dimanche 24 janvier 2021

Le Sénat exige un diagnostic des 3.000 anciens sites miniers

 

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Une commission sénatoriale préconise la création de plusieurs fonds pour inventorier les sites pollués et pour les réhabiliter. Un débat en séance publique s'est tenu la semaine dernière avec la ministre Barbara Pompili, laquelle a promis de pouvoir mieux rechercher la responsabilité des anciens exploitants grâce à la réforme en cours du code minier.

« Ne laissez pas les collectivités et leurs élus se débrouiller tout seuls » face au problème des friches industrielles et minières, appelle Laurent Lafon, sénateur du Val-de-Marne (groupe Union centriste) et président de la commission d'enquête sénatoriale sur la pollution des sols. Un débat sur ce sujet s'est déroulé en séance publique le 13 janvier 2021 au palais du Luxembourg avec la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili. Quatre mois plus tôt, la commission concluait un rapport sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols. Il émet cinquante propositions réunies en six axes pour qu'ils cessent d'être le « parent pauvre » du droit de l'environnement.

Répondre au « mutisme » des autorités

La commission a été créée en février 2020 à l'initiative de sa rapporteuse, l'élue de l'Aude Gisèle Jourda (groupe socialiste, écologiste et républicain). Elle est « une réponse au mutisme et au manque de réactivité des autorités que je n'ai eu de cesse d'interpeller en vain après que les inondations meurtrières d'octobre 2018 dans l'Aude ont réveillé la pollution historique en faisant dériver de l'arsenic le long de la vallée de l'Orbiel », a-t-elle expliqué. Comme le rappellent ses collègues, la situation de cette vallée n'est pas isolée en France. Le pays compte plus de 320.000 anciens sites industriels et de service et 3.000 anciens sites miniers, pour lesquels la recherche et la résorption de la pollution ne sont souvent pas une mince affaire.

L'enjeu reste  mal mesuré et insuffisamment pris en compte dans la législation selon la commission. Elle pointe la différence de prise en compte et de connaissance entre les pollutions de l'air, de l'eau et des sols. Ces derniers sont « trop souvent envisagés par le prisme du droit de la propriété », appuie-t-elle. Pascal Savoldelli, sénateur du Val-de-Marne (groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste) appelle à une « loi fondatrice sur le sujet consacrant le rôle premier de l'Etat ». Il juge « sous-dotée » l'allocation de 40 millions d'euros dans le cadre du plan France relance. La commission sénatoriale a conclu à la nécessaire création d'un fonds national de réhabilitation des sites et sols pollués.

Lisibilité de l'information

Pour améliorer la qualité et la lisibilité de l'information sur les sites et sols pollués, la commission entend d'abord se doter d'une base unique et accessible à tous sur l'état des sols français, alors qu'il en existe une dizaine actuellement. La commission préconise le déblocage d'une enveloppe de 50 millions d'euros pour achever l'inventaire et le diagnostic des sols des crèches et des établissements scolaires situés sur des emplacements pollués. « Je regrette que vous ayez écarté, dans le projet de loi de finances pour 2021, l'abondement à la mission écologie qui avait été voté par le Sénat en première lecture pour dresser cet inventaire », souligne la rapporteuse.

La ministre a mis en avant la réforme en cours du code minier pour répondre aux questions des sénateurs. « Dans ce cadre, nous nous donnerons les moyens de rechercher la responsabilité de la maison-mère, ce qui permettra de continuer à agir même si une filiale est fermée ou insolvable. Nous poursuivrons aussi la police résiduelle des mines jusqu'à trente ans après l'arrêt des travaux miniers », a-t-elle précisé.

Bénédicte Weiss


mardi 19 janvier 2021

Des résidus de pesticides dans les sols et les vers de terre : une réalité omniprésente et insidieuse

 Herbicide, insecticide ou fongicide, ils sont partout, dans les sols des parcelles agricoles, des prairies et des haies et dans les vers de terre qui y vivent. Un constat inédit et préoccupant que dressent des chercheurs INRAE et leurs collègues au travers d’une vaste campagne d’analyse alors même que la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires est plus que jamais d’actualité dans une perspective sanitaire et environnementale.

Les pesticides de synthèse, une réalité qui ne faiblit pas qu’il s’agisse des quantités utilisées ou des surfaces traitées malgré un enjeu majeur à vouloir en réduire l’utilisation et à en limiter les impacts sur la santé et l’environnement.

