jeudi 16 décembre 2021

10 facteurs qui déclenchent la migraine (et comment y remédier)

 Vous avez souvent la migraine ? Il est possible que cela soit dû à certains facteurs de votre environnement – des facteurs que vous pouvez heureusement contrôler pour réduire la fréquence ou le niveau de la douleur.

Tout d’abord, la migraine ne se limite pas à un simple mal de tête. Elle peut également affaiblir votre organisme, vous rendre sensible à la lumière et au bruit, affecter votre vision et globalement vous donner l'impression qu’on vous cogne la tête avec un marteau. Et dans ces cas-là, il n'y a rien à faire, sinon fermer les yeux et prier pour que ça s'arrête. Selon l'American Migraine Foundation, il s'agit d'un trouble neurologique, qui peut se manifester sous une forme très intense (qui comprend des symptômes comme les nausées, les vertiges et les douleurs) et qui peut durer entre 4 et 72 heures.

Selon une étude publiée dans la revue Headache, environ 16 % des adultes souffrent de migraine et, bien qu’ils ressentent tous des symptômes similaires, les facteurs qui déclenchent ou aggravent leurs maux de tête peuvent être différents pour chacun.

Qu'est-ce qui provoque une migraine ?

Il est important de comprendre ce qui déclenche vos migraines, car cela peut vous aider à les prévenir ou à les réduire. Les experts ne savent pas exactement quelle en est l’origine, mais ils ont identifié un certain nombre de facteurs qui peuvent déclencher ou aggraver la douleur.

Que faire si l'un de ces facteurs vous affecte ? Il est recommandé de contrôler son niveau de stress, de bien dormir, de surveiller son alimentation et, en cas de migraine intense, de se reposer, de prendre un médicament contre la douleur (un, pas trois !), de s'éloigner des écrans ou même de pratiquer la méditation pour se détendre.

La faim

Le fait de sauter des repas ou d’avoir un trop faible apport en calories peut faire chuter le taux de sucre dans le sang et, selon la National Headache Foundation, cela peut entraîner des troubles qui vont du mal de tête tenace à la migraine intense : c'est pourquoi il est essentiel de surveiller votre alimentation.

La déshydratation

La déshydratation n'affecte pas seulement votre apparence : selon plusieurs études, elle peut aggraver de nombreux problèmes de santé, à commencer par l’intensité des maux de tête et des migraines.

Le stress et l’anxiété

Selon l'Anxiety and Depression Association of America, le stress, l’inquiétude ou l’anxiété peuvent entraîner des migraines plus fréquentes et plus graves (le stress est identifié comme facteur déclencheur pour 70 % des patients migraineux). On ne sait pas exactement pourquoi, mais il semble y avoir un lien évident entre ces différentes réactions.

Les changements de temps

Vous avez l'impression de pouvoir prédire la météo grâce à vos maux de tête ? L'American Headache Society indique que les changements brusques d'humidité, de température et de pression ont également un effet sur la migraine, car ils ont tendance à amplifier la douleur.

L’activité physique

Là où choses se compliquent un peu, c’est que l'American Migraine Foundation affirme que l’activité physique peut à la fois déclencher et traiter les migraines. L'exercice régulier aide à réduire la fréquence des migraines, à diminuer le stress et à mieux dormir, mais il a également été démontré qu’il peut déclencher des migraines chez certaines personnes, probablement parce qu'il entraîne une augmentation de la pression sanguine, ce qui affecte les nerfs du cerveau.

Les allergies

Les allergies au pollen, à la poussière ou à l'herbe, pour n’en citer que quelques-unes, peuvent provoquer des éternuements, mais aussi augmenter la fréquence des migraines pendant la saison.

Les stimulations sensorielles

Les lumières intenses, les odeurs fortes et les environnements bruyants peuvent provoquer des maux de tête et des migraines. Certains patients rapportent également des symptômes visuels comme des flashs lumineux.

Les médicaments

Tous les médicaments peuvent avoir des effets secondaires et, bien que les antalgiques soient souvent recommandés dans le traitement de la migraine, ils peuvent aussi favoriser son apparition en cas de surconsommation.

Le bruxisme

Le bruxisme se traduit par une mâchoire tendue et un grincement involontaire des dents. Selon la Mayo Clinic, ce trouble exerce un stress sur les articulations de la mâchoire, ce qui peut entraîner une augmentation des douleurs à la tête et dans la nuque.

Le sommeil

La qualité du sommeil joue un plus grand rôle que vous ne le pensez. Si vous ne dormez pas assez ou si, au contraire, vous dormez trop, cela va provoquer un dérèglement de votre rythme circadien (ou horloge biologique, si vous préférez) et aggraver vos migraines.

mardi 14 décembre 2021

Près d’un milliard d’euros gaspillés : enquête sur le fiasco du plan anti-pesticides

 800 millions d’euros devaient permettre de réduire l’usage des pesticides en France de moitié en 10 ans. Résultat : il a augmenté de 15 %. L’argent est parti dans des projets inefficaces, lorsqu’il n’a pas été tout simplement détourné.

En 2007, Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Environnement, lançait un grand projet : réduire de 50 % l’usage des pesticides, en 10 ans si possible, à travers un grand programme de subventions baptisé plan “Écophyto 2018”. En conclusion du Grenelle de l’environnement, Nicolas Sarkozy s’en félicite devant les représentants des organisations agricoles. Aujourd’hui pourtant, le député socialiste de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier fulmine : “C’est une incurie. Il y a une telle dispersion de moyens que l’on s’y perd.” Dès 2014, alors à la tête d’une mission parlementaire, il constate que 361 millions d’euros ont été engloutis sans résultat.

