lundi 31 août 2020

Urgence contre les pesticides SDHI

Le 15 avril 2018, une tribune de chercheurs publiée par «Libération» donnait l’alerte sur les dangers des inhibiteurs de la succinate déshydrogénase qui détruisent la biodiversité et menacent notre santé. Plus de deux ans plus tard, qu’attend-on pour agir ?

Tribune. Les pesticides SDHI sont supposés tuer les champignons responsables de la pourriture des produits végétaux. Mais on sait aujourd’hui qu’ils s’attaquent également aux populations de vers de terre, de nématodes, d’insectes, à la faune aquatique, etc., créant des ruptures inévitables dans les chaines alimentaires. On sait aussi qu’ils représentent un risque pour l’homme. Il est établi que les SDHI inhibent la respiration cellulaire en bloquant une enzyme des mitochondries, la succinate déshydrogénase (SDH), cela sans spécificité d’espèce (1). Ils bloquent autant l’enzyme des vers de terre, des abeilles, des champignons que celle de l’homme. Rien d’étonnant à cela, cette enzyme a été extraordinairement conservée au cours de l’évolution, et est quasiment identique chez toutes les espèces.

Ces pesticides participent, au côté du changement climatique et des pratiques agricoles à court terme, à la perte de la biodiversité. Les chiffres de l’écocide des insectes, des oiseaux, des petits mammifères sont effrayants : l’urgence est absolue.

Pour l’homme, nous voilà désormais assis sur une bombe incontrôlable. Les SDHI sont partout, dans l’air, la terre, et l’eau. La SDH et ses produits ont un rôle clef dans la vie de la cellule et des organismes vivants. La complexité de ce rôle est telle qu’à ce jour, personne ne peut dire quand et comment cette bombe explosera : malformations, maladies neurologiques, cancers ? Les scientifiques, dont nous sommes, doivent se l’avouer, ils savent juste que le risque est considérable et cela encore plus pour les personnes dont les mitochondries ne fonctionnent déjà pas très bien (malades de Parkinson, d’Alzheimer, atteints d’ataxie, ou d’une maladie mitochondriale). Nous étions deux en 2017, 11 en 2018, 450 début 2020 dans un appel paru dans le Monde, à demander en vain l’application urgente du principe de précaution et la remise en cause de l’usage immodéré, répété et préventif des SDHI.

Si la catastrophe écologique est là, que le risque pour l’homme est indiscutable, le bénéfice des SDHI pour l’agriculture est loin d’être évident. Malgré nos demandes, nous n’avons pas obtenu de données établissant sérieusement un quelconque bénéfice significatif. Les seules publications scientifiques sur ce sujet soulignent la difficulté de quantifier l’impact des fongicides sur les rendements. Elles montrent de grandes variations dans les mesures, cela pour des gains souvent inférieurs à ces variations. La réalité est que l’on a fait investir dans l’achat de machines très coûteuses destinées à répandre ces pesticides, que l’on a détruit une agriculture pérenne, sur la base d’une tromperie qui apparaît progressivement.

Pourtant, malgré l’urgence, rapports, expertises, auditions, financement de projets illusoires se succèdent sans aboutir depuis trois ans. L’actualité du moment sur les SDHI ? La mise en place par l’Anses d’un xième groupe de travail d’une quinzaine de personnes qui permettra d’étudier de nouveau à loisir les moins de 25 publications scientifiques disponibles sur le sujet (selon les dires mêmes de l’Anses) en attendant d’analyser le rapport de l’Inserm, demandé en avril 2018, et prévu, au mieux, pour novembre 2020 !

