Mens sana in corpore sano.
On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux. Le Petit Prince (1943) de Antoine de Saint-Exupéry
mercredi 10 décembre 2025
Des enjeux importants face à l’objectif de 10 % de réduction des prélèvements d’eau d’ici 2030
En 2022, l’eau potable représente le premier poste de prélèvement dans le
bassin Artois-Picardie. Le « plan eau », adopté en 2023, fixe un objectif de
réduction de 10 % des volumes d’eau prélevés à l’horizon 2030, en grande
partie porté par la consommation d’eau potable domestique. En 2022, celleci
s’élève à 201 millions de m³ dans le bassin. Compte tenu des évolutions
démographiques et sans anticiper de modifications comportementales,
la consommation d’eau potable se stabiliserait à l’horizon 2030 à
200,2 millions de m³. Ce niveau serait nettement supérieur à celui fixé
par le « plan eau » : 171 millions de m³. La consommation dépasserait
l’objectif dans l’ensemble des territoires du bassin mais les enjeux seraient
différents. En effet, plusieurs facteurs peuvent induire une hausse de
la consommation comme la croissance démographique ou encore le
développement d’activités économiques déjà présentes (tourisme,
commerce ou industrie) notamment dans l’Authie et la Canche.
Pour en savoir plus : https://www.insee.fr/fr/statistiques/8675514
Pesticides : 2 300 scientifiques signent une lettre ouverte contre un projet de règlement européen
L'Union européenne veut simplifier les règles autour des pesticides en supprimant l'obligation de faire ré-homologuer les produits de façon périodique. En réponse, quelque 2 300 chercheurs et chercheuses adressent une lettre ouverte au Premier ministre contre cette proposition.
Dans une lettre ouverte, 2 300 scientifiques alertent contre un projet européen de simplification de la réglementation sur les pesticides. Ce texte doit être examiné cette semaine à Bruxelles, et prévoit la suppression "du renouvellement périodique systématique de l'agrément pour toutes les substances actives".
Pour le président de l'association Alerte médicale sur les pesticides, le docteur Pierre-Michel Perinaud, cela serait synonyme d'une régression de 30 ans en arrière : "Quand une substance active de pesticide bénéficie d'une autorisation, en général c'est sur dix à quinze ans et c'est sur la foi de tests fournis et réalisés par les industriels", explique-t-il. "Le seul moment en pratique où est prise en compte la littérature scientifique, ce sont justement ces réévaluations", affirme-t-il, assurant que c'est cette littérature scientifique "a permis l'interdiction de pesticides sur la base de données assez solides".
"Dans le sens d'une utilisation débridée des pesticides"
"Ce qui nous paraît, nous, scandaleux, c'est cette suppression qui aboutit de fait à une homologation ad vitam aeternam des substances actives", déplore Pierre-Michel Perniaud. "C'est une régression qui revient à une trentaine d'années en arrière, qui va dans le sens d'une utilisation encore plus débridée des pesticides, alors que toutes les études scientifiques vont dans le sens de leur arrêt. Nous on pense qu'il faut mettre l'accent sur la transition vers un autre modèle agricole".
Fin novembre, la commission européenne assurait que les modifications engagées, et donc cette fin du renouvellement périodique des autorisations, ne réduiraient pas le niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement.
lundi 8 décembre 2025
Directive européenne sur la surveillance des sols
La directive sur la surveillance et la résilience des sols a été adoptée par le Conseil le 29 septembre 2025 et votée au Parlement le 23 octobre 2025. Elle entrera en vigueur le 16 décembre prochain. Les États-membres auront alors 3 ans pour la transposer dans leur droit national.
