mercredi 18 juillet 2018

Crispr-Cas9 provoquerait des mutations involontaires et potentiellement délétères

La protéine Crispr-Cas9, "ciseau à ADN" capable de corriger les mutations génétiques, a été accueillie comme une révolution scientifique. Mais d'après une nouvelle étude, elle provoquerait des mutations de l'ADN à distance de la portion corrigée, aux conséquences potentiellement graves.

 La technique expérimentale Crispr-Cas9, utilisée pour modifier des gènes défectueux et sur laquelle la médecine fonde de grands espoirs, est moins précise que ce qu'on pensait et cause des mutations inattendues, selon une étude parue lundi 16 juillet 2018. Ces ciseaux génétiques ont provoqué des mutations "importantes" et "fréquentes" lors d'expériences menées sur des souris et des cellules humaines dans le cadre de l'étude, publiée dans la revue Nature Biotechnology.

CRISPR-CAS9. Crispr-Cas9 est une découverte majeure dévoilée en 2012, attribuée à un duo féminin franco-américain, Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, et fréquemment citée pour l'attribution du prix Nobel. Il s'agit d'une protéine bactérienne qui lui sert de système immunitaire rudimentaire. Elle a en effet pour principale caractéristique de pouvoir reconnaitre et couper une séquence d'ADN particulière. Modifiée par les chercheurs pour qu'elle reconnaisse la séquence de leur choix, Crispr-Cas9 peut ainsi potentiellement corriger des mutations et devenir le pivot de thérapies géniques pour traiter de nombreuses maladies génétiques.

Des mutations restées jusque-là non détectées car trop éloignées du site modifié

Des travaux précédents concluaient que les mutations imprévues au niveau de la portion d'ADN éditée par Crispr-Cas9 restaient rares, expliquent les auteurs de la nouvelle publication. "En conséquence, Crispr-Cas9 a été supposé être raisonnablement précis et les premiers essais cliniques approuvés utilisant des cellules ainsi modifiées sont en cours", écrivent-ils. Cependant, les analyses faites "dans la plupart de ces études" portaient sur des régions courtes "autour des sites cibles potentielles", ce qui "limitait la portée de l'évaluation". Ils posèrent donc l'hypothèse que ces études "pourraient avoir raté une proportion substantielle" d'erreurs générées à distance par Crispr-Cas9.
Pour approfondir cette question, les chercheurs ont mené une étude systématique complète sur des cellules humaines et de souris. Ils découvrent alors effectivement que Crispr-Cas9 provoquait fréquemment des mutations étendues, mais à une plus grande distance du site cible. Certains de ces changements étaient de fait trop éloignés du site cible pour être observés avec des méthodes standards. Ont ainsi été constatés de grands réarrangements génétiques tels que des délétions et insertions indésirables de portions d'ADN. Ce type de modifications pourrait conduire à l'activation ou à la désactivation de gènes importants, et entraîner des conséquences potentiellement lourdes. Les changements involontaires causés dans l'ADN par cette technique "ont été largement sous-estimés jusqu'à maintenant", a déclaré dans un communiqué Allan Bradley, du Wellcome Sanger Institute en Angleterre, où l'étude a été menée.

Les recherches doivent se poursuivre

"Envisager d'utiliser cette technique en thérapie génique doit s'accompagner de beaucoup de précautions, en surveillant les éventuels effets négatifs", a-t-il poursuivi. "Cette étude souligne qu'en matière d'édition du génome, il est essentiel de vérifier que les modifications qui interviennent sont celles et seulement celles qu'on a voulu provoquer. Cela a toujours été une évidence", a commenté un chercheur qui n'a pas participé à l'étude, Robin Lovell-Badge, du Francis Crick Institute de Londres. Pour autant, "ces résultats ne justifient pas qu'on panique ou qu'on perde la foi dans ces techniques", a-t-il poursuivi. L'ensemble des chercheurs insiste sur le fait qu'il est nécessaire de poursuivre les recherches sur Crispr-Cas9 avant toute application clinique.
IMMUNISATION. De 65 à 79% de la population serait immunisée contre la protéine Crispr-Cas9, selon une étude encore pré-publiée (encore non revue par un comité de lecture) de janvier 2018. Et 46% de la population possèderait aussi des globules blancs spécifiquement dirigés contre ces protéines. "Une solution possible est de développer un système Cas9 à partir de bactéries qui ne colonisent pas ou n'infectent pas les humains", expliquait un des auteurs, Matthew Porteus, hématologue en pédiatrie à l'Université de Stanford en Californie.

mercredi 4 juillet 2018

Qualité du sperme, puberté précoce : la santé reproductive diminue, les perturbateurs endocriniens sont en cause

Les chiffres sont formels : la santé reproductive des Français baisse, selon Santé Publique France, de la qualité du sperme au nombre de pubertés précoces. Selon l'Agence, les causes en seraient probablement environnementales, telles que l'exposition aux perturbateurs endocriniens.