Malgré ce constat d’échec, les financements augmentent. En 2019, la cour des comptes tire à son tour la sonnette d’alarme. Selon elle, non seulement ce plan de réduction des pesticides va mobiliser 800 millions d’euros entre 2009 et 2021, mais 400 millions d’euros de fonds publics dépensés pour les mêmes raisons par an, se sont rajoutés à cette somme. La France aurait donc dépensé plusieurs milliards pour réduire les usages de phytosanitaires en dix ans, sans tenir cette promesse, puisqu’au contraire, leur usage a augmenté en moyenne de près de 15 %.

Des initiatives qui poussent à utiliser des pesticides

Pourquoi un tel fiasco ? La mise en place de réseaux de surveillance l’explique en partie. L’idée consistait à surveiller des parcelles tests afin de détecter d'éventuelles maladies ou des insectes ravageurs, pour pouvoir alerter les agriculteurs. 9,5 millions d’euros par an ont permis de mobiliser 4 000 observateurs issus de chambres d’agriculture, de coopératives, d’instituts techniques, entre autres, pour surveiller 18 000 parcelles, et éditer des dizaines de bulletins de santé du végétal. Mais le résultat, c’est qu’au lieu de réduire la consommation de pesticides, ce système d’alerte a parfois au contraire poussé à la consommation. En mars 2016, un sms envoyé par une coopérative du Centre-Val de Loire indique “nombreuses captures de charançons hier dans les colzas, intervenir sous quatre à cinq jours”. Ce type de message n’a pas incité les agriculteurs à se passer de produits phytosanitaires, regrettent des chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) dans un article consacré aux raisons de l’échec du plan Écophyto.

Selon certains agriculteurs, les sociétés BASF ou Syngenta profitent de ce système pour envoyer directement des mails ou des sms qui alertent sur les ravageurs. Élisabeth Borne, alors ministre de l’Environnement, avait dénoncé le dispositif et fait réduire de 20 % les subventions consacrées à ces bulletins. “On n’a jamais été contre le fait de rationnaliser le système. Il faut dire que toutes les régions n’étaient pas au même niveau”, reconnait Philippe Noyau, de l’association des chambres d’agriculture. En effet, il apparaît que les régions ayant touché le plus d’argent ne sont pas forcément celles qui ont investi le plus dans cette surveillance, ni celles qui ont le mieux réussi à baisser leur usage des pesticides. Ainsi, la chambre régionale d’Occitanie et ses partenaires ont touché plus d’un million d’euros par an, alors que l’usage des phytos a augmenté de 1 % selon les chiffres d’achats de pesticides publiés par le ministère de l’environnement entre 2013 et 2019. La Corse, qui a reçu 200 000 euros par an, a consommé 27 % de pesticides en plus entre 2013 et 2019.

Les chambres d’agriculture ne sont pas les seules responsables de cette mauvaise gestion. Un rapport administratif du CGEDD (Le Conseil général de l’environnement et du développement durable) et du CGAAER (Le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) estime que : “La coordination est insuffisante au sein de la Direction générale de l’alimentation. Les tableaux (de répartition des subventions) sont renseignés de manière hétérogène, ce qui rend peu fiable une consolidation nationale. Cette situation n’est pas satisfaisante notamment pour disposer d’éléments de comparaison sur les pratiques et les coûts dans différentes régions.” 

Un réseau de fermes pas toujours exemplaires

L’un des autres postes majeurs de subventions (13,5 millions d’euros par an) correspond à l’animation d’un réseau de fermes dit “Dephy”. L’idée était de fédérer un réseau de 3 000 exploitants qui s’engagent à réduire leur usage de pesticides, et à partager leur expérience pour servir d’exemple aux autres. Les financements versés aux chambres d’agriculture devaient permettre de rémunérer des agents et de payer des frais de mission pour animer ce réseau. Malgré des résultats très encourageants pour certains exploitants, nombre de ces animateurs étaient jeunes et inexpérimentés. “Il y a un renouvellement du personnel massif dans le réseau”, explique Bertrand Omon, agronome à la chambre d’agriculture de Normandie. À ce “turn-over” des personnels s’est ajouté un autre obstacle : “On a montré qu’il peut y avoir de beaux résultats dans ce réseau, mais on est prié de ne pas le dire trop fort”, poursuit l’agronome. Bref, les bons élèves n’auraient pas été montrés comme des exemples à suivre pour inciter les autres. À la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), on reconnait un échec. “On a manqué collectivement d’ambition”, estime Hervé Lapie, secrétaire général adjoint du syndicat agricole. “Les seuls gagnants là-dedans ce sont les chambres d’agriculture par les subventions qu'on leur donne”, commente une conseillère du pôle de conseil indépendant PCIA dans le Grand Ouest. “Ce n'est ni plus ni moins de la com’. Et on a financé de la com’.”

Des places de foot achetées par certains bénéficiaires

Encore plus grave : des bénéficiaires de cet argent n’ont pas toujours été exemplaires dans son usage. En 2019, la Cour de discipline budgétaire et financière a condamné les responsables de cinq chambres d’agriculture pour avoir financé des syndicats agricoles. Dans le Finistère, la chambre départementale a aussi puisé dans son budget pour acheter des places de foot pour ses élus et collaborateurs. En 2016, la même chambre avait déjà provoqué l’ire des agriculteurs en finançant un voyage d’études en Afrique du Sud d’une valeur de 80 000 euros pour les élus, mais aussi leurs conjoints.

La soupe à la subvention 

“Ce plan a été pensé avec une vraie logique de guichet”, estime l’ex-chercheuse de l’Inra Laurence Guichard. Ainsi, de nombreuses études qui ont bénéficié de subventions doublonnent. Le plan attribue par exemple plus de trois millions d’euros à une étude baptisée Pestiriv, dont la mission est de mesurer l’exposition des riverains des vignes aux pesticides. Sauf qu’“on a déjà fait des études de ce type”, remarque Xavier Reboud, chercheur à l’Inra et président du Comité d’orientation stratégique recherche et développement. “On voit bien qu’aujourd’hui on a une multitude d’études qui ne sont pas faites pour accompagner la transition, mais pour chercher des subventions”, regrette Hervé Lapie, secrétaire général adjoint de la FNSEA.

