jeudi 29 septembre 2016

Une dizaine de substances « préoccupantes » dans l’alimentation des jeunes enfants

C’est l’une des plus vastes enquêtes jamais réalisées sur le sujet. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié, mercredi 28 septembre, une analyse des contaminants (métaux lourds, dioxines, pesticides…) présents dans l’alimentation-type des enfants de moins de trois ans. Après y avoir évalué la présence de plus de 500 contaminants, l’agence de Maisons-Alfort (Val-de-Marne) estime qu’une dizaine d’entre eux sont « préoccupants » et que les niveaux d’exposition actuels peuvent présenter des risques sanitaires.

L’Anses met en avant le plomb, l’arsenic inorganique, le nickel, l’acrylamide et les furanes (des composés se formant notamment lors des cuissons à haute température), les PCB (polychlorobiphényles), des dioxines ainsi que des mycotoxines – des substances produites par des champignons contaminant parfois les céréales. Les situations d’exposition à ces produits, tempère l’Anses, « ne sont pas systématiquement synonymes de survenue d’effets adverses ». Dans son avis, l’agence juge néanmoins « indispensable de mettre en place ou de renforcer des actions afin de diminuer l’exposition de la population infantile » à ces composés.

Travail de fourmi

Le détail des repas servis à plus de 700 enfants (non allaités) a été relevé plusieurs jours durant, de manière à construire un échantillon des repas-types. L’agence a ensuite reproduit les méthodes de préparation (dilution, cuisson…) de plus de 5 400 produits alimentaires avant d’en analyser la composition, de manière à estimer l’exposition des enfants aux toxiques décelés. Un travail de fourmi qui, avec la rédaction du volumineux rapport, aura duré près de six ans.
Selon l’agence, les deux tiers des enfants de moins de 4 mois ne sont pas exposés à des niveaux excessifs de ces substances préoccupantes. Mais ce taux chute à seulement 21 % chez les 13-36 mois. Dans cette tranche d’âge, plus de 40 % des enfants sont trop exposés à au moins deux composés problématiques.
La première recommandation ferme de l’Anses est de proscrire, pour les enfants de moins d’1 an, le lait courant en remplacement des préparations infantiles (laits pour nourrisson à reconstituer…). Outre les considérations nutritionnelles, le lait courant est en effet une source importante d’exposition à certains polluants organiques persistants, comme les PCB ou les dioxines. Dans cette classe d’âge, les enfants consommant du lait courant sont ainsi deux à six fois plus exposés à ces toxiques que ceux consommant des préparations infantiles.

Varier les espèces de poisson

Les PCB et les dioxines sont aussi présents dans le poisson, dont l’Anses recommande cependant la consommation deux fois par semaine, à condition de varier les espèces et les méthodes d’approvisionnement (pêche, élevage).
Autre substance pointée par l’Anses : le plomb. Ses principales sources d’exposition sont les légumes et l’eau mais son omniprésence dans l’environnement – héritage de l’essence plombée, aujourd’hui bannie – rend difficile son évitement. L’agence recommande ainsi de « varier le régime alimentaire des enfants afin qu’ils ne mangent pas systématiquement les aliments les plus contaminés ». Quant à l’arsenic inorganique, il est principalement présent dans les préparations infantiles, le riz, les petits pots préparés à base de légumes ou de poisson. Ces mêmes petits pots sont également critiqués pour des teneurs parfois excessives d’acrylamide ou de mycotoxines, également retrouvées dans les boissons lactées à base de céréales et les biscuits.

Une centaine de substances non évaluées

En définitive, l’Anses recommande de conduire des travaux de nature à « identifier clairement les sources de contamination au cours de l’ensemble de la chaîne de production » et d’améliorer les connaissances agronomiques. Elle suggère aussi de conduire une réflexion sur « l’utilité de la mise en œuvre d’une réglementation pour les contaminants non réglementés à ce jour (…) pour lesquels l’exposition est jugée préoccupante : acrylamide, furanes, nickel » et certaines mycotoxines.
Bien que très ambitieuse, l’analyse a ses limites. D’abord, avertit l’Anses, une centaine de substances rencontrées n’ont pas pu être évaluées du point de vue de leurs risques potentiels, faute de connaissances toxicologiques. C’est le cas de certains matériaux au contact des aliments (plastifiants, résines…), de perturbateurs hormonaux ou encore de pesticides. De plus, les effets potentiels des mélanges de molécules n’ont été pris en compte que dans un nombre limité de cas. Enfin, seule l’exposition alimentaire a été prise en compte. Or, dans certains cas, l’exposition par le biais de l’air ambiant ou des poussières domestiques, par exemple, peut être importante.

lundi 26 septembre 2016

En 2060, la pollution de l’air fera toujours plus de morts

L’OCDE prévoit une importante dégradation de la qualité de vie si rien n’est fait pour améliorer notre milieu ambiant et lutter contre les effets de la pollution de l’air.

