jeudi 28 janvier 2016

“ La fréquence des El Niño extrêmes pourrait doubler après 2050 ”

Avec un réchauffement de cinq degrés, si rien n'est entrepris pour limiter le changement climatique, les phénomènes El Niño extrêmes pourraient voir leur fréquence doubler à partir de 2050. Explications d'Eric Guilyardi, directeur de recherche LOCEAN-IPSL/CNRS.

Actu-environnement : Comment fonctionne le phénomène El Niño ?

Eric Guilyardi : Pour comprendre El Niño, il faut s'intéresser à l'état normal dans le Pacifique car ce phénomène est une anomalie. Habituellement, dans le Pacifique tropical, des alizés soufflent d'est en ouest et poussent les eaux chaudes tropicales vers l'ouest.
Autour de l'Indonésie, nous retrouvons ce que nous appelons une piscine d'eau chaude indonésienne où les températures dépassent les 28 °C. A l'inverse, dans l'est du Pacifique, cette eau déplacée est remplacée par de l'eau qui vient des profondeurs, donc plus froide - entre 22 et 25 °C. Cette différence de température entre l'est et l'ouest engendre une différence de pression dans l'atmosphère avec des hautes pressions à l'est et des basses pressions à l'ouest. C'est cet écart de pression qui entraîne les alizés : le système s'auto-entretient. Certaines années, ce système couplé océan-atmosphère se dérègle, les alizés s'affaiblissent, la piscine d'eau chaude s'étend vers l'est et diminue la différence de température qui ralentit encore plus les alizés, les eaux chaudes reviennent encore plus à l'est : cela dure un an et c'est un phénomène El Niño.
El Niño joue des coudes et déplace les régimes normaux de circulation atmosphérique dans les tropiques. Nous observons alors des impacts dans l'Atlantique, dans l'Océan indien et sur les continents adjacents.
AE : Quels sont les relations entre le changement climatique et le phénomène El Niño ?
EG : Ils sont de deux ordres. Le premier effet du réchauffement climatique est d'intensifier les impacts des précipitations intenses liées à El Niño. Le phénomène redistribue en effet les cartes entre les régions où il pleut et celles qui sont arides. Par exemple, l'Indonésie, qui normalement reçoit beaucoup de précipitations, connaît des sécheresses et des incendies pendant El Niño. Quand l'atmosphère est plus chaude - du fait du réchauffement climatique, les précipitations sont plus intenses puisque l'atmosphère contient plus d'humidité.
Le second aspect concerne les modifications du phénomène lui-même : son intensité, sa fréquence et ses caractéristiques générales. Si nous prenons la moyenne des projections d'El Niño, nous ne constatons pas de changement dans le futur. Par contre, si nous nous intéressons aux événements extrêmes d'El Niño, comme ceux de 1982-1983, 1997-1998 et le dernier de 2015-2016, où l'anomalie de température atteint l'extrême est du Pacifique, dans le scénario du laisser faire, du "business as usual", après 2050 nous arrivons à un doublement de la fréquence de ces El Niño extrêmes, soit un tous les quinze ans.
AE : Avez-vous réalisé des simulations qui suivent les engagements pris pendant la COP21 et savez-vous à partir de combien de degrés d'augmentation, le changement climatique aura un impact sur le phénomène El Niño ?
EG : Si nous arrivons à limiter le réchauffement à 2°C, il ne devrait pas avoir de changement de l'occurrence des El Niño extrêmes. Ensuite, il est difficile de donner un seuil précis. Si nous nous basons sur le moment à partir duquel émergent les modifications dans le scénario élevé, cela devrait être d'environ trois degrés, ce qui correspond aux engagement actuels des pays, engagements qui sont donc insuffisants car trop proches de ce seuil.
AE : Le phénomène El Niño risque-t-il d'être moins prévisible à l'avenir avec le changement climatique ?
EG : Nous n'avons pas d'éléments pour dire que le phénomène El Niño serait moins prévisible dans le futur. Aujourd'hui, nous arrivons à prévoir les événements six à neuf mois à l'avance et prévenir les populations concernées. C'est un progrès comparé à l'événement de 97-98 : les centres de prévisions avaient bien anticipé l'événement mais l'information n'était pas parvenue dans tous les pays concernés. Depuis, une chaîne s'est mise en place pour établir de véritables services climatiques, similaires aux services météorologiques, pour que les pays puissent s'organiser plusieurs mois à l'avance. Ainsi, le Pérou est en état d'alerte depuis l'été dernier, pour prévenir les impacts attendus cet hiver : des inondations là où il pleut normalement peu. Sans les remontés d'eaux froides qui apportent les nutriments aux poissons, les pêcheurs péruviens ne pêchent plus pendant El Niño et la filière doit se réorganiser durant cette période. Le savoir à l'avance limite les impacts sociétaux même si nous ne pouvons pas empêcher les impacts météorologiques.
En Indonésie, avec El Niño, la pluie s'arrête causant une réduction de moitié de la production agricole de riz. Acheter du riz sur les marchés au dernier moment fait monter les cours et les déstabilise fortement. En anticipant, l'Indonésie peut constituer des stocks de riz à l'avance et à un coût moindre.
Nous travaillons à pouvoir prévoir l'arrivée d'El Niño un an à l'avance pour que les agriculteurs puissent savoir quoi planter en adaptant leur culture à des sécheresses ou inondations.
AE : Quels sont les obstacles à cette prévision ?
EG : Les obstacles sont de plusieurs ordres. Tout d'abord, il faut améliorer les systèmes de prévisions : disposer de réseaux d'observations de l'océan, de l'atmosphère, encore plus précis mais également améliorer les modèles pour réaliser ces prévisions. Nous y travaillons.
Ensuite, il y a également une limite naturelle à la prévisibilité : de la même façon que nous ne pouvons pas prévoir la météo au delà d'une dizaine de jours, il existe des mécanismes qui limitent la capacité à prévoir. Par exemple, avant le printemps, les prévisions d'El Niño sont beaucoup moins fiables qu'après. Nous essayons de mieux comprendre les limites de cette prévisibilité.
AE : Le phénomène pourrait-il avoir des répercussions au niveau européen ?
EG : Au niveau météorologique, il existe peu de lien entre El Niño et l'Europe… Peut-être une fin d'hiver plus sèche et plus froide mais la relation n'est pas très robuste. L'impact est davantage économique, avec dans les pays directement affectés, des conséquences sur le cours des denrées alimentaires. En 2002, le phénomène El Niño, qui n'était pas spécialement fort, a affecté la mousson et a coûté 3% de son PIB à l'Inde.
Il y a une diversité d'événements El Niño, qu'ils soient extrêmes ou pas, et leurs impacts sont également différents d'un El Niño à l'autre.