Plus surprenant : des acteurs privés qui vendent des pesticides, ont aussi bénéficié de ces aides. Le groupe InVivo a ainsi bénéficié de plus 300 000 euros, pour tester des solutions visant à réduire l’usage de produits de synthèse contre les limaces. Mais dans le même temps, le groupe agricole a racheté plusieurs grosses sociétés irlandaise, brésilienne et chinoise pour devenir l’un des leaders de la distribution de pesticides dans le monde. Des acteurs, comme l’Institut français du textile et de l’habillement et le Centre technique du cuir, ont aussi obtenu une enveloppe pour travailler sur les équipements de protection des agriculteurs. Du matériel auquel on a recours justement lorsqu’on traite les récoltes. Selon des documents auxquels la Cellule investigation de Radio France a eu accès : 200 000 euros ont aussi été accordés à la FNSEA pour un jeu concours sur internet portant... sur ces équipements de protection.

Ne pas fâcher la profession

À son arrivée au ministère de l’Agriculture, Stéphane Le Foll a tenté d’instaurer un système de pénalités afin que les vendeurs de pesticides proposent davantage d’offres alternatives à l’usage de produits chimiques. Mais le dispositif a été attaqué devant le Conseil d’État par les fabricants et les coopératives. En conséquence, “le plan Écophyto II n’a jamais été appliqué”, regrette Dominique Potier. Et les aides, elles, continuent. Depuis deux ans Remy Arsento, représentant SNE-FSU au conseil d’administration de l’Office français de la biodiversité, qui gère une partie des financements Écophyto, vote contre le financement de ce plan. “On n’est pas contre la réduction des pesticides, explique le délégué syndical, mais quand on continue à voter les mêmes projets qui ne portent pas leurs fruits, on se dit que cela revient un peu à gaspiller l’argent public.” Son vote est cependant sans conséquence. Comme il est minoritaire au conseil d’administration, le financement du plan est encore adopté.

Seule évolution notable : une loi a imposé aux acteurs agricoles de choisir désormais entre la vente des pesticides et le conseil aux agriculteurs. Mais là encore, la plupart des acteurs ont choisi le secteur le plus rentable : la vente de produits, quitte à se passer des subventions du plan. Reste cette question : pourquoi ne pas avoir coupé ce robinet d’argent plus tôt, devant des résultats aussi décevants ? Élus et organisations non gouvernementales expliquent en chœur qu’il ne fallait pas fâcher la profession, ni décourager les bonnes volontés. “Pour un politique qui veut se faire réélire, explique Claudine Joly, membre du comité d’orientation stratégique du plan pour France Nature Environnement, il est plus facile de dire que l’on encourage les bonnes volontés”. Mais  financer les bonnes volontés ne suffit apparemment pas à obtenir des résultats. Même après une décennie.

Méditerranée : Comment des bars femelles deviennent mâles sous l’effet du réchauffement de l’eau

 SEXE DES POISSONS Le laboratoire Ifremer de Palavas-les-Flots a mis au jour le rôle des gênes dans la réversion sexuelle des jeunes bars.

Des poissons qui changent de sexe au cours de leur vie en fonction de leur environnement, l’affaire est entendue depuis quelques années. On connaît par exemple le phénomène chez les poissons clowns ou les dorades. En revanche, que la génétique vienne mettre son grain de sel et expliquer cette réversion sexuelle, voici qui est nouveau. C’est ce qu’a pu observer l’expérience menée sur plus de 2000 jeunes bars au sein du laboratoire Ifremer de Palavas-les-Flots ( Hérault), dont les résultats font l’objet cette semaine d’une publication dans la revue PNAS.

« Les poissons se distribuent de façon linéaire à la naissance, explique Benjamin Geffroy, chercheur en physiologie des poissons à l’Ifremer. Il y a ceux qui ont une tendance génétique majeure, mâle ou femme, et ceux du milieu, qui ont une orientation génétique plus faible. » Et la température de l’eau va jouer un rôle déterminant. Tout se joue dans les 100 premiers jours de leur existence. C’est durant cette période que le jeune bar va déterminer son sexe. Pour l’étude, ils ont été répartis dans deux bassins, l’un chauffé à 16 degrés, l’autre à 21 degrés. Dans le premier, mâles et femelles se répartissent à proportion égale une fois le sexe déterminé. Dans le second, les mâles représentent 75 %.

Des résultats qui intéressent aussi la filière piscicole

« En étudiant la répartition des gènes, nous avons pu déceler que 25 % des jeunes bars avaient une orientation génétique femelle plus faible, poursuit le chercheur. Ce sont eux qui se masculinisent aux températures élevées dans les premiers mois de leur existence » Une information précieuse à double titre. Pour la filière piscicole d’abord, qui peut ainsi espérer jouer sur la température de l’eau pour avoir le sexe désiré, celui des femelles. En effet, ce sont elles qui grossissent le mieux et assurent le meilleur rendement de l’élevage : à quantité de nourriture égale, leur taux de croissance est supérieur de 30 % comparé aux mâles.

L’autre enseignement de ces recherches concerne les effets du réchauffement climatique sur les bars sauvages. Le risque est présent, pour la pérennité de l’espèce dans le milieu naturel, d’un appauvrissement des bars femelles dans une eau plus chaude. Benjamin Geffroy refuse toutefois de céder à l’alarmisme : « Les poissons ne se reproduisent pas au même moment, et pour que la température agisse il faut que cela intervienne à un moment précis du développement ». Il vient toutefois d’arriver au Chili pour travailler sur cette problématique en eau plus chaude, sur la population des saumons cette fois.

vendredi 10 décembre 2021

Pollution de l’eau : un plan de lutte contre les nitrates sans ambition

 Non contraignant, le septième plan de lutte contre les nitrates d’origine agricole, présenté vendredi aux membres du Conseil national de l’eau, pourrait s’avérer aussi inefficace que les six précédents.

