lundi 7 décembre 2020

La pollution des océans « augmente en silence » et implique des effets sur la santé humaine

 À plus de 80 %, les sources de pollution des océans se trouvent à terre, explique un rapport présenté ce jeudi 3 décembre.

Les déchets plastiques constituent la source de pollution des océans la plus visible, mais d’autres formes de pollution marine « augmentent en silence », avec des effets sur la santé humaine qu’on commence seulement à comprendre, pointe un rapport présenté à Monaco ce jeudi 3 décembre.

Publiée dans la revue américaine Annals of GlobalHealth , cette étude dresse la liste des problèmes : les marées noires dont « la fréquence a augmenté ces dernières années », les pesticides et fertilisants utilisés dans l’agriculture intensive qui « étendent les micro-algues toxiques à des régions épargnées jusqu’alors », le mercure issu de l’extraction de l’or ou de la combustion du charbon, ou encore les produits chimiques industriels ou pharmaceutiques.

Une source de pollution terrestre

À plus de 80 %, la source de ces pollutions se trouve à terre, souligne le rapport qui montre aussi la voie à suivre et fixe des priorités pour la recherche. « C’est le premier à examiner de manière très complète l’impact total de la pollution des océans », détaille le Dr Philip Landrigan, épidémiologiste américain rattaché à l’université Boston-College et coordinateur de ce rapport, signé par une quarantaine de scientifiques de 40 pays différents.

Insidieuse, la pollution des océans contribue à des cas d’infections, d’intoxications alimentaires, comme la ciguatera, une préoccupation récurrente aux Antilles et aux Caraïbes, ou même de choléra, comme au large du Yémen en guerre.

« La bactérie du choléra est normalement présente en très petite quantité dans l’océan, mais sous l’effet combiné du réchauffement de la mer et du rejet de déchets, elle se multiplie et touche de nouvelles zones », décrit le Dr Landrigan.

« Quand l’océan est pollué, il nourrit des algues dont certaines produisent des toxines très puissantes qui vont dans les huîtres, les moules ou les poissons. Les huîtres peuvent sembler parfaites, avoir très bon goût, mais quand on les mange, en quelques minutes, les gens font un malaise ou décèdent parfois », ajoute-t-il.

« Reconnaître la gravité de la pollution des océans »

Une « Déclaration de Monaco » invitant les dirigeants mondiaux et les citoyens du monde entier à « reconnaître la gravité de la pollution des océans et ses dangers croissants » a été approuvée par les scientifiques, médecins et autres intervenants à un symposium, organisé en Principauté, avec le partenariat de l’organisation mondiale de la santé (OMS).

« Comme toutes les formes de pollution, la pollution des océans peut être évitée et contrôlée », souligne cette déclaration qui met en exergue les succès déjà obtenus notamment dans des ports ou des estuaires pollués.

La déclaration invite à persévérer : « Les interventions contre la pollution des océans sont très rentables. Elles ont permis de stimuler les économies, d’augmentation le tourisme et la restauration de la pêche. Ces avantages perdureront durant des siècles. »

 

 

mardi 1 décembre 2020

Une vaste étude confirme les risques de cancer encourus par les agriculteurs français

 De nouveaux résultats du suivi de 180 000 éleveurs et cultivateurs dénombrent une proportion accrue de lymphomes, leucémies ou cancers de la prostate, notamment chez ceux exposés aux pesticides. 

Lymphomes, leucémies, mélanomes, tumeurs du système nerveux central ou cancers de la prostate : une grande part des activités agricoles comportent des risques accrus de développer certaines maladies chroniques. C’est le constat saillant du dernier bulletin de la cohorte Agrican, adressé mercredi 25 novembre aux 180 000 adhérents de la Mutuelle sociale agricole (MSA) enrôlés dans cette étude épidémiologique, la plus importante sur le sujet conduite dans le monde.

Plus d’une décennie après le lancement de ce travail de longue haleine, c’est le troisième bulletin publié par les chercheurs chargés du projet, et le premier à pouvoir associer finement des pathologies cancéreuses à certaines tâches et activités remplies par les agriculteurs, en production animale et végétale. Il se fonde sur plus d’une dizaine d’articles de recherche publiés au cours des dernières années dans la littérature scientifique internationale. Plus d’un million de personnes en activité en France, exploitants ou salariés d’exploitations, sont concernées.

Le premier constat est néanmoins que les membres de la cohorte ont un taux de mortalité plus faible de 25 % environ à la population générale. Un chiffre que les chercheurs invitent à considérer avec précaution, en raison du biais dit du « travailleur en bonne santé », bien connu des épidémiologistes. En effet, les cohortes de travailleurs comme Agrican rassemblent par construction des populations en situation de travailler, donc ne souffrant pas d’un certain nombre d’affections.

Autre constat, qui semble au premier abord contre-intuitif : celui d’une incidence légèrement moindre des cancers chez les agriculteurs par rapport à la population générale : respectivement 7 % et 5 % de cancers en moins chez les hommes et les femmes de la cohorte.

 

 

 

 

mardi 24 novembre 2020

Un pesticide SDHI épinglé pour ses effets sur le développement cérébral

 Selon des travaux publiés dans la revue « Chemosphere », l’exposition de poissons-zèbres au fongicide bixafen, commercialisé par Bayer, altère le développement de leur cerveau et de leur moelle épinière. 

Les fongicides dits « inhibiteurs de la succinate déshydrogénase » (ou SDHI) présentent-ils des risques sanitaires et environnementaux incontrôlables ? Depuis trois ans, une vive controverse oppose un groupe de chercheurs du monde académique, qui alertent sur les risques que font peser ces pesticides, et les autorités sanitaires pour qui cette alerte n’est pas suffisamment étayée. Cette dispute suscite une intensification de la recherche sur ces substances. En témoignent des travaux tout juste publiés dans la revue Chemosphere, montrant sur un modèle animal la toxicité pour le développement cérébral de l’un des SDHI les plus populaires, le bixafen, commercialisé par Bayer. Un résultat d’autant plus frappant que les concentrations testées par les chercheurs sont relativement faibles et, surtout, que les propriétés neurotoxiques de ce pesticide n’ont pas été évaluées par les autorités sanitaires avant son autorisation, il y a un peu moins d’une décennie.

Conduits par la biologiste Nadia Soussi-Yanicostas (CNRS), chercheuse au laboratoire NeuroDiderot (hôpital Robert-Debré, Inserm, université de Paris), les auteurs ont utilisé un modèle animal devenu ces dernières années la star des laboratoires : le poisson-zèbre (Danio rerio). Ils ont exposé des embryons de ce petit vertébré à de faibles concentrations de bixafen et ont analysé les effets de ce traitement sur le développement de leur système nerveux central (cerveau et moelle épinière). « Le poisson-zèbre est un excellent modèle pour anticiper ce qui peut se produire chez l’humain, car une grande part des mécanismes de construction du système nerveux ont été bien conservés au cours de l’évolution », explique Mme Soussi-Yanicostas. Les chercheurs ont utilisé des embryons transgéniques aux neurones fluorescents, afin de pouvoir observer in vivo, par microscopie, l’effet du traitement sur le développement du cerveau et de la moelle épinière.

 

Le rapprochement entre la FAO et le lobby des pesticides inquiète scientifiques et ONG

 L’agence onusienne a signé une « lettre d’intention » formalisant un rapprochement stratégique avec CropLife, l’association qui représente les principaux fabricants de pesticides dans le monde. 

L’annonce en octobre de la signature d’une lettre conjointe entre l’Agence des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) et CropLife International (CLI), principale association représentant les intérêts des fabricants de pesticides (Bayer Crop Science, Corteva, Syngenta, BASF), suscite des réactions en cascade. Jeudi 19 novembre, deux courriers ont été remis à la FAO – l’un signé par près de 300 scientifiques et universitaires, l’autre par 350 organisations de la société civile –, demandant à l’agence onusienne de renoncer à se rapprocher de CropLife. Les deux lettres sont adressées au directeur général de la FAO, Qu Dongyu, élu en juin 2019 à la tête de l’organisation.

« Votre proposition de renforcer la collaboration entre la FAO et CropLife mine la politique de la FAO pour réduire les risques associés à l’usage de pesticides dans le monde », écrivent les scientifiques dans leur courrier. Selon les auteurs de cette missive – parmi lesquels des agronomes, des professeurs en sciences de l’environnement et en toxicologie, ou encore David Michaels, l’ancien responsable de l’agence américaine pour la santé au travail, OSHA –, ce partenariat représente « un conflit d’intérêts fondamental avec la mission et le mandat des Nations unies pour protéger la biodiversité, soutenir les biens publics et respecter et protéger les droits humains comme le droit à la santé, à un environnement de travail sûr, à un air et à une eau propres ». La lettre des associations, signée notamment par le réseau Pesticide Action Network (PAN), l’Insitute for Agriculture and Trade Policy (IATP) et Les Amis de la Terre, renchérit : une telle collaboration signifierait que « la FAO renonce à son rôle de leader mondial du soutien aux approches agricoles innovantes », selon ses signataires.

 

lundi 16 novembre 2020

Les bisphénols issus des microplastiques affectent le cerveau – et il y en a de plus en plus dans l’océan

 

Des tonnes de plastique sont produites chaque année, et la plupart des déchets finissent dans les océans et les mers comme la Méditerranée. Un des gros problèmes de cette pollution aux plastiques n’est pas ce que nous pouvons voir à l’œil nu – les sacs ou les emballages – mais bien ce que nous ne pouvons pas voir : les petits morceaux appelés « microplastiques », et aussi les molécules qui les composent. Des microplastiques ont été détecté pour la première fois dans des tissus humains. Ils présentent un risque pour notre santé, car ils libèrent de petites quantités de molécules toxiques, comme le tristement célèbre bisphénol A.

