Un tiers des réserves de pétrole, la moitié de celles de gaz et plus de 80 % de celles de charbon devront rester inexploitées, si l'on veut éviter la surchauffe de la planète. C'est la thérapie de choc que prescrivent deux chercheurs britanniques dans une étude publiée dans l'édition de la revue Nature du jeudi 8 janvier. Il s'agit d'un sevrage radical pour une économie mondiale marquée par son addiction aux ressources fossiles. Toutefois, le traitement préconisé est différencié selon les grandes zones de production, ce qui fait tout l'intérêt de ce travail.
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a prévenu : pour conserver au moins une chance sur deux de contenir la hausse des températures à la fin du siècle sous la barre de 2°C par rapport à la période préindustrielle – seuil de danger retenu par la communauté internationale en 2009 –, les émissions mondiales de CO2 ne devront pas dépasser, entre 2011 et 2050, une fourchette allant de 860 à 1 180 milliards de tonnes, ou gigatonnes (Gt).S'ABSTENIR D'EXTRAIRE LA PLUS GRANDE PARTIE DES RÉSERVES FOSSILES
Or, les réserves fossiles du globe représentent un stock d'environ 2 900 Gt de CO2 – près de trois fois plus que les émissions tolérables donc –, selon les estimations des auteurs qui se fondent notamment sur les évaluations du World Energy Council, de l'Institut d'études géologiques des Etats-Unis et de l'Institut fédéral allemand pour les géosciences et les ressources naturelles. Encore ne s'agit-il que des réserves, c'est-à-dire des volumes récupérables aux conditions techniques et économiques actuelles, dans des gisements déjà exploités ou en voie de l'être. Les ressources, elles, c'est-à-dire l'ensemble des matières fossiles présentes dans le sous-sol terrestre, sont près de quatre fois plus importantes (environ 11 000 Gt).
La conclusion s'impose : il faut, jusqu'à 2050, s'abstenir d'extraire et de brûler
la plus grande partie des réserves fossiles. L'originalité de l'étude
des deux chercheurs, Christophe McGlade et Paul Ekins, de l'University
College London, est d'avoir cherché à quantifier
le « sacrifice » nécessaire, en fonction des pays ou ensembles de pays,
mais aussi en distinguant entre pétrole conventionnel ou non
conventionnel, gaz conventionnel ou non conventionnel, et charbon.
Pour ce faire, ils ont fait tourner un modèle technico-économique utilisé par les énergéticiens. Celui-ci combine une série de paramètres caractérisant les grandes régions du monde – réserves, extraction, transport, transformation et usages des différentes sources d'énergie, technologies existantes et futures, équilibre entre l'offre et la demande, exportations, etc – pour « optimiser » le système énergétique mondial. Autrement dit, pour obtenir un coût de l'énergie minimal. A ce modèle, ils ont ajouté une contrainte supplémentaire : la limitation du réchauffement à 2 °C.
EFFORT INÉGALEMENT RÉPARTI SELON LES PAYS
Résultats : 35 % des réserves de pétrole, 52 % de gaz et 88 % de charbon doivent rester sous terre. Le recours au captage-stockage du CO2 – une technologie encore embryonnaire – ne permettrait qu'une faible diminution de ces pourcentages (respectivement 33 %, 49 % et 82 %). Mais l'effort est inégalement réparti. Les pays producteurs du Moyen-Orient, qui possèdent l'essentiel des réserves, doivent renoncer à 38 % de leur pétrole et 61 % de leur gaz, l'Afrique à respectivement 26 % et 34 %, la Chine et l'Inde réunies à 25 % et 53 %, l'Europe à 21 % et 6 %, les pays de l'ex-Union soviétique à 19 % et 59 %.
Le Canada, lui, doit se priver de 75 % de son pétrole et 24 % de son gaz. En revanche, les Etats-Unis échappent, ou presque, à ces restrictions, puisqu'ils ne doivent abandonner que 9 % de leurs gisements de pétrole et 6 % de ceux de gaz. Ce que les auteurs expliquent par la proximité des centres de production et de consommation qui réduit les coûts. Mais c'est pour le charbon que, partout, les restrictions sont les plus drastiques, le Moyen-Orient devant même en laisser dans le sol 99 %.
LAISSER DORMIR LES HYDROCARBURES NON CONVENTIONNELS
Pour ce faire, ils ont fait tourner un modèle technico-économique utilisé par les énergéticiens. Celui-ci combine une série de paramètres caractérisant les grandes régions du monde – réserves, extraction, transport, transformation et usages des différentes sources d'énergie, technologies existantes et futures, équilibre entre l'offre et la demande, exportations, etc – pour « optimiser » le système énergétique mondial. Autrement dit, pour obtenir un coût de l'énergie minimal. A ce modèle, ils ont ajouté une contrainte supplémentaire : la limitation du réchauffement à 2 °C.