Dangereux pour la santé humaine, en particulier celle des nourrissons, nuisible pour les plans d’eau, où il génère des cyanobactéries, et pour les eaux côtières, où il fait proliférer les marées d’algues vertes, l’excès de nitrates fait l’objet d’une lutte continue depuis des dizaines d’années. Ou, du moins, donne-t-il lieu à une succession de plans de réduction et de prévention de la pollution des eaux par cette forme oxydée de l’azote.

La France en est à son septième plan du genre depuis la directive européenne « nitrates » de 1991. Las, sans grand résultat.

Vendredi 3 décembre, les services du ministère de la transition écologique et ceux de l’agriculture ont présenté aux membres du comité national de l’eau, une instance consultative, leur prochain programme d’action national sur les nitrates d’origine agricole (ou PAN), dont les règles doivent entrer en application à l’été 2022. « Le sentiment que ce plan manque nettement d’ambition dominait l’assemblée, qui a tout de même adopté un avis favorable assorti de nombreuses réserves sous forme de recommandations », témoigne Antoine Gatet, le vice-président de France Nature Environnement, qui s’est abstenu.

Car ce nouveau plan, qui se présente sous la forme d’un dossier technique, se limite à des révisions à la marge du précédent. C’est bien ce qui lui est reproché : pourquoi ne pas changer un programme qui ne marche pas ? L’autorité environnementale, une instance indépendante relevant du ministère de la transition écologique, avance un début de réponse dans l’avis sévère qu’elle a rendu le 19 novembre :

« Les adaptations prévues du PAN visent moins à accroître son efficacité sur la réduction de la pollution par les nitrates qu’à en limiter les contraintes pour les agriculteurs au motif d’en favoriser l’appropriation. »

Autrement dit pas question de froisser un secteur à l’origine de l’essentiel du problème, puisque 88 % des nitrates sont dus à l’excès d’azote épandu dans les champs.

Vingt-cinq années d’engagements de l’Etat

Après avoir déjà été consultés en 2011 et 2016, les experts laissent poindre leur agacement au sujet de l’exercice quadriennal 2022-2026 : « L’évaluation des PAN précédents n’a pas permis de montrer leur efficacité. [Elle] ne démontre pas en quoi les nouvelles mesures amélioreront la situation, voire en quoi elles ne la dégraderont pas. »

L’autorité environnementale conclut en demandant d’informer le public « sur le coût environnemental, social et économique de la pollution par les nitrates et de l’eutrophisation [le manque d’oxygène] » des eaux.

Le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et le conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, deux services ministériels, ont déjà établi un diagnostic similaire. En novembre 2020, ils soulignaient que malgré vingt-cinq années d’engagements de l’Etat, « les résultats en termes de teneur en nitrates des eaux superficielles et souterraines restent très loin des objectifs et semblent ne plus s’améliorer ». Cette année-là, 66 % de la superficie des territoires de France métropolitaine présentaient des eaux polluées, altérées par l’eutrophisation ou susceptibles de l’être (58,5 % en surface, 51,9 % dans les nappes souterraines).

Les superficies agricoles concernées par le trop-plein d’azote n’ont cessé de s’étendre depuis les premiers programmes nationaux, non seulement dans une grande part nord-ouest du pays, mais aussi dans les zones de grandes cultures du Bassin parisien, en Alsace, Adour-Garonne… Sur le long terme, la situation s’est améliorée dans l’Ouest, note le CGEDD, mais elle se dégrade en Picardie, dans le bassin Rhin-Meuse, et empire globalement dans les nappes souterraines. Le Réseau national de surveillance, qui compte plusieurs milliers de stations, recense presque autant de points de hausse que de baisse des concentrations en nitrates depuis les années 1990, avec de fortes disparités locales.

Un territoire dont les teneurs sont supérieures à 18 milligrammes par litre (mg/l) en surface et 40 mg/l dans les nappes souterraines est classé « zone vulnérable ». Cette appellation paradoxale signifie qu’il faut impérativement y modifier les pratiques agronomiques afin d’en réduire la contamination. Actuellement, 19 millions d’hectares de superficie agricole utile et 62 % des exploitations sont dans ce cas.

Et lorsque dans un point de prélèvement la concentration de nitrates dépasse 50 mg/l – le seuil fixé par l’Organisation mondiale de la santé pour l’eau potable –, il faut interconnecter le réseau avec des sources plus lointaines et abandonner le captage, trop contaminé. La France a dû en fermer près de mille depuis les années 2000. La saga des nitrates pèse lourd sur la facture d’abonnement des consommateurs. L’alimentation au robinet de 11,4 % de la population a tout de même dépassé par moments 40 mg/l en 2018.

« Un modèle agricole qui nous emmène dans le mur »

Comme ses prédécesseurs, le septième programme décline une série de mesures censées inciter les exploitants à équilibrer leur recours à la fertilisation – qu’elle soit organique (les excrétions des cheptels français produisent plus de 1,7 million de tonnes d’azote, selon les données de 2017) ou de synthèse.

La dose de trop que les plantes ne peuvent absorber va se transformer en concentration de nitrites et de nitrates dommageables pour la qualité de l’eau, mais aussi pour l’air. Car elle entraîne des émissions de protoxyde d’azote – un gaz doté d’un effet de serre très puissant – et produit de l’ammoniac, qui participe à la formation de particules fines.

Les mesures recommandées par le PAN portent sur les quantités maximales d’épandage (en principe pas plus de 170 kilogrammes par hectare et par an) et sur les calendriers d’interdiction, sur les modes de stockage des effluents d’élevage, sur les façons de les répartir par rapport aux cours d’eau ou sur des terrains en pente, gelés, inondés… Elles encadrent aussi la couverture des sols par des cultures intermédiaires entre deux moissons, afin de réduire les fuites d’azote et les cahiers que les agriculteurs doivent tenir sur leurs recours à l’engrais.

