lundi 3 octobre 2022

L’Anthropocène comme concept politique

 

Il est aussi possible de voir le concept d’Anthropocène comme une tentative de dépolitisation des sujets qu’il met en lumière, et des phénomènes qui en sont la cause. Le concept donne en effet l’illusion que tous les hommes, unis dans une œuvre commune de destruction, sont également responsables des transformations infligées à la planète.

En réalité, ces transformations sont l’œuvre d’une minorité. Pour ne prendre que le changement climatique, l’une des principales caractéristiques de l’Anthropocène, il convient de garder à l’esprit que 70 % des émissions de gaz à effet de serre, environ, sont produites par un milliard d’individus seulement – ce qui remet en perspective l’idée selon laquelle l’accroissement de la population mondiale serait la principale cause du changement climatique.

Plutôt que l’âge des humains, l’Anthropocène serait en fait mieux décrit comme un « oliganthropocène », l’âge de quelques hommes, pour reprendre une expression d’Eryk Swyngedouw. Si ces hommes sont en effet devenus les principaux acteurs des transformations de la Terre, la majorité des humains sont aussi devenus les victimes de ces transformations, plutôt que leurs agents.

En découle la nécessité de transformer notre système de gouvernance et de gestion des ressources. Il convient notamment de substituer aux notions d’efficacité et d’optimisation une approche plus flexible, plus adaptable, dans laquelle les systèmes environnementaux et sociaux se complètent et fonctionnent sur de même bases.

Ces crises peuvent toutefois mener à des opportunités, et les défis écologiques auxquels sera confrontée l’espèce humaine mettront en jeu sa capacité à construire de nouveaux modèles de gouvernance locale et à appliquer des politiques publiques et économiques de façon pérenne.

Cette transformation se fonde avant tout sur la création de partenariats de confiance, alliant l’action et le local, les innovations institutionnelles croisées et la remise au centre des acteurs locaux.

Ce nouveau défi auquel l’espèce humaine est confrontée, celui d’habiter le monde et d’y poursuivre son développement dans un espace peu sécurisé, ne pourra se penser sans la redéfinition d’une géopolitique de la Terre, au sens premier du terme.

Le défi du développement durable de l’espèce humaine tout entière dépasse celui du défi climatique, et amène à s’interroger sur le passage à une conception nouvelle du temps. Il s’agirait de rompre avec la tradition du « court terme » et de penser en « temps de longue durée » (Fernand Braudel), afin de sortir de notre vision du « temps historique » tel qu’il est pensé par l’homme, et pour l’homme seul.

De ce désordre planétaire doit sortir une nouvelle politique globale, qui dépasse les relations internationales et réinvente les concepts sur lesquels elles s’appuient : que veulent dire le territoire, les frontières ou la souveraineté à l’heure de l’Anthropocène ? C’est toute une Terre à inventer.

mardi 27 septembre 2022

Pesticides : de l’eau potable non conforme pour 20 % des Français

 Selon les données du « Monde », environ 12 millions de personnes ont été concernées en 2021 par des dépassements de seuils de qualité pour les pesticides et leurs métabolites.

Les chiffres sont saisissants. Ils révèlent l’étendue de la contamination des ressources hydriques par les pesticides et leurs produits de dégradation ; ils montrent aussi de profondes lacunes, perdurant depuis de nombreuses années, dans la surveillance de l’eau potable. En 2021, selon les données collectées par Le Monde auprès des agences régionales de santé (ARS), d’agences de l’eau ou de préfectures, environ 20 % des Français de métropole – quelque 12 millions de personnes – ont reçu au robinet, régulièrement ou épisodiquement, une eau non conforme aux critères de qualité. Ce chiffre était de 5,9 % en 2020, selon le ministère de la santé.

La plupart de ces données sont à la disposition de la direction générale de la santé (DGS) depuis plusieurs mois, mais elles n’ont jusqu’à présent pas été agrégées pour être communiquées au public. La DGS a décliné nos demandes d’entretien. Leur présentation officielle, prévue dans les prochaines semaines, promet d’être délicate : dans un pays où les rares écarts aux normes de qualité de l’eau potable sont, chaque année, présentés comme marginaux et anodins, la situation actuelle est aussi alarmante qu’inattendue. Au point de troubler d’anciens hauts cadres du système de santé.

L’ex-directeur général de l’ARS Nouvelle-Aquitaine Michel Laforcade, en retraite depuis 2020, estime que les autorités sanitaires ont « failli » sur la question des pesticides et de leurs produits de dégradation, les métabolites. « Il y a beaucoup d’autocensure dans l’administration, une sorte d’incapacité à regarder la réalité, témoigne-t-il. Un jour, on devra rendre des comptes. Ce ne sera peut-être pas de la même envergure que l’affaire du sang contaminé, mais cela pourrait devenir le prochain scandale de santé publique. »

Que s’est-il passé ? Pourquoi les non-conformités de l’eau potable concernaient-elles moins de 6 % des Français en 2020 et environ 20 % l’année suivante ? Nulle accélération récente et brutale de l’usage des pesticides, mais un « choc de connaissance », selon l’expression de Mickaël Derangeon, le vice-président d’Atlantic’eau, le syndicat des eaux de Loire-Atlantique.

Les Hauts-de-France au premier plan

En 2021, répondant à une instruction de la DGS de décembre 2020, les agences régionales de santé ont commencé à surveiller certains métabolites de pesticides qui n’étaient jusqu’alors pas recherchés. Dans l’environnement, les pesticides se fragmentent et se recombinent avec des éléments du milieu pour donner toute une descendance chimique. Pour chaque produit phytosanitaire mis sur le marché, on peut compter jusqu’à une dizaine de métabolites, certains étant jugés « pertinents » par les autorités sanitaires (c’est-à-dire potentiellement dangereux), d’autres « non pertinents ».

En fonction de leur géologie, des pratiques agricoles dominantes, de leurs ressources (eaux de surface ou souterraines), les régions sont diversement touchées. Les Hauts-de-France connaissent la pire situation, avec 65 % de la population concernée par des non-conformités. La Bretagne (43 %), le Grand-Est (25,5 %), les Pays de la Loire (25 %), la Bourgogne-Franche-Comté (17 %) et la Normandie (16 %) suivent, parmi les régions les plus touchées. En Ile-de-France (16,3 %), l’ARS précise que ce taux est lié à « une situation de non-conformité ponctuelle d’une usine sur une installation alimentant une forte population sur plusieurs départements ». Dans certaines régions, des chiffres favorables cachent parfois des situations disparates : l’Occitanie affiche des taux de non-conformité faibles (5,1 %) mais le département du Gers est l’un des plus touchés de France, avec 71 % de sa population concernée par des écarts aux standards de qualité.


