mercredi 20 mai 2015

Les Etats-Unis lancent un plan pour sauver les abeilles

La Maison Blanche a dévoilé, mardi 19 mai, un plan d'action national pour sauver les abeilles et autres pollinisateurs en péril, qui jouent un rôle clé dans la sécurité alimentaire américaine et pour l'environnement.
« Les insectes pollinisateurs sont essentiels pour l'économie nationale, la sécurité alimentaire et l'environnement », a expliqué John Holdren, l'un des principaux conseillers scientifiques du président Barack Obama. « La pollinisation par les seules abeilles représente plus de 15 milliards de dollars de récoltes agricoles annuellement » dans le pays, a-t-il précisé. Il s'agit de fruits, de fruits à coque et de légumes. Mais « ces pollinisateurs souffrent ».
En effet, selon une estimation du département de l'Agriculture (USDA) publiée la semaine dernière, les apiculteurs ont perdu 42 % de leurs colonies d'abeilles ces douze derniers mois dont une grande partie en hiver. C'est la deuxième plus mauvaise année pour la mortalité des abeilles domestiques aux Etats-Unis dans les annales. La pire avait été en 2012-2013 avec la disparition de 45 % des colonies.
 « Des pertes aussi importantes toute l'année restent très inquiétantes », avait dit Jeff Pettis, un entomologiste de l'USDA, co-auteur de cette recherche. « Les chercheurs doivent trouver de meilleures réponses à l'origine des événements qui mènent à ces pertes en hiver comme en été ».

Ce phénomène encore mystérieux observé depuis 2006 en Amérique du Nord, mais aussi en Europe notamment, décrit la disparition assez soudaine dans les ruches de millions d'abeilles adultes.
Pour les scientifiques, une combinaison de plusieurs facteurs serait responsable de cette hécatombe, dont une mite parasite, un virus, la diminution des éléments nutritifs disponibles et la nocivité des pesticides.
Le plan d'action américain vise aussi à reconstituer les populations de papillons monarques, en très forte diminution. Le nombre de ces papillons migrateurs, qui vont passer l'hiver dans le sud, surtout au Mexique, a baissé de 90 %, voire davantage ces deux dernières décennies.
Ce plan prévoit de limiter la mortalité des colonies d'abeilles pendant l'hiver à 15 % maximum dans les dix ans et à restaurer 2,8 millions d'hectares d'habitat dans les cinq ans grâce à des interventions fédérales et des partenariats entre secteurs public et privé.
Il compte également accroître la population des papillons monarques jusqu'à 225 millions d'ici cinq ans sur une superficie de forêt d'environ six hectares au Mexique, en collaboration avec le gouvernement mexicain.

De nombreuses agences fédérales sont mobilisées pour diversifier les espèces de plantes sur les terres fédérales, pour qu'elles soient mieux adaptées aux besoins nutritifs des abeilles et autres pollinisateurs. Selon les scientifiques, les vastes régions agricoles pratiquant la monoculture privent les abeilles de leurs sources de nourriture.
Ce plan qui met aussi l'accent sur la recherche scientifique, repose sur une stratégie « de mobilisation de toutes les ressources », faisant appel à tout un chacun, du fonctionnaire fédéral au simple citoyen, pour agir et sauver les abeilles, explique la Maison Blanche. Ces mesures sont l'aboutissement de l'appel lancé en juin 2014 par le président Obama pour mettre en oeuvre une stratégie fédérale.
« Accroître l'étendue et la qualité de l'habitat des pollinisateurs est une partie importante de cet effort allant du développement de jardins près des immeubles fédéraux à la restauration de millions d'hectares de terres domaniales et privées », a précisé la présidence.
Mais la Maison Blanche s'est montrée mesurée sur l'impact des insecticides : « Les pesticides jouent un rôle clé dans la production agricole et la santé de notre société. Atténuer leurs effets sur les abeilles est une priorité du gouvernement fédéral », indique le document.

En avril, l'Agence de protection de l'environnement (EPA) a établi un moratoire sur l'utilisation de certains pesticides (néonicotinoïdes) jusqu'à une évaluation complète des risques. L'Union européenne a interdit trois grandes classes de ces pesticides accusés de tuer les abeilles.
Tout en se félicitant de ce plan, les organisations de défense de la nature aux Etats-Unis estiment que l'administration Obama ne va pas assez loin, surtout pour réduire l'usage des pesticides.
« Le président a raison d'insister sur l'urgence de ce problème. Ces recommandations sont un bon premier pas pour sauver les abeilles, mais davantage d'actions plus urgentes sont nécessaires », juge Peter Lehner, directeur du Natural Resources Defense Council, qui appelle à une réduction drastique de l'usage des pesticides.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2015/05/20/les-etats-unis-lancent-un-plan-pour-sauver-les-abeilles_4636532_1652692.html#vrppoSJUcGWGPdVU.99

