lundi 31 janvier 2022

De France Stratégie : les performances économiques et environnementales de l'agroécologie

 Pollutions diffuses des eaux et de l'air, atteintes à la biodiversité liées à l'usage de pesticides, émissions de gaz à effet de serre... Bien que l'agriculture conventionnelle assure globalement notre sécurité alimentaire, elle présente de nombreuses fragilités, tant d'un point de vue social qu'environnemental.

A l'heure où la crise du Covid-19 met en lumière la complexité et les limites des chaînes d'approvisionnement agricole à l'échelle planétaire et interroge sur les impacts environnementaux de notre système alimentaire, l'agroécologie constitue l'une des solutions portées par les pouvoirs publics pour assurer la transition de l'agriculture vers un modèle durable. Mais cette transition est-elle rentable pour les agriculteurs ? France Stratégie évalue le niveau d'exigence réel des différents cahiers des charges se présentant comme agroécologiques ou s'inscrivant dans ces pratiques. Surtout, elle montre que la transition agroécologique peut être rentable à moyen terme.

Des ambitions environnementales variables

L'agroécologie repose sur l'optimisation de l'utilisation des ressources et services apportés par la nature pour réduire au maximum l'utilisation d'intrants de synthèse : engrais, pesticides ou antibiotiques. On distingue deux grandes familles de cahiers des charges relevant de l'agroécologie :

-     Les labels publics ou marques privées relevant de l'agroécologie et pouvant donner lieu à des signes particuliers sur les produits, reconnaissables par les consommateurs, par exemple : la certification européenne Agriculture biologique (AB), la certification Haute valeur environnementale (HVE) et l'initiative privée de la marque Lu, Lu'Harmony ;

-     Les cahiers des charges s'inscrivant dans l'agroécologie mais ne donnant pas lieu à un « label » présent sur les produits alimentaires, par exemple : les mesures agro-environnementales et climatiques systèmes (MAEC systèmes), le réseau de fermes expérimentales DEPHY et la démarche privée de la coopérative Terrena, Agri CO2.

Parmi ces cahiers des charges, certains impliquent une refondation totale des systèmes de production, comme l'AB ou la HVE, quand les autres se limitent essentiellement à ajouter des contraintes aux modes de production conventionnels.
Il existe également des labels publics donnant lieu à des signes particuliers sur les produits, reconnaissables par les consommateurs, mais qui ne relève pas explicitement de l'agroécologie, comme le Label rouge ou la certification de conformité produit.

Des bénéfices économiques pour la plupart des exploitations agroécologiques

Les exploitations agroécologiques présentent en général des résultats économiques à moyen terme supérieurs à ceux d'exploitations conventionnelles. L'agriculture biologique (AB) apparaît clairement comme la plus performante d'un point de vue économique avec des gains de marge directe de + 103 % en moyenne au terme de la transition, hors aides publiques. Les coûts de mécanisation et de main d'œuvre, liés à l'arrêt d'usage de pesticides, sont compensés par la disparition des charges liées aux engrais et produits phytosanitaires, et par le prix de commercialisation avantageux des produits bio. Par exemple, l'étude Agriscopie conduite en Occitanie de 2011 à 2014 met en évidence des réductions de charges opérationnelles liées à l'arrêt d'usage des pesticides et intrants de l'ordre de 183 euros / ha / an alors que dans le même temps les charges de structures liées à la main d'œuvre et à la mécanisation augmentent de 110 euros / ha / an.

L'AB assure également à l'agriculteur une meilleure stabilité économique. Un exemple pour s'en convaincre : en 2016, l'excèdent brut d'exploitation (EBE) des exploitations conventionnelles en viande bovine était de 3 euros par hectare contre 180 euros en bio. D'autres exploitations agroécologiques sont rentables à moyen terme, notamment certains MAEC systèmes et certaines fermes DEPHY. Pour généraliser ces résultats, les auteurs ont ensuite modélisé une exploitation en grandes cultures de 100 hectares, en fonctionnement conventionnel d'abord puis avec les contraintes supplémentaires de cinq cahiers des charges : AB, DEPHY économe et DEPHY très économe en intrants, HVE B et Lu'Harmony. Grâce à quoi ils ont pu estimer et comparer les marges directes globales de cette exploitation type, en conventionnel et sous référentiel. Une manière donc de simuler sa transition agroécologique pour en tester la rentabilité. Résultat : l'AB est le seul référentiel (parmi ceux testés) à apporter des bénéfices à moyen terme à l'exploitant, avec un gain de marge directe de l'ordre de 25 % au terme de la transition (hors aides de la PAC toujours). L'agriculture biologique apparaît donc comme la plus performante d'un point de vue économique et environnemental.

