jeudi 24 février 2022

La plus haute juridiction administrative française donne neuf mois à l'État pour prendre des mesures pour lutter contre le réchauffement climatique, suite à la saisine pour "inaction climatique" de la commune de Grande-Synthe en 2019, confirmant le sens d'une précédente décision.

 C'est un ultimatum, clair et net. L'État est sommé de prendre, dans les neuf mois qui viennent, "toutes les mesures utiles" pour atteindre l'objectif de baisse de 40% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, a ordonné jeudi le Conseil d'État dans une décision sans précédent. La plus haute juridiction administrative française, saisie par la commune de Grande-Synthe, qui s'estime menacée par la montée du niveau de la mer, a relevé que les trajectoires actuelles de la France ne lui permettent pas de respecter ses engagements dans le cadre de l'accord de Paris.


Elle ordonne donc "au Premier ministre de prendre toutes mesures utiles permettant d'infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre (...) afin d'assurer sa compatibilité avec les objectifs" de la France d'ici le 31 mars, délai qui expirera donc en pleine campagne présidentielle. 


Cette décision, inédite en France, intervient juste après que le Haut conseil pour le Climat (HCC) a estimé une nouvelle fois mardi dans son rapport annuel que "les efforts actuels sont insuffisants pour garantir l'atteinte des objectifs" de la France. Et ce malgré une baisse des émissions de -1,9% en 2019 et de -9,2% estimé pour 2020, chiffre exceptionnel dû à la mise à l'arrêt de l'économie par la pandémie de Covid-19. Trajectoire d'autant plus difficile à respecter que l'Union européenne s'apprête à revoir à la hausse ses objectifs avec des répercussions attendues pour la France.

mercredi 23 février 2022

GAFA plus puissants que jamais

 Avec 243 milliards de dollars de bénéfices en 2021, Google, Apple, Facebook et Amazon disposent de moyens inédits pour poursuivre leur expansion.

Les superlatifs commencent à manquer pour décrire la force économique et financière des géants du numérique. L’habituelle saison de la publication des résultats annuels des entreprises du monde entier est l’occasion de s’en rendre compte : Apple détient pour l’instant le record de bénéfice net de 2021 (exercice clos fin septembre), avec 94 milliards de dollars (82,7 milliards d’euros), alors que Google a engrangé 76 milliards, Facebook 39 milliards et Amazon 33 milliards, soit 243 milliards au total.


A l’aune de ce contexte, les bénéfices record des grandes firmes françaises, qui font polémique en cette période de campagne présidentielle, sembleraient presque limités : 16 milliards de dollars pour TotalEnergies et 156 milliards au total pour les 40 groupes de l’indice CAC 40. Apple et les autres géants du numérique se rapprochent du record de bénéfices de tous les temps : 111 milliards en 2018 pour le groupe pétrolier public saoudien Saudi Aramco.

Malgré les perturbations économiques de la pandémie de Covid-19, malgré la pression des autorités pour les réguler, les GAFA semblent avoir encore franchi un palier, même si Facebook a vu son cours en Bourse se tasser en raison de doutes sur ses outils de publicité ciblée. Leurs chiffres d’affaires – les 469 milliards de dollars d’Amazon, 365 pour Apple – tutoient celui du leader de la grande distribution Walmart, champion 2021 avec 559 milliards de dollars.

Quant à leurs marges opérationnelles – entre 31 % et 41,8 % pour Apple, Meta (Facebook) et Alphabet (Google) –, elles dépassent souvent celle du leader français du luxe LVMH (26,7 %). Et encore davantage la marge moyenne des 500 entreprises cotées aux Etats-Unis regroupées dans l’indice boursier S&P 500 : 13,5 % au deuxième trimestre 2021, selon l’agence Reuters.

Autre signe du dynamisme du numérique : Amazon a embauché 810 000 personnes depuis mars 2020, portant ses effectifs à 1,6 million, un chiffre proche du premier employeur de la planète, Walmart (2,2 millions). Ces performances – et les liquidités déversées sur les marchés – maintiennent les GAFA sur un Himalaya boursier : Apple est devenue en janvier la première entreprise à passer temporairement la barre des 3 000 milliards de dollars de capitalisation. Les GAFA trustent, avec Microsoft, cinq des dix premières capitalisations mondiales.


Reflet d’un succès économique, ce gigantisme devient toutefois un enjeu en tant que tel. La puissance des géants du numérique leur permet de se diversifier et se renforcer toujours plus, soit en investissant, soit en rachetant des entreprises : ils en ont avalé 607 au total. Et malgré la vigilance accrue des autorités, les rachats se poursuivent. Un argument de plus pour les partisans d’une régulation urgente des GAFA.



lundi 21 février 2022

Une vaste étude confirme les risques de cancer encourus par les agriculteurs français

 De nouveaux résultats du suivi de 180 000 éleveurs et cultivateurs dénombrent une proportion accrue de lymphomes, leucémies ou cancers de la prostate, notamment chez ceux exposés aux pesticides.