Ce texte, qui constitue la première législation européenne sur les sols, comporte plusieurs volets : une structuration et une harmonisation d'un cadre européen de surveillance des sols (chapitre 2) avec un suivi d’indicateurs (incluant une liste indicative de contaminants des sols (article 8)) et un protocole d’échantillonnage (cf. annexes I et II), une promotion de la résilience des sols et des modalités de gestion durable des sols, associée à la mise en œuvre de principes d’atténuation de l’artificialisation des terres (chapitre 3) et un dernier volet consacré à la gestion des sites et sols contaminés (chapitre 4), avec en particulier la publication d’une liste publique des sites potentiellement pollués.
vendredi 28 novembre 2025
Le TFA pourrait rendre nos eaux potables non conformes
Le TFA pourrait rendre nos eaux potables non conformes Publié le 15 novembre 2024
Le TFA fait partie des PFAS, ces polluants éternels préoccupants. Non réglementé à ce jour, il n’est pas rare qu’on le retrouve dans les eaux européennes, y compris de consommation. Une récente décision de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) pourrait faire évoluer la situation.
Le flufénacet, un herbicide qui se désagrège dans l’environnement en acide trifluoroacétique (TFA), est un perturbateur endocrinien. C’est la conclusion de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), publiée le 27 septembre 2024, le considérant à ce titre comme susceptible de perturber le système hormonal de l’homme et des mammifères sauvages. L’information est passée inaperçue. Elle est pourtant loin d’être anodine, souligne Générations Futures, association de défense de l’environnement.
Des évaluations qui traînent
Le flufénacet, principalement utilisé sur des cultures de céréales (blé et orge), est l’un des herbicides les plus vendus dans l’Union européenne (UE). En France, les ventes sont passées de moins de 100 tonnes en 2008 à 911 tonnes en 2022.
Pourtant, le flufénacet est dans une situation des plus paradoxales. Il avait été autorisé en 2004 pour une période de 10 ans qui a expiré fin 2013. Il était, depuis, en cours d’évaluation par les agences européennes en vue d’un possible renouvellement de son autorisation. En attendant, il a fait l’objet de 9 procédures de prolongation. Ce n’est donc que le 27 septembre dernier, avec 11 ans de retard, que l’Efsa a mis un point final à ce dossier en classant l’herbicide comme perturbateur endocrinien. Générations Futures y voit une première raison non négociable d’interdire immédiatement le flufénacet dans l’UE.
Un pesticide qui se dégrade en PFAS
Il y en a une deuxième. Une fois épandu, le flufénacet se désagrège petit à petit, dans l’environnement, en d’autres substances chimiques dont l’acide trifluoroacétique, plus connu sous le sigle TFA. Cette molécule fait partie de la vaste famille des PFAS, composés chimiques, synthétisés par l’homme à partir d’hydrocarbures et avec pour point commun d’être composés à base d’atomes de carbone et de fluor, reliés par des liaisons chimiques particulièrement stables. Une aubaine pour les industriels qui les utilisent depuis les années 1950 pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes, antitaches et résistantes aux chaleurs extrêmes.
Les pesticides PFAS, dont fait partie le flufénacet, ne sont qu’une de ces applications. Le revers de la médaille ? En raison de cette même stabilité de leurs liaisons carbone-fluor, ces PFAS sont aussi persistants, bioaccumulables et très difficiles à éliminer, d’où leur dénomination de « polluants éternels ». Ils s’accumulent ainsi depuis 70 ans dans l’environnement et, de facto, dans nos organismes, principalement via les aliments et l’eau qu’on ingère. Si nos connaissances restent limitées sur ces PFAS, des études convergent pour leur attribuer des effets néfastes sur la santé. Ils sont ainsi soupçonnés d’être cancérogènes (foie, reins), perturbateurs endocriniens, de favoriser l’obésité et le diabète, d’affecter la fertilité ou le développement du fœtus, etc.
Le TFA est l’un de ces polluants éternels aux effets sanitaires mal documentés et non réglementés à ce jour. En s’appuyant sur des études indiquant une toxicité du TFA sur le foie et la reproduction, l’Allemagne propose de classer cette molécule comme un reprotoxique probable pour l’homme, pouvant à ce titre altérer la fertilité de l’homme ou de la femme ou altérer le développement de l’enfant à naître.