Pour un reportage qui doit être diffusé jeudi 22 septembre au soir sur France 2, les journalistes de Franceinfo et du magazine « Complément d’enquête » ont mené leurs propres évaluations à partir de la base de données publique de la qualité des eaux distribuées en France, et aboutissent à des chiffres cohérents avec ceux du Monde. Sans pouvoir estimer la part de la population concernée, ils concluent qu’en 2021, près d’un quart des communes françaises ont été concernées, régulièrement ou épisodiquement, par des dépassements des normes de qualité.

Celles-ci n’ont pas de valeur toxicologique : leur dépassement n’entraîne pas nécessairement un risque pour la santé. Elles sont fixées à 0,1 microgramme par litre (µg/l) pour les pesticides et leurs métabolites jugés « pertinents » et à 0,5 µg/l pour leur somme. Sans certitude sur la réalité du risque, la situation est un casse-tête parfois indémêlable pour les ARS, les préfectures et les collectivités locales qui doivent gérer ces dépassements.

« Le seuil de 0,1 µg/l n’est pas une norme sanitaire, insiste Benoit Vallet, directeur général de l’ARS Hauts-de-France. La seule norme sanitaire est la “Vmax”, qui indique une concentration dans l’eau susceptible de déclencher des problèmes sur la santé. » Mais il y a parfois un hic : pour calculer cette Vmax, les experts de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) ont besoin d’études. Et, quand elles existent, celles-ci sont parfois si lacunaires qu’aucune Vmax ne peut être établie…

Dans les Hauts-de-France, l’affaire commence début 2021. Suivant les instructions de la DGS, l’ARS locale inclut deux métabolites du chloridazone – un herbicide utilisé depuis les années 1960 sur les champs de betterave, qui n’est plus utilisé depuis 2020 – dans son plan de surveillance. En février 2021, l’ARS informe la DGS qu’elle a découvert de nombreuses non-conformités : que faire ? Aucune Vmax n’a jamais été calculée pour ces deux métabolites. En plus d’un demi-siècle d’utilisation sur les plaines betteravières du nord et de l’est de la France, ces deux rejetons du chloridazone (le méthyl-desphényl-chloridazone et le desphényl-chloridazone) n’avaient jamais été recherchés dans les eaux distribuées.

Navigation à vue

L’Anses est saisie pour tenter d’établir une Vmax mais, en attendant, une valeur de gestion provisoire est fixée par l’ARS à 44 µg/l. Au-dessous, aucune restriction de consommation n’est prononcée par les autorités. Pourquoi ce chiffre ? « L’ARS a mis en place un plan de gestion provisoire en divisant par cinq la Vmax du chloridazone, fixée à 222 µg/l », explique-t-on à la préfecture de l’Aisne, assurant que les métabolites étant réputés moins dangereux que leur molécule mère, ce facteur de sécurité supplémentaire devrait garantir un niveau de protection suffisant. Mais, signe qu’en l’espèce la navigation réglementaire se fait à vue, l’ARS du Grand-Est choisit une autre valeur seuil provisoire près de quinze fois inférieure.

« On est confronté à une situation où on peut être amené à prendre des mesures lourdes, comme des restrictions de consommation de l’eau, alors que le risque sanitaire n’est absolument pas avéré, résume le préfet de l’Aisne, Thomas Campeaux. Et où, en même temps, on ne peut pas formellement l’exclure. » Car le seuil de qualité de 0,1 µg/l ne prémunit pas nécessairement contre les risques sanitaires de toutes les molécules : pour quelques pesticides, comme la dieldrine ou l’heptachlore, le seuil de qualité dans l’eau potable est en effet fixé plus bas, à 0,03 µg/l.

En décembre 2021, le ministère de la santé saisit une autre instance d’expertise, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), et lui demande son avis sur la gestion de la situation. En mars 2022, le HCSP recommande d’utiliser la valeur établie par l’Agence fédérale allemande pour l’environnement (UBA), qui a développé sa propre méthode pour fixer des seuils provisoires. Pour les deux métabolites du chloridazone qui empoisonnent l’eau des régions betteravières, ce sera 3 µg/l, soit trente fois la valeur limite de qualité : au-dessous de cette valeur, pas de restriction immédiate de la consommation d’eau.

Le 15 septembre, l’ARS des Hauts-de-France et le préfet de région annoncent « une phase de surveillance renforcée dans les 45 communes, pour un total d’environ 13 500 habitants, où les valeurs constatées étaient supérieures à 3 µg/l ». Si, fin septembre, les derniers relevés ne montrent pas d’amélioration, des mesures de restriction de la consommation d’eau dans ces communes seront prises, ajoute le communiqué. Soixante autres communes de la région, soit 45 000 personnes, reçoivent une eau dont les teneurs en métabolites de chloridazone sont comprises entre 2 et 3 µg/l : elles seront, elles aussi, mises sous surveillance.

Ces mesures dérogatoires permettent de continuer à boire l’eau du robinet, mais ne la rendent pas pour autant conforme. Selon le code de santé publique, une telle dérogation ne peut durer que trois ans, renouvelable une seule fois. Ces six années écoulées, l’eau devra être revenue sous les seuils de qualité, faute de quoi sa consommation ne sera plus possible et les collectivités en cause, sanctionnées.

Etudes fragiles et parcellaires

« La DGS était à la recherche d’une solution pour gérer le problème rapidement, confie une source proche du Haut Conseil. Mais c’est une situation très inconfortable qui ne peut avoir de réponse rapide et simple. » Dans l’avis qu’il a rendu en mars, le HCSP constate ainsi que « les données actualisées de contamination démontrent une situation inédite par son ampleur » et donne priorité à la prévention. « Une politique active et urgente doit être mise en œuvre pour réduire la contamination des ressources par les pesticides, estime le HCSP, considérant que la connaissance développée sur les contaminations par une partie de leurs métabolites (…) montre que les actions curatives traditionnelles mises en œuvre dans les filières de traitement sont peu ou pas efficaces. »

Ailleurs en France, ce sont d’autres sous-produits qui ont laissé des traces durables dans les ressources hydriques. En 2021, par exemple, l’inclusion d’un unique métabolite du S-métolachlore – un herbicide suspecté d’être cancérogène autorisé en 2003 en Europe – a rendu non conforme, de manière temporaire ou régulière, l’eau distribuée à 60 % des habitants de Mayenne, selon une estimation relayée dans son bulletin par l’Association des hydrogéologues des services publics. Ce métabolite, baptisé ESA-métolachlore, est aussi responsable à lui seul de la plupart des non-conformités constatées dans le Gers, où plus des deux tiers de la population est concernée, selon des correspondances de la préfecture consultées par Le Monde.