Lymphomes, leucémies, mélanomes, tumeurs du système nerveux central ou cancers de la prostate : une grande part des activités agricoles comportent des risques accrus de développer certaines maladies chroniques. C’est le constat saillant du dernier bulletin de la cohorte Agrican, adressé mercredi 25 novembre aux 180 000 adhérents de la Mutuelle sociale agricole (MSA) enrôlés dans cette étude épidémiologique, la plus importante sur le sujet conduite dans le monde.

Plus d’une décennie après le lancement de ce travail de longue haleine, c’est le troisième bulletin publié par les chercheurs chargés du projet, et le premier à pouvoir associer finement des pathologies cancéreuses à certaines tâches et activités remplies par les agriculteurs, en production animale et végétale. Il se fonde sur plus d’une dizaine d’articles de recherche publiés au cours des dernières années dans la littérature scientifique internationale. Plus d’un million de personnes en activité en France, exploitants ou salariés d’exploitations, sont concernées.

Le premier constat est néanmoins que les membres de la cohorte ont un taux de mortalité plus faible de 25 % environ à la population générale. Un chiffre que les chercheurs invitent à considérer avec précaution, en raison du biais dit du « travailleur en bonne santé », bien connu des épidémiologistes. En effet, les cohortes de travailleurs comme Agrican rassemblent par construction des populations en situation de travailler, donc ne souffrant pas d’un certain nombre d’affections.

Autre constat, qui semble au premier abord contre-intuitif : celui d’une incidence légèrement moindre des cancers chez les agriculteurs par rapport à la population générale : respectivement 7 % et 5 % de cancers en moins chez les hommes et les femmes de la cohorte. « Attention : s’appuyer sur ces chiffres pour prétendre que les activités agricoles ne présentent aucun risque cancérogène est facile mais trompeur, car cela occulte le fait que les agriculteurs forment une population dont les habitudes et les conditions de vie sont différentes de la population générale, avec certains facteurs de risque moins fréquents, prévient l’épidémiologiste Pierre Lebailly, chercheur au Centre François-Baclesse (université de Caen, Inserm), initiateur et principal investigateur d’Agrican. En particulier, les agriculteurs ont une alimentation différente, ils sont moins sédentaires et fument moins que le reste de la population. » De même, ils ne sont pas exposés au même type de pollution atmosphérique que celle des grandes concentrations urbaines.

Six cancers plus fréquents

Sans surprise, ces caractéristiques sont illustrées par la sous-représentation de plusieurs cancers chez les agriculteurs : poumon, larynx, œsophage, foie, vessie, etc., dont une grande part sont liés au tabac ou à la sédentarité. A l’inverse, plusieurs cancers du sang (lymphomes, myélomes), les cancers de la prostate, de la peau et des lèvres sont plus fréquents chez les agriculteurs. Au total, six cancers sont retrouvés en excès dans la cohorte, par rapport à la population générale, et quatorze y sont moins fréquents.

Pour déterminer les risques liés à certaines activités ou à l’utilisation de pesticides, explique M. Lebailly, « il faut faire les comparaisons au sein de la cohorte, c’est-à-dire estimer les différences de probabilité de développer telle ou telle maladie entre les membres de la cohorte qui réalisent telle ou telle tâche, et ceux qui ne la réalisent pas ».

« Nous avons examiné treize cultures et cinq types d’élevages, résume l’épidémiologiste Isabelle Baldi (université de Bordeaux), co-investigatrice de la cohorte. Toutes sont associées à un surrisque d’au moins un cancer. » Parmi les maladies les plus représentatives du milieu agricole, les lymphomes non hodgkiniens, myélomes et certaines leucémies sont associées à un grand nombre d’activités : l’application d’antiparasitaires sur le bétail, l’enrobage des semences avant le semis, la pulvérisation de pesticides en champ et en arboriculture, ou encore la désinfection des bâtiments d’élevage. Ces résultats renforcent les éléments de preuve de l’impact sanitaire des pesticides sur leurs utilisateurs, les liens entre pesticides et hémopathies malignes étant déjà solidement établis. Plusieurs types de lymphomes sont considérés depuis 2015 comme maladies professionnelles pour les travailleurs au contact des pesticides et peuvent ainsi conduire à l’indemnisation des malades.

L’application de pesticides en plein champ ou sur les arbres fruitiers, l’utilisation de produits antiparasitaires sur les bovins et les porcins sont également associées à un risque accru de cancer de la prostate. « Les arboriculteurs réalisant des traitements pesticides ou des récoltes sur plus de 25 hectares ont un doublement de risque » de voir survenir cette maladie, écrivent les chercheurs. Un point particulièrement préoccupant : le cancer de la prostate étant le plus fréquent chez l’homme, une telle élévation de risque produit un grand nombre de cas supplémentaires. Il n’est pas considéré comme une maladie professionnelle, bien que l’association mise en évidence par Agrican soit « cohérente avec le résultat de nombreuses autres études », écrivent les chercheurs.

