eau un peu réchauffée (de quelques degrés) dans la mer ou le fleuve. On les appelle "en circuit ouvert". Elles demandent environ 50 m3/s d'eau par réacteur (de 2 à 5 par centrale) fonctionnant à pleine puissance. La température maximale de rejet est réglementée pour des raisons de préservation des écosystèmes, et c'est l'impossibilité de franchir cette valeur (et non l'absence d'eau) qui a été le premier facteur limitant des étés passés. Pour la mer il n'y a pas de problème de disponibilité de l'eau, et pour le Rhône il faudrait que le débit tombe sous les 200 m3/s pour que cela empêche "physiquement" de faire fonctionner les réacteurs à pleine puissance (sachant que l'été on utilise environ 2 fois moins d'électricité que l'hiver, et que c'est aussi le moment des arrêts pour maintenance).
- les autres centrales en bord de fleuve disposent de tours de refroidissement : elles prélèvent environ 2 m3/s par réacteur à pleine puissance, et en évaporent environ 0,7 - la vapeur au-dessus des tours - pour refroidir l'installation. Là aussi il faut que le débit du fleuve baisse d'un facteur 10 pour que ce soit l'absence d'eau qui limite la production.
Admettons que cela arrive (ce qui ne peut pas se produire en bord de mer) : que se passe-t-il ? A ce moment on baisse la production pour limiter l'eau prélevée, et au pire on l'arrête.
Dans ce dernier cas, la puissance thermique du réacteur est divisée par 200 après un jour et 1000 après un mois (https://t.ly/0yBFZ ). Il faut donc 200 à 1000 fois moins d'eau pour le refroidir (et éviter l'accident), soit 200 à 40 litres/s par réacteur sur le Rhône (1000 à 200 robinets domestiques ouverts) et 10 à 2 ailleurs (50 à 10 robinets ouverts).
Même en cas de baisse des précipitations en France ces volumes resteront disponibles (sinon le pays devient semi-désertique et c'est une autre histoire !). Le risque est donc, à ce jour, celui d'une baisse de la production (comme pour l'hydro), mais pas un problème majeur de sûreté (ouf).