De plus, la composition consanguine de ces groupes réunissant quelques personnes sélectionnées, passant éventuellement d’un groupe à l’autre, permettra, en l’absence de contradiction, de ne pas traiter l’urgence. Nous, qui avons colligé de façon exhaustive, sans doute plus que bien d’autres, la littérature scientifique internationale sur les SDHI et la SDH, et pendant plus de trente ans largement participé aux travaux sur les pathologies consécutives à des perturbations de l’activité de la SDH, nous avons pu nous forger une conviction sur cette base scientifique, conviction que nous avons l’honnêteté et ne craignons pas d’afficher. Mais apparemment, le débat contradictoire n’est pas de mise dans ces comités desquels nous sommes curieusement exclus. Pourtant l’actualité d’autres pesticides, comme le glyphosate, montre que les pratiques adoptées par l’Anses, certes réglementaires, nagent dans les conflits ou liens d’intérêt, et cela en l’absence périodique de garantie d’éthique. Bien que la transparence soit revendiquée, c’est plutôt l’omerta qui règne dans les procédures de cette agence. La même que celle qui est couramment pratiquée dans le monde de l’agrochimie, sur des sujets qui réclameraient au-delà des mots une absolue transparence.

Du bout des lèvres, sous notre pression, l’Anses commence à reconnaître qu’une partie des tests sur les SDHI devraient changer. Ils sont en réalité totalement inadéquats. Quant aux animaux utilisés pour tester les SDHI, on les sait depuis les années 2000 également inadaptés au cas de ces pesticides. Actuellement rien des tests réalisés en laboratoire ne permet d’écarter le danger des SDHI, bien au contraire.

Les préoccupations touchant à la biodiversité, au développement durable et à la sécurité sanitaire, sont devenues à juste titre prioritaires pour un grand nombre de nos concitoyens. Il revient aux politiques d’être décisionnaires ainsi que l’Anses ne cesse de le répéter pour mieux justifier son inertie. C’est le moment. Les SDHI, véritable cas d’école, méritent toute l’attention de la ministre de la Transition écologique et nous espérons ardemment qu’elle entendra l’appel de scientifiques et agira dans le sens du retrait des SDHI.

Par Paule Bénit, ingénieure de recherche, Inserm et Pierre Rustin, directeur de recherche, CNRS  

vendredi 21 août 2020

Le Conseil d’État ordonne au Gouvernement de prendre des mesures pour réduire la pollution de l’air, sous astreinte de 10 M€ par semestre de retard

Après une première décision en juillet 2017, le Conseil d’État constate que le Gouvernement n’a toujours pas pris les mesures demandées pour réduire la pollution de l’air dans 8 zones en France. Pour l’y contraindre, le Conseil d’État prononce une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard, soit le montant le plus élevé qui ait jamais été imposé pour contraindre l’Etat à exécuter une décision prise par le juge administratif.

Le 12 juillet 20171, le Conseil d’État a enjoint au Gouvernement d’élaborer et de mettre en œuvre des plans relatifs à la qualité de l’air permettant de ramener – dans 13 zones du territoire et dans le délai le plus court possible – les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) en dessous des valeurs limites fixées par la directive européenne du 21 mai 2008 transposée dans le code de l’environnement.

Plusieurs associations de défense de l’environnement ont demandé au Conseil d’État de constater que le Gouvernement n’avait pas mis en œuvre les mesures nécessaires et de prononcer, en conséquence, une astreinte pour le contraindre à exécuter cette décision.

Dans 8 zones en France, les mesures prises par l’État sont insuffisantes

Le Conseil d’État, réuni en Assemblée du contentieux (sa formation la plus solennelle), constate d’abord que les valeurs limites de pollution restent dépassées dans 9 zones2 en 2019 (dernière année pour laquelle le Gouvernement a fourni au Conseil d’Etat des chiffres complets) : Vallée de l’Arve, Grenoble, Lyon, Marseille-Aix, Reims, Strasbourg et Toulouse pour le dioxyde d’azote, Fort-de-France pour les particules fines, et Paris pour le dioxyde d’azote et les particules fines.

