mardi 14 novembre 2017

Le cri d’alarme de quinze mille scientifiques sur l’état de la planète

Tribune. Il y a vingt-cinq ans, en 1992, l’Union of Concerned Scientists et plus de 1 700 scientifiques indépendants, dont la majorité des lauréats de prix Nobel de sciences alors en vie, signaient le « World Scientists’Warning to Humanity ». Ces scientifiques exhortaient l’humanité à freiner la destruction de l’environnement et avertissaient : « Si nous voulons éviter de grandes misères humaines, il est indispensable d’opérer un changement profond dans notre gestion de la Terre et de la vie qu’elle recèle. » Dans leur manifeste, les signataires montraient que les êtres humains se trouvaient sur une trajectoire de collision avec le monde naturel. Ils faisaient part de leur inquiétude sur les dégâts actuels, imminents ou potentiels, causés à la planète Terre, parmi lesquels la diminution de la couche d’ozone, la raréfaction de l’eau douce, le dépérissement de la vie marine, les zones mortes des océans, la déforestation, la destruction de la biodiversité, le changement climatique et la croissance continue de la population humaine. Ils affirmaient qu’il fallait procéder d’urgence à des changements fondamentaux afin d’éviter les conséquences qu’aurait fatalement la poursuite de notre comportement actuel.

Les auteurs de la déclaration de 1992 craignaient que l’humanité ne pousse les écosystèmes au-delà de leurs capacités à entretenir le tissu de la vie. Ils soulignaient que nous nous rapprochions rapidement des limites de ce que la biosphère est capable de tolérer sans dommages graves et irréversibles. Les scientifiques signataires plaidaient pour une stabilisation de la population humaine, et expliquaient que le vaste nombre d’êtres humains – grossi de 2 milliards de personnes supplémentaires depuis 1992, soit une augmentation de 35 % – exerce sur la Terre des pressions susceptibles de réduire à néant les efforts déployés par ailleurs pour lui assurer un avenir durable. Ils plaidaient pour une diminution de nos émissions de gaz à effet de serre (GES), pour l’abandon progressif des combustibles fossiles, pour la réduction de la déforestation et pour l’inversion de la tendance à l’effondrement de la biodiversité.
En ce vingt-cinquième anniversaire de leur appel, il est temps de se remémorer leur mise en garde et d’évaluer les réponses que l’humanité lui a apportées en examinant les données de séries chronologiques disponibles. Depuis 1992, hormis la stabilisation de l’amenuisement de la couche d’ozone stratosphérique, non seulement l’humanité a échoué à accomplir des progrès suffisants pour résoudre ces défis environnementaux annoncés, mais il est très inquiétant de constater que la plupart d’entre eux se sont considérablement aggravés. Particulièrement troublante est la trajectoire actuelle d’un changement climatique potentiellement catastrophique, dû à l’augmentation du volume de GES dégagés par le brûlage de combustibles fossiles, la déforestation et la production agricole – notamment les émissions dégagées par l’élevage des ruminants de boucherie. Nous avons en outre déclenché un phénomène d’extinction de masse, le sixième en 540 millions d’années environ, au terme duquel de nombreuses formes de vie pourraient disparaître totalement, ou en tout cas se trouver au bord de l’extinction d’ici à la fin du siècle.
L’humanité se voit aujourd’hui adresser une seconde mise en garde motivée par ces inquiétantes tendances. Nous mettons en péril notre avenir en refusant de modérer notre consommation matérielle intense mais géographiquement et démographiquement inégale, et de prendre conscience que la croissance démographique rapide et continue est l’un des principaux facteurs des menaces environnementales et même sociétales. En échouant à limiter adéquatement la croissance de la population, à réévaluer le rôle d’une économie fondée sur la croissance, à réduire les émissions de GES, à encourager le recours aux énergies renouvelables, à protéger les habitats naturels, à restaurer les écosystèmes, à enrayer la pollution, à stopper la « défaunation » et à limiter la propagation des espèces exotiques envahissantes, l’humanité omet de prendre les mesures urgentes indispensables pour préserver notre biosphère en danger.

Les responsables politiques étant sensibles aux pressions, les scientifiques, les personnalités médiatiques et les citoyens ordinaires doivent exiger de leurs gouvernements qu’ils prennent des mesures immédiates car il s’agit là d’un impératif moral vis-à-vis des générations actuelles et futures des êtres humains et des autres formes de vie. Grâce à un raz-de-marée d’initiatives organisées à la base, il est possible de vaincre n’importe quelle opposition, aussi acharnée soit-elle, et d’obliger les dirigeants politiques à agir. Il est également temps de réexaminer nos comportements individuels, y compris en limitant notre propre reproduction (l’idéal étant de s’en tenir au maximum au niveau de renouvellement de la population) et en diminuant drastiquement notre consommation par tête de combustibles fossiles, de viande et d’autres ressources.
La baisse rapide des substances destructrices de la couche d’ozone dans le monde montre que nous sommes capables d’opérer des changements positifs quand nous agissons avec détermination. Nous avons également accompli des progrès dans la lutte contre la famine et l’extrême pauvreté. Parmi d’autres avancées notables, il faut relever, grâce aux investissements consentis pour l’éducation des femmes et des jeunes filles, la baisse rapide du taux de fécondité dans de nombreuses zones, le déclin prometteur du rythme de la déforestation dans certaines régions, et la croissance rapide du secteur des énergies renouvelables. Nous avons beaucoup appris depuis 1992, mais les avancées sur le plan des modifications qu’il faudrait réaliser de manière urgente en matière de politiques environnementales, de comportement humain et d’inégalités mondiales sont encore loin d’être suffisantes.