Une requalification qui fait bouger les lignes
Une certitude, lorsqu’il est recherché, le TFA est régulièrement retrouvé dans les analyses d’eaux naturelles ou les eaux potables. Les sources d’émissions de ce PFAS sont multiples, mais la dégradation du flufénacet en est une majeure. Et connue depuis longtemps, dénonce Générations Futures qui fait référence aux modélisations réalisées dans le cadre du dossier d’évaluation du flufénacet par l’Efsa. « Celles-ci ont montré que la dégradation du flufénacet conduit, à de rares exceptions près, à des concentrations de TFA dans les eaux souterraines toujours supérieures à 10 microgrammes par litre (µg/l) », indique Générations Futures. Et rappelle que ces données sont dans le dossier d’évaluation du flufénacet depuis 2017 et que c’est la France, via l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), qui a été chargée par l’Efsa, avec la Pologne, de conduire cette évaluation. « Ainsi, depuis plus de sept ans, l’Anses sait que l’usage de cet herbicide entraîne une contamination inacceptable par le TFA », s’insurge-t-elle.
Cette requalification du flufénacet comme perturbateur endocrinien pourrait enfin faire bouger les lignes en forçant les autorités françaises à inclure le TFA à la liste des PFAS sous surveillance dans les eaux naturelles et potables. Jusqu’à, à terme, l’inclure systématiquement dans les molécules recherchées lors des contrôles sanitaires de l’eau potable en France. Ça va finir par arriver, parie Générations Futures, qui met en garde alors contre l’impasse réglementaire à venir.
Car il reste une question centrale : quelle limite de qualité réglementaire appliquer au TFA dans l’eau potable ? Tout dépend de la façon dont on classe le TFA : métabolite pertinent, c’est-à-dire potentiellement dangereux, ou simplement non pertinent.
Vers des eaux potables massivement non conformes ?
Si les autorités françaises appliquent bien la méthodologie d’évaluation proposée par l’Anses, il n’y a plus à tergiverser. Selon l’agence, dès lors qu’une substance active (ici le flufénacet) est un perturbateur endocrinien, alors « ses métabolites doivent être considérés par défaut comme pertinents ». Or, pour ceux-ci, la réglementation française prévoit une limite de qualité de 0,1 µg/l dans l’eau potable. En clair, si le TFA dépasse ce seuil, l’eau devrait être considérée comme « non conforme » à la norme de qualité. Et ça serait le cas pour une part très importante de l’eau potable en France, présage Générations Futures.
L’association s’appuie notamment sur les échantillons d’eau potable analysés par le réseau Pesticide Action Network (PAN) Europe dans une dizaine de pays de l’Union européenne, dont la France, entre mai et juin dernier. Cette limite de conformité de 0,1 µg/l était dépassée dans 86 % des cas et dans 3 échantillons d’eau testés dans l’Hexagone sur 4. Un taux de TFA de 2,1 µg/l a ainsi été retrouvé dans un échantillon d’eau du robinet prélevé à Paris, soit une teneur 20 fois supérieure au seuil de qualité. Dans un échantillon prélevé à Metz, on était à 0,5 µg/l. L’eau en bouteille n’est pas non plus épargnée. Sur 19 échantillons d’eaux en bouteille, des traces de TFA ont été retrouvées dans 12 d’entre eux. Certes, les teneurs moyennes retrouvées (278 ng/l) sont inférieures à celles de l’eau du robinet (740 ng/l). Tout de même, la plus haute concentration relevée sur ces 19 échantillons d’eaux minérales était de 3,2 µg/l. Bien au-dessus, donc, du seuil de 0,1 µg/l qui pourrait être retenu en France si le TFA est bien reconnu comme un métabolite pertinent du flufénacet.
Les producteurs d’eau potable confrontés à un dépassement de la limite de 0,1 µg/l pourront toujours demander aux préfets une dérogation, pour une durée maximale de 6 ans, leur permettant de distribuer une eau non conforme à la limite de qualité, précise Générations Futures. Mais à condition seulement qu’ils mettent en place des mesures visant à diminuer ces concentrations de TFA dans l’eau qu’ils distribuent. Or, les solutions techniques permettant d’éliminer les PFAS dans l’eau sont aujourd’hui loin d’être matures et dans tous les cas coûteuses et énergivores. Générations Futures y voit un argument de plus pour agir à la source sur cette pollution des eaux au TFA, en interdisant sans attendre, dans l’UE, le flufénacet.
vendredi 21 novembre 2025
Guerre en Ukraine : l'Europe et la trahison américaine
Ce n'est pas un plan de paix, mais les préparatifs d'une offensive russe décisive que propose Trump à l'Ukraine. L'Europe restera-t-elle sans rien faire devant ce qui ressemble à un nouveau Munich, s'interroge Dominique Moïsi (géopolitologue, conseiller spécial de l’Institut Montaigne.)?