Le Conseil d’État relève que le plan élaboré en 2019 pour la vallée de l’Arve (Haute-Savoie) comporte des mesures précises, détaillées et crédibles pour réduire la pollution de l’air et assure un respect des valeurs limites d’ici 2022. En revanche, les « feuilles de route » élaborées par le Gouvernement pour les autres zones ne comportent ni estimation de l’amélioration de la qualité de l’air attendue, ni précision sur les délais de réalisation de ces objectifs. Enfin, s’agissant de l’Ile-de-France, le Conseil d’État relève que si le plan élaboré en 2018 comporte un ensemble de mesures crédibles, la date de 2025 qu’il retient pour assurer le respect des valeurs limites est, eu égard aux justifications apportées par le Gouvernement, trop éloignée dans le temps pour pouvoir être regardée comme assurant une correcte exécution de la décision de 2017.

Le Conseil d’État en déduit que, hormis pour la vallée de l’Arve, l’État n’a pas pris des mesures suffisantes dans les 8 zones encore en dépassement pour que sa décision de juillet 2017 puisse être regardée comme pleinement exécutée.

En conséquence, la plus haute juridiction administrative décide d’infliger à l’État une astreinte de 10 M€ par semestre tant qu’il n’aura pas pris les mesures qui lui ont été ordonnées

 fin d’assurer sur l’État une contrainte suffisante, le Conseil d’État décide de lui infliger une astreinte si celui-ci ne justifie pas avoir pris d’ici six mois les mesures demandées.

Le Conseil d’État fixe cette astreinte à 10 millions d’euros par semestre, soit plus de 54.000 euros par jour, compte tenu du délai écoulé depuis sa première décision, de l’importance du respect du droit de l’Union européenne, de la gravité des conséquences en matière de santé publique et de l’urgence particulière qui en résulte.

Il juge pour la première fois que, si l’État ne prenait pas les mesures nécessaires dans le délai imparti, cette somme pourrait être versée non seulement aux associations requérantes mais aussi à des personnes publiques disposant d’une autonomie suffisante à l’égard de l’État et dont les missions sont en rapport avec la qualité de l’air ou à des personnes privées à but non lucratif menant des actions d’intérêt général dans ce domaine.

Il précise enfin que ce montant, le plus élevé jamais retenu par une juridiction administrative française à l’encontre de l’Etat, pourra être révisé par la suite, y compris à la hausse, si la décision de 2017 n’a toujours pas été pleinement exécutée.

 

jeudi 13 août 2020

La très fragile amélioration des eaux du littoral français

 Globalement, le milieu marin est en meilleure santé aujourd'hui que dans les années 1970-80, selon l'Ifremer, qui publie pour la première fois un état des lieux. Mais la présence accrue de polluants émergents, non encore réglementés, est jugée inquiétante.

Satisfaisant, mais bien fragile. L'état de santé du milieu marin sur les côtes françaises, réceptacle d'un très grand nombre de pollutions plastique, chimique et biologique dont beaucoup viennent de la terre, tient sur un fil. « La situation tend à s'améliorer lentement, mais il reste des marges de progrès considérables en matière de qualité des eaux du littoral », prévient le PDG de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), François Houllier.

Dans le premier état des lieux rendu public depuis la création de l'établissement il y a plus de trente ans, l'Ifremer constate que la contamination chimique a chuté depuis les années 1970. Métaux, hydrocarbures, dioxines… Les niveaux mesurés (dans la chair des moules et des huîtres) par ses chercheurs sont « généralement » en dessous des seuils réglementaires, « à l'exception de certaines zones comme les alentours des métropoles, des grandes stations d'épuration et les estuaires des fleuves ».

L'économie maritime dépend du bon état écologique des mers

Parmi les grands points « de vigilance », l'embouchure de la Gironde : des décennies après la fermeture d'une usine à 300 kilomètres en amont, qui stockait des déchets de minerai chargés en cadmium, la substance se retrouve encore par endroits en concentration supérieure au seuil autorisé. En Baie de Seine, des contaminants, là aussi anciens, persistent dans l'environnement : l'Ifremer observe que des dioxines et des PCB - des polluants organiques interdits depuis 1987 -, sont présents à des niveaux toujours trop élevés pour qu'une culture de mollusques marins puisse être développée.