Le bisphénol A perturbe notamment le développement du cerveau. Nous étudions comment il affecte les animaux marins et leur développement, et comment ces informations pourraient être importantes pour les humains.

D’où vient la toxicité du bisphénol A ?

La toxicité de molécules chimiques comme le bisphénol A repose sur leur petite taille et leur facilité à traverser les membranes cellulaires. De plus, leur structure est très similaire aux hormones, les œstrogènes par exemple. Dans une situation normale, les hormones contrôlent notre système endocrinien en se liant sur des récepteurs spécifiques qui régissent de nombreuses étapes de la vie animale. Si on imagine ces « récepteurs nucléaires » comme de grosses pièces de Lego, le bisphénol A et les autres « perturbateurs endocriniens » sont de petites pièces de Lego qui s’accrochent très facilement au récepteur. Avec pour conséquence d’activer ou d’inhiber certains processus hormonaux, ce qui aura un effet indésirable dans notre corps.

Nous avons bien sûr besoin d’hormones au cours de notre vie, mais uniquement à certains moments, par exemple lorsqu’une femme accouche pour les œstrogènes, et à une dose spécifique. Plusieurs études ont montré qu’être exposé à des perturbateurs endocriniens d’une manière chronique, même en petites quantités, peut dérégler les récepteurs nucléaires, et donc le système endocrinien. Ce dérèglement du système endocrinien a été associé à des problèmes de santé très variés : infertilité, cancer du sein, diabètes, obésité, maladies cardiovasculaires, malformations congénitales, et maladies associées au développement du cerveau. En ce qui concerne ce dernier, quelques études ont associé la présence des bisphénols avec des troubles du comportement, par exemple l’autisme, ou le fait que ces molécules peuvent affecter nos capacités cérébrales.

Comment ces molécules impactent-elles le développement du cerveau ?

Les premiers effets du bisphénol A sur le développement ont été découverts par hasard

En 1992, le Dr Feldman et son groupe de recherche de l’université de Stanford pensaient que leurs cultures de levure produisaient une molécule œstrogénique. Il s’est avéré que ce n’était pas la levure qui synthétisait l’œstrogène, mais plutôt la dissolution du tube en plastique où les levures poussaient.

En 1998, la généticienne Patricia Hunt de la Case Western Reserve University remarquait un changement bizarre dans les œufs des souris femelles qu’elle étudiait : 40 % des œufs montraient une anomalie dans leurs chromosomes (taux bien plus élevé que ce qui est observé habituellement). Hunt remarqua alors que ses cages de souris recouvertes de plastique polycarbonate semblaient fondre, et découvrit que les cages avaient été lavées par erreur avec un détergent hautement alcalin. Après un véritable travail de détective, Hunt et ses collègues ont prouvé que les anomalies chromosomiques des œufs étaient créées par le bisphénol A dissous du plastique endommagé.

Depuis 1998, plusieurs travaux ont montré la toxicité du bisphénol A en utilisant des modèles vertébrés comme la souris et le poisson-zèbre, et quelques modèles invertébrés comme le ver Caenorhabditis elegans et le crustacé Daphnia magna.

Les bisphénols affectent le développement du cerveau d’ascidie

Dans notre laboratoire, on utilise les embryons d’ascidie pour étudier l’effet du bisphénol A sur le développement. Les ascidies sont des animaux marins « filtreurs », c’est-à-dire qu’ils se nourrissent en filtrant l’eau de mer. Les microplastiques sont suffisamment petits pour être absorbés par les ascidies, qui ingèrent aussi par conséquent les molécules toxiques associées.

Difficile à imaginer vu leurs apparences, mais les ascidies sont considérées comme des « cousins » de l’humain parmi les invertébrés, d’un point de vue « phylogénétique » : des études en évolution ont montré que les ascidies appartiennent au groupe des « chordés », c’est-à-dire que l’embryon d’ascidie possède un cerveau centralisé lié à un tube nerveux et une corde dorsale. La simplicité et la transparence des embryons d’ascidie, ainsi que la présence de récepteurs nucléaires dans leur génome, font de ces animaux un système puissant pour découvrir les mécanismes impliqués dans les « modes d’action » des perturbateurs endocriniens. Une fois les mécanismes connus, on peut non seulement comprendre plus en détail l’effet de la pollution sur la faune marine, mais aussi comprendre comment ces perturbateurs endocriniens peuvent affecter les vertébrés, dont les humains, vu qu’ils partagent les mêmes récepteurs.

Au cours de ma thèse, nous avons découvert que le bisphénol A induit une toxicité neuro-développementale chez l’embryon d’ascidie. Plus précisément, la présence du bisphénol A dans le milieu marin provoque une malformation du cerveau de la larve, en diminuant la pigmentation et la taille des cellules sensorielles (celles qui permettent à la larve de nager dans la bonne direction). Alors qu’en absence de bisphénol A, ces cellules se forment ensemble et se séparent à la fin du développement, avec bisphénol A elles ne se séparent jamais – ce qui nous indique aussi une fenêtre d’action du bisphénol A très précise dans le temps. Le bisphénol E et bisphénol F provoquent aussi le même effet.

Un récepteur très sensible dans le cerveau

Mais la découverte plus importante de cette étude est la présence d’un récepteur nucléaire dans le cerveau de la larve d’ascidie, précisément au moment où les cellules sensorielles se développent. Il est appelé estrogen-related receptor ou « ERR » et il peut lier fortement le bisphénol A.

Dans le cerveau humain et celui du poisson-zèbre, ce récepteur lie aussi le bisphénol A. Chez l’humain, le récepteur ERR est très souvent associé aux cancers du sein et de la prostate, mais jusqu’à présent peu d’études se concentrent sur son rôle potentiel dans le cerveau.

Pour vérifier notre hypothèse selon laquelle le récepteur ERR peut être impliqué dans le développement du cerveau de la larve d’ascidie, nous avons exposé les embryons à d’autres molécules connues pour se lier à ce récepteur ERR (le diéthylstilbestrol et le tamoxifène). Nous avons observé un effet similaire – une malformation des cellules sensorielles du cerveau.

Il reste maintenant beaucoup de travail à faire : tout d’abord il faut prouver la liaison du bisphénol A au récepteur ERR de l’ascidie ; puis, il faut établir le rôle de ce récepteur nucléaire dans le cerveau et répondre à la question : comment est-il impliqué dans les malformations du cerveau lorsqu’il est lié par le bisphénol A ? La réponse à cette question aidera non seulement à mieux comprendre l’effet de la présence de molécules issues du plastique dans les animaux marins, mais aussi à mieux comprendre la complexité du mode d’action des perturbateurs endocriniens chez les vertébrés, afin de prouver aux agences gouvernementales à quel point elles peuvent être dangereuses pour l’environnement, et par conséquent limiter encore plus la production et l’utilisation de ces plastiques.

 « Nous sommes liés à l’océan. Et quand nous retournons à la mer – que ce soit pour naviguer ou pour la regarder, nous revenons d’où nous venons. » (John F. Kennedy, 1962)

 

 

 

mercredi 4 novembre 2020

Des pesticides retrouvés partout dans l'environnement, même dans les vers de terre

 Plusieurs études ont été consacrées à la rémanence des produits phytosanitaires dans l’air et l’eau, mais peu de travaux avaient été menés sur les sols et encore moins à l’échelle d’un paysage agricole comprenant des parcelles traitées mais aussi des champs bio, des prairies et des haies. On sait désormais que les pesticides migrent dans tout l’environnement.

Spécialiste des vers de terre à l’Institut national pour la recherche agronomique, l’alimentation et l’environnement (Inrae), Céline Pelosi se penche depuis longtemps sur les impacts des pesticides sur ces acteurs essentiels de la fertilité des sols. “On s’est aperçu qu’il n’y avait pas eu de recherches faites sur la présence de "cocktails" de multiples pesticides dans les sols non traités, les haies et les petits bois considérés comme des refuges pour la faune et la flore et on a voulu corriger ce manque”, explique la chercheuse. Ses travaux viennent d’être publiés dans la revue scientifique Agriculture, Ecosystems & Environment. Ils révèlent une contamination ubiquitaire n’épargnant aucun élément de la nature.

La zone atelier Plaine et val de Sèvres est une plaine céréalière de 450 km² située à quelques kilomètres de la ville de Niort (Deux-Sèvres) qui est suivie depuis des décennies par le CNRS. L’endroit idéal pour lever le nez de la parcelle agricole et considérer tout ce qui l’entoure. Au printemps 2016, les chercheurs ont choisi 60 zones de 1 km² où ils ont prélevé des échantillons de sol sur 5 centimètres de profondeur, capturé des vers de terre (de l’espèce Allolobophora chlorotica vivant à la surface du sol et donc plus exposée aux épandages de pesticides que les espèces vivant plus en profondeur). 53 prélèvements ont été faits sur des champs de céréales traités aux pesticides, 7 sur des parcelles en bio, 34 dans des prairies traitées, et 26 sur des prairies permanentes non traitées. 60 sols de haies ont également été récupérés. Au total, 180 échantillons de sol et 155 vers de terre (qui étaient absents de 25 lieux échantillonnés) ont été analysés.

Une présence ubiquitaire à des teneurs très élevées

Les chercheurs ont procédé à une analyse multi-résidus. Ils ont cherché 31 produits phytosanitaires répandus, la grande majorité d’entre eux en usage actuellement et 2 interdits d’usage depuis quelques années. Aucun des échantillons de sol n’est indemne de traces de pesticides et 90 % contiennent plusieurs molécules en mélange d’herbicide, fongicide et insecticide. Ce sont bien des pesticides d’usage courant qui ont été retrouvés le plus souvent à des concentrations invraisemblablement élevées. Ainsi, l’herbicide diflufénican a été retrouvé dans 162 échantillons sur 180 avec un record de concentration de 1361 nanogrammes par gramme (ng/g) alors que la valeur maximale attendue dans les sols est de 405 ng/g.