Au sud de Niort (79), des chercheurs INRAE et leurs collègues ont analysé la teneur en pesticides des sols, et des vers de terre qu’ils abritent, dans la zone atelier Plaine et Val de Sèvre, une grande plaine de 450 km ², véritable laboratoire à ciel ouvert utilisé pour étudier les interactions entre les activités agricoles et l’environnement. Ils se sont intéressés à des parcelles agricoles conduites de façon conventionnelle ou biologique, ainsi qu’à des prairies et des haies n’ayant jamais reçu de traitements phytosanitaires. Une démarche originale riche d’enseignements.

Des pesticides de synthèse omniprésents dans les sols…

Tous les prélèvements de sol contenaient au moins un pesticide de synthèse. En tête, un herbicide, le diflufénican, suivi d’un insecticide, l’imidaclopride et de deux fongicides, le boscalid et l’époxiconazole. Détectés dans plus de 80 % des échantillons, ces pesticides de synthèse étaient présents des concentrations parfois élevées voire supérieures aux doses recommandées.

Le mélange le plus communément retrouvé associait un insecticide, l’imidaclopride, un herbicide, le diflufénican et un fongicide, boscalid, époxiconazole ou prochloraze, c’est-à-dire des produits différents par leurs caractéristiques chimiques, leur mode d’action voire les cultures sur lesquels ils sont appliqués. La grande majorité des échantillons de sol (83 %) contenait cinq pesticides ou plus, ils étaient un peu plus d’un tiers (38 %) à en renfermer 10 ou plus tandis que la moyenne s’élevait à 8,5 pesticides par échantillon.

et dans les vers de terre….

La quasi-totalité (92 %) des vers de terre de l’espèce étudiée (Allolobophora chlorotica) contenait au moins un pesticide, un tiers (34 %) en incluait cinq ou plus. En tête un insecticide, l’imidaclopride, retrouvé dans 79 % des organismes.

En moyenne 3,5 pesticides ont été détectés par individu, moins que pour les sols mais à des concentrations plus élevées pour certains d’entre eux, comme le diflufénican ou l’imidaclopride. 

Comme dans les échantillons de sol, le mélange le plus communément retrouvé associait un insecticide, l’imidaclopride, un herbicide, le diflufénican et un fongicide, l’époxiconazole, retiré depuis du marché ou le cyproconazole.

quel que soit le couvert végétal ou son mode de conduite

Le profil de contamination des échantillons de sols différait selon le couvert végétal. Dans des sols sous céréales, un nombre plus élevé de pesticides que dans les sols sous prairies ou haies a été décelé et des concentrations relativement élevées d’herbicide - diflufénican, insecticide – imidaclopride et fongicides - boscalid, époxiconazole, prochloraze and pendiméthaline y ont été relevées.

Les sols traités recelaient un plus grand nombre de produits phytosanitaires que les sols non traités. Cependant, parmi les 93 échantillons collectés dans des habitats non traités, 83 % d’entre eux contenaient plus de trois pesticides. En moyenne, pas moins de six pesticides ont été détectés dans les sols sous céréales AB. Même constat pour les prairies AB où l’on a retrouvé en moyenne cinq pesticides.

Le profil de contamination des vers de terre différait essentiellement selon le type d’habitat : prélevés sous céréales, ils contenaient plus de pesticides que leurs homologues récoltés sous prairies ou haies et les concentrations d’insecticide – imidaclopride, herbicide – diflufénican et fongicide – cyproconazole étaient plus élevées que sous prairies ou haies.

Dans 46 % des cas, les cocktails de pesticides présentaient un risque élevé de toxicité chronique pour les vers de terre, que ce soit dans les sols des cultures céréalières traitées ou dans des habitats non traités et communément considérés comme des refuges pour la faune. Un risque susceptible plus largement d’altérer la biodiversité des écosystèmes et d’en modifier les fonctions.

Parcelles traitées ou non, habitats naturels… aucun espace, agricole ou naturel, ne semble épargné par les pesticides. Rémanence des produits phytosanitaires, contamination des parcelles voisines, accumulation par les organismes vivants non cibles… autant de points que ces résultats suggèrent d’explorer plus avant, tout comme ils invitent à considérer la question de la réduction de l‘utilisation des pesticides à l’échelle du paysage.