Maladie de Parkinson

Bien moins banales, les tumeurs du cerveau et système nerveux central (gliomes et méningiomes) ne font pas partie des maladies surreprésentées en moyenne chez les agriculteurs par rapport à la population générale. Ils n’en restent pas moins associés à certaines activités. « Les analyses ont permis de montrer une association entre les tumeurs du système nerveux central et le travail au contact des porcs ou de certaines cultures, telles que le tournesol, les betteraves et les pommes de terre pour les méningiomes, et les prairies pour les gliomes, lit-on dans le bulletin. Elles ont également mis en évidence que les utilisateurs de pesticides avaient en moyenne deux fois plus de risque de développer une tumeur du système nerveux central que les autres participants de la cohorte. »

Ce n’est pas une surprise. Une vingtaine d’autres études épidémiologiques indiquent des associations entre pesticides et ces tumeurs, notent les chercheurs. La cohorte Agrican a permis d’affiner cette connaissance en isolant une famille de molécules utilisées depuis plusieurs décennies comme pesticides : les carbamates, qu’ils soient insecticides, fongicides ou herbicides, et dont l’un des principaux représentants, le mancozèbe, vient de perdre son autorisation en Europe. Les données d’Agrican suggèrent également que certains de ces produits sont aussi associés, de même que le diquat, le paraquat et la roténone, à la maladie de Parkinson. Celle-ci a d’ailleurs été classée, en 2012, comme maladie professionnelle des travailleurs au contact de pesticides.

Ces données permettent-elles d’estimer le fardeau des maladies attribuables au travail agricole ? Les chercheurs n’ont pas fait cet exercice délicat. Mais en janvier 2018, une mission de l’inspection générale des affaires sociales avait « librement extrapolé » les données d’Agrican à l’ensemble des personnes affiliées à la MSA. Elle avait conclu qu’au sein de cette population, 2 300 lymphomes non hodgkiniens et myélomes étaient imputables à une exposition aux pesticides. A partir d’autres données, la mission avait estimé que 9 000 à 10 000 cas de Parkinson, dans cette population, étaient également attribuables aux « phytos ».

jeudi 10 février 2022

Une algue rouge invasive détectée au large de l’île de Port-Cros

 Lophocladia lallemandii, une algue rouge filamenteuse originaire de la mer Rouge et de l’océan Indien a été détectée pour la première fois dans les eaux du Parc national de Port-Cros, par des chercheurs de l’Institut méditerranéen d’Océanologie.  Le réchauffement actuel des eaux méditerranéennes a sans doute favorisé la progression vers le Nord de cette espèce habituellement rencontrée dans les eaux chaudes.

La mer Méditerranée est la région du monde qui héberge le plus grand nombre d’espèces introduites. Le canal de Suez  permet l’entrée d’espèces provenant de la mer Rouge et de l’océan Indien. Le trafic maritime et la culture de coquillages provenant notamment du Japon et de Corée, constituent aussi des vecteurs importants d’introduction de nouvelles espèces.

Lophocladia lallemandii, une algue rouge filamenteuse originaire de la mer Rouge et de l’océan Indien, est invasive en Méditerranée depuis le début du XXe siècle. Jusqu’alors confinée dans les eaux relativement chaudes du bassin oriental et du Sud du bassin occidental de la Méditerranée, elle a été identifiée dans l’archipel de Port-Cros le 15 décembre 2021.

Les agents du Parc national de Port-Cros et les scientifiques de l’Institut méditerranéen d’Océanologie effectuaient alors une plongée pour suivre l’évolution des populations de Grande Nacre, victimes d’un parasite mortel qui a décimé un grand nombre d’individus ces dernières années.

Des conséquences pour les écosystèmes locaux

Les spécialistes ont eu la surprise de découvrir plusieurs tapis de Lophocladia lallemandii, entre 3 et 8 m de profondeur.

Cette algue rouge, capable de coloniser la plupart des types de substrat, est une espèce dite «  invasive », susceptible de perturber le fonctionnement des écosystèmes locaux. En effet, elle produit des molécules toxiques qui la préservent de la prédation et son développement en tapis peut devenir si dense qu’elle pourrait entrainer d’importants dégâts notamment au sein des prairies de Posidonie. Mais ces observations devront être confirmées par de nouvelles études afin de mieux cerner l’ampleur de son implantation et d’appréhender les conséquences de l’arrivée de cette espèce sur le territoire.

Les fleuristes, victimes ignorées des pesticides : « Si l’on m’avait mise en garde, ma fille serait encore là »

  Dès 2017, des tests menés par  60 millions de consommateurs  sur des roses commercialisées par dix grandes enseignes en France révélaient ...