Les transitions vers la durabilité peuvent s’effectuer sous différentes formes, mais toutes exigent une pression de la société civile, des campagnes d’explications fondées sur des preuves, un leadership politique et une solide compréhension des instruments politiques, des marchés et d’autres facteurs. Voici – sans ordre d’urgence ni d’importance – quelques exemples de mesures efficaces et diversifiées que l’humanité pourrait prendre pour opérer sa transition vers la durabilité :
  1. privilégier la mise en place de réserves connectées entre elles, correctement financées et correctement gérées, destinées à protéger une proportion significative des divers habitats terrestres, aériens et aquatiques – eau de mer et eau douce ;
  2. préserver les services rendus par la nature au travers des écosystèmes en stoppant la conversion des forêts, prairies et autres habitats originels ;
  3. restaurer sur une grande échelle les communautés de plantes endémiques, et notamment les paysages de forêt ;
  4. ré-ensauvager des régions abritant des espèces endémiques, en particulier des superprédateurs, afin de rétablir les dynamiques et processus écologiques ;
  5. développer et adopter des instruments politiques adéquats pour lutter contre la défaunation, le braconnage, l’exploitation et le trafic des espèces menacées ;
  6. réduire le gaspillage alimentaire par l’éducation et l’amélioration des infrastructures ;
  7. promouvoir une réorientation du régime alimentaire vers une nourriture d’origine essentiellement végétale ;
  8. réduire encore le taux de fécondité en faisant en sorte qu’hommes et femmes aient accès à l’éducation et à des services de planning familial, particulièrement dans les régions où ces services manquent encore ;
  9. multiplier les sorties en extérieur pour les enfants afin de développer leur sensibilité à la nature, et d’une manière générale améliorer l’appréciation de la nature dans toute la société ;
  10. désinvestir dans certains secteurs et cesser certains achats afin d’encourager un changement environnemental positif ;
  11. concevoir et promouvoir de nouvelles technologies vertes et se tourner massivement vers les sources d’énergie vertes tout en réduisant progressivement les aides aux productions d’énergie utilisant des combustibles fossiles ;
  12. revoir notre économie afin de réduire les inégalités de richesse et faire en sorte que les prix, les taxes et les dispositifs incitatifs prennent en compte le coût réel de nos schémas de consommation pour notre environnement ;
  13. déterminer à long terme une taille de population humaine soutenable et scientifiquement défendable tout en s’assurant le soutien des pays et des responsables mondiaux pour atteindre cet objectif vital.
Pour éviter une misère généralisée et une perte catastrophique de biodiversité, l’humanité doit adopter une alternative plus durable écologiquement que la pratique qui est la sienne aujourd’hui. Bien que cette recommandation ait été déjà clairement formulée il y a vingt-cinq ans par les plus grands scientifiques du monde, nous n’avons, dans la plupart des domaines, pas entendu leur mise en garde. Il sera bientôt trop tard pour dévier de notre trajectoire vouée à l’échec, car le temps presse. Nous devons prendre conscience, aussi bien dans nos vies quotidiennes que dans nos institutions gouvernementales, que la Terre, avec toute la vie qu’elle recèle, est notre seul foyer.

mardi 7 novembre 2017

Glyphosate : des études scientifiques accablantes ont été rejetées sans raison valable selon les ONG

Pourquoi les études scientifiques démontrant la dangerosité du glyphosate n'ont-elles pas été prises en compte dans le processus d'évaluation de cet herbicide ? C'est à cette question que les ONG Générations Futures et PAN Europe ont voulu répondre. Elles ont ainsi fait appel à un consultant pour éplucher le rapport d'évaluation des risques du glyphosate et identifier les raisons évoquées pour évincer ces études.
Ce rapport est rédigé par les agences européennes lors des procédures d'autorisation de mise sur le marché. Selon l'analyse des ONG, celui du glyphosate ne contiendrait que 51% des études universitaires publiées qui devraient s'y trouver soit 76 études. Seules 24 d'entre elles ont été discutées scientifiquement parlant. Les autres ont été rejetées pour des raisons très diverses : 49 motifs différents sont évoqués. "Utilisation contestable de données de contrôle historique, déclassement arbitraire quasi systématique des études ne suivant pas les lignes directrices et les bonnes pratiques de laboratoire, non prise en compte des effets sur certains organes, non prise en compte des études ne montrant pas une relation dose/effet…", citent les ONG jugeant ces motifs "très contestables scientifiquement".
Les ONG dénoncent une nouvelle fois la procédure d'évaluation de la substance en estimant qu'elle "n'a pas été faite de manière satisfaisante et qu'[elle] ne devrait donc pas être autorisé[e] à nouveau", déclare François Veillerette, directeur de Générations Futures. Les deux associations espèrent mettre la pression sur le gouvernement français pour qu'il prenne ces éléments en compte lors du prochain vote prévu le 9 novembre prochain. Les Etats membres doivent une nouvelle fois se prononcer sur le renouvellement de l'herbicide. La Commission européen pourrait proposer une ré-autorisation pour cinq ans.