Réorienter les aides publiques de la PAC 

Les aides de la politique agricole commune (PAC) assurent la rentabilité des exploitations européennes de manière générale. Certaines subventions spécifiques sont de plus dédiées aux référentiels agroécologiques. L'AB par exemple bénéficie d'aides à la conversion. Ces aides ne sont pas proportionnées au service environnemental rendu par les exploitations, ni même toujours au manque à gagner effectif lié à leur transition agroécologique. Pour le montrer, les auteurs de l'étude ont confronté le montant des aides attribuées aux exploitations à leur « score d'exigence environnementale »... et constaté leur décorrélation. En grandes cultures par exemple, les montants totaux d'aides à l'hectare sont plus importants pour le référentiel MAEC système que pour le référentiel AB. Autrement dit : c'est la production moins exigeante du point de vue environnemental qui reçoit plus.

L'agroécologie est un mode de production qui peut être à la fois rentable et respectueux de l'environnement, tout en répondant aux attentes de nombreux consommateurs. Réussir une transition agroécologique soutenable à l'échelle nationale implique un ajustement des subventions de la PAC, un soutien accru à la conversion vers l'agriculture biologique et un changement radical et durable de nos modes de consommation. France Stratégie propose donc trois recommandations, pour récompenser les engagements environnementaux forts : 
-     Soutenir en priorité les labels qui sont tout à la fois associés à des hauts scores d'exigence environnementale et qui génèrent des bénéfices économiques, comme l'AB ;
-     Mieux informer les exploitants agricoles et les consommateurs des bénéfices économiques générés par ces labels à haut score d'exigence environnementale ;
-     Analyser les coûts de la transition agroécologique pour les différentes exploitations, en développant un système de suivi sur le moyen terme.

mardi 25 janvier 2022

« On ne peut pas laisser se recréer une société d’héritiers en France »

 Frédéric Salat-Baroux, ancien secrétaire général de la présidence de la République, détaille les mesures qu’il estime nécessaires pour répondre à la crise « morale » de nos sociétés.

Tribune. Ne refaisons pas avec la question des inégalités la faute d’aveuglement commise avec l’environnement et l’immigration dans les années 1970-1980. Les inégalités remettent en cause la place des classes moyennes et populaires qui forment la colonne vertébrale de nos sociétés. Elles sont écrasées entre le rattrapage asiatique qui a laminé leurs emplois productifs et les « vainqueurs » de la mondialisation qui, à nouveau, « prennent tout » ou presque.

Sans même s’arrêter aux « ultrariches » de la révolution numérique, les 10 % les plus aisés perçoivent 52 % des revenus mondiaux, détiennent 76 % des richesses et émettent 48 % du CO2 (« Rapport sur les inégalités mondiales 2022 », World Inequality Lab). Alors que le grand cycle démocratique du XXe siècle avait créé des sociétés plus égalitaires, entre 1988 et 2008, 44 % de l’augmentation des revenus planétaires sont allés aux 5 % les plus riches (Branko Milanovic, Inégalités mondiales, La Découverte, 2019). A cela s’ajoute une autre inégalité : l’éviction des territoires, au profit de la métropolisation.

Plus encore que matérielle, la crise est morale. Nos sociétés redeviennent héréditaires et sont dominées par une idéologie du succès, aussi fausse que mortifère. La situation des Etats-Unis annonce la crise qui nous attend. Les pouvoirs sont entre les mains de ceux qui sont passés par les grandes universités de l’Ivy League. Issus des milieux les plus aisés, ils se marient de plus en plus entre eux et bénéficient de la flambée des salaires des dirigeants. Puis, ils surinvestissent dans l’éducation de leurs enfants. La machine inégalitaire est inarrêtable. Les « vainqueurs » pensent qu’ils ne doivent leur réussite qu’à eux-mêmes et regardent les « perdants » comme des « déplorables », ainsi que les a nommés l’effrayante Hillary Clinton.

Assommées par l’idéologie du succès, les classes moyennes et populaires sont atteintes dans leur dignité. L’espérance de vie a baissé aux Etats-Unis en raison des morts de désespoir : alcool, drogues, suicides. Ceux qui sont les plus touchés ne sont pas les plus pauvres mais ceux qui n’ont pas fait d’études supérieures. Comme l’a montré Michael Sandel, c’est une véritable Tyrannie du mérite (Albin Michel, 2021) qui est en train de détruire la cohésion sociale américaine.