PARTICULES. Quelles conséquences pour l’Humanité si les pouvoirs publics n’agissent pas pour améliorer la qualité de l’air ? L’OCDE a fait tourner ses modèles économiques pour tenter d’évaluer le coût de l’inaction. La qualité de l’air devrait en effet continuer de se dégrader du fait de la conjonction d’au moins deux facteurs : le grossissement des villes et une croissance économique toujours basée sur la combustion de charbon, de pétrole et de gaz. La situation actuelle n’est déjà guère enviable. Les teneurs en particules fines, en oxyde d’azote et en ozone au mieux stagnent dans les pays les plus développés réunis au sein du club OCDE, au pire explosent dans les pays en voie de développement et notamment chez les deux géants, l’Inde et la Chine. Selon les calculs de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 3 millions de personnes meurent tous les ans des effets de la pollution de l’air. En 2015, près de 19 milliards d’euros ont été consacrés à des soins de santé lié à la qualité de l’air et 1,2 milliard de journées de travail ont été perdues.

 Se projeter dans le futur n’est pas chose aisée. Les modélisateurs de l’OCDE ont ainsi renoncé à entrer dans leurs calculs les effets directs des oxydes d’azote faute de données fiables à l’échelle de la planète et les impacts sur les écosystèmes et les bâtiments n’ont pu également être monétisés. Si les résultats doivent être pris avec prudence (qui sait comment va évoluer l’économie dans les prochaines décennies ?), ils donnent cependant une idée des effets d’un air dégradé dans un demi-siècle. Ainsi, de trois à six millions de personnes devraient décéder à cette échéance d'avoir respiré un air vicié. Les pays les plus pollués comme la Chine et l’Inde sont les plus concernés auxquels il faut aussi ajouter les régions à la population vieillissante comme l’Europe de l’Est. D’après ces projections, les coûts des soins de santé induits par la pollution de l’air devraient atteindre plus de 150 milliards d’euros (huit fois plus qu’aujourd’hui) et 3,7 milliards de jours de travail seraient perdus.

Trois fois plus de morts en 2060

SOINS. La baisse de la productivité au travail, l’augmentation des dépenses de santé, les pertes dues à la diminution des rendements agricoles (des polluants comme l’ozone sont des oxydants des tissus végétaux) représenteront à l’horizon 2060 une charge équivalant à 1% du Produit intérieur brut (PIB) mondial. Ces pertes seront bien plus marquées en Chine avec une baisse de 2,6% du PIB et en Europe de l’ouest (-2%) et de l’est (-2,7%). Outre ces conséquences sur les biens marchands, l’étude s’est également penchée sur les sommes que les personnes sont prêtes à payer pour améliorer leur état de santé affecté par la qualité de l’air et réduire le risque de décès prématuré. Ces coûts estimés aujourd’hui à plus de 2600 milliards d’euros sont évalués en 2060 entre 16 000 et 22 000 milliards d’euros. Les coûts annuels associés à la douleur et à la maladie passeraient de 260 milliards d’euros à près de 2000 milliards d’euros. Rapporté à chaque habitant, cette dépense flambe de 450 euros aujourd’hui à 2500 euros par an en 2060.
L’OCDE presse donc les pays d’agir pour des raisons sanitaires autant qu’économiques. « D’importantes incertitudes demeurent dans l’évaluation des coûts en bien-être liés aux décès prématurés et aux maladies, reconnaît Angel Guria, secrétaire général de l’OCDE, mais il est certain que des millions de vies seront en danger et que la situation économique des pays empirera si les pouvoirs publics ne mettent pas en place des mesures plus ambitieuses ».

