vendredi 20 mars 2015

Abeilles : l'Assemblée vote l'interdiction des insecticides néonicotinoïdes en 2016

L'Assemblée nationale a voté jeudi 19 mars l'interdiction à compter de janvier 2016 des produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes, réputés toxiques pour les abeilles, en adoptant un amendement des socialistes Gérard Bapt et Delphine Batho. Un vote contre l'avis du gouvernement, défavorable à la mesure au motif notamment que « le cadre européen ne permet pas une interdiction stricte », selon la ministre de l'écologie, Ségolène Royal.
Après un constat fait en 2012 par des publications scientifiques du déclin rapide de populations d'abeilles provoqué par l'emploi de ces produits, la Commission européenne avait restreint, en décembre 2013, l'usage de trois substances de cette famille de molécules insecticides après une empoignade avec les grandes firmes agrochimiques. Des restrictions qui concernent 75 cultures jugées attractives pour les abeilles.

Trois fois plus de miel en 1995

Insuffisant déjà pour les apiculteurs, qui réclamaient un moratoire étendu à toutes les autres molécules de la famille des néonicotinoïdes alors qu'en 2014 la production de miel en France est tombée à 10 000 tonnes, contre 32 000 tonnes en 1995, pour un nombre de ruches presque équivalent. Cinq molécules restent actuellement autorisées en France.

L'interdiction vise désormais toute la famille des néonicotinoïdes, pour éviter que l'industrie ne substitue des produits cousins après le retrait d'un produit précis, selon M. Bapt, par ailleurs médecin de profession.
Appelant à « entendre le cri d'alarme des apiculteurs » vu la mortalité actuelle massive des abeilles, par exemple dans le département des Deux-Sèvres, l'ancienne ministre de l'écologie Delphine Batho a souhaité que la France fasse avec tous les néonicotinoïdes « un moratoire » du même type qu'avec le maïs OGM.

« Une action volontariste »

Sur ces néonicotinoïdes « dévastateurs pour un certain nombre d'espèces et faisant courir un risque de santé publique », la rapporteure Geneviève Gaillard (PS) s'était montrée hostile à « une interdiction brute », par souci d'« efficacité » et de « ne pas gêner les avancées du gouvernement », disant craindre que ces produits restent utilisés dans le cadre de dérogations, en l'absence d'« alternative » chimique.
Dans sa « feuille de route » écologiste, présentée le 4 février, le gouvernement a assuré que la France mènerait « au niveau européen une action volontariste » pour que les substances néonicotinoïdes des pesticides soient réévaluées « au plus vite, en prenant en compte toutes les études concernant les effets sur les colonies d'abeilles, les pollinisateurs sauvages, la faune ».
Cette décision des députés intervient alors qu'une enquête de la Commission européenne, rendue elle aussi publique jeudi, tire la sonnette d'alarme : près de 10 % des quelque 2 000 espèces sauvages d'abeilles européennes sont menacées d'extinction. Si aucune mesure n'est prise, 5 % supplémentaires le seront dans un futur proche. 