 

 

vendredi 2 octobre 2020

La sécheresse perturbe la capacité de stockage de carbone des écosystèmes

En 2018, les puits de carbone en Europe ont baissé de près de 20 %, et le rendement des cultures de 40 % au Nord et à l'Est de l'Europe, indique une série d'études publiées par le réseau européen Icos en septembre dans la revue Philosophical Transactions B. Cette année-là, la sécheresse a touché une grande superficie en Europe et entraîné des records de température, indique le Cirad, qui a participé aux recherches. L'objectif de ces travaux est de mieux comprendre les effets du changement climatique pour développer des stratégies d'adaptation.

« L'Europe centrale a enregistré des précipitations jusqu'à 80 % inférieures à la normale au printemps, à l'été et à l'automne, et des températures caniculaires qu'elle n'avait pas connues depuis les années 50 », souligne le centre de recherche. Avec à la clé, une diminution des puits de carbone forestiers, des pertes de récoltes, un brunissement des prairies.

« Les forêts se sont protégées de la chaleur en réduisant leur évaporation et leur croissance, ce qui a entraîné une baisse de l'absorption de dioxyde de carbone : pour ces écosystèmes, les puits de carbone ont diminué de 18 % par rapport à une année normale ». Le fonctionnement de certains écosystèmes a été inversé : certains d'entre eux sont passés de puits à sources de carbone, note le Cirad. « En revanche, les tourbières réhumidifiées semblent avoir mieux survécu, notamment grâce à la croissance de nouvelles plantes. Ceci est une bonne nouvelle, car la réhumidification des tourbières est l'une des méthodes les plus couramment utilisées pour atténuer les conséquences du changement climatique ». 

Une étude, publiée dans Science en mai dernier, indiquait déjà qu'environ trois quarts des forêts tropicales pourraient devenir émettrices de carbone à cause du réchauffement climatique.

jeudi 17 septembre 2020

Cancers : l’incroyable aveuglement sur une hausse vertigineuse

 De nombreux types de cancers se multiplient très rapidement depuis deux décennies. Pourtant, l’information sur leur chiffre est lacunaire. Mais l’État ferme les yeux, et rejette la responsabilité sur les comportements individuels, plutôt que sur les polluants.

Voilà un fait étonnant : on ne sait pas combien de cancers surviennent en France chaque année. Ce chiffre n’existe pas, il n’a pas été produit. On ne sait pas exactement combien de cancers surviennent, on ne sait pas où ils surviennent. Quand Santé publique France, l’agence de veille sanitaire, annonce, par exemple, 346.000 cas de cancers pour l’année 2015, il s’agit d’une estimation réalisée à partir des registres des cancers, qui couvrent entre 19 et 22 départements selon le cancer étudié, soit 22 % du territoire national. « Cette méthodologie, précise le dernier bilan publié en 2019, repose sur l’hypothèse que la zone géographique constituée par les registres est représentative de la France métropolitaine en termes d’incidence des cancers. »

Pourtant, le Tarn, l’Hérault ou le Finistère, couverts par des registres, sont des départements relativement épargnés par l’urbanisation et l’industrie. En revanche, les cancers dans certaines des principales métropoles du pays, comme Paris, Marseille et Toulouse, ne sont pas décomptés. Et comme le montre une enquête publiée par Le Monde, les départements les plus concernés par les sites Seveso ne sont pas non plus couverts par les registres : la Moselle (43 sites Seveso seuil haut), la Seine-Maritime (47), les Bouches-du-Rhône (44). Un complot ? Non. Cela démontre simplement que connaître les conséquences des pollutions urbaines et industrielles n’a pas figuré jusqu’ici au premier rang des préoccupations des épidémiologistes.

« Historiquement, la mise en place des registres des cancers correspond à des initiatives locales isolées », justifie le professeur Gautier Defossez, responsable du registre des cancers du Poitou-Charentes. Elles ont ensuite été coordonnées par un comité national des registres. La surveillance des zones industrielles et urbanisées est d’intérêt, seulement nous n’en avons pas les moyens. » Question naïve : étant donné que la quasi-totalité des soins liés aux cancers est prise en charge par l’Assurance maladie, pourquoi n’est-il pas possible de travailler à partir de ses chiffres ? « Cela nécessiterait de changer la méthodologie, car les registres différencient plus finement les types de cancer que les bases de données de l’Assurance maladie. Surtout, ce sont des données sensibles auxquelles nous n’avons pas accès », déplore le professeur. Des obstacles qui laissent songeur, dans une société de l’information où le moindre clic est enregistré dans des bases de données, absorbé dans des statistiques et mouliné par des algorithmes, et où toutes les conversations téléphoniques peuvent être localisées et enregistrées à des fins de surveillance policière.

Épidémie de cancers et de leucémies à proximité d’un centre de stockage de déchets nucléaires

Dans un tel monde, il ne serait pas absurde de supposer l’existence d’une cellule de veille sanitaire dotée des moyens de cartographier presque en temps réel les cas de cancers recensés au moyen des fichiers des hôpitaux, voire signalés par un numéro vert. Si un taux anormal de telle ou telle tumeur apparaissait dans un lieu donné, par exemple – à tout hasard autour d’une usine d’engrais ou d’une centrale nucléaire — une zone de la carte se mettrait à clignoter… Visiblement, un tel dispositif pourrait intéresser du monde. Entre 2010 et 2015, Santé publique France a reçu une cinquantaine de signalement de taux de cancers anormaux dans des zones industrielles ou agricoles, comme dans l’Aube, près de Soulaines-Dhuys, où l’on observe une épidémie de cancers du poumon, du pancréas et de leucémies à proximité d’un centre de stockage de déchets nucléaires [1]

Surtout, les estimations des taux de cancer dont on dispose devraient nous inciter d’urgence à nous intéresser aux conséquences de notre environnement dégradé. Selon Santé publique France, entre 1990 et 2018, donc en près de trente ans, l’incidence – le nombre de nouveaux cas de cancers sur une année – a augmenté de 65 % chez l’homme et de 93 % chez la femme. Est-ce uniquement parce que la population augmente et vieillit, comme on l’entend souvent ? Non ! Pour 6 % chez l’homme et pour 45 % chez la femme, cette tendance n’est pas attribuable à la démographie. Certains cancers sont en recul, comme le cancer de l’estomac, grâce au traitement de la bactérie Helicobacter pylori [2] et, en gros, à la généralisation des frigos [3], de même que les cancers du larynx, du pharynx, de la lèvre et de la bouche, en grande partie grâce aux campagnes de lutte contre l’alcoolisme et le tabagisme. En revanche, les cancers de l’intestin, du poumon, du pancréas augmentent chaque année en moyenne de 2 à 5 % depuis trente ans. Chez les hommes, les cancers de la prostate et des testicules augmentent de plus de 2 % par an. Chez les femmes, les cancers du foie, de l’anus et du pancréas ont bondi de plus de 3 % par an en moyenne depuis 1990. Pour les deux sexes, les cancers de la thyroïde ont augmenté de 4,4 % par an. Petite précision : 4,4 % par an, c’est beaucoup, puisque cela représente une hausse de 234 % en 28 ans.

Entre 1990 et 2013, l’incidence dans le monde du cancer du sein a progressé de 99 %

Pourquoi le cancer du sein a-t-il progressé de 99 % en vingt-trois ans ? Comment expliquer des progressions aussi spectaculaires ? Dans un petit livre pédagogique, le toxicologue André Cicollela s’est employé à éclaircir la question en s’arrêtant sur le cancer du sein, dont une Française sur huit sera atteinte au cours de sa vie. Entre 1990 et 2013, son incidence dans le monde a progressé de 99 %, dont 38 % seulement en raison du vieillissement de la population.

Cette hausse serait-elle un simple effet du dépistage, lié au fait qu’on détecte mieux les tumeurs ? En France, le dépistage généralisé n’a commencé qu’en 2004, alors que la maladie progresse depuis 1950. Par ailleurs, les pays où le dépistage est systématique (comme la Suède) ne sont pas ceux où l’incidence est la plus haute. Il s’agit donc d’une véritable épidémie, au sens originel d’epi-dêmos, une maladie qui « circule dans la population », quoique non contagieuse, et même d’une pandémie, puisqu’elle s’étend au monde entier. Si l’on s’en tient aux chiffres produits par les États, le pays le plus touché serait la Belgique, avec 111,9 cas pour 100.000 femmes par an (contre 89,7 pour la France). Utilisant des taux qui prennent en compte les disparités démographiques comme celle du vieillissement, Cicollela compare méthodiquement cette situation avec celle du Bhoutan, un pays de taille comparable, dont le système de santé est gratuit et fiable. L’incidence du cancer du sein y est la plus faible au monde : 4,6 cas pour 100.000 femmes.

Des différences génétiques entre populations peuvent-elles expliquer de telles disparités ? Non, nous dit le toxicologue. Plusieurs études montrent que « les femmes qui migrent d’un pays à l’autre adoptent rapidement le même taux que celui de leurs nouvelles concitoyennes ». En une génération, le taux de cancer du sein des migrantes sud-coréennes aux États-Unis a doublé, de même que celui des migrantes iraniennes au Canada rattrape celui des Canadiennes, etc.

