vendredi 23 octobre 2015

La plastisphère, cet écosystème qui menace les océans

Après 60 ans d'une consommation planétaire de produits à base de plastique, les océans du monde entier sont transformés en dépotoirs flottants. Si bien qu'un nouvel écosystème océanique fait son apparition.
Il existe maintenant des « îles flottantes » à la surface de tous les océans. Les courants circulaires appelés « gyres océaniques » ont concentré les déchets de plastique dans le Pacifique Nord et Sud, dans l'Atlantique Nord et Sud, dans l'océan Indien, et même la Méditerranée, une mer intérieure, en est recouverte. 
Au total, on évalue que les 192 territoires dont les frontières touchent les océans déversent environ 10 millions de tonnes de matières plastiques par année.
« C'est devenu un phénomène océanographique planétaire qui nous force maintenant à agir », affirme Kara Lavander Law, océanographe à l'école d'océanographie Sea Education Association, à Woods Hole, aux États-Unis.
Cette océanographe étudie depuis de nombreuses années la gyre de l'Atlantique Nord. Elle constate que les plastiques des gyres sont composés à 90 % de tout petits fragments. Sous l'action des rayons ultraviolets, de la chimie des eaux salées et des microorganismes, de gros objets comme des téléphones ou des bouteilles se décomposent graduellement et forment une soupe de « microplastiques ».

Le plastique océanique colonisé
 
« La nouvelle, c'est que nous découvrons que ces gyres de plastique ont un impact direct sur l'écosystème des océans », soutient Linda Amaral Zettler, biologiste au Marine Biological Laboratory de Woods Hole. Elle et son conjoint, le biologiste Érik Zettler, découvrent que toute une faune de microorganismes vivent directement sur le plastique et s'en nourrissent : des algues diatomées et des bactéries de toutes sortes.
La bactérie qui inquiète le plus le couple de chercheurs est le Vibrio. Elle fait partie d'une classe de bactéries dont la plus connue est celle qui cause le choléra chez l'humain. Celle que l'on retrouve sur le plastique océanique s'attaque au système digestif des poissons.
Le Vibrio est déjà présent dans l'océan. Ce que constatent les chercheurs, c'est que la bactérie a le potentiel de se reproduire en grande quantité dans les gyres. 
« Trente minutes après son arrivée dans l'océan, un plastique est colonisé. S'il flotte dans une aquaculture, il a le potentiel de la contaminer. »
Les derniers travaux du chercheur espagnol Andres Cozar confirment que la Méditerranée est maintenant recouverte de déchets de plastique. Il n'y a pas de gyre dans cette mer intérieure. Les plastiques se dégradent sur place lentement.
L'inquiétude est de savoir jusqu'où la contamination du plastique se rend dans la chaîne alimentaire.
« On est déjà exposés au plastique dans notre alimentation et notre environnement. Il est encore trop tôt pour mesurer l'impact du plastique océanique sur notre santé. » — Érik Zettler, biologiste





lundi 12 octobre 2015

La Question : les élus locaux, seuls responsables d’une urbanisation excessive ?

Le 8 octobre, 32 communes ont été placées en état de catastrophe naturelle par un décret, après les inondations qui ont frappé la Côte d’Azur cinq jours plus tôt. Vingt personnes ont alors perdu la vie. L’urbanisation excessive de la région aurait contribué au sinistre en empêchant l’évacuation des eaux pluies. Les élus locaux portent-ils seuls la responsabilité d’un aménagement du territoire insensible aux risques d’inondations ?


  • Les élus ne font que répondre à nos demandes, par Sylvain Rotillon, chef bureau des risques à la Direction départementale des territoires 91.
« Après les inondations, les élus ont été mis en accusation pour avoir favorisé à outrance l’urbanisation. Formellement, ce sont les maires qui signent les permis de construire, ce sont donc les grands coupables. Pourtant, s’il existe des élus indélicats, reporter la faute sur les seuls édiles est un peu rapide. Si l’urbanisation progresse, plus rapidement que la population, c’est parce que nos modes de vie sont consommateurs d’espace. Séparation des couples, confort, envie de pavillon… individuellement, on s’étale, on imperméabilise. En zone inondable, on préfère construire plus grand que plus sûr. Le coût de la prévention est pour le particulier, celui de la réparation est collectif. Les élus se retrouvent sous pression de leurs administrés pour délivrer ces autorisations, quitte à s’affranchir des règles de sécurité. Difficile de refuser à un futur électeur un projet dont on ne perçoit pas qu’additionné aux autres il va générer le risque. Les élus ne font que répondre à nos demandes. »


  • N’oublions pas le rôle joué par la décentralisation, par Mathilde Gralepois, maître de conférences Université de Tours et Lisa Lévy, maître assistante à l’université de Genève.