En Bretagne et ailleurs, l’ESA-métolachlore est l’un des métabolites de pesticides les plus fréquemment retrouvés dans l’eau. Mais, à la différence des métabolites du chloridazone, l’ESA-métolachlore a fait l’objet d’une attention particulière. Dans un avis rendu en 2014 à la demande de la DGS, l’Anses a estimé sa Vmax à 510 µg/l, soit plus de cinq mille fois la norme de qualité. La conséquence est immédiate : puisque nulle part en France, selon les données dont dispose Le Monde, une eau n’a jamais été distribuée à de tels niveaux de contamination par l’ESA-métolachlore, ce dernier n’a pas conduit à des restrictions de consommation.

Mais que valent ces Vmax calculées par l’Anses ? « Sur cette question, je n’ai jamais vu les groupes d’experts [de l’Anses] chercher à minimiser les risques », témoigne un scientifique qui a été associé à de tels travaux et est peu suspect de complaisance. Mais, en la matière, la bonne foi ne remplace pas les données. Or, les seuils sanitaires établis pour les métabolites sont fondés sur des études bien plus fragiles et parcellaires que pour les pesticides eux-mêmes, fait valoir Pauline Cervan, ancienne toxicologue chargée de préparer les dossiers réglementaires pour l’industrie, désormais chargée de mission à l’association Générations futures. « Les autorités prétendent qu’il n’y a pas de risque sanitaire, mais ces affirmations ne reposent tout au plus que sur une demi-douzaine d’études, dit-elle. Certaines présentent en outre des lacunes, de l’aveu même des autorités, et aucune n’évalue les effets chroniques. » La Vmax calculée pour le principal métabolite du S-métolachlore est ainsi essentiellement fondée sur une étude industrielle confidentielle de 1999, conduite pendant quatre-vingt-dix jours sur des chiens beagles, à raison de quatre animaux par sexe et par dose testée.

De plus, l’appréciation des dangers d’un métabolite est réputée dépendre des propriétés toxiques de sa molécule mère. Or, au début des années 2010, lorsque l’ESA-métolachlore était évalué par l’Anses, son pesticide parent était simplement classé comme irritant pour la peau. Une décennie plus tard, le tableau a changé. En cours de réexamen par les autorités européennes, il a été désigné en juin 2022 cancérogène de niveau 2 (c’est-à-dire suspecté) par l’Agence européenne des produits chimiques, l’instance officielle de classification des dangers des substances chimiques.

« Quand un pesticide est classé cancérogène de niveau 2, la réglementation impose au fabricant de montrer que ses métabolites ne le sont pas et de fournir les données en ce sens, précise Mme Cervan. Données qui, à ce jour, n’existent pas. » De son côté, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), l’agence chargée d’évaluer les risques de tout ce qui entre dans la chaîne alimentaire en Europe, ajoute que la procédure de réévaluation du S-métolachlore est momentanément arrêtée, « en raison de la demande de données supplémentaires [aux industriels] pour évaluer son potentiel de perturbation endocrinienne ».

Y a-t-il eu défaut de vigilance ? L’exhumation des premiers documents européens d’expertise est en tout cas troublante : ceux-ci indiquent que la contamination des nappes souterraines par les métabolites des produits aujourd’hui considérés comme les plus problématiques était non seulement prévisible, mais prévue. Et que les autorisations de mise sur le marché ont été accordées en connaissance de cause, sans surveillance particulière des ressources en eau.

Pauline Cervan cite en particulier un rapport sur le S-métolachlore, rédigé en 2004 par la Commission européenne à destination des Etats membres, qui leur précise qu’ils « devraient prêter une attention particulière au potentiel de contamination des eaux souterraines par le [S-métolachlore] et ses métabolites ». En France, il a fallu une quinzaine d’années pour qu’une surveillance systématique soit mise en place.

Même constat pour les deux rejetons du chloridazone qui contaminent l’eau des régions betteravières françaises. Dans la mise à jour de 2007 de ses conclusions sur les risques présentés par le chloridazone, l’EFSA indiquait que « les résultats de l’expertise pour [s]es deux métabolites (…) ont montré qu’une lixiviation [c’est-à-dire un taux d’infiltration] inacceptable vers les eaux souterraines est très probable ».

Pas d’harmonisation entre Etats

Des millions de personnes ont ainsi reçu, pendant des années, voire des décennies, une eau réputée conforme aux critères de qualité, mais qui n’est plus considérée comme telle aujourd’hui. Pourtant, la directive européenne de 1998 sur l’eau précise que les métabolites « pertinents » de pesticides doivent faire l’objet de la même surveillance que leurs molécules mères. L’ambiguïté réglementaire qui a prévalu pendant plus de deux décennies tient à ce terme : « pertinent », imparfaitement défini dans les textes. En apportant des précisions, la nouvelle directive européenne relative à l’eau potable, publiée en décembre 2020, a contraint les Etats membres à sortir de l’ambiguïté – contrainte qui s’est traduite, en France, par la nouvelle instruction de la DGS.

Pour autant, une telle harmonisation au niveau européen ou international n’est pas encore à l’ordre du jour. Certains Etats membres considèrent ainsi comme « pertinents » (donc potentiellement dangereux) certains métabolites de pesticides, tandis que les mêmes produits sont considérés comme « non pertinents » par d’autres. Des disparités qui en disent long sur l’incertitude qui plane sur l’ensemble du dossier.

La situation suisse est par exemple suivie de près par les autorités françaises, et avec une certaine inquiétude. Les eaux souterraines y sont largement contaminées par des produits de dégradation du chlorothalonil, un fongicide commercialisé depuis les années 1970 et interdit en 2019. Ces métabolites n’ont pas été recherchés dans la plupart des régions de France en 2021 et l’un d’eux – le R471811 – a été classé « pertinent » par l’Anses en janvier 2022. Son ajout aux plans de surveillance régionaux pourrait faire grimper au-delà de 20 % l’estimation de la proportion de Français desservis par une eau non conforme. D’autres métabolites de pesticides, comme le N, N-diméthylsulfamide, recherché depuis cette année seulement, pourraient également alourdir le fardeau.