Bien plutôt, conclut Cicolella, le Bhoutan se distingue de la Belgique en ce que ce dernier, jamais colonisé, n’a pas connu de « révolution industrielle, pas de révolution verte à base de pesticides non plus, pas de pollution urbaine » et a gardé longtemps un mode de vie traditionnel. Le cancer du sein, pour l’immense majorité des cas, est donc le fruit d’un système industriel. Causes environnementales suspectées ou avérées : les traitements hormonaux (pilule y comprise), les champs électromagnétiques, la radioactivité, les perturbateurs endocriniens (pesticides, additifs, dioxines, bisphénol, tabac, etc.) et d’autres produits issus de la chimie (benzène, PVC, solvants, etc.).

Les épidémiologistes sous-estiment les conséquences de la pollution dans l’incidence du cancer

Vous avez trois minutes devant vous ? Le cancer vous préoccupe ? Alors rendez-vous sur le site internet de l’Institut national du cancer (Inca) pour faire le quiz Prévention cancers : 3 minutes pour faire le point. Bilan personnel : en cliquant sur les pastilles rouges assorties d’un point d’exclamation, j’apprends que ma consommation d’alcool, associée à une faible activité physique, m’expose à un sur-risque de cancer du sein. Pour ne pas me décourager, l’Inca annonce en gros titre que « 41 % des cancers peuvent être prévenus en changeant son mode de vie » : « En 2015, en France, 142.000 nouveaux cas de cancer seraient attribuables à des facteurs de risque modifiables. » L’importance respective de ces « facteurs de risque modifiables » est illustrée par un joli diagramme échelonnant divers facteurs de risque au premier rang desquels figurent le tabac (19,8 %), l’alcool (8 %) et la qualité de l’alimentation (consommation ou non de viande rouge, fruits, fibres, etc. – 5,4 %). Tout en bas du diagramme figurent les « substances chimiques de l’environnement », qui ne seraient responsables que de 0,1 % des cancers. Pour parachever ce qui a tout l’air d’une démonstration, suit un autre gros titre : « Croyance : plus de cancers attribués à la pollution qu’à l’alcool ». Cette dénonciation de l’ignorance populaire est assortie d’un sondage : « En 2015, plus des deux tiers des Français pensaient que "la pollution provoque plus de cancers que l’alcool", alors que […] la pollution de l’air extérieur est responsable de moins de 1 % des nouveaux cas de cancers dus à des facteurs de risque modifiables. »

 

Tout d’abord, arrêtons-nous sur cette formule : n’est-il pas étonnant que la « pollution » soit ici résumée à « la pollution de l’air extérieur » ? Qu’en est-il des pesticides, des nanoparticules, des perturbateurs endocriniens, des phtalates, des métaux lourds que nous ingurgitons à travers les aliments, l’eau, les cosmétiques et les textiles ? Des expositions professionnelles à toutes sortes de produits cancérigènes probables, possibles ou avérés dont aucun n’est interdit, sauf l’amiante ? Il suffit de se reporter au diagramme pour voir que diverses sources de pollutions y sont séparées en autant de facteurs de risque induisant, chacune, de très faibles pourcentages de cas de cancers. Un découpage pour le moins arbitraire. En effet, la catégorie « substances chimiques de l’environnement » pourrait très facilement recouvrir un grand nombre de cancers attribués à l’obésité et au surpoids, eux-mêmes en partie causés par les additifs alimentaires, les pesticides, les perturbateurs endocriniens [4]… Elle pourrait aussi absorber en partie les cases « expositions professionnelles », « radiations ionisantes ». En s’amusant à redécouper ces catégories, on obtiendrait un taux à deux chiffres, et la pollution deviendrait l’une des principales causes de l’épidémie de cancers actuelle – de quoi démontrer que la croyance du bas peuple n’est pas tout à fait dénuée de fondement…

D’autres biais importants conduisent les épidémiologistes à sous-estimer les conséquences de la pollution dans l’incidence du cancer. Ainsi le diagramme mentionné, est-il précisé, ne prend en compte que des facteurs de risque et des localisations de cancer associés pour lesquels le lien de causalité est déjà scientifiquement bien établi, comme le benzène pour les leucémies, l’amiante pour les cancers du poumon. Mais s’il serait déjà impossible d’évaluer expérimentalement la nocivité des 248.055 substances chimiques dûment enregistrées et réglementées à ce jour, et encore moins leurs effets combinés, que dire des… 35 millions de substances chimiques différentes qui sont aujourd’hui commercialisées ? [5]

Par ailleurs, que signifie « substance cancérogène » ? « Traditionnellement, on ne considère une substance comme cancérogène que si elle provoque par elle-même des cellules cancéreuses, explique André Cicolella. Or la biologie du cancer a progressé : on sait maintenant que de nombreuses substances interviennent dans les très nombreux mécanismes du micro-environnement de la tumeur. Par exemple, le bisphénol A et certains fongicides favorisent la vascularisation des cellules cancéreuses. » Cela n’est pas pris en compte dans les estimations présentées au public.

Qu’est-ce qu’un « cancer évitable » ?

Au-delà d’un problème de déontologie, qui tient au fait de marteler comme des faits scientifiques des affirmations biaisées, cette approche traduit surtout une stratégie de santé publique : lutter contre le cancer en appelant chacun à modifier son comportement. Ce n’est pas forcément une mauvaise idée, comme le montre la baisse d’incidence de certains cancers liés au tabagisme chez l’homme. Il est bien légitime que les politiques de santé publique incitent les gens à ne pas fumer, boire modérément, faire du sport et manger des légumes. Le problème vient de cette manière de s’adresser à tout un chacun en tant qu’Homo hygienicus en négligeant de penser la question sanitaire en termes de justice sociale. Nous sommes loin d’être égaux et égales face à ces facteurs de risque. Manger bio coûte plus cher. Une équipe de l’Inserm est même parvenue à mesurer que la fréquentation des supermarchés discount faisait grossir, compte tenu de la faible qualité de produits bourrés d’additifs, de sucre, etc. La possibilité de pratiquer un sport reste un privilège pour les familles surmenées par la précarisation galopante de l’emploi. Bref, la notion de « comportement » recouvre un faisceau de déterminismes sociaux, ce qui aboutit à culpabiliser les classes populaires avec leurs prétendues « mauvaises habitudes » qui leur sont largement imposées – ne serait-ce que par un cadre de vie dans lequel on tombe plus facilement sur un Burger King que sur un petit marché de producteurs bio. Ensuite, la stratégie présentant les mauvaises habitudes de vie comme responsables du cancer présente l’inconvénient – ou l’avantage, c’est selon – de dédouaner les industriels des expositions aux substances cancérigènes qu’ils déversent massivement dans l’environnement depuis plusieurs décennies. Dans le même temps, elle dédouane les pouvoirs publics de leur inaction face à cette pollution.

Le concept de « cancer évitable » est emblématique de cette approche de santé publique d’inspiration néolibérale. Pourquoi un cancer évitable ne serait-il pas un cancer que les pouvoirs publics pourraient éviter en prenant les mesures les plus directes ? On pourrait par exemple considérer qu’il est plus facile et plus direct d’agir sur l’exposition massive aux pesticides, qui n’a pas plus de cinquante ans, que sur la consommation d’alcool, une tradition pas fantastique sur le plan sanitaire, mais plurimillénaire et profondément ancrée dans les usages. Plus généralement, n’est-il pas plus efficace d’agir sur la pratique de quelques dizaines d’industriels – par exemple en interdisant la commercialisation d’un produit mis en cause par un nombre d’études suffisant – que sur celle de 67 millions d’individus aux marges de manœuvre très inégales ?

 

 

 

 

 

vendredi 11 septembre 2020

L’UE a autorisé l’exportation de plus de 80 000 tonnes de pesticides pourtant interdits au sein de l’Union

 Produites en Europe, où leur utilisation est interdite en raison de leur très haute toxicité, quarante et une substances ont pu être vendues à l’étranger en 2018. 

C’est un commerce dont l’Europe ne se vante pas. Chaque année, l’Union européenne (UE) autorise, dans la plus grande opacité, ses champions de l’agrochimie à continuer à produire et à exporter des tonnes de pesticides dont elle interdit l’usage en son sein en raison de leur très haute toxicité et des risques qu’ils font peser sur la santé et l’environnement.

Une enquête publiée jeudi 10 septembre et à laquelle Le Monde a eu accès révèle l’ampleur de ce commerce. En 2018, les pays membres de l’UE ont approuvé l’exportation de 81 615 tonnes de pesticides contenant des substances bannies depuis parfois plus de dix ans sur leur propre sol, selon les données auxquelles ont eu accès pour la première fois l’association suisse Public Eye et la branche britannique de Greenpeace. C’est l’équivalent de la quantité de pesticides vendus en France cette année-là. Si le Royaume-Uni est le premier exportateur en volume, la France est le pays qui exporte le plus grand nombre de substances prohibées différentes (dix-huit).

Au total, 41 pesticides interdits ont été autorisés à l’exportation depuis l’UE en 2018, seule année complète pour laquelle les ONG ont réussi à collecter l’ensemble d’informations souvent couvertes par le « secret des affaires ».

Pour établir cette cartographie, Public Eye et Greenpeace UK ont obtenu plusieurs milliers de « notifications d’exportation » : des documents que les entreprises doivent remplir pour exporter des substances inscrites sur la liste des produits chimiques dangereux du règlement européen sur le consentement préalable informé. Les autorités réglementaires nationales (ministère de l’environnement) et européennes (agence européenne des produits chimiques) vérifient ces documents et les transmettent aux autorités des pays de destination. Les quantités effectivement exportées peuvent parfois différer des volumes mentionnés dans ces notifications.