 

 

lundi 4 janvier 2021

Un plan en faveur des pollinisateurs pour faire oublier les néonicotinoïdes

 La réautorisation des néonicotinoïdes a laissé des traces. Le Gouvernement prépare un nouveau plan pour les pollinisateurs censé la faire oublier. Mais certaines organisations agricoles s'y opposent.

Le 10 décembre dernier, le Conseil constitutionnel validait la loi qui réautorise les néonicotinoïdes pour les cultures de betteraves sucrières. « Un renoncement écologique », avait réagi le sénateur Joël Labbé, à l'origine de la loi interdisant l'utilisation des pesticides par les collectivités publiques et les particuliers.

Pour reverdir son action, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, compte sur le nouveau plan en faveur des pollinisateurs dont elle a présenté l'état d'avancement aux parties prenantes le 18 décembre. Ce plan s'articule autour de quatre axes. Mais, au-delà des questions d'amélioration des connaissances, de lutte contre les agresseurs de la ruche ou d'accompagnement économique, c'est bien celle de l'épandage des pesticides qui polarise le débat.

Étendre l'interdiction aux fongicides et herbicides

L'exécutif prépare une révision de l'arrêté « abeilles » de 2003 qui interdit le traitement des cultures en floraison par des insecticides. Le projet d'arrêté prévoit d'étendre cette interdiction aux fongicides et aux herbicides. La possibilité de traitement après le coucher du soleil serait permise pour les produits portant la mention « abeilles ». Des dérogations seraient en outre à l'étude pour répondre aux difficultés techniques rencontrées lors de traitements de nuit : surfaces à traiter importantes, situations topographiques particulières, traitement de ravageurs diurnes ou traitement curatif avec des fongicides.

Les professionnels de l'apiculture et les ONG environnementales accueillent avec satisfaction les avancées de ce texte mais soulignent aussi ses limites, et surtout les menaces qui pèsent sur lui. Ainsi, l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf) salue « un arrêté indispensable pour le bien-être des pollinisateurs ». Mais l'organisation professionnelle appelle dans le même temps le Gouvernement à honorer ses engagements et à appliquer strictement les recommandations de l'Agence de sécurité sanitaire (Anses). Dans un avis rendu en février 2019, cette dernière préconisait en effet de durcir les règles applicables aux traitements phytosanitaires afin de protéger les abeilles.

« Distorsions majeures »

Quelles sont les inquiétudes des apiculteurs ? « Depuis plusieurs jours, la FNSEA mobilise tous ses réseaux et soutiens pour s'opposer à ce projet », dénonce l'Unaf. L'association Générations futures demande également à l'exécutif « de ne pas céder aux pressions » et « d'accorder le moins possible de dérogations ». Le syndicat majoritaire est en effet monté au créneau. « Pour des raisons d'affichage, difficilement compréhensibles sur un tel sujet, le Gouvernement avance, sans aucune étude d'impact, sans tenir compte des approches différentes au niveau européen et sans écouter nos alertes argumentées, sur un renforcement du volet réglementaire créant des distorsions majeures », a dénoncé le syndicat agricole dans un communiqué publié le 16 décembre. Des distorsions liées au fait que les agriculteurs français n'auraient plus accès à certains produits phytosanitaires là où leurs voisins européens pourraient continuer à le faire.

« Le plan pollinisateurs de Barbara Pompili ne fera pas date. Il est voué à l'échec puisqu'il semble construit sur le même modèle que les précédents », estime également le Réseau Biodiversité pour les abeilles. « En effet, son contenu se limite à la question des pesticides », dénonce cette association, faux-nez de l'agrochimiste BASF.

Les arguments de la FNSEA semblent avoir porté auprès du ministre de l'Agriculture alors que le projet d'arrêté devait initialement être soumis à la consultation du public dès cette fin d'année. D'autant que cinq députés de la majorité, dont le porte-parole de LReM et spécialiste des questions d'agriculture Jean-Baptiste Moreau, ont adressé un courrier au Premier ministre allant dans le même sens. À l'occasion d'un déplacement à Saclay (Essonne) le 18 décembre, Julien Denormandie a indiqué avoir entendu les inquiétudes et annoncé une concertation qui tiendra compte des réalités de terrain.