Pour Mickaël Derangeon, d’Atlantic’eau, la diversité et la quantité de substances de synthèse présentes dans l’eau potable rendent les critères réglementaires de conformité partiellement caducs. « Avec les données dont la communauté scientifique dispose désormais sur les perturbateurs endocriniens et la possibilité d’effet cocktail, se fier à des seuils de conformité substance par substance ne suffit plus, explique celui qui est aussi neurophysiologiste, enseignant à l’université de Nantes et chercheur à l’Institut du thorax (CNRS, Inserm). Attention : cela ne veut pas dire qu’il faut se retourner vers l’eau en bouteille, qui souffre d’autres problèmes, en particulier la présence de plastifiants, de microparticules plastiques, etc. »

Atlantic’eau a ainsi recours à des bio-essais pour tenter de détecter l’activité biologique de l’eau en sortie d’usine, indépendamment des seuils de conformité. Ces bio-essais permettent d’observer un effet fongicide ou herbicide de l’eau, sur des cellules d’algue ou de champignon, ou un effet de perturbation endocrinienne sur des cellules humaines.

« Nous avons des exemples d’une eau conforme du point de vue de la réglementation, mais qui présente une activité biologique potentiellement problématique, explique M. Derangeon. Il y a dans l’eau produite et distribuée des molécules dont on ne connaît pas l’identité, et qui donc ne sont pas recherchées. Le problème est que les agriculteurs et les maraîchers industriels qui opèrent au-dessus des nappes phréatiques ne sont pas tenus de nous fournir la liste des substances qu’ils utilisent. L’Etat ne nous donne pas les moyens de protéger la ressource. »

Les services de l’Etat ont un chantier considérable devant eux. Ils vont devoir gérer une situation que l’incapacité des gouvernements successifs à réduire l’usage des pesticides a rendue inextricable. « La seule certitude dans cette histoire, dit Thomas Campeaux, le préfet de l’Aisne, c’est qu’elle ne fait que commencer. »

jeudi 15 septembre 2022

« Notre cerveau nous pousse à des choix désastreux pour la planète »

Les conséquences de plus en plus visibles du dérèglement climatique devraient nous inciter à adopter rapidement des modes de vie plus sobres et plus responsables. Il n'en est rien. Qui fait obstruction ? Notre cerveau, explique Sébastien Bohler.

Actu-Environnement : Les signes du dérèglement climatique sont de plus en plus prégnants. Pourtant, nous continuons à consommer, à prélever les ressources de la planète et à produire des gaz à effet de serre sans aucune modération. Comment l'expliquez-vous ?

Sébastien Bohler : La faute en revient en grande partie au striatum, cette très ancienne partie intérieure du cerveau qui est responsable de l'activation de nos désirs. Depuis des millions d'années, le striatum récompense par une libération de dopamine, source de plaisir, tous les comportements avantageux pour notre survie : manger, se reproduire, développer notre statut social, puisque cela nous assure à la fois de la nourriture plus abondante et l'accès à des partenaires sexuels plus nombreux, collecter des informations utiles et minimiser notre dépense d'énergie. Ce mécanisme primitif et viscéral est à l'origine de tout ce qui nous fait avancer. Il nous pousse non seulement à recommencer encore et toujours, mais aussi à chercher en avoir plus.

AE : Aujourd'hui, la survie de l'espèce n'est plus immédiatement menacée…

SB : Non, mais le même mécanisme perdure. C'est lui qui nous encourage à manger mal et sans faim, à surconsommer, à désirer les attributs d'un statut social élevé, comme le dernier iPhone ou un SUV, à passer des heures devant nos écrans et à faire le moins d'efforts possibles, grâce aux machines. Autant d'attitudes qui contribuent au réchauffement de la planète et nous amènent au désastre. Les informations sur sa dégradation et sur l'altération de nos conditions de vie, généralement traduites de manière abstraite – degrés, émissions, bilan carbone… –, parviennent jusqu'à nous. Mais elles s'implantent dans le cortex cérébral, la partie intelligente du cerveau, celle qui fait appel à la pensée symbolique et au langage. Elles ne sont pas source de dopamine et de plaisir. Au moment de prendre des décisions, c'est donc le striatum qui prend le dessus. De plus, son système de récompense à base de dopamine est très sensible au court terme. Quand nous devons choisir entre nous faire plaisir de façon destructrice, tout de suite, ou obtenir des satisfactions, plus tard, en préservant la planète et les générations futures, le combat est d'emblée faussé et inégal.

AE : La bataille est-elle perdue d'avance ?

SB : Il est possible de réajuster la balance en essayant de moins rechercher le plaisir immédiat. En listant par exemple ce que l'on est prêt à faire – ne plus prendre l'avion ou sa voiture, manger moins de viande, consommer local… – et à regarder ensuite ce qui se passe. Il faut accepter de se priver un moment d'un peu de dopamine. C'est un peu comme pour le jeûne, il y a un cap à passer… Mais si je renonce à ma boulimie de séries TV, c'est le bonheur le jour où je me loue un bon film ! On le voit en IRM, cette action réactive certains circuits du cortex préfrontal, celui qui coordonne et ajuste notre comportement social, celui qui permet à la conscience élaborée de bloquer notre appétence pour les stimuli immédiats. Donc, oui, on peut faire bouger nos lignes de base. Cela est plus facile si, dès notre plus jeune âge, nous avons appris à supporter une forme de frustration, en différant par exemple le moment de manger des bonbons, de jouer ou de regarder un film. La capacité à devenir responsable en sortant du tout plaisir et du tout immédiat s'entraîne et s'éduque. Il est important de le comprendre.

AE : Qu'en est-il du collectif ?

SB : En effet, la limite de ce réajustement est qu'il fait peser la stratégie et la responsabilité sur l'individu. Or, on sait très bien que les émissions carbone résultent aussi de problèmes d'infrastructures et de choix politiques. Sans oublier la question de l'offre, puisqu'il est plus difficile au striatum, en raison de son attirance pour l'immédiateté, de résister à quelque chose qu'il a sous les yeux : aliments gras et sucrés comme voyages low-cost. Le problème est que ceux qui sont chargés des choix politiques et des stratégies, élus ou chefs d'entreprise, sont aussi ceux qui possèdent les striatum les plus avides de dopamine. Plus on occupe une fonction élevée dans la société et plus le cerveau est alimenté en dopamine. Difficile alors pour ces personnes de mettre leur situation en péril en prenant des décisions de long terme responsables et courageuses pour la planète…

AE : D'autant plus que les propositions en faveur de plus de sobriété sont souvent taxées d'écologie punitive…

La volonté politique ne peut pas contraindre la majorité à suivre un chemin qu'elle refuse. On ne peut pas aller plus vite que le rythme d'évolution de l'opinion. Mais, en matière de propositions, un responsable politique ne peut pas non plus rester en-deçà du désir des citoyens d'aller vers plus de modération. Or, les choses sont en train de changer. On n'a jamais autant parlé de rationnement et de sobriété dans les médias. Bien sûr, il ne s'agit pas d'un mouvement à sens unique. Dès qu'il fera moins chaud et qu'il pleuvra, on oubliera les événements climatiques extrêmes de cet été. D'où l'intérêt de battre le fer tant qu'il est chaud et de pérenniser ces termes dans le débat public. Lorsque le cerveau les entend répéter, il l'intègre. De même que le jour où nos médias désigneront comme des modèles de désirabilité ceux qui créent des dynamiques de coopération à grande échelle ou qui réussissent à épargner des écosystèmes, le striatum l'intègrera aussi. Ces appels répétés à la sobriété permettront, peut-être, de réveiller progressivement notre cortex préfrontal.