Le poisson mordeur de Méditerranée, le baliste, est arrivé en Normandie : 'il aime goûter tout ce qu'il croise"

 Il a défrayé la chronique cet été sur la Côte d'Azur : le baliste commun, ce poisson qui n'hésite pas à attaquer les baigneurs dans l'eau et qui a mordu plusieurs personnes jusqu'au sang dans le Var, est en Normandie depuis quelques jours : un baliste commun a été pêché à Courseulles-sur-mer.

 Le poisson mordeur de méditerranée, le baliste, est arrivé en Normandie

 Il a le cuir épais, une mâchoire d'acier et une épine dorsale tranchante. Le baliste commun n'est pas le plus sympathique des poissons mais un pêcheur amateur de Courseulles-sur-Mer l'a remonté sur son bateau ces derniers jours, à sa grande surprise. Avec sa tête peu commune dans nos eaux froides, il lui a fallu un peu de temps avant de l'identifier avec certitude. L'Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer, Ifremer, ne recense pas ce poisson dans la population endémique de la Manche et pour cause, le baliste commun est un poisson de Méditerranée.

"Il goûte tout ce qu'il croise"

Le baliste est devenu célèbre cet été 2020 alors qu'il s'est attaqué à plusieurs baigneurs sur les plages du Var. On les a retrouvé les jambes en sang. 

"Tout d'abord, il faut savoir que les balistes communs ont des incisives très marquées avec des yeux très en retrait par rapport à leur bouche : ils sont donc capables de casser des coquillages sans se blesser. Ils ne sont pas venimeux mais leur morsure va quand même jusqu'au sang. Il ne s'agit pas d'un petit pincement. J'ai moi-même déjà été mordu par un baliste maintenu en aquarium et j'ai perdu une partie de la pulpe d'un doigt, cela a créé un trou" explique au mensuel Sciences et Avenir, le Dr Pascal Romans, responsable du Service Mutualisé d’Aquariologie de l’Observatoire Océanologique de Banyuls. En 1995, il l'observait déjà dans la Manche alors qu'il était étudiant. 

A la Cité de la Mer de Cherbourg, le poisson réside dans les bassins mais l'aquarium a renoncé à le mettre à la vue du grand public : "il raye les vitres des aquariums et ne se laisse pas faire. Ce n'est pas un Piranha, prêt à attaquer l'homme mais c'est un poisson qui aime goûter tout ce qu'il croise. Crabes, crustacés et molusques sont sa nourriture et je ne suis pas étonné de le voir tester un mollet dès lors qu'il est sur son territoire. Et puis si on est chez lui, il se défend", raconte, passionné, Pierre-Yves Bouis, responsable des aquarium. 

Faut-il pour autant redouter la baignade alors qu'on le sait en Normandie ? Rien ne prouve que ce poisson pêché mardi 8 septembre était seul. Solitaire de nature, ils est tout de même très certainement remonté en groupe. C'est ensuite que les specimen se dispersent pour chercher leur nourriture. On les trouvera non loin des rochers et des crabes, il faut s'en souvenir. 

 

 

lundi 31 août 2020

Urgence contre les pesticides SDHI

Le 15 avril 2018, une tribune de chercheurs publiée par «Libération» donnait l’alerte sur les dangers des inhibiteurs de la succinate déshydrogénase qui détruisent la biodiversité et menacent notre santé. Plus de deux ans plus tard, qu’attend-on pour agir ?

Tribune. Les pesticides SDHI sont supposés tuer les champignons responsables de la pourriture des produits végétaux. Mais on sait aujourd’hui qu’ils s’attaquent également aux populations de vers de terre, de nématodes, d’insectes, à la faune aquatique, etc., créant des ruptures inévitables dans les chaines alimentaires. On sait aussi qu’ils représentent un risque pour l’homme. Il est établi que les SDHI inhibent la respiration cellulaire en bloquant une enzyme des mitochondries, la succinate déshydrogénase (SDH), cela sans spécificité d’espèce (1). Ils bloquent autant l’enzyme des vers de terre, des abeilles, des champignons que celle de l’homme. Rien d’étonnant à cela, cette enzyme a été extraordinairement conservée au cours de l’évolution, et est quasiment identique chez toutes les espèces.

Ces pesticides participent, au côté du changement climatique et des pratiques agricoles à court terme, à la perte de la biodiversité. Les chiffres de l’écocide des insectes, des oiseaux, des petits mammifères sont effrayants : l’urgence est absolue.

Pour l’homme, nous voilà désormais assis sur une bombe incontrôlable. Les SDHI sont partout, dans l’air, la terre, et l’eau. La SDH et ses produits ont un rôle clef dans la vie de la cellule et des organismes vivants. La complexité de ce rôle est telle qu’à ce jour, personne ne peut dire quand et comment cette bombe explosera : malformations, maladies neurologiques, cancers ? Les scientifiques, dont nous sommes, doivent se l’avouer, ils savent juste que le risque est considérable et cela encore plus pour les personnes dont les mitochondries ne fonctionnent déjà pas très bien (malades de Parkinson, d’Alzheimer, atteints d’ataxie, ou d’une maladie mitochondriale). Nous étions deux en 2017, 11 en 2018, 450 début 2020 dans un appel paru dans le Monde, à demander en vain l’application urgente du principe de précaution et la remise en cause de l’usage immodéré, répété et préventif des SDHI.

Si la catastrophe écologique est là, que le risque pour l’homme est indiscutable, le bénéfice des SDHI pour l’agriculture est loin d’être évident. Malgré nos demandes, nous n’avons pas obtenu de données établissant sérieusement un quelconque bénéfice significatif. Les seules publications scientifiques sur ce sujet soulignent la difficulté de quantifier l’impact des fongicides sur les rendements. Elles montrent de grandes variations dans les mesures, cela pour des gains souvent inférieurs à ces variations. La réalité est que l’on a fait investir dans l’achat de machines très coûteuses destinées à répandre ces pesticides, que l’on a détruit une agriculture pérenne, sur la base d’une tromperie qui apparaît progressivement.

Pourtant, malgré l’urgence, rapports, expertises, auditions, financement de projets illusoires se succèdent sans aboutir depuis trois ans. L’actualité du moment sur les SDHI ? La mise en place par l’Anses d’un xième groupe de travail d’une quinzaine de personnes qui permettra d’étudier de nouveau à loisir les moins de 25 publications scientifiques disponibles sur le sujet (selon les dires mêmes de l’Anses) en attendant d’analyser le rapport de l’Inserm, demandé en avril 2018, et prévu, au mieux, pour novembre 2020 !

De plus, la composition consanguine de ces groupes réunissant quelques personnes sélectionnées, passant éventuellement d’un groupe à l’autre, permettra, en l’absence de contradiction, de ne pas traiter l’urgence. Nous, qui avons colligé de façon exhaustive, sans doute plus que bien d’autres, la littérature scientifique internationale sur les SDHI et la SDH, et pendant plus de trente ans largement participé aux travaux sur les pathologies consécutives à des perturbations de l’activité de la SDH, nous avons pu nous forger une conviction sur cette base scientifique, conviction que nous avons l’honnêteté et ne craignons pas d’afficher. Mais apparemment, le débat contradictoire n’est pas de mise dans ces comités desquels nous sommes curieusement exclus. Pourtant l’actualité d’autres pesticides, comme le glyphosate, montre que les pratiques adoptées par l’Anses, certes réglementaires, nagent dans les conflits ou liens d’intérêt, et cela en l’absence périodique de garantie d’éthique. Bien que la transparence soit revendiquée, c’est plutôt l’omerta qui règne dans les procédures de cette agence. La même que celle qui est couramment pratiquée dans le monde de l’agrochimie, sur des sujets qui réclameraient au-delà des mots une absolue transparence.

Du bout des lèvres, sous notre pression, l’Anses commence à reconnaître qu’une partie des tests sur les SDHI devraient changer. Ils sont en réalité totalement inadéquats. Quant aux animaux utilisés pour tester les SDHI, on les sait depuis les années 2000 également inadaptés au cas de ces pesticides. Actuellement rien des tests réalisés en laboratoire ne permet d’écarter le danger des SDHI, bien au contraire.

Les préoccupations touchant à la biodiversité, au développement durable et à la sécurité sanitaire, sont devenues à juste titre prioritaires pour un grand nombre de nos concitoyens. Il revient aux politiques d’être décisionnaires ainsi que l’Anses ne cesse de le répéter pour mieux justifier son inertie. C’est le moment. Les SDHI, véritable cas d’école, méritent toute l’attention de la ministre de la Transition écologique et nous espérons ardemment qu’elle entendra l’appel de scientifiques et agira dans le sens du retrait des SDHI.

Par Paule Bénit, ingénieure de recherche, Inserm et Pierre Rustin, directeur de recherche, CNRS  

vendredi 21 août 2020

Le Conseil d’État ordonne au Gouvernement de prendre des mesures pour réduire la pollution de l’air, sous astreinte de 10 M€ par semestre de retard

Après une première décision en juillet 2017, le Conseil d’État constate que le Gouvernement n’a toujours pas pris les mesures demandées pour réduire la pollution de l’air dans 8 zones en France. Pour l’y contraindre, le Conseil d’État prononce une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard, soit le montant le plus élevé qui ait jamais été imposé pour contraindre l’Etat à exécuter une décision prise par le juge administratif.

Le 12 juillet 20171, le Conseil d’État a enjoint au Gouvernement d’élaborer et de mettre en œuvre des plans relatifs à la qualité de l’air permettant de ramener – dans 13 zones du territoire et dans le délai le plus court possible – les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) en dessous des valeurs limites fixées par la directive européenne du 21 mai 2008 transposée dans le code de l’environnement.

Plusieurs associations de défense de l’environnement ont demandé au Conseil d’État de constater que le Gouvernement n’avait pas mis en œuvre les mesures nécessaires et de prononcer, en conséquence, une astreinte pour le contraindre à exécuter cette décision.