lundi 6 novembre 2017

Les changements climatiques affectent déjà la santé humaine mondiale

Les changements climatiques impactent la santé humaine. Si la communauté internationale ne se saisit pas rapidement du sujet, les premiers impacts sanitaires pourraient devenir irréversibles.
Les changements climatiques représentent d'ores et déjà une menace pour la santé humaine, alerte un rapport publié le 30 octobre par la revue scientifique Lancet. L'étude a été réalisée conjointement par 24 institutions académiques et organisations intergouvernementales abordant un large éventail de disciplines. Après "25 ans d'inaction", les auteurs appellent à lutter contre les changements climatiques et à transformer les politiques de santé pour répondre aux nouveaux enjeux.
Le document, intitulé "Le compte à rebours du Lancet" (The Lancet Countdown on health and climate change), propose une évaluation indépendante des effets des changements climatiques sur la santé humaine et des implications sanitaires des actions de mise en œuvre de l'Accord de Paris. Il fait suite à une première évaluation réalisée en 2015 par la commission Santé et changements climatiques de la revue scientifique.
Des impacts sanitaires potentiellement irréversibles
Il y a deux ans, l'étude du Lancet estimait que les changements climatiques pouvaient saper les 50 dernières années de progrès en santé publique. Toutefois, la lutte contre les changements climatiques offrait aussi "la plus grande opportunité de santé mondiale du XXIème siècle", pondérait le rapport. Cette année, la nouvelle évaluation franchit un pas de plus : "Aujourd'hui, les symptômes des changements climatiques sur la santé humaine sont sans équivoque [et] ils affectent la santé des populations du monde entier." Dorénavant, les scientifiques jugent que ces symptômes sont "potentiellement irréversibles".
Le diagnostic des scientifiques se base sur une quarantaine d'indicateurs climatiques et sanitaires. L'exposition plus fréquente aux canicules est maintenant un fait reconnu, explique l'étude qui évalue à 125 millions le nombre de personnes supplémentaires exposées à des vagues de chaleur entre 2000 et 2016. Ces canicules plus nombreuses et intenses aggravent les risques sanitaires associés à la déshydratation, aux "coups de chaleur" ou aux problèmes cardiaques. Sur la période, les vagues de chaleur et les risques sanitaires associés ont déjà engendré une baisse de l'ordre de 5,3% de la productivité des travailleurs en extérieur.
De même, l'étude évalue à 46% la progression de la fréquence des catastrophes climatiques en 17 ans. Elles ont causé des pertes évaluées à 129 milliards de dollars pour l'année 2016, expliquent les scientifiques qui alertent sur le fait que 99% des dégats occasionnés dans les pays à bas revenus ne sont pas assurés. Toutefois, l'étude ne met pas en évidence de tendance claire en terme de mortalité, ce qui "pourrait suggérer le début d'une adaptation aux changements climatiques".
Apprendre des épidémies passées
L'étude relève aussi que la zone touchée par la dengue a progressé de 9,4% depuis 2014. Parallèlement, elle pointe une tendance à la hausse de la mortalité liée à cette maladie tout particulièrement en Asie-Pacifique, en Amérique latine et dans les Caraïbes. Elle établit aussi un lien entre les années de plus forte mortalité et certaines des années les plus chaudes. En matière de lutte contre les épidémies, les auteurs craignent qu'"une réponse lente entraîne un coût irréversible et inacceptable pour la santé humaine". Ils appellent les gouvernements et la communauté sanitaire mondiale à retenir les leçons tirées de l'épidémie de Sida et des récentes épidémies de virus Ebola et Zika.
Sans surprise, les populations les plus vulnérables et aux revenus les plus bas sont affectées de façon "disproportionnées", car les changements climatiques sapent les bases sociales et environnementales nécessaires à une bonne santé climatique, explique l'étude. Cette dégradation exacerbe les inégalités sociales, économiques et démographiques, et les impacts sont finalement ressentis par toutes les populations.
Au-delà des habituelles recommandations visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), l'étude recommande de consacrer plus d'efforts à l'adaptation des politiques de santé aux impacts des changements climatiques. Aujourd'hui, seulement 4,33% des dépenses mondiales consacrées à l'adaptation sont dédiées à la résilience des systèmes de santé, déplorent les auteurs.

Les fleuristes, victimes ignorées des pesticides : « Si l’on m’avait mise en garde, ma fille serait encore là »

  Dès 2017, des tests menés par  60 millions de consommateurs  sur des roses commercialisées par dix grandes enseignes en France révélaient ...