AE : Que peut-on attendre de ce cortex préfrontal ?

Il nous retient de nous livrer à nos pires instincts et c'est grâce à lui que les sociétés complexes ont pu se développer. Lieu de l'autolimitation et de la prise en compte des intérêts d'autrui, il est aussi celui de la coopération. C'est tout l'enjeu de notre futur. Attention, cependant : l'homme est un coopérateur conditionnel, c'est-à-dire qu'il n'est capable de gros sacrifices que s'il a la conviction que l'effort est partagé, sans passe-droits. C'est ce qui est en jeu avec la polémique sur les jets privés. Le cortex préfrontal a été complètement sous-exploité depuis cinquante ans, endormi par un demi-siècle d'abondance fossile et de comportements hédonistes. Avec quelques piqûres de rappel et plus de pédagogie sur la gravité de la situation, il pourrait se remettre en fonctionnement, rendre possible la réflexion sur nos modes de vie et nous empêcher de franchir certaines limites. Cela nous permettrait de lutter contre l'influence lénifiante du striatum et de sa dopamine qui nous fait croire que la croissance et la technique nous sortiront de cette impasse. En nous interdisant un certain nombre de choses, la crise du covid avait d'ailleurs déjà infligé un premier traitement de choc au cortex préfrontal.

vendredi 9 septembre 2022

La Commission critique la France pour non-conformité au droit européen

 Qualité de l'air, protection de la biodiversité, pollution sonore, qualité de l'eau, gestion des déchets… La Commission européenne met en lumière les retards de la France à l'occasion de son bilan de mise en œuvre de la législation environnementale.

Les mesures d'amélioration de la qualité de l'air ainsi que de protection des habitats et des espèces que la France a instaurées ne sont toujours pas à la hauteur des attentes de la Commission européenne. Celle-ci vient de publier les résultats de son examen de la mise en œuvre de la législation environnementale (EIR) par les États membres. Outre un panorama des grandes tendances qui se dégagent à l'échelle européenne, la Commission analyse également la mise en œuvre des décisions européennes dans chacun des Vingt-Sept.

« La troisième édition de ce rapport s'intitule "Changer le cours des choses", et c'est bien notre ambition », pointe Marie-Anne Haure, responsable des politiques conformité environnementale des investissements et mise en œuvre de la politique environnement à la direction générale de l'Environnement de la Commission européenne.

Cette inflexion des pratiques serait, en effet, la bienvenue, car le bilan n'est pas très positif. « Au niveau européen, nous constatons une disparité importante entre les pays, mais de manière générale, nous avons relevé un déclin important de la biodiversité, notamment dans le milieu marin, signale Marie-Anne Haure. Nous notons des impacts importants de la qualité de l'air sur la santé et des problèmes de qualité de l'eau. » Pour avoir une meilleure vision de la situation de chaque pays, une carte des infractions à la législation devrait être publiée d'ici peu par la Commission.

Concernant plus particulièrement la France, le statut quo semble de mise. Les précédentes éditions de l'EIR de 2017 et de 2019 pointaient déjà des retards importants dans la réduction des polluants de l'air, la protection de la biodiversité ainsi que pour la reconquête de qualité de l'eau, notamment du fait de la pollution aux nitrates.

Quatre procédures d'infractions sur la qualité de l'air

En 2022, la France doit encore faire face à quatre procédures d'infraction en matière de qualité de l'air sur les 18 actions en cours concernant l'environnement. « Nous avons constaté une diminution des émissions de certains polluants atmosphériques, mais la France est toujours dans des procédures d'infraction pour des dépassements à la limite fixée pour les particules fines PM10, pour le dioxyde d'azote, rappelle Marie-Anne Haure. Un cadre juridique est en place, mais cela prend du temps avant de pouvoir observer des résultatsNous avons des inquiétudes également quant à l'ammoniac. »

La France doit également échanger avec la Commission sur deux autres procédures d'infraction au sujet de sa transposition non conforme de la directive sur la limitation des émissions des installations de combustion moyenne et des incompatibilités des dispositions nationales relatives au droit d'antériorité avec les directives relatives aux émissions industrielles et celle sur les émissions des installations de combustion moyenne.

De la même façon, la France reste dans le viseur de Bruxelles pour sa protection insuffisante de la biodiversité. « Des mesures supplémentaires sont nécessaires pour protéger les habitats et les espèces, estime Marie-Anne Haure. La surface nationale couverte par des zones Natura 2000 est inférieure à la moyenne européenne. »

L'ambition n'est également pas au rendez-vous sur les questions de l'encadrement des pratiques agricoles, de la chasse ou de la pêche. Trois procédures d'infraction sont en cours : celle pour manquement aux obligations de la directive Oiseaux (à propos de la tourterelle des bois), celle pour mauvaise application de la directive Oiseaux en raison des conditions de chasses traditionnelles et la capture de certains oiseaux et celle pour mauvaise application du droit européen par le secteur de la pêche en lien avec la protection des mammifères marins et des oiseaux. Des mesures doivent également être engagées pour mieux lutter contre les espèces invasives.

Un nouvel axe d'amélioration prioritaire : la pollution sonore

Par rapport aux précédentes éditions, la Commission a identifié un nouvel axe prioritaire d'amélioration pour la France, aux vues des conséquences pour la santé : la pollution sonore. « Près de 1 500 décès prématurés sont liés à la pollution sonore, souligne Marie-Anne Haure. Il est urgent de mettre en place des plans d'action pour mieux gérer le bruit. » Cette question fait également l'objet d'une procédure d'infraction pour non-respect de la directive relative à l'évaluation et à la gestion du bruit dans l'environnement.

