lundi 11 février 2019

Abeilles : l'Anses recommande de durcir les règles pour les traitements phytosanitaires

L'agence de sécurité sanitaire a publié un avis recommandant de durcir la réglementation sur les traitements phytosanitaires pour protéger les abeilles. En réponse, le gouvernement lancera prochainement un groupe de travail sur ce sujet.
Les ministres de la Transition écologique et solidaire et de l'Agriculture annoncent la mise en place prochaine d'un groupe de travail, "en vue de renforcer les mesures de protection des abeilles et autres insectes pollinisateurs de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques". François de Rugy et Didier Guillaume souhaitent mettre autour de la table l'ensemble des parties prenantes pour définir "les mesures permettant de limiter les risques liés aux produits phytosanitaires pour les pollinisateurs, tout en prenant en compte les contraintes techniques pour les agriculteurs". Cette décision fait suite à la parution de l'avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), saisie en juin 2018 sur l'évolution du cadre réglementaire pour assurer la protection des pollinisateurs domestiques et sauvages.
Les discussions promettent d'être houleuses. L'avis de l'Anses est clair : elle préconise de durcir les règles encadrant les traitements phytosanitaires, réitérant ses recommandations de 2014. Or, "en 2014, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll avait annoncé vouloir cantonner l'application des insecticides et acaricides à la tombée de la nuit, s'appuyant sur un avis de l'Anses de 2014. Devant la levée de boucliers d'une partie de la profession agricole (FNSEA), le ministre avait reculé", rappelle l'Union nationale des apiculteurs (Unaf).
Traitements diurnes : l'Anses réitère sa position
En France, l'arrêté de 2003 interdit par défaut les traitements insecticides/acaricides pendant les périodes de floraison et/ou de production d'exsudats, car c'est à cette période que les abeilles butinent et sont le plus menacées par l'usage de ces produits. Mais des dérogations peuvent être délivrées après analyse de la demande, de sa pertinence agronomique et de la toxicité du produit. Or, "la dérogation est presque devenue la règle : près de la moitié des usages insecticides et acaricides autorisés en France dérogent à l'interdiction de traiter pendant les périodes attractives pour les abeilles", indique l'Unaf.
L'Anses recommandait déjà, en 2014, de durcir les règles pour les dérogations. Ces traitements ne devraient être appliqués "ni en fin de nuit ni tôt le matin" afin de garantir un délai suffisant entre l'application et le début de l'activité de butinage des abeilles domestiques, indiquait-elle. Elle rappelle qu'aujourd'hui, "seule la luminosité peut être proposée comme condition indicatrice de l'absence d'activité de butinage des abeilles domestiques". Elle réitère donc cette recommandation, précisant que les traitements bénéficiant d'une dérogation ne devraient être appliqués "qu'après l'heure de coucher du soleil telle que définie par l'éphéméride et dans les trois heures suivantes", quelle que soit la culture, et "dans des conditions permettant d'assurer la sécurité et la santé des opérateurs".
Des indications contradictoires du côté des agriculteurs
Ce petit rappel répond clairement aux recommandations et fiches techniques élaborées de leur côté par la FNSEA et les instituts techniques ces dernières années. Si celles-ci reprennent la référence du coucher du soleil, elles indiquent néanmoins que, pour certaines cultures, des applications seraient possibles avant le coucher du soleil. Et la liste des exceptions est longue : colza, légumes d'industrie, pois, maïs, pommes de terre, vigne, féverole... Ce qui est non conforme à ses recommandations, regrette l'Anses.
Aujourd'hui, elle va même plus loin et recommande d'élargir ces règles "à l'ensemble des produits phytopharmaceutiques appliqués en pulvérisation pendant les périodes de floraison et/ou périodes de production d'exsudats et aux substances systémiques utilisées en pulvérisation avant floraison ou en traitements de semences sans exclusion des produits phytopharmaceutiques à base de micro-organismes". Les différents réseaux de surveillance ont mis en avant une multi-exposition des abeilles à ces familles de produits.
Quant aux autres pollinisateurs, qui peuvent avoir des activités différentes des abeilles, "les conditions identifiées pour limiter l'exposition des abeilles domestiques pourraient ne pas réduire celle des autres pollinisateurs, y compris les bourdons et abeilles sauvages", souligne l'agence. Elle recommande donc de poursuivre les travaux menés à l'échelle nationale et européenne pour mettre au point des méthodes d'évaluation standardisées pour les pollinisateurs sauvages.
Des évaluations supplémentaires en cas de dérogation
L'Anses estime enfin que de nouvelles évaluations devraient être exigées lors des demandes de dérogation : sur la toxicité larvaire en exposition répétée, sur les effets sur le long terme d'une exposition aigüe ainsi que sur les effets sur le comportement, notamment pour les produits ciblant le système nerveux central des insectes. "Pour protéger les autres pollinisateurs, l'Anses recommande que soit requis des essais de laboratoire de toxicité aigüe orale et par contact sur bourdon".



