vendredi 25 juin 2021

Les eaux de la Méditerranée se réchauffent 20 % plus vite que la moyenne mondiale

Conséquence de ce dérèglement, ses eaux attirent de nombreuses espèces et essences non endémiques qui provoquent des pertes catastrophiques de biodiversité.  

La Méditerranée vit des poussées de fièvre qui provoquent chez elle des symptômes inédits. Il arrive désormais à la Grande Bleue de se couvrir de nappes de « morve de mer » causées par des efflorescences de phytoplancton qui barbouillent de beige la surface de l’eau, quand elle ne se métamorphose pas en soupe de méduses au fur et à mesure que celles-ci prolifèrent lors d’épisodes plus longs et plus fréquents. Ainsi, en Tunisie, dans le golfe de Gabès, les pêcheurs se plaignent d’en rapporter davantage que de poissons dans leurs filets…

Ce n’est qu’un des bouleversements que subit la Méditerranée, frappée de plein fouet par le changement climatique et soumise aux pressions des populations massées sur son littoral. Elle n’est pas encore tropicale, « mais elle est en voie de le devenir dans sa partie orientale », souligne le WWF dans une revue de littérature scientifique qu’il lui a consacrée, le 8 juin. Car ses eaux se réchauffent 20 % plus vite que la moyenne mondiale.

La Méditerranée serait-elle de surcroît devenue la mer qui attire le plus de faune et de flore non endémiques autour du globe, au détriment des espèces endémiques ? Le rapport déplore en particulier un taux de mortalité de 80 % , voire 100 %, des grandes nacres (Pinna nobilis) au cours des années 2010 dans plusieurs sites, notamment en Espagne, en Italie, en Corse. Un pathogène apporté par des courants marins serait en grande partie responsable de ce carnage. 

La plupart des nouveaux venus viennent de la mer Rouge ou de l’océan Indien via le canal de Suez : 986 espèces exotiques, dont 126 poissons, auraient emprunté cette voie, qui devrait être encore plus fréquentée avec l’expansion de cette infrastructure. Leurs intrusions semblent leur réussir. Il a fallu à peine une vingtaine d’années pour que le barracuda (Sphyraena viridensis) et le mérou sombre (Epinephelus marginatus) deviennent abondants devant les côtes de Ligurie, en Italie.

Cependant, ces prédateurs font pâle figure face à un herbivore d’allure anodine de 12 à 14 centimètres de long, le poisson-lapin, dont deux espèces (Siganus rivulatus et Siganus luridus) qui nagent en grands bancs dévastent les habitats des espèces indigènes. Des études récentes ont souligné une réduction de 60 % à 65 % des algues qu’ils broutent en grandes quantités, et de divers invertébrés sur un millier de kilomètres de littoraux turcs et grecs où le poisson-lapin s’est établi.


vendredi 11 juin 2021

Eaux urbaines résiduaires : la France renvoyée devant la Cour de justice de l'Union européenne

La Commission européenne a décidé ce 9 juin de renvoyer la France devant la Cour de justice de l'Union européenne pour non-respect des exigences de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires concernant plus de 100 agglomérations.

L'instruction interministérielle de décembre dernier, qui alertait les préfets, les agences de l'eau et l'Agence française de la biodiversité sur l'urgence de mettre en conformité les systèmes d’assainissement qui ne le sont pas encore au titre de la directive Eaux urbaines résiduaires, laissait présager un risque de contentieux. Après une lettre de mise en demeure adressée aux autorités françaises en octobre 2017, suivie d'un avis motivé en mai 2020, la Commission européenne a décidé ce 9 juin de saisir la Cour de justice de l'UE d'un recours contre la France pour non-respect des exigences de cette directive qui impose aux États membres de "veiller à ce que les agglomérations (villes, métropoles, localités) collectent et traitent convenablement leurs eaux urbaines résiduaires, afin d'éliminer ou de réduire leurs effets indésirables".

Des exigences à respecter depuis... 2005

"La France aurait dû se conformer pleinement aux exigences de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires depuis 2005, souligne la Commission. Toutefois, plus de 100 agglomérations de plus de 2.000 habitants ne respectent pas lesdites exigences, car les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte ne sont pas soumises à un niveau de traitement approprié avant d'être rejetées ou, lorsqu'elles le sont, les eaux urbaines résiduaires traitées ne satisfont pas aux exigences de la directive."