Le problème, selon les rapporteurs, c’est que le PAN manque d’objectifs chiffrés. Il pâtit de l’absence de suivi et de contrôle, ne prévoit pas de base de données de référence qui recenserait incidents et anomalies, n’informe pas assez. Il tient aussi à la multiplication des dérogations que la profession agricole obtient auprès des préfets : 164 depuis 2012, dont 104 depuis 2016. Et le nouveau texte introduit des possibilités supplémentaires de dépasser les plafonds d’azote sur telle ou telle culture. « Cette situation s’accompagne, pour les acteurs, d’une perte de sens manifeste de cette politique publique », concluent les experts.

« Il est quand même incroyable que le PAN ne cite à aucun moment l’agriculture biologique, alors qu’elle est la seule réponse à la dégradation de l’eau, estime Stéphane Rozé, paysan en Ille-et-Vilaine. Alors que seul un tiers des masses d’eau sont en bon état écologique, on continue de vouloir conforter un modèle agricole qui nous emmène dans le mur. On note les déjections sur un cahier, on bouge un peu le calendrier d’épandage, mais les quantités restent les mêmes. C’est incompréhensible ! »

Egalement représentant de la Fédération nationale de l’agriculture biologique au comité national de l’eau, M. Rozé déplore ce PAN qui reste « flou et s’apparente à un catalogue de simples recommandations, plutôt qu’à un plan d’actions efficaces ». Mais il estime que la situation serait pire, « dramatique » même, sans ce cadre. Pour sa part, l’assemblée permanente des chambres d’agriculture doit livrer son point de vue mi-décembre.


En Bretagne, classée tout entière en zone vulnérable, la justice aussi s’est prononcée. En juin, le tribunal administratif de Rennes a annulé la déclinaison régionale du PAN pour manque d’ambition vis-à-vis du problème récurrent des marées vertes. L’état des rivières de la région s’est certes amélioré sur le long terme, mais il ne progresse plus depuis 2014. En cette fin d’année dans les Côtes-d’Armor, des plages sont toujours fermées pour cause d’échouage de grosses couches d’algues.

jeudi 9 décembre 2021

Le réchauffement climatique accélère le courant océanique le plus puissant du monde

 Le courant circumpolaire antarctique (ACC) est le plus puissant des courants océaniques au monde. Et grâce à de nouvelles données, des chercheurs établissent aujourd'hui qu'il a tendance à s'accélérer... sous l'effet de l'augmentation de la température de la mer.

Le courant circumpolaire antarctique (ACC) est apparu il y a environ 30 millions d'années. Il fait aujourd'hui le lien entre les océans Indien, Pacifique et Atlantique. Il est d'ailleurs tout simplement le courant océanique le plus puissant sur notre Planète. Il transporte ainsi autour de l'Antarctique, plus de 165 millions de mètres cubes d'eau par seconde. Pas moins de cent fois le débit de toutes les rivières du monde. Et une équipe internationale de chercheurs nous apprend aujourd'hui que l'ACC s'accélère. Une découverte basée sur des mesures satellites et des données recueillies par le réseau mondial de flotteurs océaniques Argo.

En cause, vous l'aurez deviné : le réchauffement climatique anthropique. Plus précisément, le réchauffement des eaux. Les chercheurs assurent en effet que, malgré le fait que ce courant soit réputé être principalement entraîné par le vent, l'accélération des vents d'ouest dominants sous l'effet de l'augmentation de la température de l'air aurait, ici, plutôt tendance à dynamiser les tourbillons océaniques qui vont à l'encontre des courants principaux.

Et ça pourrait accélérer le réchauffement climatique

Ce courant circumpolaire antarctique est comme une démarcation entre les eaux chaudes subtropicales et les eaux plus froides de l'Antarctique. Or la partie la plus chaude de l'océan Austral absorbe une grande partie de la chaleur générée par les activités humaines. D'où l'importance de mieux comprendre sa dynamique. Pour le rôle essentiel que l'ACC joue sur la régulation de notre climat.

Comme l'accélération de l'ACC semble étroitement liée au gradient de température qui règne dans la région, les chercheurs s'attendent désormais à ce que sa vitesse augmente de plus en plus au fur et à mesure que l'océan Austral continuera d'absorber de la chaleur. De quoi favoriser la remontée vers la surface d'eaux profondes chargées en CO2. Et diminuer finalement, la capacité de l'océan à réguler le réchauffement.


Pollution, érosion, raréfaction : la FAO s’alarme de la dégradation des terres et des eaux

 Un rapport de l’agence de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture dresse un constat accablant de l’état des sols et des eaux, soumis à un niveau de pression inédit pour nourrir la population.

Comment nourrir une population mondiale croissante sans épuiser les ressources de la planète ? Pour nourrir la réflexion face à ce défi inextricable, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) publie, jeudi 9 décembre, un rapport sur l’état des ressources en terres et en eau. Son sous-titre, « Des systèmes au bord de la rupture », ne laisse pas de place au doute : il y a « urgence à agir », écrit l’agence, car « une pression sans précédent » s’exerce sur les ressources naturelles, « poussées à la limite de leurs capacités de production ».

Le constat que dresse la FAO est alarmant. « Surexploitation, mauvais usage, dégradation, pollution et raréfaction croissante » : un tiers de nos sols est modérément à fortement dégradé, selon l’agence onusienne, dont la publication vient compléter un corpus déjà lourd de travaux et expertises sur l’état des terres et de l’eau. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) avait notamment alerté en 2019 sur l’exploitation intensive des ressources, qui compromet notre capacité à faire face au réchauffement climatique, mais aussi à assurer nos conditions de vie et de subsistance.

Désertification de la mer d’Aral

Selon cette nouvelle étude de la FAO, l’Asie du Sud est la région la plus touchée par la dégradation des terres liées aux activités humaines, avec un peu plus de 41 % de sa superficie concernée (hors zones désertiques). Mais en regardant la répartition géographique en valeur absolue, l’Afrique subsaharienne abrite, à elle seule, un cinquième des terres dégradées, suivie par l’Amérique du Sud (17 % de ces terres).