Dans 8 zones en France, les mesures prises par l’État sont insuffisantes

Le Conseil d’État, réuni en Assemblée du contentieux (sa formation la plus solennelle), constate d’abord que les valeurs limites de pollution restent dépassées dans 9 zones2 en 2019 (dernière année pour laquelle le Gouvernement a fourni au Conseil d’Etat des chiffres complets) : Vallée de l’Arve, Grenoble, Lyon, Marseille-Aix, Reims, Strasbourg et Toulouse pour le dioxyde d’azote, Fort-de-France pour les particules fines, et Paris pour le dioxyde d’azote et les particules fines.

Le Conseil d’État relève que le plan élaboré en 2019 pour la vallée de l’Arve (Haute-Savoie) comporte des mesures précises, détaillées et crédibles pour réduire la pollution de l’air et assure un respect des valeurs limites d’ici 2022. En revanche, les « feuilles de route » élaborées par le Gouvernement pour les autres zones ne comportent ni estimation de l’amélioration de la qualité de l’air attendue, ni précision sur les délais de réalisation de ces objectifs. Enfin, s’agissant de l’Ile-de-France, le Conseil d’État relève que si le plan élaboré en 2018 comporte un ensemble de mesures crédibles, la date de 2025 qu’il retient pour assurer le respect des valeurs limites est, eu égard aux justifications apportées par le Gouvernement, trop éloignée dans le temps pour pouvoir être regardée comme assurant une correcte exécution de la décision de 2017.

Le Conseil d’État en déduit que, hormis pour la vallée de l’Arve, l’État n’a pas pris des mesures suffisantes dans les 8 zones encore en dépassement pour que sa décision de juillet 2017 puisse être regardée comme pleinement exécutée.

En conséquence, la plus haute juridiction administrative décide d’infliger à l’État une astreinte de 10 M€ par semestre tant qu’il n’aura pas pris les mesures qui lui ont été ordonnées

 fin d’assurer sur l’État une contrainte suffisante, le Conseil d’État décide de lui infliger une astreinte si celui-ci ne justifie pas avoir pris d’ici six mois les mesures demandées.

Le Conseil d’État fixe cette astreinte à 10 millions d’euros par semestre, soit plus de 54.000 euros par jour, compte tenu du délai écoulé depuis sa première décision, de l’importance du respect du droit de l’Union européenne, de la gravité des conséquences en matière de santé publique et de l’urgence particulière qui en résulte.

Il juge pour la première fois que, si l’État ne prenait pas les mesures nécessaires dans le délai imparti, cette somme pourrait être versée non seulement aux associations requérantes mais aussi à des personnes publiques disposant d’une autonomie suffisante à l’égard de l’État et dont les missions sont en rapport avec la qualité de l’air ou à des personnes privées à but non lucratif menant des actions d’intérêt général dans ce domaine.

Il précise enfin que ce montant, le plus élevé jamais retenu par une juridiction administrative française à l’encontre de l’Etat, pourra être révisé par la suite, y compris à la hausse, si la décision de 2017 n’a toujours pas été pleinement exécutée.

 

jeudi 13 août 2020

La très fragile amélioration des eaux du littoral français

 Globalement, le milieu marin est en meilleure santé aujourd'hui que dans les années 1970-80, selon l'Ifremer, qui publie pour la première fois un état des lieux. Mais la présence accrue de polluants émergents, non encore réglementés, est jugée inquiétante.

Satisfaisant, mais bien fragile. L'état de santé du milieu marin sur les côtes françaises, réceptacle d'un très grand nombre de pollutions plastique, chimique et biologique dont beaucoup viennent de la terre, tient sur un fil. « La situation tend à s'améliorer lentement, mais il reste des marges de progrès considérables en matière de qualité des eaux du littoral », prévient le PDG de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), François Houllier.

Dans le premier état des lieux rendu public depuis la création de l'établissement il y a plus de trente ans, l'Ifremer constate que la contamination chimique a chuté depuis les années 1970. Métaux, hydrocarbures, dioxines… Les niveaux mesurés (dans la chair des moules et des huîtres) par ses chercheurs sont « généralement » en dessous des seuils réglementaires, « à l'exception de certaines zones comme les alentours des métropoles, des grandes stations d'épuration et les estuaires des fleuves ».

L'économie maritime dépend du bon état écologique des mers

Parmi les grands points « de vigilance », l'embouchure de la Gironde : des décennies après la fermeture d'une usine à 300 kilomètres en amont, qui stockait des déchets de minerai chargés en cadmium, la substance se retrouve encore par endroits en concentration supérieure au seuil autorisé. En Baie de Seine, des contaminants, là aussi anciens, persistent dans l'environnement : l'Ifremer observe que des dioxines et des PCB - des polluants organiques interdits depuis 1987 -, sont présents à des niveaux toujours trop élevés pour qu'une culture de mollusques marins puisse être développée.

Polluants émergents

Cette contamination chimique historique, qui est souvent l'héritage du passé industriel d'une région, tend à baisser. Le responsable du laboratoire de biogéochimie et écotoxicologie, Emmanuel Ponzevera, souligne également « l'impact positif des politiques publiques et de la réglementation ». Pour autant, d'autres polluants, liés notamment à des produits non réglementés, ont émergé de façon inquiétante. C'est le cas des acides carboxyliques perfluorés (PFCA en anglais), un produit non réglementé, candidat à la liste des « substances extrêmement préoccupantes » pour la santé, rappelle l'Ifremer, qui observe des quantités de plus en plus importantes.

Autre point sombre, près de 7 % des eaux côtières de la métropole « n'atteignent pas le bon état écologique ». En clair, micro ou macro-algues y prolifèrent. Un phénomène d'eutrophisation qui prend la forme d'algues vertes sur les côtes bretonnes, de mousses, qui peuvent dépasser « un mètre d'épaisseur dans certaines zones des Hauts-de-France », ou encore d'eaux colorées en Bretagne sud, a établi l'Institut.

La pêche durable s'établit dans les eaux françaises

Pour l'aider à étudier ce dernier phénomène, difficile à repérer car souvent localisé et de courte durée, l'Ifremer s'appuie sur un programme de science participative qu'elle a lancé en 2013 mais qui reste peu connu. Baptisé « phenomer », ce projet appelle les citoyens à signaler les phénomènes d'eaux colorées, de mousse ou de mortalité massive de poissons. « C'est aussi pour cela qu'on communique cette année », explique Philippe Riou, le directeur du département Océanographie et Dynamique des Ecosystèmes, « il est précieux de bénéficier de l'alerte des citoyens ».

Un coquillage fragilisé par la dégradation de son environnement

Huîtres : l'ostréiculture française cherche la parade face à la crise de surmortalité

Reste que quand les eaux sont contaminées, le reflux se fait la plupart du temps très lentement. Il peut falloir des décennies pour voir une amélioration réelle, à l'image de l'étang de Thau, dans l'Hérault. L'Ifremer pointe qu'il aura fallu plus de trente ans après la mise en service de la station d'épuration de la région de Sète , dans les années 1970, pour que les eaux de la lagune soient à nouveau en bon état.

Muryel Jacque

 

Mesures post-Lubrizol : une régression du droit de l'environnement dans le secteur de la logistique ?

 Suite à l'incendie du site de Lubrizol à Rouen, une nouvelle réglementation se dessine pour les entrepôts. Mais pour Julia Héraut et Louise Tschanz, du cabinet Fidal, ces évolutions font craindre une régression du droit de l'environnement. 

Le droit de l'environnement, et en particulier le droit des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), a été façonné au gré des accidents technologiques.

Quelques mois après l'incendie « hors norme » survenu à Rouen le 26 septembre 2019, le ministère de la Transition écologique entend à nouveau intervenir dans un contexte post-accidentel. Il projette, à ce titre, de nombreuses évolutions réglementaires afin de « ne plus subir les risques industriels », comme l'indiquait le Sénat dans son rapport du 2 juin 2020.

Conjointement à la réflexion d'ampleur menée sur la gestion de crise et les nécessaires améliorations en matière de prévention du risque, une nouvelle modification de la réglementation environnementale est en cours.

Deux projets de décrets et deux projets d'arrêtés, soumis à la consultation du public du 26 juin au 17 juillet 2020, prévoient de modifier le volet « Seveso » et le volet « entrepôts de matières combustibles ».

Cet article a pour objet d'étudier les enjeux des modifications réglementaires suivantes, envisagées dans le second volet :
- l'arrêté modifiant l'arrêté ministériel du 11 avril 2017 relatif aux prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts soumis à la rubrique 1510 ;
- le décret modifiant la nomenclature des ICPE et la nomenclature annexée à l'article R.122-2 du code de l'environnement (projets soumis à évaluation environnementale).

Contexte juridique et économique des entrepôts et plateformes logistiques

Selon la réglementation en vigueur, les entrepôts et plateformes logistiques (EPL) qui cumulent les trois critères suivants relèvent de la réglementation des ICPE au titre de la rubrique 1510 :
- entrepôts couverts ;
- quantité de stockage de matières ou produits combustibles supérieure à 500 tonnes ;
- volume de stockage supérieur ou égal à 5 000 m3.

En outre, plusieurs rubriques de la nomenclature des ICPE encadrent les stockages sectoriels, à l'instar des entrepôts frigorifiques (1511), du stockage de papiers et cartons (1530), du stockage de bois (1531 et 1532), du stockage de céréales et grains (2160), du stockage de polymères (2662) et du stockage de pneumatiques (2663).

Selon les statistiques du ministère, la France dispose de 78 millions de m² d'entrepôts et de plateformes logistiques d'au moins 5 000 m², qui emploient 163 000 personnes dans les professions de l'entreposage et de la manutention ; la filière représente donc un fort enjeu économique.