« La responsabilité des élus est encastrée dans les enjeux du développement urbain et de la prévention des risques. Nos villes se sont construites au bord des cours d’eau et des littoraux. Les 20 dernières années ont été marquées par des constructions qui se font dans des zones inondables déjà urbanisées, plus que par l’expansion de la ville. Il est facile de pointer du doigt la responsabilité des “maires-constructeurs en zone inondable”. Rares sont les élus qui développent leur ville illégalement. Par contre, pour s’accrocher aux ressources économiques et politiques du développement local, ils choisissent les interprétations a minima, développant la ville aux franges des zones non définies comme inondables et en délivrant des permis de construire en périodes d’incertitude réglementaire. Par exemple, Nice a continué à construire en zones inondables pendant les dix ans qu’ont duré les négociations sur le plan de prévention des risques. La responsabilité complexe des élus doit être saisie dans le lot de conséquences des transferts récents des compétences de l’État vers les collectivités : maîtrise de l’urbanisation, protection par les ouvrages, planification des secours, alerte… Les contradictions de la décentralisation dans la prévention des risques accroissent la

vendredi 9 octobre 2015

Le corail menacé par El Niño

Réapparu en mars, l’« enfant terrible du Pacifique », le courant chaud équatorial El Niño, menace les massifs coralliens. Des chercheurs de l’université du Queensland et de l’Agence américaine océanique et atmosphérique (NOAA) ont mis en garde jeudi 8 octobre du pire épisode de blanchiment corallien jamais recensé que pourrait provoquer El Niño, en 2016.

Les scientifiques expliquent dans une étude qu’il s’agira seulement du troisième événement de ce type, et que des récifs comme la Grande Barrière de corail australienne seront particulièrement touchés. « Si la situation continue de s’aggraver, la Grande Barrière de corail va subir un blanchiment généralisé, avec la mortalité que cela entraîne, la conséquence la plus fréquente de l’élévation des niveaux de températures de la mer », a déclaré le directeur de l’Institut du changement global de l’université, Ove Heogh-Guldberg.
Lors du premier épisode de blanchiment global recensé, en 1998, « plus de la moitié » de la Grande Barrière de corail, classée au Patrimoine de l’humanité, avait été touchée, et « entre 5 et 10 % des coraux sont morts », dit-il. La Grande Barrière a été épargnée au cours du deuxième épisode, survenu en 2010, « en raison de tempêtes qui ont soulagé le stress provoqué par la chaleur. Le récif pourrait ne pas avoir autant de chance en 2016 », a-t-il ajouté.
La Grande Barrière de corail, une étendue de 345 000 km2, compte quelque trois mille « systèmes » récifaux et un millier d’îles tropicales. Elle a évité de justesse d’être placée par l’Unesco sur sa liste des sites en péril, et Canberra œuvre à un plan de préservation sur trente-cinq ans.

Impact très important sur l’écosystème marin

La hausse de la température provoque un phénomène de dépérissement des coraux qui se traduit par une décoloration et entraîne une insuffisance en apports nutritifs conduisant à leur mort. Les coraux se nourrissent d’algues microscopiques, les dinoflagellés, qui vivent en vastes colonies à leur surface. La photosynthèse libère aussi de l’énergie dans les tissus du corail, lui permettant de construire le squelette de calcium qui abrite ces algues unicellulaires. Quand le corail est soumis à un stress, comme une hausse importante de la température de l’eau, il se débarrasse des dinoflagellés et blanchit.
La disparition des récifs coralliens a un impact très important sur l’écosystème marin, car les coraux fournissent nourriture et abri à de nombreuses espèces de poissons et de crustacés. En 1998, les récifs coralliens de soixante pays tropicaux avaient été touchés.
Le courant El Niño devrait persister jusqu’au printemps 2016 et pourrait être l’un des plus intenses dans les annales, d’après les scientifiques américains, et qui fait craindre de fortes perturbations météorologiques. El Niño est un phénomène irrégulier, provoquant des hausses de températures dans le Pacifique, des fortes pluies dans certaines zones, des sécheresses ailleurs, et des vents faibles. Des scientifiques soupçonnent le réchauffement climatique d’augmenter la fréquence de ce phénomène potentiellement destructeur.

jeudi 1 octobre 2015

Des enfants qui naissent « prépollués »

Les substances chimiques auxquelles les populations sont quotidiennement exposées ont des effets sur la santé de plus en plus manifestes. C’est le sens de l’alerte publiée jeudi 1er octobre dans l’International Journal of Gynecology and Obstetrics par la Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique (FIGO). Elle met en avant la responsabilité de certains polluants de l’environnement dans les troubles de la fertilité et souligne l’urgence d’agir pour réduire l’exposition aux pesticides, aux polluants atmosphériques, aux plastiques alimentaires (bisphénol A, phtalates…), aux solvants, etc.

C’est la première fois qu’une organisation regroupant des spécialistes de santé reproductive s’exprime sur les effets délétères de ces polluants, présents dans la chaîne alimentaire et dans l’environnement professionnel ou domestique. Un appel soutenu par des ONG dont Women in Europe for a Common Future (WECF) et Health & Environment Alliance (Heal).
La prise de position de la FIGO — qui regroupe 125 sociétés nationales de gynécologie et d’obstétrique — rejoint celle, publiée deux jours plus tôt, de l’Endocrine Society. Pour cette société savante, qui rassemble 18 000 chercheurs et cliniciens spécialisés dans l’étude du système hormonal, l’exposition aux polluants de l’environnement est aussi en cause dans plusieurs maladies émergentes : diabète de type 2, obésité, cancers hormonodépendants (sein, prostate, thyroïde) et troubles neuro-comportementaux (troubles de l’attention, hyperactivité, etc.).

