jeudi 10 octobre 2024

Les fleuristes, victimes ignorées des pesticides : « Si l’on m’avait mise en garde, ma fille serait encore là »

 Dès 2017, des tests menés par 60 millions de consommateurs sur des roses commercialisées par dix grandes enseignes en France révélaient la présence de quinze substances en moyenne par bouquet, dont certaines sont interdites par l’Union européenne (UE). Une étude, publiée en novembre 2021 dans la revue Environmental Pollution, a identifié l’usage de plus 200 pesticides pour la production ou la conservation des fleurs, dont 93 sont interdits par l’UE : près de la moitié de ces molécules très toxiques a été retrouvée dans des échantillons de fleurs vendues en Europe.

https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/10/09/les-fleuristes-victimes-ignorees-des-pesticides-si-l-on-m-avait-mise-en-garde-ma-fille-serait-encore-la_6347116_3244.html

jeudi 22 février 2024

La circulation océanique sur le point de s'effondrer et de modifier complètement le climat européen ?

 🌊La circulation océanique de retournement (AMOC) sur le point de s'effondrer et de modifier complètement le climat européen ? 🔬


Cette étude publiée dans Science Advances défraye la chronique et nécessite de s’y attarder un instant.

Elle montre que l'AMOC pourrait être sur le point de basculer. L’AMOC, c’est une des composantes clés de la circulation océanique de l'Atlantique, et donc une composante clé de nos climats européens actuels.

Un peu de contexte d'abord : dans son état normal, l'AMOC se compose d'une branche de surface : un export d'eau chaude et salée venant du golfe du Mexique, connu sous le nom de Gulf Stream. Cette masse d'eau océanique assure un apport d'énergie donnant à l'Europe occidentale son climat relativement chaud pour sa latitude. Au Nord de l'Atlantique, au large du Groënland, cette eau salée refroidit, et plonge, se prolongeant dans une longue branche profonde rapportant l'eau vers le bord Ouest du bassin Atlantique. Oui mais voilà, diluez cette eau salée en Atlantique Nord avec de l'eau douce (par exemple : l'eau issue de la fonte des glaciers du Groënland), et vous ralentirez de façon dramatique ce moteur important du chauffage permanent de l'Europe.

Plus exactement, cette étude montre que face à une augmentation lente de l'apport d'eau douce dans l'Atlantique Nord, l'AMOC montre des signes d'instabilité majeurs, qu'on appelle couramment "tipping points" : cette évolution, même progressive, provoquerait finalement un changement d'état abrupt et inattendu du système.

Cet apport d'eau douce a été reproduit dans un modèle de circulation globale qui tien compte des interactions océan-atmosphère et de leur complexité interne. Le résultat de la modélisation permet de donner une idée de la trajectoire et de signes précurseurs qui mèneraient au basculement. Et pour vous le dire sans détour : on trouve des signes précurseurs dans les tendances observées actuellement.

Les implications de ces résultats sont énormes, car un effondrement de l'AMOC entraînerait des changements climatiques dramatiques, en particulier en Europe du Nord, avec des variations de température de surface de l'ordre d'une dizaine de degrés dans des laps de temps trop courts pour adapter correctement notre agriculture et nos modes de vie. 

Certes, cette étude n'est pas appuyée sur une approche multi-modèles, qui renforcerait sa robustesse, et identifie un seuil de basculement qui correspond à un apport d'eau douce plus important qu'aujourd'hui (rappelons l'immense nappe de glace à la surface du Groënland qui n'attend que quelques dixièmes de degré supplémentaire pour fondre massivement), mais elle vient renforcer les avertissements précédents sur les points de basculement climatiques et souligne l'urgence d'agir et de réduire drastiquement les émissions de GES pour éviter une telle catastrophe.

lundi 4 décembre 2023

Le Japon et l'Europe réussissent un pas crucial vers le Graal de la fusion nucléaire

 Le plus grand réacteur expérimental à fusion nucléaire du monde a été inauguré, ce vendredi, au nord de Tokyo. Les chercheurs progressent vers la création d'une électricité décarbonée, générée en recréant la réaction physique qui fait briller et chauffer les étoiles.