« Donald Trump est-il un agent au service de Moscou ? ». C'était la question que je posais dans ma chronique en date du 21 février dernier, dans les colonnes des Echos. Cette interrogation est d'une troublante actualité au lendemain des révélations sur le très probable« Plan de Paix en vingt-huit points » sur l'Ukraine, distillé par la presse.
Il est difficile de voir en ce projet autre chose qu'un Plan Poutine. Son contenu, et plus encore presque, son calendrier, semblent correspondre, pour l'essentiel, aux intentions et aux intérêts du Maitre du Kremlin. Zelensky, au lendemain des révélations sur un scandale de corruption qui touche son entourage proche, n'a jamais paru plus vulnérable. Et la Russie multiplie les frappes sanglantes contre des objectifs civils ukrainiens.
Une trahison préparée de longue date
Le message est clair. « Vous n'allez pas sacrifier vos vies pour un régime corrompu ». « Vous avez perdu, capitulez, si vous ne voulez pas faire face à un hiver dans les ténèbres et le froid ». C'est ce moment privilégié vu de Moscou, que Trump choisit pour « trahir » ouvertement l'Ukraine. En février dernier, j'évoquais dans ma chronique, l'année 1756 et le concept de renversement d'alliance. L'Amérique s'aligne clairement sur l'agresseur, la Russie, au détriment de l'agressé, l'Ukraine, tout comme la France avait choisi hier l'Autriche au détriment de la Prusse. Cette trahison de Kiev par Washington semble avoir été préparée de longue date. Elle s'est avancée masquée, à l'abri depropos délibérément ambigus (« Poutine me mène en bateau… je suis très déçu par lui »).
Mais à la lecture du Plan Trump, qui n'est pour l'essentiel que la réitération du Plan Poutine, le doute n'est pas permis. Si Trump n'est pas un agent de Moscou au sens propre du terme, pourquoi se comporte-t-il comme s'il était le joker du Kremlin ? Est-il « tenu » par une Russie héritière de l'histoire et des méthodes de l'URSS qui a sur lui des secrets (de nature probablement plus financière que sexuelle) : une sorte de dossier Epstein bis ?
Ce que Washington s'apprêterait à proposer (à imposer ?) à Kiev n'est rien moins qu'une capitulation. L'acceptation des conquêtes territoriales réalisées par la Russie en près de quatre années de guerre, et même un peu plus, avec par exemple, il suffit de regarder les cartes, une frontière russe qui se rapprocherait dangereusement d'Odessa. Et la réduction de moitié de l'armée ukrainienne, ainsi que l'interdiction faite aux alliés de Kiev de livrer de nouvelles armes à l'Ukraine. Et tout cela contre « une garantie de sécurité » offerte par l'Amérique. Ce n'est pas un Plan de Paix, ce sont les préparatifs d'une nouvelle offensive, plus complète et plus décisive. Tout se passe, pour faire référence à l'Othello de Shakespeare, comme si Iago (Trump) offrait sa garantie de protection à Desdémone (Zelensky).
L'Histoire se répète
1938-2026 : l'Histoire ne balbutie pas. Elle se répète. Avec la même inexorable conclusion : la guerre qui vient. Munich hier, Kiev aujourd'hui. Le déshonneur aujourd'hui, la guerre demain. La « Ministre des Affaires étrangères de l'Europe », l'ancienne Première ministre d'Estonie, Kaja Kallas sait trouver les mots justes pour dénoncer cette « trahison ». Mais elle n'en « impose pas » face à Trump et Poutine. La féminité et la grâce en plus, le faux irénisme en moins, elle est plus proche de Daladier et de Chamberlain que de Churchill.