Le politique s’est effacée devant le marché

La France est moins inégalitaire, mais notre ascenseur social est bloqué. Nous aidons les plus pauvres à vivre mais ils « restent à leur place ». Il faut six générations pour passer des classes populaires à la classe moyenne selon le rapport de l’OCDE « L’ascenseur social est-il en panne ? » (2018). En 2016, les enfants de milieux très favorisés constituent 73 % des effectifs de Sciences Po Paris ou de l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm, 89 % de HEC et 92 % de Polytechnique ; ceux des milieux modestes représentent moins de 8 % des effectifs de ces écoles (« Quelle démocratisation des grandes écoles ? », Institut des politiques publiques, 2021).

Entre 2006 et 2016, la croissance de l’emploi s’est concentrée sur neuf grandes métropoles (Insee Première, n° 1771, 2019) et la désertification gagne les territoires. Notre société s’est séparée d’elle-même. Les riches et les pauvres ne se croisent quasiment jamais. La méfiance, le ressentiment, la haine montent. L’insurrection des « gilets jaunes », qui fait écho à l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis en 2016 et au Brexit, n’en est que la première secousse.

La question identitaire et migratoire, plus tangible, masque la cause première de ce grand malaise. A des degrés différents, mais partout en Occident, le politique s’est effacé devant le marché et la mondialisation. Fasciné par leur puissance, il a écarté la grande leçon du New Deal et de la social-démocratie : l’Etat doit imposer au marché d’intégrer des impératifs politiques et sociaux.

Il n’y aura pas de reconstruction de notre modèle sans réponse à la triple inégalité, territoriale, de revenus du travail et des chances. A défaut, il doit se préparer à être broyé entre la poussée populiste et l’émergence d’une nouvelle gauche radicale, égalitariste, wokiste et de décroissance, portée par la colère des jeunes face à l’irresponsabilité climatique.

Réindustrialisation et innovation

Comme une première réponse, un mouvement de retour vers les territoires a commencé partout dans le monde. Il est porté par le sentiment d’étouffement et de perte de sens face à la vie et au travail dans les grandes métropoles. L’efficacité du télétravail permet déjà pour certains métiers de ne plus avoir à choisir entre vivre autrement et performance professionnelle. Ce mouvement apporte des réponses à des problèmes jusqu’ici insolubles. Comment produire et consommer différemment pour répondre au réchauffement climatique ? Comment renouer avec nos racines et les solidarités du quotidien ? Comment retrouver un Etat qui assume à nouveau son rôle en matière de sécurité et de préparation de l’avenir et laisse aux élus du terrain la conduite des politiques du quotidien : économie, social, santé, logement ? L’abandon du centralisme pour faire du pays tout entier une capitale à l’échelle du monde est le grand projet de société qui s’offre à nous.

A cela s’ajoutent les valeurs sur lesquelles reconstruire. Le marché fixe un prix au travail qui n’a quasiment aucun lien avec sa valeur sociale. L’Etat doit être le garant d’un principe de justice fondamental : les parents qui travaillent ont un droit à pouvoir faire vivre dignement leur famille. Le levier principal réside dans la réindustrialisation et l’innovation. Mais, à court terme, des mesures d’urgence s’imposent. Les propositions actuelles visant à ajouter à la rémunération des travailleurs modestes un apport de l’Etat prenant la forme d’une prime versée directement sur la feuille de paye ou d’une compensation des charges salariales sont politiquement et socialement indispensables.

La question du pouvoir d’achat ne se résume pas au salaire. Il y a aussi le logement. On ne répondra pas au grand malaise de l’hôpital, de l’éducation nationale et de la police, sans donner à ceux qui les font vivre l’accès à des logements à un coût raisonnable et proches des lieux de travail. La mobilisation du foncier public, les possibilités de surélévation des écoles et bâtiments publics, le recours aux capacités de financement disponibles pour le logement d’intérêt public peuvent y répondre.

La première aspiration des parents est de voir leur enfant réussir mieux qu’eux. L’inacceptable en République serait de faire mentir la merveilleuse phrase de Charles Aznavour : « Rien ne résiste à dix-sept heures de travail par jour. »

Créer des bourses de la deuxième chance

A l’instar de ce que la IIIe République avait su faire, il faut bâtir de véritables filières d’excellence, qui permettent à tous les enfants qui en ont le talent et la volonté farouche d’aller le plus loin possible. Les obstacles sont connus : l’absence de maîtrise des codes culturels, l’autocensure et le manque de moyens financiers qui conduisent à s’épuiser dans la multiplication des petits boulots.