Polluants émergents

Cette contamination chimique historique, qui est souvent l'héritage du passé industriel d'une région, tend à baisser. Le responsable du laboratoire de biogéochimie et écotoxicologie, Emmanuel Ponzevera, souligne également « l'impact positif des politiques publiques et de la réglementation ». Pour autant, d'autres polluants, liés notamment à des produits non réglementés, ont émergé de façon inquiétante. C'est le cas des acides carboxyliques perfluorés (PFCA en anglais), un produit non réglementé, candidat à la liste des « substances extrêmement préoccupantes » pour la santé, rappelle l'Ifremer, qui observe des quantités de plus en plus importantes.

Autre point sombre, près de 7 % des eaux côtières de la métropole « n'atteignent pas le bon état écologique ». En clair, micro ou macro-algues y prolifèrent. Un phénomène d'eutrophisation qui prend la forme d'algues vertes sur les côtes bretonnes, de mousses, qui peuvent dépasser « un mètre d'épaisseur dans certaines zones des Hauts-de-France », ou encore d'eaux colorées en Bretagne sud, a établi l'Institut.

La pêche durable s'établit dans les eaux françaises

Pour l'aider à étudier ce dernier phénomène, difficile à repérer car souvent localisé et de courte durée, l'Ifremer s'appuie sur un programme de science participative qu'elle a lancé en 2013 mais qui reste peu connu. Baptisé « phenomer », ce projet appelle les citoyens à signaler les phénomènes d'eaux colorées, de mousse ou de mortalité massive de poissons. « C'est aussi pour cela qu'on communique cette année », explique Philippe Riou, le directeur du département Océanographie et Dynamique des Ecosystèmes, « il est précieux de bénéficier de l'alerte des citoyens ».

Un coquillage fragilisé par la dégradation de son environnement

Huîtres : l'ostréiculture française cherche la parade face à la crise de surmortalité

Reste que quand les eaux sont contaminées, le reflux se fait la plupart du temps très lentement. Il peut falloir des décennies pour voir une amélioration réelle, à l'image de l'étang de Thau, dans l'Hérault. L'Ifremer pointe qu'il aura fallu plus de trente ans après la mise en service de la station d'épuration de la région de Sète , dans les années 1970, pour que les eaux de la lagune soient à nouveau en bon état.

Muryel Jacque

 

Mesures post-Lubrizol : une régression du droit de l'environnement dans le secteur de la logistique ?

 Suite à l'incendie du site de Lubrizol à Rouen, une nouvelle réglementation se dessine pour les entrepôts. Mais pour Julia Héraut et Louise Tschanz, du cabinet Fidal, ces évolutions font craindre une régression du droit de l'environnement. 

Le droit de l'environnement, et en particulier le droit des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), a été façonné au gré des accidents technologiques.

Quelques mois après l'incendie « hors norme » survenu à Rouen le 26 septembre 2019, le ministère de la Transition écologique entend à nouveau intervenir dans un contexte post-accidentel. Il projette, à ce titre, de nombreuses évolutions réglementaires afin de « ne plus subir les risques industriels », comme l'indiquait le Sénat dans son rapport du 2 juin 2020.

Conjointement à la réflexion d'ampleur menée sur la gestion de crise et les nécessaires améliorations en matière de prévention du risque, une nouvelle modification de la réglementation environnementale est en cours.

Deux projets de décrets et deux projets d'arrêtés, soumis à la consultation du public du 26 juin au 17 juillet 2020, prévoient de modifier le volet « Seveso » et le volet « entrepôts de matières combustibles ».

Cet article a pour objet d'étudier les enjeux des modifications réglementaires suivantes, envisagées dans le second volet :
- l'arrêté modifiant l'arrêté ministériel du 11 avril 2017 relatif aux prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts soumis à la rubrique 1510 ;
- le décret modifiant la nomenclature des ICPE et la nomenclature annexée à l'article R.122-2 du code de l'environnement (projets soumis à évaluation environnementale).