Protection insuffisante des zones sensibles contre les nutriments : quinze agglomérations visées

Quinze de ces agglomérations ne satisfont pas non plus à d'autres exigences de la directive relatives à la protection des zones sensibles contre les nutriments, tels que l'azote et le phosphore, susceptibles de nuire aux réserves d'eau douce et au milieu marin en favorisant l'"eutrophisation", c'est-à-dire la prolifération d'algues qui étouffent les autres formes de vie, indique aussi la Commission. "Dans ces zones, les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte ne sont pas soumises à un traitement plus rigoureux avant d'être rejetées ou, lorsqu'elles le sont, elles n'atteignent toujours pas le niveau d'exigence requis par la directive", constate-t-elle.
Dans un passé récent, la France a déjà été rappelée à l'ordre par la CJUE pour manquement à ses obligations pour le traitement des eaux usées.  
La Commission a publié en septembre 2020 le dixième rapport concernant la mise en œuvre de la directive sur les eaux urbaines résiduaires, qui faisait état d'une amélioration globale de la collecte et du traitement des eaux résiduaires dans les villes d'Europe. Mais ce document mettait en évidence des niveaux de réussite divers selon les États membres.

vendredi 4 juin 2021

Le bilan de 30 années de comptages des oiseaux en France inquiète les spécialistes

 

Le programme de Suivi Temporel des Oiseaux Communs (STOC) recense l’avifaune française selon un protocole répété chaque année par un réseau d’ornithologues bénévoles répartis sur tout le territoire depuis plus de 30 ans. Le rapport de synthèse qui vient d’être produit confirme que de trop nombreuses espèces ont connu un fort déclin au cours des trois dernières décennies.

Largement distribués, occupant de nombreuses niches écologiques et présentant des régimes alimentaires variés, les oiseaux sont d’excellents indicateurs de l’état de santé des écosystèmes. C’est pourquoi l’état de conservation des oiseaux est scruté de près depuis plus de trente ans. Les dizaines de millions de données collectées sur le terrain par plus de 2000 observateurs depuis 1989 sont compilées et analysées afin de mesurer l’évolution des populations des 123 espèces d’oiseaux les plus communes en France.

Le bilan 1989-2019 publié par la LPO, le Muséum national d’Histoire naturelle et l’OFB est contrasté: certes 32 espèces sont en expansion, comme le Rouge-queue à front blanc ou la Fauvette à tête noire, mais 43 régressent, telles que le Chardonneret élégant, la Tourterelle des bois ou l’Hirondelle de fenêtres. Les autres sont stables ou en trop faible effectif pour déterminer une tendance significative. L'impact du réchauffement climatique est également perceptible. Il a par exemple été démontré que les populations d'oiseaux se décalent vers le nord pour tenter de rester dans les zones où la température leur convient.

Hécatombe urbaine et agricole

Les oiseaux qui se reproduisent principalement en milieu urbain, comme les hirondelles ou le Moineau friquet, y ont trouvé une alternative à leur habitat naturel d’origine. Cette faune si familière est pourtant en fort déclin. La transformation des bâtiments et la rénovation des façades détruisent les cavités dans lesquelles nichent certaines espèces ; l’artificialisation toujours plus forte des milieux urbains diminue leurs ressources alimentaires ; la pollution due aux transports et aux activités industrielles a également un impact sur leur santé.

La situation est pire pour les oiseaux inféodés aux milieux agricoles, telles que l’Alouette des champset les perdrix, qui ont perdu près du tiers de leurs effectifs en 30 ans. Le modèle agricole intensif développé après-guerre et encouragé par la PAC est en grande partie responsable, pour avoir fait disparaître ou transformé leurs habitats et pour avoir diffusé massivement des produits chimiques, dont les pesticides qui ont bouleversé les équilibres alimentaires, décimé les insectes et abîmé durablement les sols.

Fausse bonne nouvelle

Seuls quelques oiseaux capables de s’adapter connaissent une progression démographique, comme le Pigeon ramier, le Geai des chênes ou la Mésange bleue. Hélas, ce phénomène d’accroissement des espèces dites « généralistes » au détriment des « spécialistes » révèle en fait une uniformisation de la faune sauvage, signe d’une banalisation croissante des habitats et d’une perte de biodiversité.

A l’origine de plus d’une centaine de publications scientifiques internationales, le STOC permet aussi d’orienter et d’évaluer les politiques publiques en matière de conservation de la biodiversité. Ces analyses ont par exemple confirmé l’efficacité des réserves naturelles où les populations d’oiseaux se portent mieux qu’en dehors, et démontré l’intérêt des aides financières conditionnées «scénarios verts1» qui doivent être développées dans le projet de la nouvelle Politique Agricole Commune.