Constat préoccupant

Après la publication, en 2012, du rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), ces deux nouvelles publications creusent un peu plus le fossé qui sépare l’état des connaissances et celui de la réglementation. Celle-ci ne reconnaît toujours pas l’existence de certaines substances – dites « perturbateurs endocriniens » – capables d’interférer avec le système hormonal et d’agir à des niveaux d’exposition très faibles, inférieurs aux seuils réglementaires. « Près de 800 substances chimiques environnementales sont connues ou suspectées d’interférer avec les récepteurs hormonaux, la synthèse ou la conversion des hormones », soulignait déjà, en 2012, le rapport de l’OMS et du PNUE.

« L’exposition à des produits chimiques toxiques au cours de la grossesse ou l’allaitement est ubiquitaire », note la FIGO, qui s’inquiète de ce qu’« aux Etats-Unis, une femme enceinte serait en moyenne contaminée par au moins 43 substances chimiques différentes ».
« On trouve la trace de polluants organiques persistants [POP]) chez des femmes enceintes et allaitantes dans le monde entier, ajoute la FIGO. L’Institut national américain du cancer se dit préoccupé par le fait que les bébés naissent en quelque sorte “prépollués”. »

Les effets de ces expositions in utero ou sur les nourrissons ont aussi des répercussions sur la fertilité ultérieure des individus. En France, environ 15 % des couples en âge de procréer consultent pour infertilité, selon un rapport récent de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l’Agence de la biomédecine sur les troubles de la fertilité. Et le nombre de couples ayant recours aux techniques de procréation médicalement assistée ne cesse de croître, « très probablement en raison de modifications environnementales, notamment l’exposition à certains toxiques comme le tabac et/ou à certains perturbateurs endocriniens ».
Dans les consultations, le constat est préoccupant. « Au cours de ces dernières années, nous avons vu une recrudescence du syndrome des ovaires micropolykystiques, cause importante de l’infertilité, de l’endométriose, qui touche des femmes de plus en plus jeunes, et la qualité du sperme s’est effondrée », souligne Richard Benhamou, gynécologue obstétricien, spécialisé dans l’infertilité, installé depuis 1985. Certes, le tabac et l’alcool sont très délétères pour la femme enceinte et pour la fertilité, mais « le rôle de l’environnement invisible est capital », avertit le docteur Benhamou.

« Les preuves des dégâts sanitaires des perturbateurs endocriniens sont plus définitives que jamais, estime Andrea Gore, professeur de pharmacologie à l’Université du Texas, à Austin, qui a présidé le groupe de scientifiques chargés de rédiger la déclaration de l’Endocrine Society. Des centaines d’études pointent dans la même direction, que ce soit des études épidémiologiques menées à long terme sur des humains, des études menées sur l’animal ou sur des cellules, ou encore sur des groupes de personnes exposées dans leur métier à des produits spécifiques. »

Hausse des pathologies

Le rapport de l’Endocrine Society est le deuxième du genre. Dès 2009, la société savante avait rassemblé les éléments disponibles dans la littérature scientifique et fait état de ses inquiétudes. Cette nouvelle édition renforce le constat précédent. « En particulier, depuis 2009, les éléments de preuve du lien entre exposition aux perturbateurs endocriniens et troubles du métabolisme, comme l’obésité et le diabète, se sont accumulés, alerte la biologiste Ana Soto (Tufts University à Boston, Ecole normale supérieure), coauteure de la précédente version du rapport. Et il faut noter que rien de ce qui était avancé en 2009 n’a dû être retiré ou revu à la baisse. Tout ce que nous suspections à l’époque a été confirmé par les travaux les plus récents. »
La part prise par l’exposition aux substances chimiques toxiques dans l’augmentation d’incidence de certains troubles ou maladies – obésité, cancer du sein, de la prostate, etc. – ne peut être précisément quantifiée. Mais la société savante rappelle que ces pathologies, en lien avec le dérèglement du système hormonal, sont toutes en hausse inquiétante. Aux Etats-Unis, 35 % de la population est obèse et la moitié est diabétique ou prédiabétique.
Hasard du calendrier, Pesticide Action Network (PAN Europe), une ONG sise à Bruxelles, rappelait, à la fin de septembre, qu’une dizaine de pesticides catégorisés comme perturbateurs endocriniens par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) étaient actuellement examinés par la Commission européenne afin d’être autorisés ou réautorisés sur le marché européen. A l’heure actuelle, il n’existe pas de définition réglementaire stricte de ces substances : l’exécutif européen devait au plus tard établir une telle définition en décembre 2013, mais a cédé sous les pressions de l’industrie et a repoussé sine die la mesure.

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