 

mardi 26 janvier 2016

Climat : l'OMM confirme que l'année 2015 est la plus chaude jamais enregistrée

Ce lundi 25 janvier, l'Organisation météorologique mondiale (OMM) a confirmé que l'année 2015 est la plus chaude enregistré depuis que l'on dispose de mesures régulières de la température terrestre. Fin novembre, les données préliminaires laissaient déjà entrevoir un tel résultat.

"La température moyenne à la surface du globe a largement battu tous les records en 2015, avec 0,76±0,1 degré Celsius au-dessus de la moyenne de la période 1961–1990", annonce l'OMM, précisant que "pour la première fois, les températures ont dépassé d'environ 1°C celles de la période préindustrielle, d'après une analyse de l'Organisation météorologique mondiale".

Par ailleurs, l'organisation précise que 15 des 16 années les plus chaudes appartiennent au XXIème siècle et que la période 2011–2015 "confirme cette tendance à long terme et est la plus chaude jamais enregistrée".

La diversité des insectes pollinisateurs impacte directement les rendements agricoles

Publiée dans le magazine Science le 22 janvier 2016, une étude internationale à laquelle a participé l'Institut national de recherche agronomique (Inra) démontre la corrélation entre diversité de la faune des pollinisateurs et rendements agricoles.

Conduite dans 12 pays sur une durée de cinq ans, l'expérimentation met en évidence que le nombre et la diversité des insectes pollinisateurs affectent directement le rendement des cultures de plus de 20% en moyenne, indépendamment d'autres critères environnementaux et agronomiques (qualité du sol, eau, date de semis, etc..).

Les 35 scientifiques ont mené cette étude sur un échantillon de 344 parcelles représentant 33 types de cultures réparties dans 12 pays (principalement en Afrique, Asie et Amérique du sud). Les résultats révèlent que sur les petites parcelles (moins de deux hectares), où l'environnement naturel favorise la présence d'insectes sauvages, la densité de pollinisateurs pouvait influencer à hauteur de 31% le rendement (quantifié en kilo par hectare) de la production agricole.

De même, sur les grandes parcelles, où on recense généralement une présence accrue de pollinisateurs domestiques tels que l'abeille mellifère, le rendement peut varier de 30% en moyenne, selon le degré de diversité des espèces pollinisatrices.