“Une catastrophe sans précédent” : pourquoi le risque de pollution aux armes chimiques en mer du Nord est inquiétant

D'où vient la pollution chimique potentielle de la mer du Nord ? Quels sont les risques ? Pourquoi en parle-t-on en ce moment ? Que font les autorités ? Un documentaire sur les armes chimiques provenant des deux guerres mondiales jetés au fond des mers du Nord lance l'alerte.

D'où vient la pollution chimique ? 

Pendant les deux guerres mondiales, les Alliés ont volontairement coulé de très nombreux navires transportant près de trois milliards de tonnes d’armes chimiques (gaz moutarde, munitions au chlore ou au sarin) et conventionnelles.  Trois milliards de tonnes encore aujourd'hui au fond de la mer du Nord et de la mer Baltique. «À l’époque, l’immersion représentait la solution la moins dangereuse», explique à Daily science la professeure Sylvie Gobert, du Laboratoire d’océanologie de la Faculté des sciences de l’Université de Liège (ULiège).

Pour « traiter et éliminer des quantités considérables de munitions non utilisées, (…) l’immersion était alors la solution la moins coûteuse, la plus rapide et la plus sûre », explique la Marine nationale. Après la guerre 39-45, les Américains ont notamment fait couler des navires allemands pleins de munitions. A l'époque, officiellement, on disait ne pas connaître les risques de telles pratiques.
En mer du Nord, une cinquantaine de sites sont concernés. Mais ce chiffre pourrait avoir été sous-estimé. La France refuse de dire clairement quelles sont les zones concernées mais on sait qu'il y a bien eu ce type de déversement au large de Dunkerque, Gravelines ou encore Boulogne-sur-mer. Le banc de sable de Paardenmarkt à Knokke (Belgique) abrite également 35 000 tonnes de munitions.

Sur la carte ci-dessous, sont recensées les zones dans l'ouest de la France où des munitions sont immergées.

Emplacement des munitions immergées et des découvertes de munitions signalées entre 1999 et 2008. / © Commission OSPAR
Emplacement des munitions immergées et des découvertes de munitions signalées entre 1999 et 2008. / © Commission OSPARhttps://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/sites/regions_france3/files/styles/asset_list_medium/public/assets/images/2019/02/07/sans-titre-3_3-4079469.jpg?itok=OzZdS3dh Emplacement des munitions immergées et des découvertes de munitions signalées entre 1999 et 2008. / © Commission OSPAR

 La pollution chimique de la mer est une problématique enfouie depuis des années. Sur terre, les bombes des deux guerres mondiales sont prises en charge quotidennement et pendant encore de nombreuses années par les services de déminage. Mais les armes déversées dans la mer ne sont quasiment pas prises en charge.

Quels sont les risques ? 

"Une catastrophe sans précédent". Sans action de dépollution, des scientifiques prédisent un désastre environnemental. Au fond de la mer, les fuselages métalliques qui confinent les substances chimiques se corrodent. La plupart de de ces substances restent toxiques en se décomposant dans l'eau. "Les études scientifiques sont alarmantes, explique le documentaire "Menaces en mer du Nord". Selon l'institut océanographique de Moscou, il suffirait qu' un 6 ème de ces substances s'échappent dans la Baltique pour supprimer toutes formes de vie pendant un siècle."