mardi 6 septembre 2016

Quand l’océan se meurt, la planète aussi

Au milieu du hall d’exposition du congrès de l’Union internationale pour la protection de la nature (UICN), qui se tient à Hawaï jusqu’au 10 septembre, trône une très grosse mappemonde de l’agence météorologique et océanique américaine (NOAA). Elle se taille un franc succès auprès du public en montrant en accéléré le réchauffement de l’océan, ainsi que l’augmentation de son taux de salinité depuis la fin du XXe siècle : la planète vire à l’écarlate.
Et la gigantesque masse océanique qui la couvre à 71 % – soit 360,6 millions de kilomètres carrés –, devrait encore gagner un à quatre degrés d’ici à 2100. Même la température de l’eau des grandes profondeurs est en train de s’élever et, près des côtes, le thermomètre grimpe 35 % plus vite que dans la haute mer depuis les années 1960.
« Les changements dans l’océan se font cinq fois plus vite que dans n’importe quel écosystème terrestre », annonce Dan Laffoley, vice-président de la Commission mondiale des aires protégées de l’UICN
Les scientifiques estiment que l’océan a absorbé 93 % du réchauffement dû à l’émission de gaz à effet de serre générés par les activités humaines depuis 1970. « Sans cela, il ferait 36 degrés Celsius de plus qu’actuellement sur la terre, ce serait invivable », traduit Carl Gustaf Lundin, directeur du programme marin de l’UICN. Or « 70 % de la biodiversité se trouve dans l’océan », rappelle-t-il. Ce rôle de tampon face aux changements climatiques a un coût élevé pour les écosystèmes marins, c’est ce que le réseau de défense de la nature montre dans une volumineuse compilation d’études scientifiques, qu’elle rend publique lundi 5 septembre. Quatre-vingts scientifiques originaires de douze pays ont contribué à cette somme – inédite par son ampleur. Le tableau est édifiant.

Migrations des organismes marins

« Les changements dans l’océan se font cinq fois plus vite que dans n’importe quel écosystème terrestre », annonce Dan Laffoley, vice-président de la Commission mondiale des aires protégées de l’UICN et l’un des principaux coauteurs. Des régions polaires jusqu’aux régions tropicales, des groupes entiers d’espèces, comme les méduses, les tortues et les oiseaux de mer, se sont mis à remonter de dix degrés de latitude vers les pôles.
Tous les organismes marins ont commencé à migrer : phytoplancton, algues, invertébrés, poissons, mais pas tous selon la même trajectoire. Non seulement le plancton, à la base de la chaîne alimentaire de la faune marine, change d’aires de répartition depuis cinquante ans, mais sa saisonnalité se modifie, et il devient plus petit par endroits. Note plus positive : il se diversifie dans les eaux froides.

Ces nouvelles donnes ont des effets « dramatiques », insistent les auteurs, sur la reproduction et la nutrition de nombre d’espèces. Le réchauffement a, par exemple, un effet dévastateur sur les tortues, dont six des sept espèces marines sont classées en danger d’extinction par l’UICN. Entre autres maux, il perturbe l’incubation des œufs, augmentant dangereusement le nombre de femelles, au point de compromettre la génération suivante.
Certains phénomènes sont connus : le blanchiment des coraux est un indicateur évident, repérable à l’œil nu, du réchauffement et de l’acidification de l’eau. La totalité d’entre eux devrait être affectée d’ici à 2050, alors qu’ils fournissent l’habitat d’un quart des espèces de poissons. Il est plus difficile de sensibiliser le public au sort des algues, bien que les scientifiques s’inquiètent tout autant de la dégradation accélérée des fonds côtiers. La destruction des forêts de laminaires fait perdre certains poissons et, pire encore, leur habitat, tout en favorisant les proliférations d’autres algues, ce qui réduit la quantité d’oxygène dans l’eau.

Impacts sur la santé humaine

Près des côtes, les changements vont avoir des impacts manifestes. Certaines populations y sont dépendantes des produits de la mer. La pêche et l’aquaculture fournissent environ 15 % de protéines animales à 4,3 milliards de personnes dans le monde. Or, sous l’effet de l’élévation des températures – à laquelle s’ajoutent les attaques de méduses et de divers pathogènes –, les élevages conchylicoles, de crustacés ou de saumon seront amenés à déménager. Quant aux pêcheurs côtiers, il y aura parmi eux des gagnants et des perdants. En Somalie, par exemple, particulièrement mal dotée, la pêche pourrait passer de 1,29 kg à 0,85 kg de poissons par personne et par an.

Les fleuristes, victimes ignorées des pesticides : « Si l’on m’avait mise en garde, ma fille serait encore là »

  Dès 2017, des tests menés par  60 millions de consommateurs  sur des roses commercialisées par dix grandes enseignes en France révélaient ...