Outre ces trois axes principaux mis en lumière par la représentation française de la direction générale de l'Environnement, les difficultés d'amélioration de la qualité de l'eau persistent. « Une procédure d'infraction est en cours concernant la pollution aux nitrates dans l'eau potable et concernant la directive Eaux résiduaires urbaines (Deru), rappelle Marie-Anne Haure. Nous avons également besoin d'avoir une meilleure vision de l'état des masses d'eau en France. » Dans le cadre de la directive-cadre sur l'eau (DCE), l'EIR souligne la nécessité d'évaluer les nouvelles modifications des caractéristiques physiques des masses d'eau : ces évaluations devraient envisager des options alternatives et proposer des mesures d'atténuation adéquates. La France doit également rentrer dans les clous pour ce qui concerne la prise en compte des impacts de courte durée des programmes et projets sur l'état des masses d'eau, dans le cadre de la DCE.

Des progrès sont également à faire dans le secteur des déchets. « La France est en dessous des taux de recyclage européen », note Marie-Anne Haure. En matière de gouvernance, l'Hexagone n'est toujours pas un bon élève concernant la participation du public et l'information des citoyens.

Malgré les manquements listés, quelques points positifs sont à noter. « La France est performante pour l'utilisation circulaire des matériaux et elle présente une bonne transposition des exigences concernant les produits chimiques, reconnaît Marie-Anne Haure. Une avancée est à noter par rapport à la biodiversité avec la stratégie nationale pour les aires protégées. Mais c'est un progrès limité. »

Un besoin de davantage d'investissements

Selon l'EIR, un des leviers d'amélioration passera par des financements supplémentaires. « Il faudrait entre 13 et 15 milliards d'euros d'investissements publics et privés supplémentaires d'ici à 2023 par an en France », estime Marie-Anne Haure. À titre d'exemple, la Commission a évalué que, d'ici à 2030, le coût total de la lutte contre la pollution atmosphérique s'élèverait à 9 milliards par an pour la France. Pour la biodiversité, les besoins seraient de 651,4 millions par an entre 2021 et 2027. Et pour les déchets, l'investissement nécessaire s'élèveraient à 3,514 milliards supplémentaires (soit environ 500 millions par an) entre 2021 et 2027. Les besoins pour la gestion des eaux ont, quant à eux, été estimés à quelque 2,1 milliards par an, jusqu'en 2030, dont plus de 90 % pour les eaux usées.

lundi 5 septembre 2022

De plus en plus de faux pesticides en Europe

 Selon un rapport d’Europol récemment publié, la production et la circulation de pesticides illégaux sont en nette augmentation au sein de l'Union européenne.

Au premier trimestre 2022, la 7e édition de l’opération Silver Axe menée par les autorités répressives de 31 pays (25 États membres de l'UE et six pays tiers : Brésil, Colombie, Ukraine, Royaume-Uni, Norvège et États-Unis) et coordonnée par Europol a abouti à dix arrestations, à la saisie de 1 150 tonnes de pesticides illégaux et contrefaits et au ciblage d'une usine où des pesticides étaient contrefaits.

Les autorités ont détecté une augmentation du trafic de pesticides illégaux dans le sud de l'Europe et dans la région de la mer Noire. Le nombre de cas de pesticides illégaux, provenant de Turquie, a fortement augmenté. Il est à noter une augmentation des saisies de petits envois (jusqu'à 10 litres/kilogrammes).

Outre les contrôles aux frontières, les autorités surveillent également les boutiques en ligne qui fournissent une adresse physique pour la collecte des produits achetés sur Internet. Bien que le trafic d'herbicides, d'insecticides et de fongicides contenant des substances interdites reste stable, l'opération a révélé que la contrefaçon des marques couramment utilisées pour ces produits est désormais en augmentation.
 

Les produits contrefaits fabriqués dans l’UE en hausse

Les services répressifs des États membres de l'UE détectent désormais plus souvent ces opérations de contrefaçon sur le sol de l'UE. Plusieurs modus operandi ont été découverts.

Le premier est l'importation de produits presque finalisés dans des conteneurs ressemblant à ceux des marques connues. Une fois importés, ils n'ont plus qu'à être étiquetés avant d'être mis sur le marché noir. 

Le second est l'importation d'ingrédients illégaux pour la production de pesticides. Pour réduire les risques de détection, les produits chimiques ne sont utilisés qu'au stade final de la production, là où l'emballage est également contrefait.

Une autre façon de procéder consiste à une utilisation abusive du système de commerce parallèle, qui facilite les procédures d'approbation des pesticides vendus au sein de l'UE, souligne Europol. Ainsi un produit phytopharmaceutique autorisé dans un État membre (État membre d'origine) peut, sous réserve de l'octroi d'une autorisation de commerce parallèle, être introduit, mis sur le marché ou utilisé dans un autre État membre. Certains criminels abusent de ce système en introduisant des produits phytopharmaceutiques produits illégalement dans un pays membre, prétendant frauduleusement qu'ils ont déjà été approuvés dans un autre État membre en supprimant ainsi la nécessité d'autres approbations.
 

Près de 5000 tonnes de produits illégaux saisis

Silver Axe a été initialement développé pour répondre de manière coordonnée au dangereux trafic de pesticides illégaux. Les efforts des secteurs public et privé ont permis la saisie d'un total de 4 921 tonnes de pesticides illégaux au cours des six dernières opérations Silver Axe.

« Malgré leur faible prix, les produits phytosanitaires non autorisés ont un coût très élevé à la fois pour l'environnement et la santé publique, mais aussi pour l'industrie agricoleLes pesticides falsifiés et illégaux peuvent nuire aux agriculteurs et à leurs moyens de subsistance, et nuire au maintien des colonies d'abeilles. Grâce aux opérations passées de Silver Axe, les forces de l'ordre ont pu saisir près de 5 000 tonnes de pesticides illégaux et contrefaits. Le retrait du marché de ces produits non réglementés et potentiellement dangereux contribue à un environnement plus sûr et plus sain pour les citoyens de l'UE » a déclaré Catherine De Bolle, directrice exécutive d'Europol.

jeudi 1 septembre 2022

Climat : les gaz à effet de serre atteignent des niveaux record

 En 2021, les concentrations de CO2 dans l'atmosphère n'ont jamais été aussi élevées depuis au moins 1 million d'années, selon un rapport de la Société américaine de météorologie. Les scientifiques préviennent que le réchauffement climatique ne montre aucun signe de ralentissement.

« Avec de nombreuses communautés touchées par des inondations qui ne se produisent que tous les mille ans, une sécheresse exceptionnelle et une canicule historique cette année, il est évident que la crise climatique n'est pas une menace future mais une chose à laquelle nous devons nous attaquer aujourd'hui. » Le constat de Rick Spinrad, administrateur de la très réputée Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique, la NOAA, est sans appel.