Les fuselages sont-ils encore en bon état ?  En 1972, un rapport belge concluait que les fuselages des munitions étaient relativement en bon état. Qu’en est-il actuellement ?
Selon certains scientifiques, les barils qui les confinent mettent entre 80 et 100 ans à rouiller :  " Les nombreux produits chimiques utilisés dans les munitions, pouvant être libérés lors de leur dégradation, et éventuellement présenter des risques pour la chaîne alimentaire marine, causent également des préoccupations, nuance la Commision OSPAR (Convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est). Néanmoins cela ne semble pas être le cas actuellement dans la zone OSPAR. Les quelques données disponibles indiquent peu ou pas de contamination du poisson, des mollusques et crustacés ou des sédiments à proximité des sites d’immersion." Et il précise notamment : "Des études belges ont révélé que la contamination des sédiments par le gaz moutarde provenant d’un obus de la Deuxième Guerre mondiale est limitée à un rayon de 3 cm autour de l’obus."
Mais le documentaire "Menaces en mer du Nord" évoque d'autres élements à charge :
  • Des témoignages de la marine nationale danoise certifient la contamination des pêches en mer Baltique. Et des compensations financières sont données à certains pêcheurs. Des marins ont été blessés par des armes chimiques.
  • Un démineur de l’Otan observe que « les poissons sont contaminés ». Des prélevements positifs ont été effectués ces dernières années.
  • L'Institut Alfred Wegner en Allemagne affirme, après études, que l'on peut trouver des composants chimiques dans les poissons : "Acceptons-nous qu'il y ait des traces d'arsenic faites pour tuer des humains dans notre alimentation ? ", se demande un chercheur dans le documentaire "Menaces en mer du Nord".
Autre menace : un naufrage sur les zones dont les profondeurs sont jonchées de munitions. «En 2001, un porte-conteneur s’est échoué à proximité du site, explique Jacques Loeuille, réalisateur de "Menaces en mer du Nord". Si l’étrave du navire avait labouré les sables du banc, le bateau aurait probablement déclenché une explosion contaminant les côtes belges, hollandaises, françaises. Faut-il attendre une catastrophe maritime pour aller inspecter l’état de corrosion des obus ?»

Pourquoi on en parle en ce moment ?

Grâce à un documentaire diffusé par France 3, LCP et la RTBF depuis plusieurs mois. Il s'intitule "Menaces en mers du Nord" et a été réalisé par Jacques Loeuille.

Que font les autorités ? 

Le documentaire dénonce le silence des autorités françaises qui ont refusé de coopérer pour le documentaire. Secret, minimisation des risques, opacité... Difficile de savoir ce qui est fait ou non pour éviter tout risque sanitaire ou environnemental.

La Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement des Hauts-de-France (DREAL) a par exemple indiqué à la Voix du Nord qu’elle « n’a pas réalisé à ce jour d’étude sur la localisation, l’impact ou le traitement des munitions (…) submergées suite aux deux guerres mondiales ». La Belgique, le Danemark, le Royaume-Uni, la Russie commencent à communiquer sur le sujet. Pas la France. "Comment expliquer que des pays comme l'Allemagne et la Belgique -dont le budget militaire est faible- travaillent sur des solutions alors que la France ne fait rien ", se demande Jacques Loeuille.

Le documentaire semble éveiller les consciences et même simplement faire découvrir la problématique. Le député du Nord Christian Hutin (MRC) a par exemple été choqué par les images et a décidé se saisir du sujet. "On a là une chose extrêmement urgente et grave, a-t-il expliqué sur le plateau de France 3 Nord Pas-de-Calais cette semaine. Et personne n'en parle. On a un secret-défense absolument terrible. Moi  je m'intéresse à l'histoire mais je ne pensais pas que c'était à ce point-là. Ce n'est pas possible de continuer à conséidérer qu'il n'y a pas de risque majeur."
Il a écrit au Premier ministre pour lui demander d'agir : « Entre la France et l’Allemagne, les fonds marins qui longent le littoral belge forment un vaste tapis de bombes toxiques et de faible profondeur, écrit-il. Face à ce danger, je souhaite connaître les mesures d’urgence que vous comptez prendre tant au niveau national qu’international pour conjurer cette menace, une vaste coopération entre les pays concernés étant une obligation indispensable. »

 


 