Pour Allain Bougrain Dubourg « Grâce aux nouvelles technologies, les sciences participatives connaissent un véritable engouement citoyen et offrent aux chercheurs des volumes de données considérables autrefois impossibles à recueillir. Le STOC joue aussi un rôle crucial de lanceur d’alerte qui nous démontre scientifiquement l’urgence d’agir pour sauver les oiseaux et, avec eux, toute la pyramide du vivant. »

Pour Pierre Dubreuil « L’OFB contribue à de nombreux suivis d’espèces (notamment oiseaux, poissons, mammifères) et de milieux (zones humides, cours d’eau, montagne, littoral et plaines agricoles) sur le long terme. Ces séquences qui s’étendent sur plusieurs décennies sont de véritables thermomètres dont les résultats sont inquiétants, comme l’illustre le STOC. Avec l’Etat et ses partenaires, l’OFB tente d’apporter des réponses concrètes et des solutions pour agir. Il est urgent de les mettre en œuvre et chacun doit y contribuer. »

Pour Bruno David « Le Muséum s'est imposé très tôt comme un prescripteur en matière de structuration et de développement des sciences participatives et le programme STOC est l'une des plus belles illustrations de ce travail de long cours. Il vient également nourrir le dialogue science société en encourageant les citoyens à se saisir des enjeux de conservation de la biodiversité et ainsi changer le regard que chacun porte sur la nature. »

mardi 1 juin 2021

Sauvons les haies, refuge de biodiversité

 Des tribunes publiées dans Le Monde à l'initiative de la communauté scientifique et associative rappellent l'importance des haies dans le paysage agricole français. Au total, 70 % des haies en France ont disparu en 50 ans, ce qui représente plus de 700 000 km de haies arrachées.

Sans les haies, nos campagnes se meurent. Les oiseaux disparaissent, les cours d’eau s’assèchent, les sols sont de moins en moins fertiles...C'est un signal d'alarme que tirent  les communautés scientifiques et associatives face à la disparition des haies à travers  deux tribunes publiées dans le journal Le Monde, l'une "Sans les haies, nos campagnes se meurent" et l'autre "Climat et biodiversité : Les petits pas de la politique agricole commune ne suffisent plus". 

Au total, 70 % des haies en France ont disparu en 50 ans

Ce qui représente plus de 700 000 km de haies arrachées, soit l’équivalent de 1.4 aller-retour Terre-Lune ! Sylvie Monier est agronome, directrice de l’association Mission « Haies Auvergne Rhône Alpes et Françoise Burel est écologue du paysage CNRS/Université de Rennes  au laboratoire Ecobio et médaille d’argent du CNRS 2009. Elles réclament un devoir de réparation pour les haies car chaque année, plus de 11 500 kilomètres de haies disparaissent encore des paysages, alors même qu’elles constituent l’une des réponses les plus immédiates et pertinentes pour faire face à la crise. 

Planter des haies : une solution durable pour une meilleure culture et un bénéfice écologique certain

Les haies, autrement nommées « bocage » ou « arbres hors forêts », jouent de multiples rôles environnementaux. Elles jouent un rôle de brise-vent important, elles préservent les ressources en eau. Les haies implantées dans les pentes fonctionnent comme des éponges : elles ralentissent le ruissellement des pluies, facilitent l’infiltration de l’eau dans le sol et stockent l’eau, elles luttent contre l’érosion des sols. 

Sources de biodiversité

De nombreux animaux vivent dans les haies ou circulent le long de celles-ci pour se déplacer dans la nature (on parle alors de corridor biologique). Le bocage est un milieu corridor par excellence, à la fois pour des espèces forestières et pour des espèces de milieux ouverts. Ses caractéristiques, à savoir la structure des talus et des haies, la densité de son maillage et la diversité du paysage, jouent plus ou moins sur l’effet de corridor, de filtre ou de barrière. Là où le bocage est dense, la faune peut a priori se déplacer plus facilement. Et les haies contribuent à l’identité de paysages ruraux variés.

Les fleuristes, victimes ignorées des pesticides : « Si l’on m’avait mise en garde, ma fille serait encore là »

  Dès 2017, des tests menés par  60 millions de consommateurs  sur des roses commercialisées par dix grandes enseignes en France révélaient ...