L'agence
de sécurité sanitaire a publié un avis recommandant de durcir la
réglementation sur les traitements phytosanitaires pour protéger les
abeilles. En réponse, le gouvernement lancera prochainement un groupe de
travail sur ce sujet.
Les ministres de la Transition écologique et solidaire et de
l'Agriculture annoncent la mise en place prochaine d'un groupe de
travail, "en vue de renforcer les mesures de protection des abeilles et autres insectes pollinisateurs de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques". François de Rugy et Didier Guillaume souhaitent mettre autour de la table l'ensemble des parties prenantes pour définir "les
mesures permettant de limiter les risques liés aux produits
phytosanitaires pour les pollinisateurs, tout en prenant en compte les
contraintes techniques pour les agriculteurs". Cette décision fait suite à la parution de l'avis
de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), saisie en juin
2018 sur l'évolution du cadre réglementaire pour assurer la protection
des pollinisateurs domestiques et sauvages.Les discussions promettent d'être houleuses. L'avis de l'Anses est clair : elle préconise de durcir les règles encadrant les traitements phytosanitaires, réitérant ses recommandations de 2014. Or, "en 2014, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll avait annoncé vouloir cantonner l'application des insecticides et acaricides à la tombée de la nuit, s'appuyant sur un avis de l'Anses de 2014. Devant la levée de boucliers d'une partie de la profession agricole (FNSEA), le ministre avait reculé", rappelle l'Union nationale des apiculteurs (Unaf).
Traitements diurnes : l'Anses réitère sa position
En France, l'arrêté de 2003 interdit par défaut les traitements insecticides/acaricides pendant les périodes de floraison et/ou de production d'exsudats, car c'est à cette période que les abeilles butinent et sont le plus menacées par l'usage de ces produits. Mais des dérogations peuvent être délivrées après analyse de la demande, de sa pertinence agronomique et de la toxicité du produit. Or, "la dérogation est presque devenue la règle : près de la moitié des usages insecticides et acaricides autorisés en France dérogent à l'interdiction de traiter pendant les périodes attractives pour les abeilles", indique l'Unaf.
L'Anses recommandait déjà, en 2014, de durcir les règles pour les dérogations. Ces traitements ne devraient être appliqués "ni en fin de nuit ni tôt le matin" afin de garantir un délai suffisant entre l'application et le début de l'activité de butinage des abeilles domestiques, indiquait-elle. Elle rappelle qu'aujourd'hui, "seule la luminosité peut être proposée comme condition indicatrice de l'absence d'activité de butinage des abeilles domestiques". Elle réitère donc cette recommandation, précisant que les traitements bénéficiant d'une dérogation ne devraient être appliqués "qu'après l'heure de coucher du soleil telle que définie par l'éphéméride et dans les trois heures suivantes", quelle que soit la culture, et "dans des conditions permettant d'assurer la sécurité et la santé des opérateurs".
Des indications contradictoires du côté des agriculteurs
Ce petit rappel répond clairement aux recommandations et fiches techniques élaborées de leur côté par la FNSEA et les instituts techniques ces dernières années. Si celles-ci reprennent la référence du coucher du soleil, elles indiquent néanmoins que, pour certaines cultures, des applications seraient possibles avant le coucher du soleil. Et la liste des exceptions est longue : colza, légumes d'industrie, pois, maïs, pommes de terre, vigne, féverole... Ce qui est non conforme à ses recommandations, regrette l'Anses.
Aujourd'hui, elle va même plus loin et recommande d'élargir ces règles "à l'ensemble des produits phytopharmaceutiques appliqués en pulvérisation pendant les périodes de floraison et/ou périodes de production d'exsudats et aux substances systémiques utilisées en pulvérisation avant floraison ou en traitements de semences sans exclusion des produits phytopharmaceutiques à base de micro-organismes". Les différents réseaux de surveillance ont mis en avant une multi-exposition des abeilles à ces familles de produits.
Quant aux autres pollinisateurs, qui peuvent avoir des activités différentes des abeilles, "les conditions identifiées pour limiter l'exposition des abeilles domestiques pourraient ne pas réduire celle des autres pollinisateurs, y compris les bourdons et abeilles sauvages", souligne l'agence. Elle recommande donc de poursuivre les travaux menés à l'échelle nationale et européenne pour mettre au point des méthodes d'évaluation standardisées pour les pollinisateurs sauvages.
Des évaluations supplémentaires en cas de dérogation
L'Anses estime enfin que de nouvelles évaluations devraient être exigées lors des demandes de dérogation : sur la toxicité larvaire en exposition répétée, sur les effets sur le long terme d'une exposition aigüe ainsi que sur les effets sur le comportement, notamment pour les produits ciblant le système nerveux central des insectes. "Pour protéger les autres pollinisateurs, l'Anses recommande que soit requis des essais de laboratoire de toxicité aigüe orale et par contact sur bourdon".