Dans une machine haute de cinq étages, sorte de sphère autour d'un tore géant, les chercheurs japonais et européens viennent de réussir à générer, pour la première fois et pendant dix secondes le plasma - un nuage de gaz ionisé - nécessaire à la production, dans le futur, d'une énergie par fusion nucléaire. A une température de plus de 15 millions de degrés Celsius.

« Ce qui se passe ici aujourd'hui va avoir demain un impact sur la création de l'énergie de fusion pour l'humanité », s'est enthousiasmé Marc Lachaise, le directeur de « Fusion For Energy », venu assister, ce vendredi, à l'Institut national japonais pour la science et la technologie quantiques (QST) d'Ibaraki, à l'inauguration de ce grand réacteur expérimental baptisé « JT-60SA ».

En collaboration avec Iter

Si plusieurs nations ont déjà réussi à créer du plasma , aucune n'avait encore réussi à en produire dans d'aussi grandes quantités. « Nous avons réussi à générer un volume record de 160 mètres cubes, insiste Satoru Higashijima, l'un des cadres du QST. C'est un record et nous allons aller encore plus loin ».

La génération de ce plasma doit permettre d'affiner les technologies utilisées dans Iter, le réacteur de fusion expérimental , deux fois plus grand, en cours de construction à Cadarache, en France, dans le cadre d'un projet de coopération internationale regroupant l'Union européenne et le Japon mais également la Chine, la Corée du Sud ou encore les Etats-Unis. 

« Le JT-60SA n'a pas vocation à produire de l'énergie mais à produire du plasma et à apprendre à le contrôler », insiste Sam Davis, l'un des chefs du projet, détaché sur place par l'organisation européenne Fusion for Energy.

« Les connaissances que nous accumulons ici vont servir au développement d'Iter puis de son successeur Demo », détaille le chercheur. La machine Demo utilisera, à l'horizon 2050, la chaleur phénoménale que permet la fusion pour produire de la vapeur puis de l'électricité, grâce à des turbines et à des alternateurs classiques.

« Le Graal »

Tous ces développements doivent permettre d'enfin maîtriser la fusion nucléaire, ce graal de la transition énergétique promettant une électricité décarbonée, très abondante, sans matière fissile et peu génératrice de déchets nucléaires.

Au QST, les scientifiques planchent sur cette technologie depuis des décennies avec l'espoir d'arriver à recréer artificiellement la réaction physique qui se déroule au coeur du soleil.

Alors que les réacteurs actuels produisent de l'énergie par fission nucléaire - en cassant des noyaux d'atomes lourds -, la fusion nucléaire vise, elle, à récupérer la gigantesque énergie dégagée lorsque des noyaux légers se percutent à très grande vitesse et fusionnent, dans un phénomène similaire à celui qui crée la lumière et la chaleur des étoiles.

De nombreux obstacles

Pour obtenir cette réaction de fusion, les chercheurs du JT-60SA font « chauffer » au sein de leur machine géante, baptisée un « tokamak », de l'hydrogène et du deutérium (un isotope stable de l'hydrogène) pour créer un plasma qu'il confine et stabilise en lui imposant des champs magnétiques extrêmement puissants.

Ces champs sont générés par une vingtaine de bobines supraconductrices géantes, dont la moitié ont été produites à Belfort par GE Power, sous la responsabilité du CEA. Au sein d'Iter, le plasma sera, pour plus d'efficacité, composé de deutérium et de tritium, un isotope plus coûteux, plus radioactif et quasi inexistant dans la nature .

Si la performance du QST est célébrée par l'industrie comme un progrès historique, il ne marque qu'une étape sur le chemin délicat de la fusion nucléaire et arrive très en retard sur les plans initiaux des scientifiques.

Immense défi

Le JT-60SA aurait dû, théoriquement, être mis en service en 2016. Mais il a accumulé des problèmes de conception, d'approvisionnement en combustible avant d'être retardé par le grand séisme de 2011 sur la côte nord-est du Japon, dont il est proche. Suite à des essais en 2021, les équipes ont aussi dû revoir la sécurité de l'alimentation des bobines magnétiques supraconductrices.