mercredi 13 mai 2015

Les innovations ne sont pas exploitées pour sauver la planète, bien au contraire

Actu-environnement : Le monde est une immense machine à expresso, écrivez-vous dans L'âge des Low Tech, vers une civilisation techniquement soutenable (Seuil, 2014). Que signifie cette métaphore ?
Philippe Bihouix : Notre système économique, industriel et commercial s'est profondément transformé ces dernières décennies. C'est une évidence de le dire, on pense naturellement au développement exponentiel de l'informatique et des télécommunications. Mais la révolution radicale, un peu moins visible des consommateurs que nous sommes, c'est la réorganisation mondiale de la production. L'effondrement des coûts de transport, provoqué par la généralisation du transport par conteneurs et soutenu par un pétrole bon marché, a permis aux entreprises, à la recherche de gains de productivité et d'efficacité, de coûts de production plus bas, d'effets d'échelles, de tisser des liens de plus en plus complexes, d'échanger des sous-systèmes et plus seulement des matières premières ou des produits de base. La plupart de nos objets manufacturés, des voitures aux téléphones, des vêtements aux jouets, sont l'aboutissement de processus industriels extrêmement imbriqués, assemblant des composants qui ont sillonné la planète et des matières premières en provenance de dizaines de pays différents.
Cet éloignement entre la consommation et la production ne nous permet plus de mesurer les conséquences sociales et environnementales de nos actes. De la même manière que l'électricité, à la fin du 19ème siècle, a permis de s'éclairer et de se chauffer sans l'odeur et la suie du charbon, en repoussant la production en dehors des villes, nous avons délocalisé la pollution. La France semble relativement "vertueuse" dans l'évolution de ses émissions de gaz à effet de serre, mais plusieurs calculs ont montré qu'en réintégrant l'effet des imports, celles-ci ont en réalité augmenté. D'où l'image de la machine à expresso, où la capsule utilisée est escamotée à l'intérieur de l'appareil : le déchet est oublié, nié, surtout si c'est quelqu'un d'autre qui vide le bac à votre place…
AE : Dans un premier ouvrage, vous pointiez la raréfaction d'un ensemble de minerais stratégiques. En quoi cette évolution peut-elle avoir une incidence sur la croissance verte ?
PB : L'idée de la croissance verte, c'est que les innovations techniques, dans des domaines comme les énergies renouvelables et le stockage de l'énergie, les biotechnologies, les nanotechnologies, le traitement massif des données, etc. vont nous permettre de maintenir (ou développer) notre niveau de "confort", de consommation en tout cas, tout en réglant ou limitant le problème climatique (énergies non carbonées), voire en entrant dans une économie "réparatrice" de la planète, avec des technologies dépolluantes (bactéries pour le traitement des eaux ou des sols) ou protectrices (suivi électronique des écosystèmes). Résumons : jusqu'à présent, nous avons donc saccagé la planète, puisque tous les indicateurs ou presque sont au rouge, mais à partir de maintenant, promis, de nombreuses solutions sont à portée de main pour arrêter tout ça et même passer la serpillière pour nettoyer les dégâts, en ne changeant finalement que marginalement nos habitudes de consommateurs opulents. Une voiture électrique ou hybride, un peu de covoiturage et d'économie de la fonctionnalité, quelques efforts sur le recyclage, tout cela englobé dans le concept, flou mais en vogue, d'économie circulaire.
Cette vision idyllique "à la Jeremy Rifkin" est trompeuse, mystificatrice, et nous fait perdre un temps précieux car nous ne prenons pas la vraie mesure de la transition à mener. Ces technologies, dans leur grande majorité, nécessitent de faire appel à des ressources métalliques, des dizaines de métaux différents, plus ou moins rares, et dont les ressources se dégradent en qualité (baisse de la teneur par exemple) ou en accessibilité (besoin de descendre en profondeur, ou en environnement plus complexe). Et les difficultés à les recycler correctement (récupération complexe ; usages dispersifs ; downcycling ou dégradation de l'usage après recyclage à cause des alliages et des mélanges…), rend l'économie circulaire illusoire. De nombreux métaux des nouvelles technologies, comme les lanthanides (terres rares), l'indium, le germanium ou le lithium sont recyclés à moins de 1%. Nous exploitons, de manière très maladroite et très cavalière, un stock limité de ressources précieuses. Nous n'aurons pas les moyens métalliques du déploiement massif de technologies prétendument salvatrices.
AE : Technique et innovation ne peuvent-elles pas répondre à la pénurie de ressources ?