Par conséquent, la biodiversité ne présente pas qu'un enjeu de protection de l'environnement, mais bien une question de sécurité alimentaire mondiale.
Alors que les discussions autour du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité touchent à leur fin, les sénateurs ont d'ores et déjà refusé d'y inscrire l'interdiction des néonicotinoïdes. Ces insecticides sont pourtant dans le viseurs des scientifiques. L'Anses publiait récemment un avis concernant l'effet négatif des néonicotinoïdes sur les populations d'insectes pollinisateurs et soutenait la nécessité d'envisager des mesures de gestion adaptées.

mercredi 20 janvier 2016

La surpêche et le déclin des ressources ont été largement sous-estimés

Dans les mers et les océans du globe, on prélève nettement plus de poissons que les statistiques officielles ne le prétendent. Néanmoins, malgré la forte croissance des armements, la diffusion des techniques industrielles de pêche jusque dans les coins les plus reculés de la planète et la sophistication toujours plus poussée du matériel, les tonnages des captures ne cessent de diminuer depuis les années 1990. Autrement dit, les pêcheurs dépensent toujours plus d’efforts et de carburant pour rapporter de moins en moins de poissons.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, la pêche mondiale a connu un pic en 1996, avec 86 millions de tonnes de poissons sortis de l’eau, puis elle est restée quasiment « stable » selon son administration, perdant juste 0,38 tonne par an. Il n’y aurait donc pas de quoi trop s’inquiéter pour l’état des stocks. Las, ces chiffres sont largement sous-estimés, montre une étude de Daniel Pauly et Dirk Zeller, de l’université de Colombie-Britannique, au Canada, publiée mardi 19 janvier par le site Nature Communications.
Le secteur a effectivement atteint un sommet en 1996, constatent-ils, mais qu’ils chiffrent à 130 millions de tonnes. Puis les performances de la pêche ont régressé trois fois plus fortement que les statistiques de la FAO ne l’indiquent : de 1,2 million de tonnes par an. Globalement, les deux chercheurs observent une différence de 53 % entre les quantités répertoriées officiellement et leurs propres calculs.

Chute de la pêche industrielle

Leur travail devrait faire date : c’est la première fois que sont publiées des estimations à l’échelle mondiale en dehors de celles de la FAO. Daniel Pauly, directeur du Fisheries Center de l’université de Vancouver, est l’un des plus fameux halieutes sur la scène internationale. Ce biologiste récompensé de multiples prix est le premier à avoir développé des techniques d’évaluation basées sur de multiples documents et a créé une base de données unique et réputée, Sea arounds us.

« Cela a pris beaucoup de temps de mettre à jour les séries temporelles des prises, sans interruption de 1950 à 2010, témoigne-t-il. Mais ça y est : nous avons les statistiques documentées de 200 pays, c’est ce résumé que nous publions aujourd’hui. »
Ce sont les rendements faiblissants de la pêche industrielle qui expliquent largement le déclin global. Selon la FAO, le chalutage de crevettes, par exemple, a chuté entre les années 1990 et 2000, de 27 millions à 7 millions de tonnes environ. La pêche artisanale, quant à elle, est passée de 8 millions de tonnes en 1950 à 22 millions de tonnes en 2010 et semble moins soumise aux variations d’une saison à l’autre.
Pourtant de nombreux Etats la négligent dans leur collecte de données. Ils dédaignent plus encore la pêche de subsistance que l’étude évalue à 3,8 millions de tonnes, sans parler de celle de loisir. Ils ignorent en outre l’ampleur des pratiques illégales qui pillent leurs eaux ou bien les campagnes auxquelles se livrent certains de leurs navires, sans licence, dans les eaux de pays en développement. L’absence de ces éléments génère des sous-estimations chroniques.

Statistiques qui diffèrent selon les pays

Entre la Chine, qui surestime ses prises, « parce que, politiquement, le régime veut afficher des résultats toujours plus productifs » et l’Espagne, « où cela ferait scandale si l’on quantifiait précisément les prises de la pêche clandestine », chaque pays a sa propre vision des performances de ses pêcheurs, analyse le biologiste. On ne peut pas se fier aux seules caisses débarquées au port. Il faut décortiquer la situation au cas par cas, évaluer le fuel consommé, le nombre de bateaux, éplucher des centaines d’articles.