jeudi 19 mars 2015

La forêt amazonienne éponge de moins en moins le carbone émis par l’homme

La forêt amazonienne est malade et c’est l’une des plus mauvaises nouvelles apportées par la science, ces dernières années, sur le front climatique. Jeudi 19 mars, dans la dernière édition de la revue Nature, une centaine de chercheurs publient les résultats d’un projet de recherche gigantesque, conduit depuis plus de trois décennies et destiné à surveiller, dans un monde plus chaud, l’évolution de la jungle d’Amazonie. Le fait saillant des conclusions présentées est que celle-ci éponge de moins en moins le dioxyde de carbone (CO2) anthropique. Environ un quart de celui-ci est actuellement absorbé par la végétation terrestre, les forêts tropicales jouant un rôle prépondérant dans ce processus. La mauvaise nouvelle était attendue, mais les chiffres publiés frappent par leur ampleur.
Dans les années 1990, l’Amazonie retirait chaque année de l’atmosphère quelque 2 milliards de tonnes de CO2. Ce taux aurait chuté d’un tiers dans les années 2000 et n’excéderait guère, aujourd’hui, un milliard de tonnes de CO2. En un plus de deux décennies, l’efficacité du « puits de carbone » amazonien aurait donc été divisée par deux.
« La conséquence mécanique de ce constat est que le CO2 va s’accumuler plus vite dans l’atmosphère », explique Jérôme Chave, chercheur au laboratoire Evolution et diversité biologique (CNRS-Université Toulouse III-Paul Sabatier) et coauteur de ces travaux. Avec comme conséquence possible l’aggravation des prévisions du réchauffement pour la fin du siècle, obtenues grâce à des modèles de climat. En effet, selon Roel Brienen, chercheur à l’université de Leeds (Royaume-Uni) et premier auteur de ces travaux, « les modèles climatiques qui incluent la réponse de la végétation présument que tant que les niveaux de CO2 continueront à grimper, l’Amazonie continuera à accumuler du carbone, mais notre étude montre que cela pourrait ne pas être le cas ».
Hausse du taux de mortalité des arbres de 30 % en trente ans
Pour établir leurs résultats, les chercheurs ont procédé à un travail de fourmi. Plus de 320 parcelles de forêts, mesurant chacune environ un hectare, disséminées sur les six millions de kilomètres carrés du bassin amazonien, ont été visitées à intervalles de temps réguliers depuis le milieu des années 1980. La croissance et la mortalité de la végétation y ont été consignées à chaque visite, tous les arbres d’un tronc de diamètre supérieur à 10 cm ayant été inclus. Résultat : depuis le début des relevés, leur taux de mortalité a, en moyenne, augmenté de 30 %.
« Les deux sécheresses exceptionnelles qui ont frappé la région, en 2005 et 2010, ont joué un rôle dans cette augmentation de la mortalité, explique Damien Bonal, chercheur au laboratoire Ecologie et écophysiologie forestière (INRA), coauteur de l’étude. Mais on voit également que ce processus est engagé depuis bien avant 2005. »
Rôle du changement climatique
Le principal suspect est bien sûr le changement climatique en cours, mais les mécanismes précis par lesquels celui-ci agit négativement sur la végétation n’est pas absolument clair. Dans un commentaire publié par Nature, Lars Hedin (université de Princeton, Etats-Unis) estime « probable » que « la disponibilité en eau, la limitation des nutriments disponibles ou le stress thermique » jouent un rôle.
Ce à quoi on assiste, dit en substance Jérôme Chave, est probablement le remplacement des espèces d’arbres les plus sensibles aux perturbations en cours par d’autres essences. Une fois ce remplacement achevé, verra-t-on le puits de carbone de l’Amazonie redevenir aussi important qu’auparavant ? « C’est peu probable, dit M. Chave. Car les espèces qui tendent à remplacer celles qui déclinent ont une croissance plus rapide, une durée de vie plus courte et une tendance à stocker moins de carbone. »

L’état de santé des autres grands bassins forestiers tropicaux — en Asie du Sud, en Afrique équatoriale — est du coup, lui aussi, un sujet d’inquiétude, au-delà même de la déforestation rapide qui sévit dans ces zones. « Des sécheresses importantes ont également touché ces régions, mais cela ne veut pas nécessairement dire que la situation y est identique à celle de l’Amazonie », tempère M. Bonal, qui ajoute que les résultats présentés devront être confirmés par d’autres méthodes de mesure que l’inventaire forestier — en particulier des mesures directes des flux de CO2 au-dessus de la forêt.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/climat/article/2015/03/18/la-foret-amazonienne-eponge-de-moins-en-moins-le-carbone-emis-par-l-homme_4596363_1652612.html#TSH4XJvQKvcAxay0.99