Les ressources en eau ne se portent pas mieux : 10 % des capacités provenant des cours d’eau et des aquifères sont prélevées, dont plus des deux tiers le sont pour l’agriculture, principalement pour l’irrigation. « Les schémas actuels d’intensification de l’agriculture s’avèrent non durables », écrit la FAO. Li Lifeng, directeur de la division des terres et des eaux de l’agence, détaille au Monde ces pressions : « Certaines pratiques agricoles, comme l’irrigation, provoquent de l’érosion et favorisent la salinisation des terres. Aujourd’hui, 10 % des terres arables sont menacées par l’accumulation des sels. L’usage intensif de plastiques, d’intrants chimiques et d’engrais entraîne aussi des effets pervers sur la qualité des sols », poursuit M. Li. Des effets qui se cumulent, et auxquels s’ajoute le réchauffement climatique.

Comme rappel de la sévérité de la menace, la FAO cite, entre autres exemples, l’assèchement de la mer d’Aral : jadis l’un des plus grands lacs du monde, situé entre six pays d’Asie centrale, notamment l’Ouzbékistan et le Kazakhstan, cette étendue a été victime de plans massifs de détournement d’eau dans les années 1960 pour irriguer des cultures de coton, jusqu’à devenir un quasi-désert. Salinisation et pollution par les pesticides ont achevé de décimer les espèces de poissons présentes dans les cours d’eau en amont, mettant fin aux activités de pêche dont dépendait une partie de la population, contrainte à l’exil.

Inégalités planétaires

« Par rapport à notre précédente évaluation d’il y a dix ans, les défis auxquels nous faisons face se sont aggravés », souligne Li Lifeng. Et les populations les plus vulnérables économiquement se retrouvent les plus affectées. La FAO insiste sur les inégalités planétaires dans l’accès aux ressources : dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, 77 % des petites exploitations se trouvent dans des régions où l’eau est rare, et moins d’un tiers d’entre elles a accès à l’irrigation. Si l’Europe connaît un faible niveau de stress hydrique, de 8,3 %, celui-ci oscille entre 45 et 70 % en Asie de l’Est et en Asie de l’Ouest. Et l’évolution dans le temps n’incite pas à l’optimisme : en Afrique subsaharienne par exemple, les disponibilités en eau par habitant ont diminué de 40 % au cours de la dernière décennie et la superficie agricole est passée de 0,80 à 0,64 hectare par habitant entre 2000 et 2017.

Un sombre bilan, alors que la FAO estime que le niveau de production alimentaire devra progresser de près de 50 % d’ici à 2050 pour répondre à la demande mondiale d’une population estimée à 9,7 milliards d’habitants à cet horizon. Selon l’agence, « l’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne devront plus que doubler leur production agricole pour répondre aux besoins estimés en calories. Le reste du monde devra augmenter sa production d’au moins 30 % ».

Or, les possibilités d’étendre les surfaces cultivées sont très limitées, voire nulles, d’autant que l’urbanisation rapide (55 % de la population vivait en milieu urbain en 2018, et cette part grimperait aux deux tiers de la population en 2050) empiète sur les terres agricoles les plus fertiles. « Il n’y a plus de nouvelles terres disponibles », met en garde Li Lifeng, qui rappelle que, depuis 2010, les surfaces agricoles ont déjà perdu 128 millions d’hectares, principalement des terres qui étaient dédiées au pâturage.

« Un chiffre retient mon attention, note Caroline Lejars, directrice de l’unité gestion de l’eau au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Depuis vingt ans, la demande en eau augmente deux fois plus vite que la population mondiale. » Une discordance qui s’explique par l’urbanisation et les changements de régime alimentaire dans une grande partie du monde, où la consommation de viande est en forte croissance. Si le Cirad n’est pas signataire du rapport de la FAO, l’institution de recherche a néanmoins envoyé des travaux contributifs à l’agence de l’ONU. « On constate que l’accès à l’eau a permis à un grand nombre de petits agriculteurs de sortir de la pauvreté, poursuit Mme Lejars. Mais les politiques d’investissement de ces dix dernières années ont non seulement renforcé la pression sur les ressources, mais aussi accru les inégalités. »

« Déséquilibres extrêmes » sur les terres agricoles

La FAO insiste ainsi sur la nécessité d’affecter de façon plus équitable les terres agricoles, constatant que celles-ci sont soumises à des « déséquilibres extrêmes » et que les grosses exploitations commerciales « se taillent la part du lion ». Plus de la moitié de la superficie agricole est en effet occupée par des exploitations de plus de 500 hectares, tandis que les petites structures (inférieures à 2 hectares) représentent 84 % des exploitations, mais seulement 12 % de la surface agricole mondiale. L’accès inéquitable au foncier pose aussi la question des inégalités de genre : les femmes constituent plus de 37 % de la main-d’œuvre agricole rurale au niveau mondial, et même 48 % dans les pays à faible revenu, mais elles sont moins de 15 % à être propriétaires de terres agricoles.

Malgré ce bilan inquiétant, les tendances peuvent être inversées et « la dégradation des sols est réversible », estime la FAO, qui juge urgent de recourir à des pratiques agricoles plus durables et mieux coordonnées, tenant compte de l’ensemble des besoins des populations (alimentation, énergie…). L’agence encourage par exemple les « infrastructures vertes », comme les plaines d’inondation, par rapport à la construction de digues, car elles permettent d’écouler l’eau lors de fortes crues, en favorisant la biodiversité et la qualité de l’eau.