Aux bourses sociales il faut ajouter de véritables bourses au mérite dont le montant doit pouvoir représenter jusqu’à 1 000 euros par mois. A la maîtrise des savoirs fondamentaux par tous il faut ajouter, dans tous les établissements, des classes d’excellence et, au lycée, des cycles intensifs conduisant aux classes préparatoires aux grandes écoles, s’appuyant sur les internats d’excellence. Cette logique doit se prolonger avec la création de bourses de la deuxième chance, venant renforcer les dispositifs existants de promotion professionnelle. Combien d’aides-soignants renoncent à passer les concours pour devenir infirmiers faute de pouvoir maintenir les revenus de leurs familles durant ces années d’études ?

Pour financer une politique en faveur du pouvoir d’achat et de l’égalité des chances, outre les marges à dégager par une gestion rigoureuse des finances publiques, des moyens supplémentaires sont nécessaires.

L’impôt sur le revenu, auquel il faut ajouter les prélèvements sociaux, n’est pas le bon instrument, car déjà très élevé et fortement progressif en France. En revanche, la question de l’impôt sur les successions et sur le patrimoine est posée. Les récents travaux du Conseil d’analyse économique (CAE) ont montré que nos droits de succession sont imparfaitement progressifs. Les exonérations de toutes natures, notamment à travers les mécanismes de donations, font que les plus grosses transmissions (supérieures à 13 millions d’euros) ont des taux réels d’imposition plus proches de 10 % que du taux marginal affiché de 45 % (« Repenser l’héritage », CAE, 2021).

Certes, l’impôt sur les successions est impopulaire en France et le slogan, venu de la droite américaine, « pas d’impôt sur les morts », est dans les têtes. Mais on ne peut pas laisser se recréer une société d’héritiers – la fortune héritée représente 60 % du patrimoine total contre 35 % début 1970 précise la note du CAE –, alors que, dans le même temps, les obstacles à la réussite deviendraient infranchissables. Les travaux du CAE montrent qu’une réforme globale peut permettre à la fois de réduire les droits de succession sur les classes moyennes et de dégager des moyens pour l’égalité des chances.

Renvoyer dos à dos le laisser-faire et l’idéologie égalitariste

Quant à l’impôt sur le patrimoine, il n’y a pas de fatalité à être pris entre un système qui n’est pas compréhensible (la taxation de la résidence principale et l’exonération des actifs financiers) et des projets confiscatoires. Dans la ligne du dispositif existant jusqu’en 2018 mais en allant plus loin dans la logique d’une fiscalité socialement active, pourquoi ne pas permettre une réduction jusqu’à 100 % de l’impôt sur la fortune financière dans le cas d’investissements directs dans des projets de création ou de développement d’entreprises et ainsi favoriser la coopération entre les plus riches et les jeunes qui se lancent ?

On ne peut pas enfin vouloir prévenir les vagues de migrations dans un monde qui va vers 11 milliards d’habitants, sans agir sur l’inégalité de développement de l’Afrique. A l’heure où l’administration Biden a rendu possible l’instauration d’un impôt minimal sur les sociétés, il faut rouvrir la question d’un financement innovant pour le développement, de type taxe mondiale sur les transactions financières, idée si vite enterrée au temps de la dérégulation triomphante.

Mesurer les dangers de la conjonction des inégalités et du blocage de la mobilité sociale, renvoyer dos à dos le laisser-faire et l’idéologie égalitariste pour rebâtir une société de la réussite par le travail portent un même idéal : vouloir vivre ensemble.

lundi 3 janvier 2022

Un additif alimentaire couramment utilisé altèrerait le microbiote et l'environnement intestinal humain

 Face à la prévalence importante des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, comme la maladie de Crohn, la recherche avance pour mieux identifier les facteurs de risque de ces pathologies et ainsi améliorer la prise en charge des patients. Des scientifiques à l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université de Paris), dirigés par le chercheur Inserm Benoît Chassaing, avaient montré chez la souris que la présence d’émulsifiants alimentaires dans de nombreux plats transformés pouvait favoriser l’inflammation au niveau intestinal. Dans une nouvelle étude, publiée dans Gastroenterology, la même équipe montre aujourd’hui chez des volontaires sains, que le carboxyméthylcellulose (CMC)[1], un émulsifiant alimentaire largement utilisé, impacte l’environnement intestinal en altérant la composition du microbiote. L’équipe souligne la nécessité de travaux complémentaires pour caractériser l’impact à long terme de cet additif alimentaire, ainsi que l’étude chez des individus souffrant de maladie inflammatoire chronique de l’intestin.