« Impact négligeable sur les pollinisateurs sauvages »

Pourtant, pour plusieurs organisations, le projet d'arrêté est loin d'être suffisant. « Cette mesure aidera peut-être un peu les abeilles domestiques, contraintes de butiner les champs de grandes cultures, mais elle n'aura qu'un impact négligeable sur la sauvegarde des insectes pollinisateurs sauvages – abeilles sauvages, bourdons, et autres papillons... – qui sont à ce jour les garants de la pollinisation des espèces sauvages et de notre sécurité alimentaire », dénonce Nicolas Laarman, délégué général de l'association Pollinis.

« Si l'arrêté répond à un bon nombre d'enjeux environnementaux, il ne mène pas à une sortie totale et pérenne des pesticides, qui doit être pensée de manière systémique », estime aussi la Confédération paysanne. Pour Nicolas Laarman, aucune des propositions du plan, aussi intéressantes soient-elles (études scientifiques sur les pollinisateurs sauvages, restauration des haies, de l'habitat et des ressources alimentaires, etc.), « n'enrayera l'extinction dramatique des insectes pollinisateurs sans s'attaquer aux racines du problème : les pesticides ». Or, rappelle le responsable associatif,  « les plans ÉcoPhyto, supposés réduire l'usage des pesticides dans notre pays, ont tous spectaculairement échoué depuis douze ans. »

 Reste à voir dans quel sens va pencher l'arbitrage de Jean Castex alors que, selon le dernier calendrier disponible, le projet de plan sera soumis à la consultation du public début 2021 en vue d'une approbation officielle en mars.

 

Environnement : la France consomme bien plus d'eau qu'elle n'en prélève

 L'« empreinte eau » de la France, qui englobe l'eau utilisée pour produire des biens importés, dépasse de plus de deux fois la ressource prélevée sur son sol, signale une étude du ministère de la Transition écologique.

C'est un paradoxe propre aux pays développés dont les habitants tardent encore à prendre conscience. La France, comme la Suisse, la Suède ou encore la Corée du Sud, consomme bien plus d'eau qu'elle n'en prélève à l'intérieur de ses frontières. Cette ressource non puisée in situ provient des biens et services importés dans la production desquels elle a joué un rôle, aussi bien dans l'agroalimentaire que dans l'industrie. A l'opposé, les exportations françaises font couler beaucoup moins d'eau, signale le ministère de la Transition écologique dans le bilan annuel qu'il consacre à l'eau et aux milieux aquatiques.

Ecart très important

L'« empreinte eau » de la France, légèrement inférieure à la moyenne européenne qui est de 233 m3 par habitant, est très au-dessus de la moyenne mondiale (169 m3 par tête). Elle s'avère surtout être plus de deux fois supérieure au volume d'eau consommé par chaque Français sur le territoire national. Cet écart très important l'est encore beaucoup plus au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Allemagne, pays au moins aussi arrosés que la France où « depuis le début des années 2000, les prélèvements d'eau ont tendance à diminuer », indique cet atlas de l'eau dans tous ses états.

 

 

Tensions sur la ressource

Seule l'agriculture voit sa part de consommation augmenter. Relativement minime en moyenne annuelle (-9 %), elle dépasse 50 % l'été quand la ressource disponible est moins importante. Ces périodes de tension sont de plus en plus fréquentes. « Chaque année depuis 2017, des restrictions d'eau sont appliquées sur au moins 30 % du territoire métropolitain », signale ce bilan 2020 de l'état de l'eau en France.

Les eaux de surface sont les plus touchées par les sécheresses à répétition de ces dernières années. Pas moins de « 90 départements ont fait face à des cours d'eau en situation d'assèchement de fin mai à fin septembre 2019 », indiquent les experts du ministère de la Transition écologique. S'agissant des eaux souterraines, la sécheresse annuelle des nappes a été plus longue et plus étendue que la moyenne neuf fois en vingt ans, signalent-ils également.

Importantes marges de progression

Pour ce qui est de la qualité de l'eau, la tendance est à l'amélioration, mais les marges de progression demeurent importantes. « La part des masses d'eau superficielles évaluées en bon état chimique est passée de 43,1 % à 62,9 % et celle des masses d'eau souterraines de 58,9 % à 69,1 % », selon ce bilan tiré de la période 2009-2015. Ce constat est nuancé par une série de bémols. Notamment le fait que « la pollution par les nitrates s'accentue pour 37 % des masses d'eau souterraines sur la période 1996-2018 ».

Joël Cossardeaux

 

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