Contexte juridique et économique des entrepôts et plateformes logistiques

Selon la réglementation en vigueur, les entrepôts et plateformes logistiques (EPL) qui cumulent les trois critères suivants relèvent de la réglementation des ICPE au titre de la rubrique 1510 :
- entrepôts couverts ;
- quantité de stockage de matières ou produits combustibles supérieure à 500 tonnes ;
- volume de stockage supérieur ou égal à 5 000 m3.

En outre, plusieurs rubriques de la nomenclature des ICPE encadrent les stockages sectoriels, à l'instar des entrepôts frigorifiques (1511), du stockage de papiers et cartons (1530), du stockage de bois (1531 et 1532), du stockage de céréales et grains (2160), du stockage de polymères (2662) et du stockage de pneumatiques (2663).

Selon les statistiques du ministère, la France dispose de 78 millions de m² d'entrepôts et de plateformes logistiques d'au moins 5 000 m², qui emploient 163 000 personnes dans les professions de l'entreposage et de la manutention ; la filière représente donc un fort enjeu économique.

Pourtant, les retours d'expérience démontrent que la réglementation ICPE demeure largement méconnue. À titre d'exemple, les règles relatives au transport de marchandises dangereuses (ADR) sont bien mieux maîtrisées que les prescriptions ICPE.

Les axes d'amélioration liés à la réglementation ICPE dans le secteur de la logistique sont donc nombreux ; et l'objectif affiché par le ministère est de renforcer les exigences liées à la sécurité des entrepôts, secteur particulièrement accidentogène, tout en conjuguant compétitivité et protection de l'environnement.

Prévention du risque incendie : de nouvelles obligations pour tous les sites ICPE

Le projet d'arrêté visant à modifier les prescriptions ICPE relatives aux entrepôts intègre de nouvelles obligations.

Tout d'abord, tout entrepôt ICPE devra réaliser un plan de défense incendie, en se basant sur les scénarios d'incendie les plus défavorables. Auparavant ce plan était principalement imposé aux ICPE relevant du régime de l'autorisation. Essentielle en matière de prévention des risques, cette mesure est applicable à compter du 31 décembre 2023.

En outre, tous les exploitants d'entrepôts existants devront réaliser une étude visant à vérifier l'absence d'effet domino thermique vers des bâtiments voisins en cas d'incendie. Cette étude devra être élaborée avant le 1er janvier 2023 pour les installations soumises à autorisation ou enregistrement. Pour les ICPE soumises à déclaration, cette étude thermique devra être réalisée avant le 1er janvier 2026.

Si cette étude met en évidence des effets thermiques en limite de site, l'exploitant aura un délai de deux ans pour réaliser des mesures correctives. Il pourra installer soit un système d'extinction automatique d'incendie, soit scinder les cellules existantes via un dispositif séparatif « coupe-feu 2 heures » (REI 120), et le compléter par des dispositifs de désenfumage.

Enfin, chaque ICPE doit tenir à jour un dossier, mis à disposition de l'inspection des installations classées. Ce dossier sera désormais complété par les rapports des assureurs, et particulièrement leurs analyses de risques. Dans la mesure où les audits des assureurs sont fréquents, ces nouvelles informations seront sûrement observées attentivement par l'administration.

L'ensemble de ces nouvelles prescriptions techniques contribuera vraisemblablement à améliorer la sécurité des sites ICPE du secteur de la logistique, si elles sont appliquées.

Vers la disparition du régime d'autorisation ICPE dans le secteur de la logistique ?

Dans le contexte du retour d'expérience « post-Lubrizol », le ministère propose, de manière surprenante, un assouplissement majeur de la nomenclature ICPE et de l'évaluation environnementale.

Concernant la nomenclature ICPE, le seuil de l'autorisation de la rubrique 1510 est relevé de 300 000 m³ à 900 000 m³. De plus, le régime d'autorisation ICPE est purement supprimé pour les rubriques 1530, 2662 et 2663.