Les toutes dernières données publiées par la société de météorologie mercredi soir dans son rapport annuel sur l'état du climat confirment, une fois de plus, l'urgence de la situation . En 2021, les principaux gaz à effet de serre responsable du réchauffement - le CO2, le méthane et le protoxyde d'azote - ont, chacun, atteint de nouveaux records.

Des preuves indéniables

Selon l'étude, l'atmosphère n'avait pas connu une telle concentration de CO2 « depuis au moins un million d'années ». L'an dernier, elle a atteint en moyenne 414,7 parties par million (ppm, qui mesure le nombre de molécules du gaz sur un million de molécules d'air). C'est 50 % de plus que les niveaux de l'ère préindustrielle, avait déjà alerté l'agence en juin .

Peut-être plus inquiétant encore, la hausse annuelle des niveaux de méthane a « considérablement » augmenté depuis 2014, observent les scientifiques. Or, si ce gaz reste moins longtemps dans l'atmosphère, il a un pouvoir de réchauffement nettement plus important que le CO2 à court terme. Quant au taux de protoxyde d'azote , généré principalement par les engrais utilisés en agriculture, il a enregistré son troisième bond le plus important depuis 2001.

« Les chiffres dans ce rapport sont clairs, nous continuons à voir un plus grand nombre de preuves scientifiques indéniables que le changement climatique a des impacts mondiaux et ne montre aucun signe de ralentissement », alerte Rick Spinrad. Un écho direct au dernier rapport du Giec qui prévenait en mars que la fenêtre de tir se rétrécit . Tandis que l'ONU avait jugé peu avant que l'accumulation de ces gaz est telle qu'elle compromet la réalisation des objectifs de l'accord de Paris .

Un niveau de la mer record

L'agence américaine rappelle que 2021 fut l'une des six années les plus chaudes depuis le début des relevés de températures entre le milieu et la fin des années 1800, et que les sept dernières années (2015-2021) ont été les sept plus chaudes jamais enregistrées.

Les conséquences du réchauffement sont déjà multiples. Alors que des dizaines de millions de Pakistanais sont confrontés actuellement aux pires inondations que le pays a connues , qui ont causé la mort de plus de 1.000 personnes et des dégâts massifs, la NOAA avertit que le niveau moyen des océans est, lui aussi, à un niveau record, pour la dixième année d'affilée. L'an passé, il était environ 9,7 centimètres plus élevé que la moyenne de 1993, année des premières mesures par satellite. La température des océans (mesurée de la surface jusqu'à plus de 1.800 mètres de profondeur) n'a, elle non plus, pas cessé de grimper.

L'activité cyclonique a également été bien plus intense que la moyenne. Selon le rapport, pas moins de 97 tempêtes tropicales ont été suffisamment violentes pour recevoir un nom, soit « bien plus » que la moyenne des dix années précédentes. Parmi elles, l'ouragan dévastateur Ida, qui a frappé la Louisiane et touché New York , a causé 75 milliards de dollars de dégâts. C'est « la cinquième tempête la plus coûteuse depuis 1980 », soulignent les scientifiques. Le super typhon Rai a, lui, coûté 1 milliard de dollars aux Philippines et fait plus de 400 morts.

jeudi 23 juin 2022

Droit de préemption pour protéger la ressource en eau : la seconde version du décret en consultation

 Modifié par la loi 3DS, le droit de préemption pour protéger la ressource en eau revient dans l'actualité avec un second projet de décret qui précise les conditions d'application des dispositions.

L'amélioration de la protection des captages d'eau, réaffirmée à l'occasion des Assises de l'eau avec l'annonce d'un droit de préemption des terres agricoles aux abords de ces derniers, devrait voir son cadre se préciser prochainement : un projet de décret est en consultation jusqu'au 11 juillet 2022. Plus précisément, la seconde version de ce texte. Car une première mouture avait été proposée, en juillet 2020, à la suite de l'ouverture de ce droit par la loi Engagement et proximité. Celle-ci permettait aux collectivités de demander l'instauration d'un droit de préemption des surfaces agricoles situées dans leur périmètre, les biens acquis étant intégrés dans le domaine privé de la collectivité territoriale ou de l'établissement public. Leur utilisation se limite alors à une exploitation agricole compatible avec l'objectif de préservation de la ressource en eau.

De nouvelles dispositions introduites par la loi 3DS

La loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration, dite 3DS, est ensuite passée par là et a introduit de nouvelles dispositions. Elle a ainsi ouvert le transfert du droit de préemption à des syndicats mixtes et des établissements publics locaux. Elle précise que lorsque les biens acquis sont mis à bail, ceux-ci comportent des clauses environnementales pour garantir la préservation de la ressource. Et si un bail rural existe déjà, il devra être complété, au plus tard lors du renouvellement du bail.

Par ailleurs, ces biens peuvent également être cédés de gré à gré, mais à la condition que l'acquéreur signe un contrat qui comporte des obligations réelles environnementales (ORE). Ce document devra, au minimum, prévoir des mesures qui garantissent la préservation de la ressource en eau. Signé entre l'acquéreur et le titulaire ou le délégataire du droit de préemption, il est annexé à l'acte de vente et sa durée ne pourra excéder quatre-vingt-dix-neuf ans.

Le cadre proposé par le projet de décret 2

« La principale modification apportée au présent projet de décret par rapport à la version précédemment soumise à la consultation du public porte sur le retrait des dispositions précisant les modalités de mise en œuvre des clauses environnementales pour l'exploitation des biens acquis dans la mesure où ces dispositions sont désormais précisées par la loi », indique le ministère de la Transition écologique, dans sa note de présentation du projet de décret. Par ailleurs, ce dernier décline la procédure d'instauration du droit de préemption. Il indique ainsi que l'autorité administrative qui en a la charge est le préfet de département.

Le demandeur lui adresse un dossier qui comprend : une délibération sollicitant l'institution de ce droit de préemption, un plan présentant le périmètre du territoire sur lequel ce droit est sollicité, une étude hydrogéologique de l'aire d'alimentation des captages, une note présentant le territoire, ses pratiques agricoles et les démarches d'animation ou les actions mises en œuvre ainsi que leur bilan. Un argumentaire devra également préciser les raisons de la demande et le choix du périmètre proposé. La décision devra ensuite intervenir dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande.