Tous les autres grands projets de réacteurs à fusion actuellement développés dans le monde, soit par des agences gouvernementales, soit par des entreprises privées, se heurtent à des obstacles techniques similaires. Prévu à l'origine pour 2025, le premier plasma du réacteur Iter ne devrait ainsi pas être généré avant le début des années 2030.

mardi 18 juillet 2023

Restera-t-il assez d'eau pour refroidir les centrales nucléaires dans un pays qui connaîtra de plus en plus de sécheresses ?

De Monsieur JANCOVICI

Restera-t-il assez d'eau pour refroidir les centrales nucléaires dans un pays qui connaîtra de plus en plus de sécheresses ? Cette question m'ayant été posée "un certain nombre de fois", comme aurait dit Fernand Raynaud, voici une étude de la Société Française d'Energie Nucléaire (https://t.ly/iUQ_ ) sur la question.


Commençons par rappeler quelques ordres de grandeur :

- notre pays reçoit chaque année 200 milliards de m3 (Mds m3) d'eau douce renouvelable (https://t.ly/-luO )

- les activités humaines en prélèvent environ 30, mais seulement 4 ne sont pas retournées au milieu. L'agriculture représente 60% de ces 4

- le nucléaire en prélève 13, mais seuls 0,4 ne sont pas retournés au milieu

- le débit du Rhône est d'environ 1000 m3/s (https://t.ly/DLfy )

- pour la Loire c'est environ le tiers.

Là-dessus il faut rajouter en ce qui concerne les centrales :

- celles en bord de mer, et 3 en bord de Rhône, prélèvent l'eau pour refroidir l'installation et rejettent ensuite la totalité de l'eau un peu réchauffée (de quelques degrés) dans la mer ou le fleuve. On les appelle "en circuit ouvert". Elles demandent environ 50 m3/s d'eau par réacteur (de 2 à 5 par centrale) fonctionnant à pleine puissance. La température maximale de rejet est réglementée pour des raisons de préservation des écosystèmes, et c'est l'impossibilité de franchir cette valeur (et non l'absence d'eau) qui a été le premier facteur limitant des étés passés. Pour la mer il n'y a pas de problème de disponibilité de l'eau, et pour le Rhône il faudrait que le débit tombe sous les 200 m3/s pour que cela empêche "physiquement" de faire fonctionner les réacteurs à pleine puissance (sachant que l'été on utilise environ 2 fois moins d'électricité que l'hiver, et que c'est aussi le moment des arrêts pour maintenance).

- les autres centrales en bord de fleuve disposent de tours de refroidissement : elles prélèvent environ 2 m3/s par réacteur à pleine puissance, et en évaporent environ 0,7 - la vapeur au-dessus des tours - pour refroidir l'installation. Là aussi il faut que le débit du fleuve baisse d'un facteur 10 pour que ce soit l'absence d'eau qui limite la production.

Admettons que cela arrive (ce qui ne peut pas se produire en bord de mer) : que se passe-t-il ? A ce moment on baisse la production pour limiter l'eau prélevée, et au pire on l'arrête.

Dans ce dernier cas, la puissance thermique du réacteur est divisée par 200 après un jour et 1000 après un mois (https://t.ly/0yBFZ ). Il faut donc 200 à 1000 fois moins d'eau pour le refroidir (et éviter l'accident), soit 200 à 40 litres/s par réacteur sur le Rhône (1000 à 200 robinets domestiques ouverts) et 10 à 2 ailleurs (50 à 10 robinets ouverts).

Même en cas de baisse des précipitations en France ces volumes resteront disponibles (sinon le pays devient semi-désertique et c'est une autre histoire !). Le risque est donc, à ce jour, celui d'une baisse de la production (comme pour l'hydro), mais pas un problème majeur de sûreté (ouf).

Les fleuristes, victimes ignorées des pesticides : « Si l’on m’avait mise en garde, ma fille serait encore là »

  Dès 2017, des tests menés par  60 millions de consommateurs  sur des roses commercialisées par dix grandes enseignes en France révélaient ...