Même la mer d’Aral, qui semblait condamnée à mort dans les années 1990, bénéficie depuis quelques années d’efforts de restauration qui lui ont permis de regrignoter une petite superficie, et favorisent le retour de certaines espèces aquatiques. Un équilibre fragile, mais qui ouvre la voie à une possible renaissance.



lundi 6 décembre 2021

Pesticides : un marché juteux pour quatre firmes, un coût pour tous les citoyens

 Avec le CCFD-Terre Solidaire et le Basic, POLLINIS publie une étude qui décortique le modèle économique du secteur des pesticides, entre coûts cachés et hyper-concentration. Alors que ce secteur ne profite qu'à une poignée de multinationales agrochimiques, c'est l'ensemble des citoyens qui en assume le coût.

Avec 53 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020, soit deux fois plus qu’il y a 20 ans, le marché mondial des pesticides ne s’est jamais si bien porté. Les agriculteurs européens ont acheté en 2019 pour 12 milliards d’euros de pesticides et l’Union européenne en a exporté pour 5,8 milliards d’euros la même année. Cependant, après avoir évalué les coûts et les bénéfices du secteur des pesticides à l’échelle européenne, POLLINIS, CCFD-Terre Solidaire et le Basic (Bureau d’Analyse Sociétale d’Intérêt Collectif) remettent en question la rationalité économique et sociale de la production et de l’utilisation des pesticides. Et la légitimité du modèle agricole qui en dépend.

Une croissance économique au bénéfice de quatre acteurs

Au fil des fusions-acquisitions, quatre multinationales se partagent aujourd’hui plus des deux tiers du marché des pesticides : Syngenta/Chemchina, Bayer, BASF et Corteva. Hormis la première, propriété l’État chinois après le rachat du suisse Syngeta par l’entreprise d’État ChemChina pour 43 milliards de dollars, les trois autres ont pour point commun d’être en partie détenues par les cinq mêmes fonds d’investissements privés américains : Blackrock, Vanguard, Fidelity, State Street et Capital Group. Des fonds d’investissements qui possèdent par ailleurs entre 10 % et 30 % du capital des leaders mondiaux de l’agroalimentaire (Nestlé, Coca Cola, Pepsi, Mondelez, Unilever, Kellogg etc.).

Ces quatre leaders mondiaux du secteur des pesticides ont aussi développé leurs activités dans les semences agricoles, dont elles détiennent plus de 60 % des parts au niveau mondial. Cette stratégie intégrée leur permet de conserver un forte rentabilité : leurs bénéfices oscillent entre 10 % et 20 % , soit deux fois plus que la moyenne européenne de l’industrie manufacturière.

Mais un coût généralisé pour les citoyens

L’étude publiée par POLLINIS, CCFD-Terre Solidaire et le Basic se concentre sur les coûts réels générés par les pesticides et assumés par la société, qu’il s’agisse des soutiens publics perçus par le secteur ou des dépenses publiques liées aux impacts négatifs des pesticides.

Ainsi, d’après les calculs menés pour l’étude, en France, les dépenses publiques induites par l’utilisation des pesticides (fonctionnement de la réglementation, dépollution de l’eau, soins des maladies du travail…) dépassaient les 372 millions d’euros en 2017.  Cela représente près de deux fois plus que les bénéfices engendrés par ce secteurs, qui se sont  se sont élevés à 211 millions d’euros en 2017. À titre de comparaison, à peine plus (390 millions) a été déboursé au titre des aides bio la même année.

En Europe, les dépenses publiques directement attribuables aux pesticides (émissions de gaz à effet de serre, traitement de l’eau potable, traitement des maladies professionnelles etc.) s’élèveraient à 1,9 milliards d’euros en Europe en 2017, auxquelles s’ajouteraient 390 millions d’euros de soutiens financiers publics accordés au secteur par les États membres (par le biais de subventions directes aux fabricants de pesticides ou de réduction de la TVA sur les pesticides dans 7 États membres etc.). À ces dépenses s’additionnent celles « en partie » attribuables aux pesticides, soit 106 milliards d’euros (soutien public à l’agriculture, traitement des maladies de la population générale, mesures palliatives du traitement de l’eau, mesures de protection de la biodiversité etc.).


C’est sans compter les coûts sociétaux impossibles à estimer : recherche publique, pertes de vies humaines, effets environnementaux et sanitaires de l’incinération des déchets, consommation d’eau en bouteille par peur des résidus de pesticides, atteinte aux services écosystémiques, plans d’action nationaux pour les pollinisateurs1 etc. 

Ces résultats démontrent que la profitabilité du secteur des pesticides en Europe, qui a dégagé 940 millions d’euros de bénéfice en 2017, est rendue possible par les soutiens publics au secteur et la prise en charge collective des dépenses associées aux conséquences négatives de ses activités. 

Un modèle a bout de souffle

À leur introduction dans les cultures, les pesticides de synthèse ont permis de contenir et réduire les risques de pertes agricoles tout en contribuant à répondre aux exigences croissantes de standardisation des matières premières agricoles et de baisse des prix pour les consommateurs. Mais depuis plusieurs années, une stagnation, voire une baisse, des rendements agricoles dans les zones de cultures spécialisées est engendrée par les phénomènes croissants de résistance aux pesticides, la dégradation des sols et de la biodiversité et le changement climatique. De plus, malgré cette recherche constante de gain de productivité, 40 % de la population mondiale continue de faire face à l’insécurité alimentaire, un chiffre qui ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années. 


Si la révolution agricole du XXème siècle a permis à quelques acteurs de s’enrichir de manière croissante, via notamment l’usage massif des pesticides, aucune retombée économique ne profite réellement aux agriculteurs. Alors que le prix final des denrées alimentaires a été multiplié par 5 depuis les années 60, profitant aux fabricants de semences et de pesticides ainsi qu’aux transformateurs et distributeurs agroalimentaires, les agriculteurs n’ont cessé de voir leurs revenus chuter. Pris en étau entre la volatilité des cours mondiaux et la hausse des coûts des intrants, ils dépendent majoritairement des subventions publiques depuis le début des années 2000. Des millions d’emplois agricoles ont aussi été supprimés du fait de la dynamique d’intensification et d’agrandissement des fermes promue par les États et accélérée par la pression économique de la concurrence mondiale.  