Pourtant, les retours d'expérience démontrent que la réglementation ICPE demeure largement méconnue. À titre d'exemple, les règles relatives au transport de marchandises dangereuses (ADR) sont bien mieux maîtrisées que les prescriptions ICPE.

Les axes d'amélioration liés à la réglementation ICPE dans le secteur de la logistique sont donc nombreux ; et l'objectif affiché par le ministère est de renforcer les exigences liées à la sécurité des entrepôts, secteur particulièrement accidentogène, tout en conjuguant compétitivité et protection de l'environnement.

Prévention du risque incendie : de nouvelles obligations pour tous les sites ICPE

Le projet d'arrêté visant à modifier les prescriptions ICPE relatives aux entrepôts intègre de nouvelles obligations.

Tout d'abord, tout entrepôt ICPE devra réaliser un plan de défense incendie, en se basant sur les scénarios d'incendie les plus défavorables. Auparavant ce plan était principalement imposé aux ICPE relevant du régime de l'autorisation. Essentielle en matière de prévention des risques, cette mesure est applicable à compter du 31 décembre 2023.

En outre, tous les exploitants d'entrepôts existants devront réaliser une étude visant à vérifier l'absence d'effet domino thermique vers des bâtiments voisins en cas d'incendie. Cette étude devra être élaborée avant le 1er janvier 2023 pour les installations soumises à autorisation ou enregistrement. Pour les ICPE soumises à déclaration, cette étude thermique devra être réalisée avant le 1er janvier 2026.

Si cette étude met en évidence des effets thermiques en limite de site, l'exploitant aura un délai de deux ans pour réaliser des mesures correctives. Il pourra installer soit un système d'extinction automatique d'incendie, soit scinder les cellules existantes via un dispositif séparatif « coupe-feu 2 heures » (REI 120), et le compléter par des dispositifs de désenfumage.

Enfin, chaque ICPE doit tenir à jour un dossier, mis à disposition de l'inspection des installations classées. Ce dossier sera désormais complété par les rapports des assureurs, et particulièrement leurs analyses de risques. Dans la mesure où les audits des assureurs sont fréquents, ces nouvelles informations seront sûrement observées attentivement par l'administration.

L'ensemble de ces nouvelles prescriptions techniques contribuera vraisemblablement à améliorer la sécurité des sites ICPE du secteur de la logistique, si elles sont appliquées.

Vers la disparition du régime d'autorisation ICPE dans le secteur de la logistique ?

Dans le contexte du retour d'expérience « post-Lubrizol », le ministère propose, de manière surprenante, un assouplissement majeur de la nomenclature ICPE et de l'évaluation environnementale.

Concernant la nomenclature ICPE, le seuil de l'autorisation de la rubrique 1510 est relevé de 300 000 m³ à 900 000 m³. De plus, le régime d'autorisation ICPE est purement supprimé pour les rubriques 1530, 2662 et 2663.

Il convient de rappeler que le régime de l'autorisation ICPE est le plus exigeant en matière de prévention des risques et de protection de l'environnement. Seul ce régime prévoit une étude de dangers ainsi qu'une fréquence d'inspection entre trois à cinq ans (contre sept ans pour les ICPE à enregistrement).

En pratique, cette réduction drastique du périmètre de l'autorisation ICPE aura pour conséquence directe une baisse du nombre de contrôles. Cela contrevient pourtant à l'objectif affiché par le ministère de renforcer la sécurité des entrepôts et les moyens alloués à l'inspection des ICPE.

Dans un secteur qui peine à intégrer la réglementation ICPE, cet allègement pourrait mener certains exploitants à reporter la mise en conformité de leur site, tant il est vrai qu'une réglementation méconnue et rarement contrôlée a peu de chance d'être pleinement appliquée.

Concernant l'évaluation environnementale, son périmètre est également réduit. Auparavant, tout projet créant une surface de plancher supérieure ou égale à 40 000 m2 était soumis à évaluation environnementale. Désormais, seuls les projets créant au minimum 40 000 m2 situés dans un espace non urbanisé seront soumis à évaluation environnementale.

Il s'agit d'une réduction du périmètre de l'évaluation environnementale systématique et, par conséquent, d'un renforcement de la procédure dite « au cas par cas ». Pourtant, cette procédure est largement critiquée en raison de la baisse du nombre des évaluations environnementales qui en résulte en pratique.

Dès lors, nous constatons une certaine dissonance entre les objectifs annoncés par le Gouvernement et les assouplissements envisagés de la nomenclature ICPE et de l'évaluation environnementale, dont les conséquences en matière de sécurité et de protection de l'environnement ne seront pas neutres.

Conclusion

Les projets d'arrêté et de décret visant à modifier la réglementation environnementale applicable aux entrepôts ne semblent répondre que partiellement aux attentes de la société civile et à celles du secteur de la logistique.

Concernant la société civile, les attentes sont fortes suite à l'incendie « Lubrizol ». Sont ainsi réclamés plus de moyens, plus de contrôles et plus d'informations et de participation du public.

La Convention citoyenne pour le climat témoigne de ces préoccupations. En effet, une de ses propositions, listée dans le rapport du 26 juin 2020, consiste à « contrôler et sanctionner plus efficacement et rapidement les atteintes aux règles en matière environnementale » (proposition C.6.1).

Or, si les textes actuellement en consultation introduisent de nouvelles obligations en matière de sécurité des entrepôts, les modifications visant à alléger la réglementation environnementale contreviennent à ces attentes.

Concernant le secteur de la logistique, celui-ci requiert une réglementation plus lisible et davantage de sécurité juridique. Or la rédaction adoptée ne semble pas clarifier la norme, surtout s'agissant des nouvelles modalités de classement. De plus, le fait d'alléger la nomenclature des ICPE et l'évaluation environnementale fait courir un risque contentieux aux projets de textes, qui pourraient être annulés pour non-respect du principe de non-régression du droit de l'environnement.

Selon ce principe, prévu par l'article L. 110-1, 9° du code de l'environnement, la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment.

De surcroît, les nouvelles prescriptions techniques impliqueront d'importants investissements, dans un délai relativement court pour un secteur très concurrentiel. Or, dans le même temps, l'assouplissement de la nomenclature ICPE entraîne un allègement des contrôles, laissant douter de l'effectivité de ces nouvelles prescriptions.

Enfin, une approche pragmatique était attendue par les exploitants. À l'instar de l'attestation de capacité de transport de marchandises, une obligation de formation en droit des ICPE serait pertinente. La création d'une « attestation de capacité de stockage de marchandises en entrepôt ICPE » contribuerait sans doute à l'effectivité de la réglementation.

La « flexisécurité environnementale » est à l'œuvre : flexibilité des régimes administratifs et de l'évaluation environnementale et en même temps renforcement de la sécurité des entrepôts grâce à des prescriptions techniques. Toutefois, ces allègements réglementaires pourraient être appréciés comme une régression par les juridictions.

mercredi 8 juillet 2020

Evaluation des pesticides dans l'air : résultats de la campagne exploratoire 2018-2019

En 2018, l’Anses avec l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) en tant que membre du Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité de l’Air (LCSQA) et le réseau des Associations Agréées pour la Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA) fédéré par ATMO France ont lancé une campagne de mesure des résidus de pesticides dans l’air.
De juin 2018 à juin 2019, Atmo a équipé 4 sites de mesure en Hauts-de-France. 90 substances ont été recherchées, à partir des 172 échantillons prélevés.
Atmo Hauts-de-France a ensuite analysé les résultats régionaux grâce au soutien de l’Agence Régionale de la Santé (ARS).

Résultats en Hauts-de-France

  • Sur 90 substances recherchées, entre 22 à 35 ont été détectées selon les sites, avec 20 substances communes aux 4 sites.
Au regard des résultats nationaux :
  • Parmi toutes les substances autorisées et détectées pendant la CNEP en France, entre 28 et 34 selon les sites en Hauts-de-France n’ont, soit pas été détectées, soit ont des moyennes annuelles inférieures aux moyennes nationales.
  • Pour les substances interdites et détectées pendant la CNEP en France, entre 17 et 21 selon les sites en Hauts-de-France n’ont, soit pas été détectées, soit ont des moyennes annuelles inférieures aux moyennes nationales.
 Les substances les plus détectées sont reliées à un usage phytosanitaire et sont autorisées en France (hormis pour le lindane).
  • Les concentrations sont significatives au printemps et à l’automne.
  • Les herbicides contribuent majoritairement à la charge totale de pesticides.
  • 2 substances sont plus souvent détectées en Hauts-de-France que dans les autres régions françaises, mettant en évidence l’usage spécifique pour la culture de pommes de terre en région et confirmant les données historiques de 2012 et 2017 : le chlorpropham (herbicide utilisé contre la germination des pommes de terre) et le fluazinam (fongicide utilisé pour lutter contre le mildiou des pommes de terre)
  • Les sites ruraux, proches des parcelles cultivées des sites de West-Cappel et Thézy-Glimont enregistrent les concentrations les plus élevées.
    Le site de West-Cappel, sous influence des grandes cultures, se démarque des autres sites au printemps avec un cumul lié à l’utilisation d’herbicides plus importante par rapport aux autres sites.
    Le site urbain de Saint-Quentin se démarque des autres sites urbains français notamment par les concentrations de prosulfocarbe et de chlorothalonil mesurées en raison de sa proximité avec les parcelles cultivées et l’influence des grandes cultures.
  • Il n’a pas été démontré de corrélation entre les ventes de pesticides et les niveaux retrouvés dans l’air.
  • 10 substances interdites d’utilisation en France sont détectées sur au moins un site : 5 insecticides, 3 herbicides et 2 fongicides. Ces substances ne sont pas non plus autorisées en Belgique.
    Le lindane, interdit d’utilisation depuis 1998, est détecté dans 100% des échantillons prélevés sur les 4 sites comme observé depuis le début des mesures dans les Hauts-de-France, en raison de sa dégradation lente et donc sa persistance dans l’environnement, ainsi que sa volatilité (érosion des sols, remise en suspension, …).
chevronPour rappel : il n’existe pas de valeurs réglementaires pour les pesticides en air ambiant.