PB : Ponctuellement, si bien sûr. Une innovation va permettre de substituer un métal ou un alliage par un autre, de remplir une fonctionnalité par un autre moyen. Même dans le cas des propriétés catalytiques, où il semble difficile de se passer des platinoïdes par exemple, l'industrie commence à parler de catalyseurs bio-inspirés, de catalyse enzymatique… Toutes choses égales par ailleurs, il semble donc toujours y avoir une solution. C'est d'ailleurs le raisonnement des économistes, qui estiment que le capital acquis remplacera le capital naturel, et que le signal prix, l'équilibre offre / demande, permet toujours de faire émerger des innovations et des moyens de substitution. Mais cette une grave erreur, car il faut regarder les choses de manière systémique. Le déploiement d'une technologie peut régler un problème d'un côté, mais en créer d'autres, plus grands, ailleurs. C'est exactement ce qui se passe entre énergie et métaux.
Et puis, soyons réalistes. Encore aujourd'hui, dans la plupart des cas, les innovations ne sont pas exploitées pour sauver la planète, bien au contraire… Ainsi de la déferlante à venir des big data ou des objets connectés, qui sera mortifère, tant du point de vue de la consommation de ressources rares (l'électronique en est gourmande) que de la génération de déchets, déjà ingérables aujourd'hui. En sachant que la plupart des applications seront dans le domaine du marketing, n'en doutons pas, car il faut bien assurer des retours sur investissements, donc des marchés rentables.
AE : Quelles sont les pistes pour concevoir et produire des objets réellement durables ?
PB : Il faut prendre la conception sous l'angle de la consommation de ressources et de la capacité à récupérer correctement, sans dégradation de l'usage, ces ressources en fin de vie, si elles ne sont pas renouvelables (ce qui est le cas des métaux). Et, bien entendu, faire durer les objets le plus longtemps possible, les rendre réparables, robustes, modulaires, faciles à comprendre et à démanteler. Cela implique de revenir à des choses plus simples, avec moins d'électronique, de privilégier le mono-matériau plutôt que les composites.
Mais surtout, il s'agit de revoir le cahier des charges fonctionnel des objets, pour limiter au maximum les besoins en matériaux. Qu'est-ce qu'apporte un thermomètre à affichage digital par rapport à un thermomètre à alcool ? Il n'est pas possible de réellement éco-concevoir un smartphone, avec la quantité d'équipements différents, miniaturisés à l'extrême qu'il contient, et il restera toujours un cauchemar à recycler, avec ses 40 métaux différents. Mais a-t-on besoin d'un hygromètre et d'un baromètre dans son téléphone ?
AE : Dans votre dernier ouvrage, vous en appelez à un Age des Low Tech. Quels en sont les principes cardinaux ?
PB : J'ai envie d'en citer deux : remettre en cause les besoins, savoir rester modeste. Commençons par la modestie. Malgré les formidables avancées scientifiques et techniques, il nous faut retrouver une certaine humilité. D'une part, nous ne serons jamais capables de comprendre, d'appréhender correctement, l'ensemble des interactions systémiques sur la planète, même celles de notre système social, économique et culturel. D'autre part, il faut renoncer à la croyance à une solution tout-technologique. Les équations de la physique sont têtues et il n'y a pas de solution technique qui permette de maintenir notre niveau actuel de consommation énergétique, sans parler de l'augmenter. Nous serons toujours rattrapés par un facteur physique : disponibilité en matériaux, en surface, en capacité industrielle et à maintenir des infrastructures trop complexes, etc.
Ensuite les besoins. Plutôt que vouloir maintenir une offre énergétique et matérielle "à tout prix", non soutenable et aggravant les conséquences environnementales, il est nettement plus raisonnable, plus simple, plus efficace, plus rapide, de travailler d'abord et avant tout du côté de la demande, de savoir remettre en cause, intelligemment, démocratiquement et collectivement, une partie de nos besoins. Il serait très simple de renoncer à une grande partie des usages jetables ; plutôt que s'acharner à fabriquer une voiture toujours aussi lourde et moins consommatrice, on pourrait réduire la vitesse maximale, brider les moteurs et alléger considérablement les automobiles ; en parallèle d'un programme de rénovation thermique dans le bâtiment, revoir de manière progressive mais significative les températures de consigne et les besoins de climatisation ; plutôt que de déployer massivement des énergies renouvelables, commencer par ne plus augmenter la consommation électrique à coup d'écrans partout et de numérique à tout-va !

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