EFFORT INÉGALEMENT RÉPARTI SELON LES PAYS
Résultats : 35 % des réserves de pétrole, 52 % de gaz et 88 % de charbon doivent rester sous terre. Le recours au captage-stockage du CO2 – une technologie encore embryonnaire – ne permettrait qu'une faible diminution de ces pourcentages (respectivement 33 %, 49 % et 82 %). Mais l'effort est inégalement réparti. Les pays producteurs du Moyen-Orient, qui possèdent l'essentiel des réserves, doivent renoncer à 38 % de leur pétrole et 61 % de leur gaz, l'Afrique à respectivement 26 % et 34 %, la Chine et l'Inde réunies à 25 % et 53 %, l'Europe à 21 % et 6 %, les pays de l'ex-Union soviétique à 19 % et 59 %.
Le Canada, lui, doit se priver de 75 % de son pétrole et 24 % de son gaz. En revanche, les Etats-Unis échappent, ou presque, à ces restrictions, puisqu'ils ne doivent abandonner que 9 % de leurs gisements de pétrole et 6 % de ceux de gaz. Ce que les auteurs expliquent par la proximité des centres de production et de consommation qui réduit les coûts. Mais c'est pour le charbon que, partout, les restrictions sont les plus drastiques, le Moyen-Orient devant même en laisser dans le sol 99 %.
LAISSER DORMIR LES HYDROCARBURES NON CONVENTIONNELS
Pour ce qui est du cas particulier des hydrocarbures non conventionnels (pétrole et gaz de schiste, sables bitumineux), les auteurs concluent qu'une hausse de leur production actuelle est incompatible avec la volonté de juguler
le réchauffement. Ce qui pénaliserait donc la production américaine de
gaz et huiles de schiste et celle, canadienne, de sables bitumineux. De
même, soulignent-ils, « toutes les ressources de l'Arctique en hydrocarbures devraient être classées comme non brûlables ».
« Les hommes politiques doivent réaliser que leur instinct consistant à recourir aux énergies fossiles disponibles sur leur territoire, est incompatible avec leur engagement à tenir l'objectif de 2 °C », conclut Christophe McGlade.
« COMPENSATION ENTRE GAGNANTS ET PERDANTS »
Roland Vially, géologue à l'IFP Energies nouvelles, prend des distances avec l'étude. Il met ainsi en cause la pertinence de l'utilisation, sur ce sujet, d'un modèle d'optimisation économique. A ses yeux, « il aurait été plus intéressant de faire une optimisation en termes d'émissions de CO2 plutôt qu'en termes de coût ».
« Il y a un grand absent dans cet article : le consommateur, observe-t-il en outre. Les pays producteurs sont implicitement rendus responsables de la consommation mondiale, alors qu'il faut [pour rester sous la limite de 2°C] que les pays consommateurs consomment moins et donc que la demande diminue ».
Chercheur au Potsdam Institute for Climate Impact (Allemagne), Jérôme Hilaire, cosignataire avec son collègue Michael Jakob d'un commentaire dans le même numéro de Nature, juge en revanche ce travail « très intéressant », dans la mesure où il est « le premier à identifier de façon aussi détaillée où se trouvent les réserves et les ressources fossiles à ne pas exploiter ». Surtout, ajoute-t-il, ces résultats mettent en lumière la nécessité de politiques climatiques prévoyant « un système de compensation entre gagnants et perdants ».
« Les hommes politiques doivent réaliser que leur instinct consistant à recourir aux énergies fossiles disponibles sur leur territoire, est incompatible avec leur engagement à tenir l'objectif de 2 °C », conclut Christophe McGlade.
« COMPENSATION ENTRE GAGNANTS ET PERDANTS »
Roland Vially, géologue à l'IFP Energies nouvelles, prend des distances avec l'étude. Il met ainsi en cause la pertinence de l'utilisation, sur ce sujet, d'un modèle d'optimisation économique. A ses yeux, « il aurait été plus intéressant de faire une optimisation en termes d'émissions de CO2 plutôt qu'en termes de coût ».
« Il y a un grand absent dans cet article : le consommateur, observe-t-il en outre. Les pays producteurs sont implicitement rendus responsables de la consommation mondiale, alors qu'il faut [pour rester sous la limite de 2°C] que les pays consommateurs consomment moins et donc que la demande diminue ».
Chercheur au Potsdam Institute for Climate Impact (Allemagne), Jérôme Hilaire, cosignataire avec son collègue Michael Jakob d'un commentaire dans le même numéro de Nature, juge en revanche ce travail « très intéressant », dans la mesure où il est « le premier à identifier de façon aussi détaillée où se trouvent les réserves et les ressources fossiles à ne pas exploiter ». Surtout, ajoute-t-il, ces résultats mettent en lumière la nécessité de politiques climatiques prévoyant « un système de compensation entre gagnants et perdants ».
On voit mal en effet comment – et l'étude n'apporte pas la réponse – convaincre un pays producteur, riche ou pauvre, ou une compagnie pétrolière ou gazière, de renoncer à la rente des hydrocarbures, sans la mise en place de mécanismes tels qu'un marché mondial du carbone, ou que le Fonds vert pour le climat, destiné à aider les pays en développement à prendre leur part dans la lutte contre le réchauffement. Des questions qui seront au cœur de la conférence mondiale sur le climat de Paris, en décembre 2015.