Près de 20 millions de personnes dans le monde seraient touchées par les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, parmi lesquelles on compte la maladie de Crohn et les rectocolites hémorragiques. Des facteurs génétiques ont été identifiés pour expliquer l’inflammation de l’intestin qui caractérise ces pathologies, mais ces prédispositions ne sont pas suffisantes pour expliquer à elles seules la survenue de ces maladies. Ainsi, depuis plusieurs années, de nombreuses équipes de recherche se sont penchées sur les facteurs environnementaux.

C’est le cas du chercheur Inserm Benoît Chassaing et de son équipe à l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université de Paris) qui s’intéressent à l’impact de l’alimentation – et plus spécifiquement au rôle de certains additifs alimentaires, comme les émulsifiants – sur le microbiote intestinal.

L’équipe a notamment étudié l’impact du carboxyméthylcellulose (CMC), un émulsifiant synthétique ajouté à de nombreux aliments transformés pour en améliorer la texture et prolonger leur durée de conservation. Des travaux menés sur des souris ont précédemment révélé que le CMC, ainsi que certains autres agents émulsifiants, altèrent la composition du microbiote intestinal et entraînent ainsi l’aggravation de nombreuses pathologies inflammatoires chroniques, telles que la colite, le syndrome métabolique et le cancer du côlon.

Dans de nouveaux travaux, les scientifiques ont donc cherché à vérifier si le CMC pouvait avoir le même impact chez l’humain car, bien qu’elle n’ait jamais fait l’objet de tests cliniques approfondis, cette molécule est de plus en plus utilisée dans les aliments transformés depuis les années 1960.

 

Étude clinique sur volontaires sains

Pour mener à bien cette étude clinique, les scientifiques ont recruté un petit groupe de volontaires sains. Les participants, logés sur le site de l’étude pendant toute sa durée, ont été divisés en deux groupes. L’un consommait un régime alimentaire strictement contrôlé et sans aucun additif, et l’autre un régime identique mais supplémenté par du CMC.

Au bout de deux semaines, les chercheurs et chercheuses ont observé que, chez les participants consommant du CMC, la composition en bactéries présentes dans l’intestin était modifiée, avec une diminution nette de la quantité de certaines espèces connues pour jouer un rôle bénéfique en santé humaine, tel que Faecalibacterium prausnitzii. De plus, les échantillons fécaux des participants recevant du CMC étaient très fortement appauvris pour de nombreux métabolites bénéfiques. Enfin, sur le plan clinique, ces participants étaient plus sujets à des douleurs abdominales et à des ballonnements intestinaux.

Des coloscopies réalisées chez ces volontaires au début et à la fin de l’étude ont également mis en évidence que chez un sous-groupe de sujets dans le groupe qui consommait du CMC les bactéries intestinales se trouvaient localisées plus proches des parois de l’intestin. Il s’agit d’une caractéristique observée dans des maladies inflammatoires de l’intestin et le diabète de type 2.

Si la consommation de CMC n’a entraîné aucune pathologie inflammatoire dans cette étude relativement courte, ces résultats confirment les données issues des études animales et suggèrent que la consommation à long terme de cet additif pourrait impacter négativement le microbiote intestinal et par conséquent favoriser les maladies inflammatoires chroniques ainsi que des dérégulations métaboliques chez l’humain.

« Nos résultats soulignent la nécessité d’études complémentaires sur cette classe d’additifs alimentaires, sur des échantillons plus larges et à plus long terme. Par ailleurs, nous souhaitons désormais mieux comprendre l’hétérogénéité des réponses au CMC entre les sujets. Pourquoi seulement certains individus développent des marqueurs inflammatoires à la suite de la consommation de ces additifs ? Certaines personnes sont-elles plus sensibles à certains additifs que d’autres ? Voici les questions auxquelles nous voulons répondre et pour lesquelles nous sommes en train de concevoir diverses approches », précise Benoît Chassaing.

L’équipe prévoit de nouvelles études cliniques et précliniques qui devraient permettre d’identifier des marqueurs moléculaires de sensibilité au CMC afin de mieux expliquer cette hétérogénéité. Des essais sur des groupes plus larges de volontaires atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sont en cours pour identifier l’impact de l’additif chez ces patients.