Sommes-nous à ce point aveugles pour ne pas voir que, comme en 1938, ce qui se profile à l'horizon c'est la guerre en Europe dans son ensemble ?
Il existe pourtant une différence majeure entre 1938 et 2025. En 1938, l'Amérique était la spectatrice de la trahison de l'Europe. En 2025, est-ce l'Europe qui sera la spectatrice de la trahison de l'Amérique ?
Ou bien un miracle peut-il se produire ? L'Europe saura-t-elle tirer les leçons de l'Histoire, galvanisée comme elle devrait l'être, par le courage et la résilience du peuple ukrainien ? Révulsée aussi par le comportement de l'Amérique, saura-t-elle dépasser ses divisions internes ? Et transcender ses problématiques anachroniques en substituant son aide et sa garantie à celle de l'Amérique ? Bref se comporter en adulte ?
La réponse devrait être simple, tant le défi est évident.
Une fois ayant transformé l'Ukraine en Biélorussie, la Russie n'en restera pas là. Sommes-nous à ce point aveugles pour ne pas voir que, comme en 1938, ce qui se profile à l'horizon c'est la guerre en Europe dans son ensemble ? Une guerre qui a déjà commencé, avec la stratégie de tension permanente mise en oeuvre par la Russie de Poutine. Nous avons la capacité de dire « Non » à ce très probable diktat américano-russe. En avons-nous la volonté ?
Dominique Moïsi est géopolitologue.
lundi 20 octobre 2025
Cour des comptes : rapport sur le réseau des chambres d'agriculture depuis leur régionalisation
Voir le récent rapport de la Cour des comptes. La partie sur l'accompagnement des transitions (phyto, eau, bio) commence p.61.
Les chambres d’agriculture, créées en 1851 et devenues dans les années 1960 un vecteur majeur du conseil aux paysans, jouent aujourd’hui encore un rôle central auprès des agriculteurs dans un contexte de transitions économique, sanitaire, environnementale et de souveraineté. Régies par le statut d’établissements publics et gouvernées par des élus, elles regroupent 100 établissements, emploient 8 200 salariés et disposent d’un budget annuel de près de 800 M€, financé pour les trois quarts par des ressources publiques. La Cour des comptes, dans son rapport, porte une appréciation sur leur fonctionnement et leur action, en examinant l’effectivité de leur structuration en « réseau des chambres d’agriculture », leur performance économique et financière, l’exercice des missions de service public, ainsi que la tutelle exercée par l’État. Si des avancées récentes sont à mettre à l’actif du ministère de l’agriculture et de Chambres d’agriculture France, des transformations restent nécessaires afin de renforcer la cohérence du réseau, l’accompagnement des agriculteurs dans les transitions et la responsabilité budgétaire, alors que le nombre de paysans continue de diminuer et que la part de l’agriculture dans le PIB s’est stabilisée à moins de 2 %.
Une régionalisation inaboutie
Depuis 2016, les pouvoirs publics ont poussé les chambres d’agriculture à renforcer leur échelon régional afin de gagner en efficacité, avec le décret du 13 mai 2016 imposant la mutualisation des services supports et la possibilité de fusionner les chambres départementales. En 2025, le paysage institutionnel reste pourtant marqué par des niveaux encore limités et disparates d’intégration : la plupart des chambres départementales ont conservé leur existence juridique pleine et entière et la mutualisation des fonctions demeure inégale et insuffisante. Cinq chambres de région ont bien été créées et certaines régions, comme la Bretagne, la Normandie ou les Pays de Loire, ont expérimenté une organisation plus intégrée, mais ailleurs la réforme se heurte à la persistance du fait départemental, voire à des résistances directes. A l’issue de la période couverte par le contrat d’objectifs et de performance (COP), de 2021 à 2025, la Cour souligne que les dispositions du décret doivent désormais être respectées sans délai et recommande de généraliser les chambres de région avec des chambres territoriales comme outil de proximité, de régionaliser la légitimité électorale et d’engager une réforme du financement par la taxe pour frais de chambres afin qu’elle relève du niveau national, comme dans les deux autres réseaux consulaires.