mardi 7 juillet 2020

PHYSETER

Importance écologique

Positionné au sommet de la pyramide alimentaire marine et cela jusqu'à de grandes profondeurs, le grand cachalot est un superprédateur qui joue un rôle majeur dans le milieu marin, en régulant notamment les populations de pieuvres et de grands calmars. En effet, il n'existe pratiquement pas de compétiteurs dans sa niche écologique, il profite donc de cette importante source de protéines que constituent ces céphalopodes. Sa chasse avait par ailleurs causé sa régression qui a affecté la répartition et certains équilibres au sein des populations halieutiques.
Par un phénomène de cause à effet, il semble que cette régression puisse aussi participer au dérèglement climatique, lequel peut à son tour affecter les populations de tout ou une partie des cétacés. L'océan Austral est naturellement assez pauvre en fer, un oligo-élément vital et puissant stimulant de la photosynthèse phytoplanctonique à la base de la « pompe à carbone » océanique, ce qui devrait limiter sa productivité et ses fonctions de puits de carbone. En 2010, des chercheurs australiens de l'université Flinders ont montré que les grands cétacés jouaient un rôle important dans le recyclage du fer au sein de l'écosystème marin : en chassant à grande profondeur, les 12 000 cachalots de l'Antarctique remontent via leurs excréments de la matière organique et des oligo-éléments dont quelque 400 000 tonnes de carbone. Cette quantité suffit à stimuler un puits de carbone environ deux fois plus important que l'émission de CO2 de ces animaux par respiration. Ce phénomène aurait pu être dix fois plus important si l'espèce n'avait pas été pourchassée durant deux siècles87. En outre, en renforçant ainsi le « recyclage du fer » de la production primaire, les cachalots de la zone australe contribuent aussi à permettre et entretenir une importante chaîne alimentaire.
Comme sa densité est plus faible que celle de l'eau, contrairement à d'autres cétacés, une fois mort, le cachalot flotte à la surface. Ainsi, il ne participe pas ou peu à la création d'écosystèmes éphémères créés par les carcasses de baleines qui tombent sur la plaine abyssale45.

lundi 6 juillet 2020

Pollution de l’air : le gouvernement sous la menace d’une lourde amende

Le rapporteur public du Conseil d’Etat a proposé une « astreinte de 10 millions d’euros par semestre » pour contraindre le gouvernement à baisser rapidement les niveaux de pollution.
C’est un nouveau coup de semonce pour le gouvernement. Après les urnes et la vague verte, il pourrait provenir cette fois du Conseil d’Etat. La plus haute juridiction administrative s’est réunie vendredi 3 juillet, en assemblée, pour examiner un recours visant le non-respect par l’Etat des normes sanitaires en matière de pollution de l’air. Le Monde a eu accès aux conclusions sévères du rapporteur public. Celles-ci sont suivies par les magistrats dans la grande majorité des dossiers. Le rapporteur propose une « astreinte de 10 millions d’euros par semestre » à l’encontre de l’Etat, si ce dernier ne respecte pas, dans les six mois suivant la notification de la décision (attendue avant la fin du mois de juillet), la décision du Conseil d’Etat du 12 juillet 2017.
Lire aussi Pollution : le Conseil d’Etat enjoint au gouvernement d’agir vite, Hulot promet des mesures
« Une astreinte est prononcée à l’encontre de l’Etat, s’il ne justifie pas avoir (…) exécuté la décision du 12 juillet 2017, pour les ZAS [zones administratives de surveillance de la qualité de l’air] Grenoble, Lyon, Strasbourg, Reims, Marseille-Aix, Toulouse et Paris, s’agissant des taux de concentrations en dioxyde d’azote, et pour les ZAS Paris et Fort-de-France, s’agissant des taux de concentrations en PM10 », indique le rapporteur dans ses conclusions.

jeudi 2 juillet 2020

France: -44% de pesticides vendus en 2019, après une forte hausse en 2018

Les ventes de pesticides ont reculé en France de 44% en volume en 2019, après l'envolée des ventes intervenue en 2018 (+18%), a indiqué mardi le gouvernement. Celles de glyphosate ont chuté de 35%.
Alors que l’utilisation des produits phytosanitaires avait progressé de 21% en 2018, les quantités totales de substances actives de produits phytosanitaires vendus en 2019 en usages agricoles ont baissé. Elles ont diminué de 44% entre 2018 et 2019 (-28.078 tonnes), après avoir augmenté de 18% entre 2017 et 2018 (+11 870 tonnes), selon des chiffres communiqués par le ministère de l'Agriculture et le ministère de la Transition écologique.

Les quantités vendues de glyphosate ont diminué de 35%

"Les quantités vendues de glyphosate, désherbant controversé, diminuent de 35% (-3358 tonnes) entre 2018 et 2019 après avoir augmenté de 11% (+999 tonnes) entre 2017 et 2018. Le gouvernement français avait promis fin 2017 que cette molécule serait interdite "dans ses principaux usages" dans un délai de trois ans, sans attendre les cinq ans décidés au niveau européen.
Les quantités totales de produits les plus préoccupants vendus (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques - CMR) diminuent de plus de 50% en 2019 par rapport à 2018" ajoutent les deux ministères.

Hausse de produits de biocontrôle utilisés contre les parasites des cultures

Enfin, la part relative des produits de biocontrôle utilisés contre les parasites des cultures, continue à augmenter, en substition aux produits phytosanitaires. Il s'agit aussi bien de macro-organismes (acariens, insectes) que de produits phytopharmaceutiques (micro-organismes, médiateurs chimiques tels que les phéromones).
"Les évolutions à la baisse dans l'achat de produits phytosanitaires compensent l’augmentation des ventes en 2018, intervenue juste avant la hausse de la redevance pour pollution diffuse intervenue au 1er janvier 2019" explique le gouvernement
Ces données provisoires sont issues des déclarations des distributeurs de produits phytopharmaceutiques, réalisées au titre de la redevance pour pollutions diffuses. Elles seront consolidées d’ici la fin de l’année.

La Cour des comptes avait épinglé la politique de réduction des pesticides

La Cour des comptes avait épinglé le 4 février dernier la politique de réduction des pesticides agricoles menée par l'Etat, laquelle avait donné jusque là des résultats "très en deçà des objectifs" en 2018, malgré un budget considérable, de quelque 400 millions d'euros (dont 71 millions prélevés sur la redevance pour pollutions diffuses).
Depuis le Grenelle de l'environnement fin 2007, qui avait fixé un objectif de réduction de 50% de l'usage des pesticides de synthèse en 10 ans, les deux plans successifs mis en oeuvre, Ecophyto 1 et 2, ont abouti à des échecs. En avril, le gouvernement a donc tenté pour la troisième fois de désintoxiquer l'agriculture des excès de la chimie en lançant un plan Ecophyto 2+.

lundi 22 juin 2020

L'inquiétant phénomène des pluies de plastique aux États-Unis

C'est une étude accablante et alarmante pour la situation environnementale. Selon un rapport publié ce vendredi par la revue Science et repéré par le New York Times, les particules de plastique sont présentes partout sur la planète. Dans leur étude intitulée « Pluie de plastique dans les zones protégées des États-Unis », ils ont en effet pu découvrir que 1 000 tonnes de particules de plastique arrivaient chaque année dans les parcs nationaux et les zones naturelles du pays.
Les chercheurs ont été surpris par l'ampleur de leurs découvertes dans des espaces qu'ils estimaient protégés. Ils ont même recommencé les calculs à plusieurs reprises, craignant d'avoir fait une erreur. Mais, la réalité est pourtant là. Leurs relevés ont été réalisés dans 11 parcs et espaces naturels nationaux des États-Unis. Et, à chaque fois, ces tonnes de particules sont présentes. Une situation qui semble indépendante de la météo. En effet, si les plus grosses particules tombent avec la pluie ou la neige, les plus fines arrivent par temps sec. Seule différence, les premières viendraient des environs, alors que les secondes peuvent venir de très loin et même d'autres pays. En revanche, les visiteurs des parcs n'auraient eux qu'un impact minime, selon les échantillons analysés. Selon les chercheurs, ces particules de plastique seraient pour la plupart des « microfibres synthétiques utilisées pour fabriquer des vêtements ».

Une problématique sanitaire

Au-delà de la dimension environnementale, les chercheurs de l'étude s'inquiètent notamment de l'impact sanitaire. Comme le note BFM TV, plusieurs études soulignent que l'être humain ingère déjà des dizaines de milliers de microparticules de plastique chaque année. Un risque amené à s'amplifier alors que « 11 milliards de tonnes de plastiques s'accumuleront dans l'environnement d'ici à 2025 ». « Il n'existe ni coin ni recoin sur la surface de la Terre sans microplastique », regrette Janice Brahney, scientifique à la tête de l'étude publiée dans Science.
Il y a quelques semaines, des chercheurs de l'université du Colorado se montraient plus optimistes. En effet, selon eux, l'océan Austral serait « l'un des rares endroits sur Terre » encore vierge de toute particule aérosol d'origine humaine.

Les fleuristes, victimes ignorées des pesticides : « Si l’on m’avait mise en garde, ma fille serait encore là »

  Dès 2017, des tests menés par  60 millions de consommateurs  sur des roses commercialisées par dix grandes enseignes en France révélaient ...