Les insectes pourraient disparaître de la planète d’ici 100 ans

Les scientifiques mettent en garde contre un « effondrement catastrophique des écosystèmes naturels ».
Les insectes du monde entier sont en voie d’extinction, menaçant d’un « effondrement catastrophique des écosystèmes naturels », s’est alarmé, fin janvier, la revue scientifique mondiale Biological Conservation. Plus de 40 % des espèces d’insectes sont en déclin et un tiers sont menacées, selon les chercheurs. Leur taux de mortalité est huit fois plus rapide que celui des mammifères, oiseaux et reptiles. Au cours des trente dernières années, la masse totale des insectes existant dans le monde a diminué de 2,5 % chaque année.
A ce rythme, s’inquiètent les scientifiques, ils pourraient disparaître d’ici à un siècle. « C’est très rapide. Dans dix ans, il y aura un quart d’insectes de moins, dans cinquante ans, plus que la moitié, et dans cent ans, il n’y en aura plus », a déclaré au Guardian dimanche 10 février Francisco Sánchez-Bayo, de l’université de Sydney (Australie), qui a collecté les données avec Kris Wyckhuys de l’Académie des sciences agricoles à Beijing (Chine). La plupart des études analysées ont été réalisées en Europe occidentale et aux Etats-Unis.

98 % des insectes ont disparu à Porto Rico depuis trente-cinq ans

Les insectes sont « essentiels » au bon fonctionnement de tous les écosystèmes, expliquent les chercheurs. Ils pollinisent les plantes, recyclent les nutriments et servent de nourriture de base aux autres animaux. Leur disparition « aura des conséquences catastrophiques à la fois pour les écosystèmes de la planète et pour la survie de l’humanité », s’alarme Francisco Sanchez-Bayo. L’un des impacts majeurs concerne les nombreux oiseaux, reptiles, amphibiens et poissons qui se nourrissent d’insectes. « Si cette source de nourriture leur est enlevée, tous ces animaux mourront de faim », a-t-il dit.
Des effondrements de populations d’insectes ont récemment été signalés en Allemagne et à Porto Rico, où une récente étude a révélé une chute de 98 % des insectes terrestres depuis trente-cinq ans, mais l’étude montre clairement que la crise est mondiale. Les papillons et les papillons de nuit sont parmi les plus touchés. Le nombre d’espèces de papillons a chuté de 58 % sur les terres cultivées en Angleterre entre 2000 et 2009. Le Royaume-Uni a subi les plus fortes chutes d’insectes jamais enregistrées, bien que cela soit probablement le résultat d’une étude plus intensive que dans la plupart des autres pays.
Les abeilles ont également été gravement touchées, la moitié seulement des espèces de bourdons recensées en Oklahoma aux Etats-Unis en 1949 étant présentes en 2013. Le nombre de colonies d’abeilles aux Etats-Unis était de six millions en 1947, 3,5 millions ont disparu depuis. Il existe plus de 350 000 espèces de coléoptères et on pense que beaucoup d’entre elles ont décliné, en particulier les dendroctones du fumier. Si on dispose de beaucoup moins d’informations sur les mouches, fourmis, pucerons, insectes boucliers et criquets, les experts affirment qu’il n’y a aucune raison de penser qu’ils s’en sortent mieux que les espèces étudiées.

L’agriculture intensive pointée du doigt

« Si nous ne changeons pas nos méthodes de production alimentaire, les insectes dans leur ensemble s’engageront sur la voie de l’extinction dans quelques décennies », écrivent les chercheurs, pour lesquels l’agriculture intensive est la cause principale du déclin des populations d’insectes, en particulier la forte utilisation des pesticides. L’urbanisation et le changement climatique sont également des facteurs importants.
Selon M. Sanchez-Bayo, la disparition des insectes semble avoir commencé à l’aube du XXsiècle, puis elle s’est accélérée dans les années 1950 et 1960 et a atteint des « proportions alarmantes » au cours des deux dernières décennies. Les nouvelles classes d’insecticides introduites au cours des vingt dernières années, y compris les néonicotinoïdes et le fipronil, ont été particulièrement dommageables car ils sont utilisés régulièrement et persistent dans l’environnement : « Ils stérilisent le sol, tuant tous les vers blancs. » Cela a des effets même dans les réserves naturelles avoisinantes : les 75 % de perte d’insectes en Allemagne ont été enregistrés dans des zones protégées.



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