vendredi 13 mars 2015

Etat des lieux des pesticides dans les eaux nationales

Le service de l'observation et des statistiques (SOeS) du Commissariat général au développement durable (CGDD) a annoncé le 10 mars la publication de données sur la présence des pesticides dans les cours d'eau et les eaux souterraines. La lutte contre les nitrates et les pesticides est une des priorités de la politique de l'eau annoncées en juillet 2014 par le ministère de l'Ecologie. Elle s'accompagne notamment de la mise en œuvre du deuxième plan Ecophyto. Le SOeS rappelle que compte tenu des risques que représentent les pesticides, depuis les années 2000, leur présence dans les cours d'eau et dans les eaux souterraines fait l'objet de suivis réguliers. Et d'expliquer : "Ces suivis mettent en évidence une dispersion importante et une présence généralisée des pesticides dans les milieux aquatiques, le plus souvent toutefois en très faible quantité. Les résultats des analyses permettent de vérifier si les normes définies au niveau européen sont respectées, lorsqu'elles existent, par substance ou groupe de substances".
L'atrazine et ses produits de dégradation dominent
Quelles données sont disponibles ? Datant de 2012, il s'agit de la contamination globale des cours d'eau et des eaux souterraines, de la liste des pesticides les plus rencontrés dans ces milieux aquatiques et de l'état des lieux de la conformité de la "pollution" par rapport aux normes de la directive-cadre sur l'eau (DCE).
Au niveau des cours d'eau, 602 pesticides différents ont été identifiés, avec 25% des points présentant des concentrations moyennes annuelles supérieures à 0,5 µg/l. Les teneurs les plus élevées se situaient dans les régions céréalières, de maïsiculture ou de viticulture. Les trois pesticides les plus relevés en métropole étaient l'AMPA, le glyphosate et l'atrazine déséthyl. Pour les DOM, c'était le Chlordécone. Seuls 5% des points de mesure dépassaient les normes fixées.
Au niveau des eaux souterraines, 586 pesticides différents ont été identifiés, avec 5,9% des points présentant des concentrations moyennes annuelles supérieures à 0,5 µg/l. A noter que les eaux souterraines corses étaient exemptées de pesticides. En tête des substances les plus présentes : l'atrazine déséthyl, le déisopropyl-déséthyl-atrazine et l'atrazine. Ce sont tous trois des herbicides interdits par l'Union européenne. Tout comme pour les cours d'eau, dans les DOM, le Chlordécone était le plus quantifié. En 2012, 19% des points de mesure ne respectaient pas les normes de qualité DCE pour les pesticides.