Une dynamique d’intégration dont la tête de réseau et l’État doivent encore pleinement s’emparer.
Le renforcement de l’efficacité du réseau des chambres d’agriculture passe par celui de sa tête et de ses moyens d’action, ainsi que par l’effectivité de la tutelle de l’État au niveau national et local. L’élaboration en 2019 d’un premier projet stratégique commun et, en 2021, d’un premier contrat d’objectifs et de performance signé avec l’État ont posé les bases d’une intégration renforcée. Depuis 2022, la tête de réseau dispose de compétences juridiques élargies et d’un pouvoir de sanction reconnu par la loi d’orientation agricole du 24 mars 2025, mais elle doit encore mieux faire respecter ses normes, assurer l’unification des systèmes d’information, moderniser la gestion des ressources humaines et immobilières, et développer les incitations financières à l’intégration. Le plein exercice de la tutelle reste un corollaire indispensable : la tutelle budgétaire doit être adaptée aux situations dégradées, la tutelle juridique clarifiée pour s’appliquer plus efficacement, et une tutelle « métiers » doit être structurée autour du prochain contrat d’objectifs. Enfin, une vigilance accrue est nécessaire face aux irrégularités constatées par la Cour, notamment en matière de gouvernance, de subventions syndicales, de participations financières, de fiscalité et de probité.
Des missions à recentrer sur l’accompagnement de l’agriculture française dans les transitions
Le réseau des chambres d’agriculture exerce aujourd’hui une grande diversité de missions. Celles-ci devront être recentrées sur quelques priorités claires autour de l’accompagnement des agriculteurs dans les transitions économique, sanitaire et environnementale. En matière de missions de service public, le réseau devra assumer à compter du 1er janvier 2026 de nouvelles responsabilités pour l’identification animale, et améliorer dès le 1er janvier 2027 sa contribution à l’installation et à la transmission des exploitations dans le cadre de France Services Agriculture. Le réseau et la tutelle devront s’assurer des moyens nécessaires à l’exercice de ces missions, en retraçant mieux l’évolution de l’impact de celles qui sont abandonnées ou transférées vers les chambres. Afin de mieux accompagner les agriculteurs dans les transitions, le déploiement d’un conseil global et stratégique, dans le cadre d’une offre nationale de services rationalisée, doit devenir une priorité affirmée du réseau et de l’État. La stratégie numérique devra également s’amplifier, notamment autour du portail « Mes Parcelles », afin de renforcer l’efficacité et la cohérence de l’action. Enfin, le réseau devra mieux répondre aux enjeux environnementaux par un engagement beaucoup plus marqué en faveur de l’agroécologie et de l’agriculture biologique, ainsi que dans la gestion de l’eau et de la forêt.
Une lisibilité financière et une efficience du réseau qui doivent progresser
La situation financière du réseau des chambres d’agriculture reste marquée par un manque de lisibilité et de fiabilité. La Cour a constaté la difficulté à consolider les comptes des différents niveaux malgré les travaux engagés pour automatiser la remontée des données d’ici 2026. Les produits du réseau se sont élevés à 794 millions d’euros en 2023, dont près des trois quarts issus de ressources publiques. Dans le même temps, les charges d’exploitation, dominées par les frais de personnel (56 % en moyenne, jusqu’à 70 % Outre-mer), ne diminuent pas. Si certaines chambres ont dégagé des excédents, près de 42 % étaient déficitaires en 2023. La situation est particulièrement fragile en Corse et Outre-mer, où la conjonction de difficultés structurelles agricoles et de choix de gestion discutables réduit la capacité contributive. Le prochain contrat d’objectifs et de performance devra fixer des cibles plus ambitieuses, garantir une comptabilité analytique fiable, généraliser la certification du service rendu et assurer le suivi des gains attendus de la mutualisation, qui n’a pas encore produit les économies espérées malgré un budget régional en hausse de 50 à 70 millions d’euros par an depuis 2017.
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