Par ailleurs, les effets des pesticides sur la biodiversité (à commencer par les insectes et les pollinisateurs) et la santé humaine ne sont plus à démontrer. Leur responsabilité dans certaines maladies professionnelles agricoles ou touchant des populations riveraines des exploitations commence à être reconnue dans certains pays (comme pour le cas de la maladie de Parkinson, les cancers de la prostate ou les lymphomes non hodgkiniens). 

Du fait de l’essoufflement du modèle qui les enrichit au détriment des citoyens, les multinationales agrochimiques ont adopté deux stratégies. D’un côté, elles s’adonnent à un lobbying massif2 auprès des autorités européennes et nationales compétentes en matière de régulation des pesticides (blocage des « tests abeilles »3, maintien des pesticides les plus nocifs comme les SDHI4 et les néonicotinoïdes5…). De l’autre, elles préparent leur avenir en investissant massivement dans les nouvelles technologies et le génie génétique6. Elles cherchent ainsi à passer d’un modèle de fabricants industriels à celui de prestataires de services complets dans le but de retrouver un haut niveau de profitabilité.

Mais ces nouveaux outils en cours d’élaboration génèrent de nouvelles controverses pour l’heure absentes du débat public7 : concentration du pouvoir de la part des acteurs dominants, risques de renforcer la perte d’autonomie des agriculteurs, investissements inabordables pour une grande part des agriculteurs européens, fortes incertitudes sur l’ampleur réelle des gains environnementaux atteignables via ces nouveaux outils…

mardi 30 novembre 2021

Le vieillissement de la population française va s'accentuer

 La population française culminerait à 69,3 millions d'habitants en 2044, avant de décliner à 68,1 millions en 2070, selon les projections de l'Insee publiées ce lundi. En 2040, l'Hexagone compterait 51 personnes de 65 ans ou plus pour 100 personnes de 20 à 64 ans, contre 37 en 2021.

Un peu plus nombreuse mais surtout plus âgée : d'ici à 2070, la France pourrait gagner 700.000 habitants et compter 68,1 millions personnes contre 67,4 millions actuellement. Les plus de 65 ans représenteraient alors 29 % de la population contre un cinquième aujourd'hui du fait du vieillissement des générations du « baby-boom ». Tel est le scénario central des dernières prévisions démographiques de l'Insee rendues publiques ce lundi.

Ces résultats corrigent nettement ceux présentés en 2016. L'institut tablait alors sur une population de… 76 millions de Français à horizon 2070. Mais les hypothèses de travail de l'Insee ont changé : « L'évolution constatée depuis 2014 a conduit à revoir à la baisse les gains d'espérance de vie. Par ailleurs, le taux de fécondité est lui aussi moins élevé que celui retenu comme hypothèse centrale dans les précédentes projections réalisées en 2016 », explique Isabelle Robert-Bobée, responsable de la division des enquêtes et études démographiques de l'Insee.

1,8 enfant par femme

Selon les nouvelles prévisions, en 2070, l'espérance de vie à la naissance des femmes serait de 90 ans, au lieu de 93 ans, et celle des hommes de 87,5 ans, contre 90,1 ans auparavant.

Par ailleurs, le taux de fécondité qui était à 1,84 en 2021 reculerait à 1,8 enfant par femme, alors que la prévision antérieure tablait sur une remontée à 1,95. « La pandémie de Covid n'est pas vue comme un facteur impactant les prévisions de long terme, la tendance sur les gains d'espérance de vie à venir reproduit celle observée avant l'épidémie », précise l'experte.

Détérioration du ratio entre actifs et retraités

Selon l'Insee, 2044 marquerait toutefois un point de rupture dans l'évolution de la démographie française. Jusqu'à cette période, la population augmenterait rapidement, de 1,9 million de personnes atteignant à cet horizon un pic de 69,3 millions dont un quart pourrait avoir au moins 65 ans contre un cinquième aujourd'hui.

« La poursuite du vieillissement de la population jusqu'en 2040 est quasi certaine », souligne l'Insee. Elle devrait entraîner une détérioration du ratio entre actifs et retraités. Selon les calculs de l'institut, en 2040, il y aurait 51 personnes de 65 ans ou plus pour 100 personnes de 20 à 64 ans, contre 37 en 2021. Une détérioration qui ne devrait pas échapper au Conseil d'orientation des retraites.

Des décès plus nombreux que les naissances

Après 2044, le nombre d'habitants en France déclinerait : les décès deviendraient plus nombreux que les naissances à partir de 2035. Et l'apport migratoire estimé, sur l'ensemble de la période, à 70.000 par an ne compenserait plus ce « déficit naturel ». Ce qui entraînerait une diminution de la population de 45.000 personnes par an.

L'analyse par tranches d'âge montre que « d'ici à 2070, la pyramide des âges serait largement modifiée ». Les plus de 75 ans seraient 5,7 millions plus nombreux qu'aujourd'hui. Le nombre des moins de 60 ans diminuerait en revanche de 5 millions. « Le poids de chaque catégorie d'âge rapporté à l'ensemble de la population ne change pas par rapport aux projections de 2016 », relève Isabelle Robert-Bobée.

En 2070, la moitié de la population française serait constituée des 20-64 ans. Les plus de 75 ans représenteraient 18 % des Français et les moins de 20 ans 20 % contre un quart aujourd'hui. « Il y aurait moins de population en âge de travailler mais aussi moins de personnes âgées, avec pour conséquence un ralentissement de la croissance potentielle mais aussi des dépenses liées au vieillissement», relève Mathieu Plane, économiste à l'OFCE.

Les fleuristes, victimes ignorées des pesticides : « Si l’on m’avait mise en garde, ma fille serait encore là »

  Dès 2017, des tests menés par  60 millions de consommateurs  sur des roses commercialisées par dix grandes enseignes en France révélaient ...