Il convient de rappeler que le régime de l'autorisation ICPE est le plus exigeant en matière de prévention des risques et de protection de l'environnement. Seul ce régime prévoit une étude de dangers ainsi qu'une fréquence d'inspection entre trois à cinq ans (contre sept ans pour les ICPE à enregistrement).

En pratique, cette réduction drastique du périmètre de l'autorisation ICPE aura pour conséquence directe une baisse du nombre de contrôles. Cela contrevient pourtant à l'objectif affiché par le ministère de renforcer la sécurité des entrepôts et les moyens alloués à l'inspection des ICPE.

Dans un secteur qui peine à intégrer la réglementation ICPE, cet allègement pourrait mener certains exploitants à reporter la mise en conformité de leur site, tant il est vrai qu'une réglementation méconnue et rarement contrôlée a peu de chance d'être pleinement appliquée.

Concernant l'évaluation environnementale, son périmètre est également réduit. Auparavant, tout projet créant une surface de plancher supérieure ou égale à 40 000 m2 était soumis à évaluation environnementale. Désormais, seuls les projets créant au minimum 40 000 m2 situés dans un espace non urbanisé seront soumis à évaluation environnementale.

Il s'agit d'une réduction du périmètre de l'évaluation environnementale systématique et, par conséquent, d'un renforcement de la procédure dite « au cas par cas ». Pourtant, cette procédure est largement critiquée en raison de la baisse du nombre des évaluations environnementales qui en résulte en pratique.

Dès lors, nous constatons une certaine dissonance entre les objectifs annoncés par le Gouvernement et les assouplissements envisagés de la nomenclature ICPE et de l'évaluation environnementale, dont les conséquences en matière de sécurité et de protection de l'environnement ne seront pas neutres.

Conclusion

Les projets d'arrêté et de décret visant à modifier la réglementation environnementale applicable aux entrepôts ne semblent répondre que partiellement aux attentes de la société civile et à celles du secteur de la logistique.

Concernant la société civile, les attentes sont fortes suite à l'incendie « Lubrizol ». Sont ainsi réclamés plus de moyens, plus de contrôles et plus d'informations et de participation du public.

La Convention citoyenne pour le climat témoigne de ces préoccupations. En effet, une de ses propositions, listée dans le rapport du 26 juin 2020, consiste à « contrôler et sanctionner plus efficacement et rapidement les atteintes aux règles en matière environnementale » (proposition C.6.1).

Or, si les textes actuellement en consultation introduisent de nouvelles obligations en matière de sécurité des entrepôts, les modifications visant à alléger la réglementation environnementale contreviennent à ces attentes.

Concernant le secteur de la logistique, celui-ci requiert une réglementation plus lisible et davantage de sécurité juridique. Or la rédaction adoptée ne semble pas clarifier la norme, surtout s'agissant des nouvelles modalités de classement. De plus, le fait d'alléger la nomenclature des ICPE et l'évaluation environnementale fait courir un risque contentieux aux projets de textes, qui pourraient être annulés pour non-respect du principe de non-régression du droit de l'environnement.

Selon ce principe, prévu par l'article L. 110-1, 9° du code de l'environnement, la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment.

De surcroît, les nouvelles prescriptions techniques impliqueront d'importants investissements, dans un délai relativement court pour un secteur très concurrentiel. Or, dans le même temps, l'assouplissement de la nomenclature ICPE entraîne un allègement des contrôles, laissant douter de l'effectivité de ces nouvelles prescriptions.

Enfin, une approche pragmatique était attendue par les exploitants. À l'instar de l'attestation de capacité de transport de marchandises, une obligation de formation en droit des ICPE serait pertinente. La création d'une « attestation de capacité de stockage de marchandises en entrepôt ICPE » contribuerait sans doute à l'effectivité de la réglementation.

La « flexisécurité environnementale » est à l'œuvre : flexibilité des régimes administratifs et de l'évaluation environnementale et en même temps renforcement de la sécurité des entrepôts grâce à des prescriptions techniques. Toutefois, ces allègements réglementaires pourraient être appréciés comme une régression par les juridictions.

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