Une vingtaine de perturbateurs endocriniens dans les cheveux des Parisiennes

Au moins une vingtaine de perturbateurs endocriniens (PE) – avérés ou suspectés – seraient présents dans les cheveux des femmes urbaines en âge de procréer. C’est le principal message d’une étude rendue publique jeudi 12 mars par l’association Générations futures, financée par le Conseil régional d’Ile-de-France. Ces résultats se fondent sur l’analyse des cheveux d’une trentaine de jeunes femmes de 20 à 35 ans, vivant principalement à Paris et en banlieue parisienne – échantillon toutefois non-représentatif de cette population.
Les PE sont une catégorie de molécules présentes dans de nombreux objets d’usage courant (conditionnements alimentaires, solvants, cosmétiques, etc.) et dans la chaîne alimentaire (pesticides, etc.), capables d’interférer avec le système hormonal et d’agir ainsi à de très faibles niveaux d’exposition. De nombreux troubles et maladies émergentes (diabète de type 2, obésité, cancers hormono-dépendants, etc.) sont suspectés d’être favorisés par ces substances.
Une soixantaine d’entre elles, principalement des pesticides, ont été recherchées dans l’analyse conduite par Générations futures. Dans le meilleur des cas, 12 molécules différentes ont été retrouvées ; dans le pire cas, celui d’une jeune femme vivant en petite couronne, 32 substances distinctes ont été détectées. Les disparités d’exposition sont plus fortes encore dès lors que la quantité totale de produits résiduels est examinée : elle varie de 24 à 387 nanogrammes par gramme de cheveux. « Nous avons cherché ces substances dans une mèche de cheveux de trois centimètres, ce qui correspond au film des expositions cumulées de la personne au cours des trois derniers mois », explique François Veillerette, porte-parole de Générations futures.
Molécules interdites
Sur les 64 molécules recherchées, 7 ont été retrouvées dans la totalité des échantillons : un résidu d’insecticides pyréthrinoïdes, deux d’insecticides organophosphorés et quatre de pesticides interdits depuis plusieurs années (hexachlorobenzène, parathion, lindane, trifluraline). La présence dans l’organisme de ces composés chimiques interdits peut s’expliquer de plusieurs façons : utilisation frauduleuse dans certaines exploitations agricoles, utilisation dans d’autres produits que les pesticides ou, plus sûrement, remobilisation de molécules stockées de longue date dans l’organisme (le lindane est par exemple connu pour s’accumuler dans les graisses).
Quinze autres substances ont été détectées sur plus de la moitié des individus testés, parmi lesquelles d’autres pesticides ainsi qu’un PCB (polychlorobiphényle). D’autres perturbateurs endocriniens, comme par exemple certains phtalates, n’ont pas été inclus dans la liste des molécules recherchées.
L’analyse chimique a été conduite par un laboratoire de biosurveillance académique luxembourgeois, mais les résultats n’ont pas fait l’objet d’une publication dans une revue scientifique à comité de lecture. Au reste, la très petite taille de l’échantillon ne permet pas de déduire des taux d’imprégnation de la population générale. De même, aucun déterminant – hygiène de vie, habitudes alimentaires, lieu de résidence, etc. – ne peut permettre, à partir des résultats présentés, d’expliquer les disparités d’imprégnation des participantes.
« L’objectif de cette étude était plutôt, en se plaçant loin des zones agricoles, de montrer l’étendue de la contamination de la population féminine en âge de procréer, précise M. Veillerette. Car pour l’enfant à naître, c’est au cours de la vie fœtale que les effets des perturbateurs endocriniens sont les plus inquiétants. »
Controverse sur les effets
L’étude de l’association ne dit toutefois rien des effets sanitaires potentiels des molécules détectées. De tels effets sont considérés comme improbables par la plupart des agences de sécurité sanitaire. Dans son rapport annuel sur les résidus de pesticides dans l’alimentation, rendu public le 12 mars, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) précise ainsi que « 97,4 % des échantillons alimentaires testés présentent des résidus de pesticides conformes aux limites légales et que 54,6 % des échantillons ne contiennent pas de niveaux mesurables de résidus ». A ces niveaux d’exposition, l’EFSA estime « improbable » que « la présence de résidus de pesticides dans les aliments ait un effet à long terme sur la santé des consommateurs ».
Cependant, le jugement des agences de sécurité sanitaires comme l’EFSA est, depuis quelques années, de plus en plus remis en cause par la recherche scientifique académique. De fait, de nombreuses études montrent des effets sanitaires attribuables à l’exposition à certains PE, à des seuils inférieurs aux seuils calculés par les agences.
Se fondant sur les études toxicologiques, épidémiologiques et de biosurveillance publiées depuis une vingtaine d’années dans les revues scientifiques à comité de lecture, un groupe de dix-huit chercheurs américains et européens a ainsi récemment cherché à évaluer le coût sanitaire de l’exposition de la population européenne à différents PE. Leurs résultats, à paraître dans la prochaine édition du Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism, sont en radicale opposition avec l’opinion de l’EFSA. En limitant leur analyse aux liens qu’ils estiment les plus sûrement documentés, entre certaines substances à certains effets sanitaires, ils chiffrent à un minimum de 120 milliards d’euros le coût annuel des dégâts occasionnés sur les Européens par les seuls pesticides organochlorés et organophosphorés.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/03/12/une-vingtaine-perturbateurs-endocriniens-dans-les-cheveux-des-parisiennes_4592646_3244.html#B2rdqlYlGLkyzJLi.99

Les fleuristes, victimes ignorées des pesticides : « Si l’on m’avait mise en garde, ma fille serait encore là »

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