C’est l’une des plus vastes enquêtes jamais réalisées sur le sujet. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié, mercredi 28 septembre, une analyse des contaminants (métaux lourds, dioxines, pesticides…) présents dans l’alimentation-type des enfants de moins de trois ans. Après y avoir évalué la présence de plus de 500 contaminants, l’agence de Maisons-Alfort (Val-de-Marne) estime qu’une dizaine d’entre eux sont « préoccupants » et que les niveaux d’exposition actuels peuvent présenter des risques sanitaires.
L’Anses met en avant le plomb, l’arsenic inorganique, le nickel, l’acrylamide et les furanes (des composés se formant notamment lors des cuissons à haute température), les PCB (polychlorobiphényles), des dioxines ainsi que des mycotoxines – des substances produites par des champignons contaminant parfois les céréales. Les situations d’exposition à ces produits, tempère l’Anses, « ne sont pas systématiquement synonymes de survenue d’effets adverses ». Dans son avis, l’agence juge néanmoins « indispensable de mettre en place ou de renforcer des actions afin de diminuer l’exposition de la population infantile » à ces composés.Travail de fourmi
Le détail des repas servis à plus de 700 enfants (non allaités) a été relevé plusieurs jours durant, de manière à construire un échantillon des repas-types. L’agence a ensuite reproduit les méthodes de préparation (dilution, cuisson…) de plus de 5 400 produits alimentaires avant d’en analyser la composition, de manière à estimer l’exposition des enfants aux toxiques décelés. Un travail de fourmi qui, avec la rédaction du volumineux rapport, aura duré près de six ans.Selon l’agence, les deux tiers des enfants de moins de 4 mois ne sont pas exposés à des niveaux excessifs de ces substances préoccupantes. Mais ce taux chute à seulement 21 % chez les 13-36 mois. Dans cette tranche d’âge, plus de 40 % des enfants sont trop exposés à au moins deux composés problématiques.
La première recommandation ferme de l’Anses est de proscrire, pour les enfants de moins d’1 an, le lait courant en remplacement des préparations infantiles (laits pour nourrisson à reconstituer…). Outre les considérations nutritionnelles, le lait courant est en effet une source importante d’exposition à certains polluants organiques persistants, comme les PCB ou les dioxines. Dans cette classe d’âge, les enfants consommant du lait courant sont ainsi deux à six fois plus exposés à ces toxiques que ceux consommant des préparations infantiles.
Varier les espèces de poisson
Les PCB et les dioxines sont aussi présents dans le poisson, dont l’Anses recommande cependant la consommation deux fois par semaine, à condition de varier les espèces et les méthodes d’approvisionnement (pêche, élevage).Autre substance pointée par l’Anses : le plomb. Ses principales sources d’exposition sont les légumes et l’eau mais son omniprésence dans l’environnement – héritage de l’essence plombée, aujourd’hui bannie – rend difficile son évitement. L’agence recommande ainsi de « varier le régime alimentaire des enfants afin qu’ils ne mangent pas systématiquement les aliments les plus contaminés ». Quant à l’arsenic inorganique, il est principalement présent dans les préparations infantiles, le riz, les petits pots préparés à base de légumes ou de poisson. Ces mêmes petits pots sont également critiqués pour des teneurs parfois excessives d’acrylamide ou de mycotoxines, également retrouvées dans les boissons lactées à base de céréales et les biscuits.
Une centaine de substances non évaluées
En définitive, l’Anses recommande de conduire des travaux de nature à « identifier clairement les sources de contamination au cours de l’ensemble de la chaîne de production » et d’améliorer les connaissances agronomiques. Elle suggère aussi de conduire une réflexion sur « l’utilité de la mise en œuvre d’une réglementation pour les contaminants non réglementés à ce jour (…) pour lesquels l’exposition est jugée préoccupante : acrylamide, furanes, nickel » et certaines mycotoxines.Bien que très ambitieuse, l’analyse a ses limites. D’abord, avertit l’Anses, une centaine de substances rencontrées n’ont pas pu être évaluées du point de vue de leurs risques potentiels, faute de connaissances toxicologiques. C’est le cas de certains matériaux au contact des aliments (plastifiants, résines…), de perturbateurs hormonaux ou encore de pesticides. De plus, les effets potentiels des mélanges de molécules n’ont été pris en compte que dans un nombre limité de cas. Enfin, seule l’exposition alimentaire a été prise en compte. Or, dans certains cas, l’exposition par le biais de l’air ambiant ou des poussières domestiques, par exemple, peut être importante.