« Dans des régions du Pacifique, pour citer un autre exemple, on ne rapporte que les exportations, nobles, de thon. On ne prend pas en considération les crustacés et les petits poissons que les femmes collectent dans les récifs coralliens et qui nourrissent pourtant la population », rapporte le chercheur. De plus, les statistiques de l’Union européenne ou des Etats-Unis ne sont pas comparables à celles de l’Afrique, imprécises faute de moyens. « En Asie du Sud-Est, ce sont des sociétés qui produisent des données, en appliquant invariablement le même ratio. Nous avions pu le constater lorsque le cyclone Narguis avait détruit la moitié de la flotte de pêche de Birmanie en 2008, sans qu’aucun impact n’apparaisse cette année-là… »

Déclin d’un apport en protéines essentielles

L’étude admet une part d’approximation, mais bien inférieure à celle de la FAO. Récemment, le travail dirigé par Daniel Pauly a nourri une polémique ayant pour cible la FAO. Les agents de l’ONU n’ont pas les moyens de vérifier les données que leur transmettent les Etats, souligne M. Pauly, en précisant les avoir prévenus de la teneur de sa publication. « Il nous arrive de demander à des pays de revoir leurs méthodologies, nous les y aidons parfois, précise Lahsen Ababouch, directeur de la division de la pêche et de l’aquaculture à la FAO. Nos données sont plus fiables depuis 2000. Le propos de M. Pauly est d’évaluer tout ce qui est retiré de la mer, notre mission est de fournir des tendances avec le moins d’incertitudes possible. »
L’important est surtout de mesurer l’ampleur du déclin d’un secteur qui reste un apport de protéines essentielles auprès de beaucoup de populations côtières, rappelle l’étude publiée par Nature Communications. Or, globalement, les tendances mondiales sont à la baisse, hormis dans quelques rares régions du monde où l’on voit des stocks se régénérer comme aux Etats-Unis, en Australie, ou commencer à se redresser comme dans l’Atlantique nord-ouest, où l’Union européenne a imposé des quotas. « Même si des statistiques fantaisistes tendent à le compenser, le déclin est clair et net, insiste Daniel Pauly. Il est même sans doute plus élevé que ce que nous disons. » Les auteurs de l’étude suggèrent à la FAO de faire équipe avec d’autres chercheurs pour établir ses statistiques, comme elle le fait pour recenser les forêts.

lundi 11 janvier 2016

NDDL : les travaux stoppés par la découverte de cinq nouvelles espèces protégées ?

"Au moins cinq espèces protégées n'ont pas été prises en compte dans les dossiers réglementaires. Ni observées ou recherchées par les bureaux d'études, elles n'ont donc pas été évaluées dans les dossiers", dénonce le Collectif des naturalistes en lutte qui a réalisé des inventaires sur la zone d'aménagement de Notre-Dame-des-Landes (NDDL). "Par conséquent, aucune demande de dérogation pour la destruction de ces espèces protégées n'a été faite. Puisque la préfecture de Loire-Atlantique et le ministère de l'Ecologie en ont été informés et que nous sommes dans un état de droit, les travaux ne peuvent pas commencer", assure-t-il.

L'association a identifié trois plantes, un amphibien et un mammifère qui pourraient ainsi venir contrarier le planning de la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Ils ont transmis leurs fiches descriptives et leurs localisations dans la zone d'aménagement de NDDL au ministère de l'Ecologie et à la préfecture. Interrogée par Actu-environnement, cette dernière a indiqué ne pas souhaiter s'exprimer sur ce sujet.

"Dès lors que la présence des espèces protégées est prouvée, les demandes de dérogation sont obligatoires : c'est au préfet de le vérifier et de demander une étude complémentaire, précise François de Beaulieu, membre des Naturalistes en lutte. Comme nous sommes sur un terrain privé, nous n'avons pas le droit de faire intervenir nous même un huissier".
Une des cinq espèces identifiées, la plante rampante, la Sibthorpie d'Europe, s'avère protégée au niveau régional (arrêté du 25 janvier 1993) et figure parmi les plantes en danger de disparition de la liste rouge régionale des Pays de la Loire.

La petite fleur de la famille des Gentianacées, la Cicendie naine (Exaculum pusillum) est également protégée au niveau régional (arrêté du 25 janvier 1993). Elle figure sur la liste rouge du massif armoricain et sur la liste des plantes vulnérables de la liste rouge régionale des Pays de la Loire. La fleur jaune Pulicaire commune (Pulicaria vulgaris Gaertn) est protégée quant à elle au niveau national (arrêté du 20 janvier 1982), inscrite sur la liste rouge de l'UICN, et également dans la liste rouge du massif armoricain.

Le Triton de Blasius est protégé au niveau national (article 3 de l'arrêté du 19 novembre 2007). Enfin, la Crossope aquatique (Neomys fodiens), une musaraigne vivant dans des zones humides, est également protégée sur le territoire national (arrêté du 23 avril 2007).

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