La justice rejette des demandes d’indemnisation de riverains de l’usine Metaleurop

 Implantée à Noyelles-Godault (Pas-de-Calais), l’usine sidérurgique Metaleurop rejetait dans l’air, en 1985, 67 tonnes de plomb et 26 700 de dioxyde de soufre.

Le tribunal administratif de Lille a rejeté, mardi 21 décembre, 87 requêtes d’habitants d’Evin-Malmaison (Pas-de-Calais) réclamant une indemnisation à cause des carences supposées de l’Etat dans le contrôle de la pollution engendrée jusqu’en 2003 par l’usine Metaleurop, a annoncé leur avocat.

Le tribunal a jugé que « les préjudices immobiliers et d’angoisse invoqués par les requérants » n’étaient pas démontrés, selon un communiqué de Me David Deharbe. Les juges refusent donc de se prononcer sur la responsabilité de l’Etat. Les requérants ont annoncé leur intention de faire appel.

« Préjudice immobilier » non démontré

Les requérants, réunis en association, estiment notamment que l’Etat a tardé à agir pour réglementer les rejets de l’usine dans l’air et dans les eaux tout au long de son exploitation. Ils réclament une indemnisation (en général, de 58 000 euros chacun) pour leur préjudice en matière sanitaire et de dépréciation immobilière.

Dans l’un des 87 jugements, le tribunal considère que des attestations évoquant une décote de la valeur d’un bien immobilier ne sont « étayées par aucune donnée concrète et ne suffisent pas à établir la réalité de ladite perte ».

En ce qui concerne le « préjudice d’anxiété »« il ne résulte pas de l’instruction que les requérants sont soumis à un risque suffisamment élevé de développer une pathologie grave », est-il souligné dans la décision. Les juges estiment qu’il n’est par conséquent pas nécessaire « d’apprécier les éventuelles fautes que l’Etat aurait commises dans l’encadrement et le suivi des activités » de l’usine.

Le rapporteur public avait exclu, lors de l’audience, le 23 novembre, toute faute de l’Etat, notamment parce qu’il n’avait, selon lui, pas les moyens juridiques pour exercer un contrôle. « Aucun préjudice » ne « semble indemnisable » dans cette affaire, avait-il dit.

Nouvelles demandes sur le « préjudice écologique »

Implantée depuis 1894 à Noyelles-Godault (Pas-de-Calais), l’usine sidérurgique Metaleurop produisait jusqu’à 130 000 tonnes de plomb, 100 000 de zinc et 250 000 d’acide sulfurique par an. Elle rejetait dans l’air, en 1985, 67 tonnes de plomb et 26 700 de dioxyde de soufre, entre autres.

Les sols demeurent fortement contaminés, notamment en plomb et en cadmium, sur plus de 700 hectares autour du site industriel, présenté lors de sa fermeture comme le plus pollué de France. La zone – cinq communes, 24 000 personnes – est encadrée depuis 1999 par un projet d’intérêt général (PIG) restreignant l’usage des sols. En son cœur, l’interdiction de toute activité agricole.

Les 87 requêtes font suite à la création en 2014 de l’association PIGE par Bruno Adolphi, l’un des requérants. « Onze années après la fermeture de l’usine, on a constaté que les sols étaient pollués de manière beaucoup plus importante que ce qu’on savait », a-t-il expliqué. « Le silence des autorités publiques était flagrant. »

Il remporte rapidement une bataille : les propriétaires bénéficient désormais d’un abattement de leur taxe foncière en compensation de la perte de valeur de leurs biens.

En 2017, un dépistage de l’atteinte rénale réalisé par l’agence régionale de santé (ARS) sur plusieurs centaines de riverains – bien que rassurant – renforce un peu plus « l’angoisse » des riverains, selon Me Deharbe, les incitant à réclamer des indemnisations.

Les élus de la communauté d’agglomération d’Hénin-Carvin (qui regroupe 14 communes du Pas-de-Calais) ont également lancé une action devant la justice administrative. Ils réclament la remise en état des terres polluées, à travers le décapage des sols sur 50 centimètres de profondeur. Ou, à défaut, 574 millions d’euros en guise de réparation du « préjudice écologique ».

Les fleuristes, victimes ignorées des pesticides : « Si l’on m’avait mise en garde, ma fille serait encore là »

  Dès 2017, des tests menés par  60 millions de consommateurs  sur des roses commercialisées par dix grandes enseignes en France révélaient ...