Le projet de décret adapte également au droit de préemption des dispositions déjà applicables pour les autres droits de préemption dont bénéficient déjà les collectivités et leurs groupements. Concernant la modalité de gestion des biens acquis, il précise qu'un appel de candidatures doit être précédé de l'affichage d'un avis à la mairie du lieu de situation de ce bien pendant au moins quinze jours. Cet avis décrit la superficie totale, le nom de la commune, celui du lieu-dit ou la référence cadastrale et la mention de sa classification dans un document d'urbanisme, s'il en existe, les principales clauses environnementales du bail, le délai dans lequel les candidatures doivent être présentées ainsi que les moyens d'obtenir des renseignements complémentaires. En cas de cession, le prix envisagé devra être mentionné. Enfin, le projet de décret prévoit que l'acquéreur puisse mettre son bien à la disposition des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural dans le cadre de convention.

Pesticides : une carte interactive pour connaître leur utilisation par commune

 C'est un outil inédit qu'a mis au point l'entreprise associative Solagro à partir de données publiques. Il permet de découvrir l'indice de fréquence de traitement des surfaces agricoles, commune par commune, sur l'ensemble du territoire métropolitain.


« Porter à la connaissance de tous les données communales sur l'usage des pesticides. » Telle est l'ambition affichée par la carte interactive sur les pesticides mise en ligne, ce mercredi 22 juin. Cette carte a été conçue par l'entreprise associative Solagro, avec le soutien du groupe d'agroalimentaire Ecotone, qui se définit comme le « leader du bio et des alternatives végétales en France et en Europe ».

Pour réaliser cette carte, Solagro a utilisé des données publiques brutes, issues essentiellement des services statistiques du ministère de l'Agriculture. Elle a croisé les données du registre parcellaire graphique (RPG) 2020, qui donne accès à toutes les cultures ; les enquêtes Pratiques culturales, qui donnent un indice de traitement phytosanitaire (IFT) moyen, décomposé pour chaque pesticide, par ancienne région administrative ; et les données sur les parcelles en bio fournies par l'Agence bio. Du fait de l'utilisation des données moyennes, certains biais pourraient exister, dans le cas, par exemple, de pratiques à faibles utilisations de pesticides dans une commune en agriculture conventionnelle. « Mais on a une très bonne estimation de la pression réelle », explique Aurélien Chayre, agronome chargé des projets d'agro-écologie-biodiversité chez Solagro.

Cette carte renseigne sur la situation de l'utilisation des pesticides au niveau de chaque commune métropolitaine, soit en saisissant son nom, soit en zoomant sur la carte. Pour chacune, elle indique l'IFT total moyen (s'échelonnant de 0 à 18,48), qui couvre l'utilisation de tous les pesticides (herbicides, insecticides, fongicides, traitement des semences à l'exception des produits de biocontrôle, ainsi que l'IFT portant sur les seuls herbicides. La fiche de chaque commune précise également la surface agricole utile (SAU), la part de l'agriculture biologique dans cette surface, la culture principale sur la commune et l'IFT pour cette culture.

Sur le plan national, cela donne une carte de France teintée de rouge dans le nord de la France, les bassins céréaliers et les zones de viticulture. « L'objectif global est de faire basculer dans le vert les 10 millions d'hectares actuellement dans le rouge », explique Aurélien Chayre. Les deux leviers principaux ? La conversion à l'agriculture bio et le choix de la culture, le maintien des prairies ayant, par exemple, une incidence directe sur l'IFT.

« Cette carte pourra servir d'outil d'accompagnement des agriculteurs et de gestion des politiques publiques à l'échelle locale, régionale, et même nationale », se félicite Nadine Lauvergeat, déléguée générale de l'association Générations futures. La responsable associative salue cette première étape, qui pourrait être complétée par la suite par un croisement avec les données d'achat, voire être affinée pour obtenir des informations à la parcelle. De son côté, Vincent Bretagnolle, chercheur en écologie au CNRS, y voit surtout « un outil pour changer les pratiques et transformer les territoires » à une échelle locale.

Parallèlement, Ecotone a dévoilé un « indice des pesticides évités » (IPE) destiné aux entreprises et fondé sur les mêmes sources. Calculé sur le nombre de traitements chimiques évités et le nombre d'hectares préservés, il se veut l'indicateur de « l'empreinte pesticide » des entreprises. « Avec cet indice, nous appelons les acteurs de l'agroalimentaire à se saisir de cet enjeu et à prendre leur part de responsabilité », exhorte Christophe Barnouin, président d'Ecotone. Celui-ci annonce avoir préservé des pesticides près de 90 000 hectares et évité 304 609 traitements chimiques de synthèse durant l'année 2021 grâce à son activité.

vendredi 10 juin 2022

CO2 dans l'atmosphère : un bond de 50 % par rapport à l'ère préindustrielle

 La concentration en dioxyde de carbone de l'atmosphère est passée de 280 parties par million avant la révolution industrielle à 420 en mai dernier, alerte la NOAA.

l y a plus de 4 millions d'années que l'atmosphère terrestre n'avait pas connu cela. Selon les données recueillies par l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAA) , la concentration de CO2 dans l'atmosphère a franchi en mai dernier la barre des 420 parties par million (ppm). Certes, le mois de mai est généralement celui qui enregistre le taux de dioxyde de carbone le plus élevé chaque année, mais, même par rapport aux mois de mai des années précédentes, ce dernier relevé montre l'augmentation constante - malgré les Accords de Paris - de la concentration de CO2 au cours des dernières années : elle était de 419 ppm en 2021, 417 en 2020…

Pas de hausse pendant 6.000 ans

A 420 ppm, nous nous retrouvons aujourd'hui avec une concentration de CO2 tout juste 50 % plus élevée que ce qu'elle était durant l'ère préindustrielle, souligne la NOAA dans son communiqué. En effet, pendant les quelque 6.000 années de civilisation humaine qui ont précédé la révolution industrielle, ce taux s'est maintenu, de façon remarquablement constante, autour de 280 ppm.

Pour retrouver un air aussi saturé de dioxyde de carbone, il faut remonter loin, très loin dans l'histoire de notre planète : ce n'est qu'il y a entre 4,1 et 4,5 millions d'années que les concentrations en CO2 étaient comparables à celle que nous connaissons actuellement. Or, à cette époque lointaine, le niveau de la mer était de 5 à 25 mètres plus élevé qu'aujourd'hui, et l'Arctique partiellement couvert de vertes forêts…



Les fleuristes, victimes ignorées des pesticides : « Si l’on m’avait mise en garde, ma fille serait encore là »

  Dès 2017, des tests menés par  60 millions de consommateurs  sur des roses commercialisées par dix grandes enseignes en France révélaient ...