Une concentration du sperme en spermatozoïdes qui a chuté de près d'un tiers entre 1989 et 2005, le nombre de cas de puberté précoce et de cancer des testicules en augmentation… La France voit sa "santé reproductive" diminuer, d'après l'Agence Santé publique France. Cette dernière s'est en effet penchée sur la question de l'influence des perturbateurs endocriniens en la matière dans son bulletin hebdomadaire du mardi 3 juillet 2018. Si cette dégradation a probablement des causes environnementales, il reste difficile de déterminer la part de responsabilité de chacune.

Une altération de la fertilité masculine avec le temps

Santé Publique France s'est penchée sur 4 formes du trouble du développement des testicules : deux types de malformations congénitales, risque accru de cancer du testicule et mauvaise qualité du sperme à l'âge adulte. Résultat : en France, 3 indicateurs sur 4 indiquent une altération de la fertilité masculine.
QUALITE DU SPERME. Selon Santé Publique France, en 15 ans la concentration de spermatozoïdes dans le sperme a baissé de 32,2%, au rythme de 1,9% par an. L'Agence rapporte également "une diminution significative non quantifiable du pourcentage de spermatozoïdes de morphologie normale". Ce phénomène n'est pas propre à la France. Les auteurs citent une étude de 2017 qui évalue cette baisse à "1,4% par an" en moyenne "dans les pays occidentaux (Amérique du Nord, Europe, Australie et Nouvelle-Zélande)". "Il est possible que cette baisse ait débuté dans les années 1970 si l'on prend en compte une étude précédente réalisée en région parisienne de 1973 à 1992", ont de plus souligné les chercheurs.
MALFORMATIONS. L'incidence des cryptorchidies, ou l'absence d'un ou des deux testicules dans le scrotum, ont augmenté de 2,6% par an en France. Selon Santé Publique France, ces cryptorchidies "résultent d’une insuffisance d’imprégnation hormonale en androgènes lors du développement fœtal" qui pourrait résulter d'une exposition pendant la grossesse à des perturbateurs endocriniens ou de mécanismes épigénétiques (l'activation ou inactivation des gènes selon les conditions environnementales). "Concernant les mécanismes épigénétiques, la possibilité d’effets sur plusieurs générations (…) via les gamètes, est à envisager", commente l'Agence. "Les tendances de santé reproductive masculine observées aujourd’hui pourraient ainsi refléter les expositions de générations antérieures, par exemple au DDT et aux dioxines", concluent les auteurs. Quant aux hypospadias, malformations de l'urètre caractérisées par une ouverture sous le pénis au lieu de son extrémité, leur incidence ne semble pas évoluer avec le temps.
CANCER DES TESTICULES. Parallèlement, les cas de cancers des testicules, qui se déclarent le plus souvent chez des patients âgés de 20 à 40 ans, progressent. De 1998 à 2014, l'incidence de la maladie a augmenté de 1,5% par an. Cette hausse "dans les populations d'origine nord-européenne depuis plusieurs décennies est un fait connu et encore inexpliqué", soulignent les chercheurs.

Puberté précoce : des disparités régionales qui mettent en évidence l'impact de l'environnement

Les cas de puberté précoce commencent seulement à être recensés, par le nombre d'enfants traités. Se manifestant par des "signes de puberté avant l'âge de huit ans chez les filles et de neuf ans chez les garçons", cette puberté peut avoir de multiples conséquences néfastes pour la santé physique (risques de cancer des organes reproductifs, maladies cardiovasculaires) et mentale. Elle touche 10 fois plus souvent les filles que les garçons. Et les différences sont marquées entre les régions, avec deux endroits particulièrement concernés : l'ancienne région Midi-Pyrénées et le département du Rhône, avec des incidences plusieurs fois supérieures à la moyenne nationale. "La puberté précoce peut être liée à des facteurs génétiques spécifiques, et des facteurs ethniques/populationnels pourraient aussi jouer un rôle", estime Santé publique France.

Perturbateurs endocrinien, mode de vie, pollution… Des causes probablement liées à l'activité humaine

"Diverses hypothèses causales peuvent être évoquées, notamment les expositions aux PE" (perturbateurs endocriniens), "croissante depuis les années 1950", avancent les auteurs. "D'autres causes sont possibles ou peuvent être intriquées avec les précédentes, comme le tabagisme chez les femmes enceintes (...), des facteurs nutritionnels ou métaboliques, la pollution atmosphérique ou des modifications de mode de vie (sédentarité, stress, chaleur, sommeil)", ajoutent-ils. Mais "le rôle d’une exposition environnementale à des substances potentiellement perturbatrices endocriniennes et pouvant être d'origine anthropique (liée à l'intervention des humains, ndlr) est à prendre en considération, sans exclure des facteurs environnementaux non encore identifiés", d'après les chercheurs.



 

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